COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2021
(Rédacteur : Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller)
No RG 20/05302 - No Portalis DBVJ-V-B7E-L3K6
Madame [U] [O]
c/
Syndic. de copro. [Adresse 3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 décembre 2020 (R.G. 19/07285) par le Juge de l'exécution de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 24 décembre 2020
APPELANTE :
[U] [O]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me SAMMARCELLI de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Le Syndicat des Copropriétaires de l'Immeuble situé [Adresse 5], prise en la personne de son syndic bénévole, Madame [Q] [F], demeurant ès qualités [Adresse 2]
Représentée par Me RACINAIS substituant Me Pascal SZEWCZYK de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Madame Catherine LEQUES, Conseiller,
Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE.
Déclarant agir en vertu d'un jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux du 24 octobre 2017, revêtu de la formule exécutoire le 3 novembre 2017, Mme [U] [O] a, le 9 juillet 2019, fait dresser par huissier, un procès verbal de saisie attribution entre les mains de 1'étude de l'office notarial de la SCP [G] et à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] pour avoir paiement de la somme de 29 395,75 euros.
Cette mesure d'exécution a été dénoncée au débiteur le 12 juillet 2019. Me [M] [I] a déclaré détenir des comptes créditeurs à hauteur d'environ 33 000 euros.
Par acte du 7 août 2019, le syndicat des copropriétaire de l'immeuble a assigné Mme [O] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de contester cette mesure d'exécution forcée.
Par jugement du 8 décembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a:
- déclaré la contestation du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] recevable,
- débouté le syndicat des copropriétaires de1'immeuble situé [Adresse 5] de l'ensemble de ses demandes,
- validé la saisie attribution pratiquée le 9 juillet 2019 par Mme [U] [O] à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5],
- débouté Mme [U] [O] de sa demande tendant à voir ordonner le versement par le tiers saisi à Mme [O] de la somme de 29 395,75 euros,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] à payer à Mme [U] [O] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais de la saisie attribution,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l'article R 121-21 du code des procédures civiles d'exécution.
Mme [O] a interjeté appel du jugement le 24 décembre 2020, appel limité en ce que le tribunal a déclaré la contestation du syndicat des copropriétaires recevable et l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner le versement par le tiers-saisi de la somme de 29.395,75 euros.
Par ordonnance du 28 janvier 2021 l'audience des plaidoiries a été fixée au 7 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 février 2021, Mme [O] demande à la cour de:
- réformer le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] de ses contestations à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée à la requête de Mme [O] le 9 Juillet 2019,
- dire que cette saisie-attribution est régulière et fondée et qu'elle doit produire son entier effet.
- ordonner en conséquence le versement par le tiers saisi à Mme [O] de la somme de 29.395,75 euros,
- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 mars 2021, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- dire que les fonds saisis sont indisponibles aux profit de tiers en vertu de l'opposition sur le prix de vente signifiée le 4 février 2019 par le syndicat des copropriétaires à la SCP [G],
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de cette saisie attribution,
- ordonner la libération des fonds détenus par la SCP entre les mains du syndicat des copropriétaires,
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner le cantonnement de la saisie attribution signifiée le 9 juillet 2019 à la somme de 6.501,81 euros,
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de cette saisie attribution pour le surplus,
- ordonner la libération des fonds détenus par la SCP, sous déduction de la somme de 6 501,81 euros, entre les mains du syndicat des copropriétaires.
En tout état de cause,
- condamner Mme [O] à lui payer, une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [O] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens développés par chacune des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2021.
MOTIFS DE LA DECISION.
Sur la saisie-attribution pratiquée par Mme [O] entre les mains du syndicat des copropriétaires.
Aucune contestation n'est soulevée en appel sur la validité de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2019 par Mme [O] entre les mains de l'étude de l'office notarial chargé de la vente par Mme [O] de lots dont elle est propriétaire dans l'immeuble situé [Adresse 4].
C'est de façon contradictoire que le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande la mainlevée de la saisie-attribution alors que le juge de l'exécution a validé la saisie-attribution et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Seul est discuté le caractère indisponible des fonds sur lesquels a été pratiquée la saisie-attribution, avec comme conséquence la mainlevée éventuelle de la saisie-attribution et la libération des fonds sur lesquels l'opposition du syndicat des copropriétaires a été formée.
Mme [O] conteste que l'opposition pratiquée par le syndicat des copropriétaires ait eu pour effet de rendre indisponibles les fonds saisis, faisant valoir que les fonds détenu par le notaire par l'effet de l'opposition devaient être remis au syndicat des copropriétaires en sorte que ces fonds sont détenus pour le compte du syndicat des copropriétaires mais ne sont pas indisponibles, rien ne justifiant de cantonner la saisie qui est régulière et fondée.
Le syndicat des copropriétaires se prévaut du privilège spécial du syndicat des copropriétaires en application de l'article 2374 du code civil, lequel ne peut être anéanti par un copropriétaire par le biais d'une saisie-attribution, et fait valoir que Mme [O] n'ayant pas contesté l'opposition pratiquée par le syndicat des copropriétaires, celle-ci a rendu les fonds revendiqués par Mme [O] indisponibles.
Le juge de l'exécution, dans les dispositions non critiquées de son jugement, a rejeté la demande de nullité de la saisie-attribution susvisée jugeant que l'opposition pratiquée par le syndicat des copropriétaires sur les fonds provenant de la vente des lots en application de l'article 20 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la présente espèce rendait indisponible tout ou partie du prix de vente, cette indisponibilité paralysant l'effet attributif de la saisie-attribution sans faire obstacle à sa validité, a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution et de libération des fonds formée par le syndicat des copropriétaires, a également rejeté la demande de cantonnement de la saisie-attribution à hauteur de 6501,79 euros formée par le syndicat des copropriétaires et débouté Mme [O] de sa demande de versement par le tiers-saisi de la somme de 29.395,75 euros.
Le syndicat des copropriétaires a formé en application de l'article 20 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la présente espèce, par acte du 4 février 2019, opposition au prix de vente des lots par Mme [O].
L'article L211-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose en son alinéa 1 que l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires.
L'effet attributif de la saisie-attribution suppose que les sommes saisies soient disponibles.
Le syndicat des copropriétaires avait fait pratiquer antérieurement à la saisie-attribution, le 4 février 2019,une opposition sur le prix de vente des lots de copropriété de Mme [O], pour la somme de 50.395,98 euros au titre des charges de copropriété pour les années 2018 et 2019, en application de l'article 20 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la présente espèce .
L'article 19-1 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 a institué au bénéfice des syndicat des copropriétaires un privilège spécial, lequel est fixé au deuxième rang par l'article 2374 du code civil.
Aux termes de l'article 20 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 , "Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l'ancien propriétaire. Cette opposition contient élection de domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble et à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance. Les effets de l'opposition sont limités au montant ainsi énoncé.
Tout paiement ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation des dispositions de l'alinéa précédent est inopposable au syndic ayant régulièrement fait opposition.
L'opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre du privilège mentionné à l'article 19-1".
Aux termes de l'article 2374 du code civil, le syndicat des copropriétaires dispose sur le prix du lot vendu, d'un privilège pour le paiement des charges et travaux mentionnés à l'article 10, au c du II de l'article 24 et à l'article 30 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et des cotisations au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 de la même loi, relatifs à l'année courante et aux quatre dernières années échues ainsi que des dommages et intérêts alloués par les juridictions et des dépens.
L'opposition sur le prix de vente d'un lot de copropriété, modalité de mise en oeuvre du privilège du syndicat, entraîne l'indisponibilité du prix de vente, le notaire ne pouvant verser les fonds au syndic de copropriété avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de l'opposition formée par le syndicat.
En l'espèce, l'opposition a été formée le 4 février 2019 et la saisie-attribution a été pratiquée le 9 juillet 2019, postérieurement au délai de 3 mois pour contester l'opposition, aucune contestation n'ayant en l'espèce été élevée par Mme [O]. Cependant, on ne saurait ainsi que le fait Mme [O], en tirer la conséquence que le prix de vente n'était plus indisponible mais conservé pour le compte du syndicat des copropriétaires.
En effet, l'effet attributif de la saisie-attribution n'a pu renaître une fois écoulé le délai de trois mois pour contester l'opposition, lequel délai est un délai pour agir et Mme [O] s'est alors trouvée dans la position d'un créancier saisissant chirographaire venant en concours avec le syndicat des copropriétaires bénéficiant du privilège de l'article 2374 du code civil.
La saisie-attribution n'ayant pas d'effet attributif, Mme [O] est mal fondée à solliciter qu'elle produise plein et entier effet. La demande de versement de la somme 29.395,75 euros est donc mal fondée et doit être rejetée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [O] à ce titre.
Sur la demande de libération des fonds détenus par le notaire au syndicat des copropriétaires.
Le syndicat des copropriétaires demande que soit ordonnée la libération des fonds détenus par le notaire sous déduction de la somme de 6501,81 euros entre ses mains.
Le titre exécutoire sur le fondement duquel a été pratiquée la saisie-attribution litigieuse est un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 4 octobre 2017 ayant condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [O] une somme de 17.640 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'une perte de loyers ainsi qu'une somme de 7215,27 euros en remboursement du coût de mesures conservatoires.
Le syndicat des copropriétaires se prévaut d'un procès-verbal d'assemblée générale du 14 février 2018 aux termes duquel Mme [O] aurait accepté la minoration des sommes qui lui sont dues, du fait de la spécialisation des charges par bâtiment concerné et d'en supporter une quote-part en sorte que le syndicat des copropriétaires ne lui serait plus redevable que d'une somme de 6501,79 euros.
Mme [O] conteste l'interprétation faite par le syndicat des copropriétaires de l'assemblée générale du 14 février 2018.
En tout état de cause, en raison de l'absence d'effet attributif de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2019 par Mme [O], le privilège du syndicat des copropriétaires doit recevoir application. En conséquence, les fonds sur lesquels l'opposition a été formée doivent être remis par le notaire entre les mains du syndicat des copropriétaires, ce qui implique la mainlevée de la saisie-attribution.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution et la demande du syndicat des copropriétaires de sa demande de libération des fonds.
Il sera fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires tendant à voir ordonner la main-levée et la libération entre ses mains des fonds détenus par le notaire sera ordonnée.
Sur les demandes accessoires.
Partie perdante, Mme [O] sera condamnée aux dépens et à verser au syndicat des copropriétaires une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
contradictoire
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Mme [U] [O] de sa demande tendant à voir ordonner le versement par le tiers saisi de la somme de 29.395,75 euros,
L'infirme s'agissant des autres chefs du dispositif dont appel,
Statuant à nouveau du seul chef des dispositions critiquées,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2019 par Mme [U] [O] entre les mains de 1'étude de l'office notarial de la SCP Philippe Dambier-Pierre Houzelot - Fabrice Gauthier - Hervé Desqueyroux-Antoine Magendie -Edouard Bentejac- Olivier Lasserre-Sebastien Cetre-Sebastien Artaud et à l'encontre du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] pour avoir paiement de la somme de 29 395,75 euros,
Ordonne la libération des fonds détenus par1'étude de l'office notarial de la SCP [G] entre les mains du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] à hauteur de s créance,
Condamne Mme [U] [O] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [U] [O] au dépens d'appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE