COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2021
(Rédacteur : Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller)
No RG 18/02567 - No Portalis DBVJ-V-B7C-KNGO
Monsieur [C] [M]
Madame [U], [D] [R] épouse [M]
c/
SARL CITY PROMOTION BS
SNC LES JARDINS DU CLOS PASTEUR
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 février 2018 (R.G. 16/10749) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 02 mai 2018
APPELANTS :
[C] [M]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
[U], [D] [R] épouse [M]
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Marie RAYSSAC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SARL CITY PROMOTION BS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
ès qualité de liquidateur amiable de la société LES JARDINS DU CLOS PASTEUR, S.N.C, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le no 789 347 580, dont le siège social est [Adresse 5]), domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
SNC LES JARDINS DU CLOS PASTEUR prise en la personne de son liquidateur amiable la société CITY PROMOTION BS, S.A.R.L, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le no 513 764 621, dont le siège social est [Adresse 4]), domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Madame Catherine LEQUES, Conseiller,
Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [C] [M] et Mme [U] [R] épouse [M] ont acquis le 3 juillet 2014 un ensemble immobilier auprès de la SNC Les Jardins du Clos Pasteur.
Confrontés à partir du mois de novembre 2014 à des désordres d'inondation de leur véranda par les eaux usées et alors qu'ils avaient fait procéder le 12 novembre 2014 à un hydrocurage du réseau d'assainissement, de nouveaux désordres sont apparus le 3 février 2015 nécessitant une nouvelle intervention plus approfondie au cours de laquelle il fut révélé la présence d'une fosse septique non raccordée au réseau public d'assainissement.
M. et Mme [M] ont fait dresser un constat d'huissier puis fait intervenir la société SGACUB qui a préconisé des travaux de raccordement, ayant sollicité l'organisation d'une expertise amiable auprès de leur assurance protection juridique qui a mandaté le cabinet Polyexpert. L'expert a établi son rapport en date du 23 février 2016.
Par acte du 26 octobre 2016, M. et Mme [M] ont assigné la société City Promotion BS prise en sa qualité de liquidateur de la SNC Les Jardins du Clos Pasteur devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'obtenir réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison du vice caché affectant l'immeuble acquis le 3 juillet 2014.
Par jugement du 14 février 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- condamné la société Les Jardins du Clos Pasteur représentée par son liquidateur la SARL City Promotion BS à payer la somme de 6190,91 euros à M. et Mme [M] ;
- débouté M. et Mme [M] du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamné la société Les Jardins du Clos Pasteur représentée par son liquidateur la SARL City Promotion BS à leur payer la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société Les Jardins du Clos Pasteur représentée par son liquidateur la SARL City Promotion BS à payer la somme aux entiers dépens en ce non compris les frais du constat d'huissier.
M. et Mme [M] ont interjeté appel du jugement par déclaration du 2 mai 2018.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 24 décembre 2018, M. et Mme [M] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le vice caché affectant leur immeuble,
Le réformant pour partie :
- condamner la société City Promotions BS, prise en sa qualité de liquidateur de la Société Les Jardins du Clos Pasteur à leur verser les sommes de :
- 11.449,81 euros sur le fondement du vice caché,
- 3.000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 205,59 euros au titre des frais de constat,
- 2.400 euros pour la surconsommation d'eau,
- 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de la société Les Jardins du Clos Pasteur
- la condamner aux dépens,
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2019, la société Les Jardins du Clos Pasteur représentée par son liquidateur la société City Promotion BS demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance du 14 février 2018 en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 6 190,91 euros, la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens,
En conséquence :
- débouter M et Mme [M] de toutes leurs demandes ;
A titre subsidiaire :
- limiter leur indemnisation à la somme de 5460,91 euros TTC ;
- les condamner au paiement d'une somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens développées par chacune des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2021.
MOTIFS DE LA DECISION.
Le tribunal a, se fondant sur le constat réalisé par la société SGACUB retenu l'existence d'un vice caché affectant l'immeuble acquis par M. et Mme [M] et chiffré aux sommes de 5640,91 euros et 550 euros leur préjudice constitué par les frais de raccordement à réaliser, rejetant leur demande en paiement d'une somme de 3524,09 euros, dépense intégrée dans la facture de raccordement de 5640,91 euros ainsi que leur demande au titre des dépenses d'eau supplémentaires et du préjudice de jouissance.
M. et Mme [M] discutent devant la cour le montant des sommes allouées en réparation de leur préjudice tandis que la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur conteste l'existence d'un vice caché, faisant valoir que le rapport d'expertise amiable n'est pas contradictoire à son égard, que l'acte de vente ne précise pas que le raccordement doit être effectué au réseau public, que le non-raccordement au réseau d'assainissement n'est pas constitutif d'un vice et que l'article 1644 du code civil exige que dans le cadre d'une action estimatoire telle qu'exercée par M. et Mme [M] une expertise judiciaire est nécessaire pour évaluer le préjudice.
Sur l'existence du vice caché.
Aux termes de ‘article 1641 du code civil , "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus".
L'acte de vente en date du 3 juillet 2014 contient une clause intitulée "Assainissement"aux termes de laquelle "le vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l'immeuble vendu est raccordé au réseau d'assainissement mais ne garantit aucunement la conformité de l'installation aux normes actuellement en vigueur.
Il déclare également :
- ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec cette installation,
- qu'il n'a reçu des services compétents de mise en demeure de mettre l'installation en conformité avec les normes existantes...".
Contrairement à ce que soutient la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur dans ses écritures, bien qu'il ne soit pas expressément indiqué que le réseau de raccordement est le réseau collectif, la notion même de "raccordement au réseau" utilisée signifie un raccordement au réseau public d'assainissement sans laisser la possibilité d'un système d'assainissement autonome individuel, d'autant plus que la clause susvisée prévoit ensuite que "l'acquéreur est dûment informé de l'obligation faite à tout propriétaire de maintenir en bon état de fonctionnement les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement et déclare être averti que la Commune peut contrôler la qualité de l'exécution de ces ouvrages et vérifier leur maintien en bon état de fonctionnement...".
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier en date du 3 février 2015 dressé au [Adresse 2] la présence d'une fosse et du rapport de contrôle de raccordement de l'immeuble au réseau public d'assainissement établi le 20 aôut 2015 par Bordeaux Métropole une absence de branchement de la fosse en service au réseau des eaux usées.
Le rapport de la société Polyexpert n'est pas joint à la pièce no9 qui est un courrier adressé par le cabinet Polyexpert à l'assureur de protection juridique de M. et Mme [M].
En tout état de cause, l'absence de raccordement de la fosse sceptique au réseau public d'assainissement n'est pas contesté par la City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur et ressort suffisamment du rapport de non-conformité établi par Bordeaux Métropole.
Les relevés d'intervention de la société "Assainissement bordelais" pour débouchage à l'aide d'un camion hydrocureur le12 novembre 2014 pour pomper la fosse sceptique le 2 février 2015 et pour effectuer des travaux de recherche de l'origine du problème le 8 février 2015 établissent suffisamment l'existence d'un défaut grave de l'immeuble vendu par la SNC Le Clos Pasteur à M. et Mme [M] lequel, diminuant tellement l'usage de la chose vendue, la rend impropre à sa destination.
Ainsi que l'a indiqué à juste titre le premier juge, la présence de ce défaut ne pouvait être décelé par l'acquéreur au moment de l'achat, alors que l'acte mentionnait clairement que l'immeuble était raccordé au réseau public d'assainissement, n'étant pas contesté que ce défaut est antérieur à la vente.
L'absence de raccordement de l'immeuble au réseau public d'assainissement est ainsi constitutif d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un tel vice.
Sur le préjudice subi par M. et Mme [M].
Aux termes de l'article 1644 du code civil , "Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix."
Il est exact ainsi que le soutient la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur que l'action exercée par M. et Mme [M] est une action estimatoire, M. et Mme [M] ne sollicitant pas la résolution de la vente mais l'indemnisation du préjudice causé par le vice caché, une telle demande s'analysant en une demande de restitution de partie du prix de vente. L'article 1644 modifié par la loi no 2015-177 du 16 février 2015, ne prévoit plus l'exigence d'une appréciation de la restitution à dire d'expert ainsi que le soutient à tort la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur en sorte que ce moyen doit être écarté.
En l'espèce, le tribunal a chiffré la restitution du prix à la somme totale de 6190,91 euros, M. et Mme [M] sollicitant que le jugement soit réformé et qu'une somme totale de 11.449,81 euros leur soit allouée, la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur demandant que si le principe de l'indemnisation était retenu, celle-ci soit limitée à cette somme.
M. et Mme [M] produisent une facture correspondant aux travaux de raccordement au tout à l'égout d'un montant de 5690,91 euros TTC ainsi qu'une facture 550 euros retenues par le tribunal et sollicitent en sus le paiement des factures de 3524,09 euros et 484 euros. La facture émise par Bordeaux Métropole correspond aux frais de raccordement avec le réseau public eaux usées lesquels sont distincts du coût des travaux réalisés sur la parcelle de M. et Mme [M]. Il convient donc de faire droit à la demande à ce titre à hauteur de 3524,09 euros.
La demande relative au pompage de la fosse sceptique d'un montant de 484 euros effectué le 4 février 2015 est également justifiée, ces frais ayant été entraînés par l'absence de raccordement au tout-à-l'égout. Il y sera donc fait droit.
La somme de 6190,91 euros n'étant pas contestée par la City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur, la demande de M. et Mme [M] est justifiée à hauteur de (6190,91+3524,09+484)10.749 euros au titre de la restitution du prix de vente au titre du vice caché.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à M. et Mme [M] une somme de 6190,91 euros et il sera statué à nouveau sur ce point, la somme de 10.749 euros sera allouée à M. et Mme [M].
Par contre la demande au titre des frais de surconsommation d'eau qui ne sont justifiés par aucune pièce doit être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant du trouble de jouissance dont la demande a été rejetée par le tribunal, M. et Mme [M] sollicitant une somme de 3000 euros à ce titre, il est incontestable que l'absence de raccordement au tout à l'égout a généré un désagrément pendant 10 mois, les travaux de raccordement au tout à l'égout ayant été réalisés au mois de mai 2015, constitutive d'un trouble de jouissance. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre, le préjudice de jouissance de M. et Mme [M] sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 500 euros
M. et Mme [M] sollicitent en sus le remboursement des frais de constat d'huissier. Il s'agit de frais irrépétibles qui entrent dans l'appréciation de la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qui sera ci-dessous examinée.
Sur les demandes accessoires.
Partie perdante, la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à M. et Mme [M] une indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur à payer à M. [C] [M] et Mme [U] [R] épouse [M] une somme de 6190,91 euros et en ce qu'il a rejeté leur demande au titre du préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,
Condamne la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur à payer à M. [C] [M] et Mme [U] [R] épouse [M] la somme de 10.740 euros au titre de la restitution du prix de vente au titre du vice caché affectant l'immeuble et une somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
Condamne la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur à payer à M. [C] [M] et Mme [U] [R] épouse [M] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société City Promotion BS représentant la SNC Le Clos Pasteur aux dépens.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE