COUR D'APPEL DE BORDEAUX
--------------------------
ARRÊT DU : 08 OCTOBRE 2021
(rédacteur : Roland POTEE, président de chambre)
No de rôle : No RG 20/04869 - No Portalis DBVJ-V-B7E-L2GF
S.A. GMF ASSURANCES
c/
[N] [P]
CPAM DES LANDES
Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT
SUR RENVOI DE CASSATION
RENVOI A LA CONFERENCE DE MISE EN ETAT
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Aux avocatsDécision déférée à la Cour : arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation du 5 novembre 2020 (H 18-25.723) cassant l'arrêt de la Cour d'appel de TOULOUSE 1ère chambre section 1 du 15 octobre 2018 (RG 16/02840) après un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation du 14 février 2016 (F 15-16.625) cassant un arrêt de la Cour d'appel de PAU 2ème chambre section 1 du 9 mars 2015 (RG 13/03659) sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de DAX du 2 octobre 2013 (RG 13/00215), par déclaration de saisine du 7 décembre 2020
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
S.A. GMF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal,
domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
représentée par Me Marie-Cécile GARRAUD membre de la SCP DEFFIEUX - GARRAUD - JULES, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et assistée de Me Elisabeth LAJARTHE membre de la SCP de CAUNES-FORGET, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :
Monsieur [N] [P]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Victoire DEFOS DU RAU membre de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et assistée de Me Bertrand DEFOS DU RAU membre de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX, avocat plaidant
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]
non représentée, assignée à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 septembre 2021 en audience solennelle et publique, devant la Cour première et troisième chambres réunies, composée de :
Isabelle GORCE, première présidente,
Véronique LEBRETON, première président de chambre,
Roland POTEE, président de chambre,
Isabelle DELAQUYS, conseillère,
Catherine LEQUES, conseillère,
désignés par ordonnance de la première présidente en date du 1er juillet 2021.
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Martine MASSÉ
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M.[N] [P], a été victime le 9 novembre 2010 d'un grave accident de la circulation qui l'a rendu paraplégique.
Il était assuré au titre de la garantie conducteur auprès de la société GMF ASSURANCES (ci après la GMF).
Par jugement rendu le 2 octobre 2013 du tribunal de grande instance de DAX a fixé le préjudice subi par M.[P] comme suit:
- dépenses de santé actuelles : 190.234,94 € dont 173.845 € revenant à la CPAM des LANDES et la somme de 16.434,49 € à M.[N] [P] ;
- dépenses de santé futures : 95.418,60 € représentant le montant de la créance de la CPAM ;
- perte de gains professionnels actuels: 21.600 € dont 19.869,50 € revenant à la CPAM et la somme de 1.730,50 € à M.[P] ;
- perte de gains professionnels futurs: 64.489,92 € représentant le montant de la créance de la CPAM ;
- frais de logement adapté : 565.451,80 € ;
- frais de véhicule adapté : 7.121,25 € ;
- frais d'assistance tierce personne : 855.594,79 € dont 252.761,81 € revenant à la CPAM des LANDES et la somme de 603.0332, 98 € à M.[P] ;
- déficit fonctionnel permanent : 300.000 € ;
Le tribunal a condamné en conséquence la GMF à payer à M.[P] les sommes lui revenant avec exécution provisoire à hauteur de 50% et il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, notamment la demande de plafonnement de la garantie à un million d'euros formée par la GMF en application d'une clause contractuelle de limitation de sa garantie.
Par arrêt du 9 mars 2015, la cour d'appel de PAU a réformé partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, elle a:
- mis hors de cause la CPAM des LANDES et déclaré la décision opposable à la CPAM du LOT ;
- rejeté la demande de M.[P] au titre des frais divers ;
- fixé le préjudice subi au titre des frais de relogement adapté à la somme de 443.641,44€ ;
- fixé le préjudice subi au titre des frais d'assistance tierce personne à la somme de 981.650,88 € dont 252.561,81 € soumis au recours de la CPAM du LOT et 729.089,07€ devant revenir à M.[P] ;
- fixé le préjudice au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 3580.851,16 € dont 64.489,92 € soumis au recours de la CPAM et 294.361,24 € devant revenir à M.[P] ;
- fixé le préjudice au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 50.000 € ;
- dit n'y avoir lieu à application d'une limitation du montant des garanties souscrites :
- condamné en conséquence la GMF à payer à M.[P] la somme totale de 1.333.591,70 € après déduction des sommes versées et imputation de la créance de la CPAM du LOT ;
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012 ;
- constaté que la créance de la CPAM du LOT s'élève à 606.110,28 € ;
- condamné la société GMF à payer à M.[P] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur pourvoi de la GMF et par arrêt du 14 avril 2016, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 9 mars 2015, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application d'une limitation du montant de la garantie souscrite et condamne la société GMF ASSURANCES à payer à M.[P] la somme de 1.333.591,70 € déduction des provisions déjà versées et imputation de la créance de la sécurité sociale.
La cour de cassation s'est déterminée par les motifs suivants, au visa de l'article 455 du code de procédure civile:
"Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à M.[P] la somme de 1.333.591,70€ après déduction des provisions déjà versées et imputation de la créance de la sécurité sociale, l'arrêt énonce qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la clause de limitation de la garantie à 1.000.000 € dont l'assureur se prévaut, faute pour lui de démontrer par les documents versés aux débats et notamment les exemplaires des conditions particulières du contrat qui n'ont pas date certaine et ne portent pas la signature de l'assuré, que cette limitation est entrée dans le champ contractuel ;
Constatant ainsi sans répondre aux moyens de l'assureur qui faisait valoir que les conditions générales du contrat, dont l'assuré se prévalait, prévoyait que la garantie constructeur était plafonnée à un montant indiqué dans les conditions particulières ce dont il déduisait que l'assuré avait connaissance de l'existence d'un plafond de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".
Par arrêt du 15 octobre 2018, la cour d'appel de Toulouse devant laquelle l'affaire avait été renvoyée, a :
- infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de DAX le 2 octobre 2013, - dit qu'il y a lieu de faire application de la clause plafonnant la garantie du conducteur à un montant de 1.000.000 € (un million d'euros) ;
- condamné en conséquence la GMF à payer cette somme à M. [P] ;
- Y ajoutant, a condamné M.[P] aux dépens exposés devant la cour d'appel de renvoi et a rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Sur pourvoi de M.[P] et par arrêt du 5 novembre 2020, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux.
La cassation est intervenue, au visa de l'article 1134, alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du 1145 même code, et les articles L. 112-2, L. 112-3 et L. 112-4 du code des assurances, pour les motifs suivants:
" En vertu de ces textes, une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.
Pour dire y avoir lieu de faire application de la clause plafonnant à 1.000.000 euros le montant de la garantie du conducteur souscrite par M. [P] et limiter en conséquence à cette somme la condamnation de la société GMF assurances en indemnisation de son préjudice, l'arrêt énonce que les conditions générales du contrat d'assurance, invoquées par les parties, prévoient que la garantie souscrite est limitée à un montant indiqué dans les conditions particulières.
L'arrêt ajoute que M. [P] a nécessairement reçu un exemplaire de ces conditions particulières, qui font partie du contrat d'assurance et ont pour objet d'adapter les garanties définies dans les conditions générales à sa situation spécifique et à celle du risque assuré, et relève à cet égard que l'intéressé ne produit ni cet exemplaire ni aucun autre document contractuel signé par lui et déterminant le risque assuré, telle la proposition d'assurance sur la base de laquelle le contrat a été conclu, qui viendraient contredire les conditions particulières à effet du 21 septembre 2010 produites par l'assureur, fixant le plafond de la garantie du conducteur à 1.000.000 euros.
La décision en déduit que, quand bien même ces conditions particulières, qui ont été éditées le lendemain de l'accident afin de vérifier l'étendue des garanties en vigueur à la date du sinistre, ne sont pas revêtues de la signature de l'assuré, elles lui sont opposables.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'assureur rapportait la preuve, lui incombant, que M. [P] avait eu connaissance, avant l'accident dont il a été victime, du montant du plafond dont cet assureur se prévalait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."
Sur déclaration de saisine après cassation formée le 7 décembre 2020 par la GMF, l'affaire a été fixée à l'audience du 10 septembre 2021 par ordonnance du 2 février 2021, en application des dispositions des articles 778, 905 et 1037-1 du code de procédure civile.
La GMF demande à la cour, par dernières conclusions du 16 août 2021de :
RÉFORMER le jugement rendu le 2 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de DAX en ce qu'il a rejeté l'application du plafond de limitation de garantie à 1 million d'euros.
REJETER l'appel incident de Monsieur [P].
Statuant de nouveau,
CONSTATER la validité de la clause stipulant un plafond de garantie.
FAIRE application du plafond de limitation de garantie à 1 million d'euros.
STATUER ce que de droit quant aux dépens.
M. [P] demande à la cour, par dernières conclusions du 3 août 2021 de :
Déclarer l'appel de la compagnie GMF infondé et la débouter de toutes ses demandes.
Confirmer le jugement entrepris dans sa fixation des indemnités dues à M.[P] au titre des Dépenses de santé actuelles, les pertes de gains professionnels actuels, les dépenses de santé futures, les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté, le Déficit Fonctionnel permanent,
Réformer le jugement entrepris pour le surplus,
Condamner la GMF à payer à M. [N] [P], après recours de la CPAM, les indemnités suivantes :
1o/ - Dépenses de santé actuelles :
- 190.234,94 € - 173.800,45 € (recours CPAM) confirmation................ 6.434,49 €
2o/ - Frais divers : Faisant droit à l'appel incident???????.?? .168,88 €
3o/ - Perte de gains professionnels actuels :
- 21.600,00 €- 19.869,50 € (recours CPAM) confirmation.......................1.730,50 €
4o/ - Dépenses de santé futures :
- 217.688,58 € -95.418,60€ (recours CPAM) = réformation......... ........22.269,98 €
5o/ - Frais de logement adapté : confirmation..??????.???..65.451,89 €
6o/ - Frais de véhicule adapté : confirmation............................................7.121,25 €
7o/ - Frais d'assistance tierce personne : réformation.
- 1.969.537 €- 252.561,81 € (recours CPAM) ................................. 1.716.975,20 €
- subsidiairement 1.477.153 - 252.561,81 = ..................................... .224.591,20 €
8o/ - Perte de gains professionnels futurs : appel incident.
- 443.930,32 € - 64.489,92 € (recours CPAM) réformation =............ 379.440,40 €
9o/ - Incidence Professionnelle: réformation.......................................... 50.000,00 €
10o/ - Déficit fonctionnel permanent 75 % : confirmation................... 300.000,00 €
Condamner la Compagnie GMF à payer à M.[N] [P] une indemnité de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Le litige porte essentiellement sur l'opposabilité de la clause limitative de garantie d'un million d'euros invoquée par la GMF au titre de la garantie conducteur.
L'application de cette clause figure aux conditions générales du contrat qui ne sont pas contestées par M.[P] et qui renvoient, pour le montant du plafond de garantie, aux conditions particulières qui le fixent à un million d'euros en vertu d'un avenant du 21 septembre 2010, produit par la GMF mais non signé par l'assuré lequel conteste l'avoir connu et accepté en considérant, contrairement à l'assureur, que la clause de limitation de garantie inscrite aux conditions générales ne peut produire aucun effet, faute de preuve que l'assuré a eu connaissance des conditions particulières fixant le principe et le montant de la limitation.
L'avenant à effet du 21 septembre 2010 produit par la GMF en pièce 3 porte le numéro de contrat 27.629703.91L et il est relatif à un véhicule Peugeot 206 HDI acquis en avril 2010 et immatriculé 9011 GV 09.
M.[P] s'est prévalu, au cours de la procédure antérieure, d'un avenant établi le 9 octobre 2009 qu'il a produit en original devant la cour d'appel de Pau, laquelle a appliqué cet avenant pour juger dans son arrêt du 3 juillet 2013, comme le lui demandait M.[P], que les conditions générales 1818/2018 visées dans cet avenant prévoyaient bien la garantie des frais de logement adapté, la cour précisant qu'il importait peu que l'avenant ne soit pas revêtu de la signature de l'intéressé dès lors qu'il avait été exécuté et accepté par l'assuré qui, par ailleurs produisait l'original de l'exemplaire qui lui a été remis.
La GMF produit en pièce 6 la copie de la page 2 de cet avenant qui lui avait été communiquée en pièce 142 par M.[P] lors des débats devant la cour d'appel de Pau.
La cour constate que cette pièce constitue la seconde et dernière page des conditions particulières du contrat AUTO PASS portant le même numéro de contrat 27.629703.91L que celui de l'avenant du 21 septembre 2010 invoqué par la GMF.
Cette seconde page ne mentionne pas à quel véhicule s'applique les conditions particulières de l'avenant et il n'est produit par ailleurs devant la cour aucune pièce permettant d'identifier le véhicule impliqué dans l'accident dont M.[P] a été victime ainsi que les références du contrat d'assurance de ce véhicule, les procès verbaux d'enquête n'étant pas communiqués.
Il apparaît ainsi utile à la solution du litige, avant dire droit, d'inviter M.[P] à produire les deux pages en original de l'avenant du 9 octobre 2009 qu'il avait produit devant la cour d'appel de Pau dans la procédure no12/3808, d'inviter la GMF à produire également, en tant que de besoin, cet avenant en copie recto-verso et d'ordonner enfin la production par la partie la plus diligente, de l'intégralité des procès-verbaux de police ou de gendarmerie établis lors de l'accident de la circulation du 9 novembre 2010.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
AVANT DIRE DROIT
Ordonne la production par M.[P] des deux pages en original de l'avenant du 9 octobre 2009 qu'il avait produit devant la cour d'appel de Pau dans la procédure no12/3808 ;
Invite la GMF à produire également les deux pages de cet avenant en copie ;
Ordonne la production par la partie la plus diligente, de l'intégralité des procès-verbaux de police ou de gendarmerie établis lors de l'accident de la circulation du 9 novembre 2010 dont M.[P] a été victime ;
Renvoie l'affaire à la conférence de mise en état du 10 décembre 2021 à 8 heures 30, salle A ;
Réserve les dépens ;
Le présent arrêt a été signé par Isabelle GORCE, première présidente, et par Martine MASSÉ, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La première présidente,