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15/01/2020 | FRANCE | N°17/02433

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 15 janvier 2020, 17/02433


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 15 JANVIER 2020



(Rédacteur : Monsieur Gérard PITTI, Vice- Président placé )





N° RG 17/02433 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JZMB







Monsieur [X] [P]





c/



SAS M+ MATERIAUX























Nature de la décision : AU FOND











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Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2017 (R.G. 2017F00127) par la 3 ème Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 19 avril 2017









APPELANT :



Monsieur [X] [P], né le [Date naissance...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 JANVIER 2020

(Rédacteur : Monsieur Gérard PITTI, Vice- Président placé )

N° RG 17/02433 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JZMB

Monsieur [X] [P]

c/

SAS M+ MATERIAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2017 (R.G. 2017F00127) par la 3 ème Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 19 avril 2017

APPELANT :

Monsieur [X] [P], né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Jean-Philippe BOUARD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS M+ MATERIAUX ,dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Maître Christine COMBEAU de la SCP KPDB, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 novembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Gérard PITTI, Vice- Président placé chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI Vice Président Placé

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société BATSUP ENERGIE a entretenu des relations commerciales suivies avec la société M+ MATERIAUX. A la date du 27 janvier 2016, la société BATSUP ENERGIE était débitrice à l'égard de la société M+ MATERIAUX d'une somme de 147.696,95 €. Suivant moratoire signé le même jour, la société BATSUP ENERGIE, représentée par son gérant Monsieur [X] [P], s'est engagée à régler sa dette à la société M+ MATERIAUX en 24 règlements de 6.154,02 € chacun.

La société BATSUP ENERGIE a émis, en exécution de ce moratoire, 22 lettres de change acceptées, d'un montant de 6.154,02 € chacune, que Monsieur [X] [P] avait avalisées. Ces lettres de change sont revenues impayées.

Par jugement en date du 1er décembre 2016, tribunal de commerce de BORDEAUX a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société BATSUP ENERGIE.

La société M+ MATERIAUX a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.

Le 22 décembre 2016, la SAS M+ MATERIAUX a mis en demeure M. [P] de lui adresser la somme de 92.310,30 euros au titre de l'aval qu'il avait donné sur 15 lettres de change.

Par exploit d'huissier de justice du 26 janvier 2017, la société M+ MATERIAUX SAS a fait assigner M. [P] devant le tribunal de commerce de BORDEAUX aux fins de voir condamner ce dernier à lui verser les sommes suivantes :

- 92.310,30 € correspondant au montant de 15 lettres de change impayées,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] [P] n'a ni comparu ni été représenté à l'audience du 14 février 2017 devant le tribunal de commerce de BORDEAUX.

Par jugement du 28 février 2017, le tribunal de commerce de BORDEAUX a condamné M. [P] à verser à la société M+ MATERIAUX les sommes suivantes :

- la somme de 92.310,30 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2006,

- la somme de 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Monsieur [P] a interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2017.

Par conclusions signifiées le 12 juillet 2017, Monsieur [P] demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris et de :

- débouter la société M+ MATERIAUX de sa demande de condamnation à son encontre;

- en toute hypothèse, dire et juger que les lettres de change correspondant aux pièces 4 à 6 adverses, n'étant pas signées, ne peuvent valoir comme lettres de change et les déclarer nulles et de nul effet ;

- constater que le montant de 92.310,30 € est disproportionné au regard de la situation patrimoniale et des revenus de Monsieur [P] ;

- dire et juger que la société M+ MATERIAUX a engagé sa responsabilité et la condamner à payer la somme de 92.310,30 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société M+ MATERIAUX à payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre principal, Monsieur [P] expose qu'il n'a pas le souvenir d'avoir signé la moindre traite le 22 juillet 2016, ce d'autant qu'à cette date il n'était plus gérant de la SARL BATSUP.

Il ajoute ne pas avoir non plus souvenir d'avoir signé des 'traites à vue'. Il précise que les seules traites dont il se souvient avoir signé sont celles de mars 2016 pour le même montant de 6.154,02 euros, dont toutes avaient une date d'échéance ultérieure.

Il soutient qu'il ne comprend pas à quoi correspondraient ces 15 traites signées en juillet 2016, pour un montant total de 92.310,30 € et il conclut, en l'état, au rejet des prétentions de la société M+ MATERIAUX. Par ailleurs, il sollicite, par voie de sommation séparée, la communication de quelques originaux aux fins d'examen.

En toute hypothèse, M. [P] fait valoir que l'examen des pièces communiquées par la société M+ MATERIAUX montrerait que les traites constituant les pièces,4,5 et 6 de la partie adverse ne mentionneraient pas l'identité du bénéficiaire alors que la création de lettres de change en blanc serait interdite. Il conclut donc au rejet de ces trois lettres de change.

A titre subsidiaire, M. [P] soutient que la jurisprudence retiendrait la responsabilité du créancier qui exigerait d'une personne qu'elle donne son aval en garantie d'une lettre de change dont le montant serait disproportionné au regard des ses biens et revenus. Il précise que le montant ne devrait pas être apprécié au regard de chaque lettre de change mais au regard de l'ensemble des lettres de change qui auraient été signées le même jour, étant payables à vue, pour un montant total de 92.310,30 € alors qu'il ne disposerait lui-même d'aucun patrimoine propre significatif. Il prétend ainsi que la responsabilité de la société M+ MATERIAUX serait engagée de nature à ce qu'elle soit condamnée à la somme de 92.310,30 euros à titre de dommages-intérêts, laquelle viendrait en compensation de la condamnation qui pourrait être prononcée, le cas échéant, à son encontre.

Par conclusions d'intimé signifiées le 5 septembre 2017, la SAS M+ MATERIAUX demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que Monsieur [P] était tenu à son égard en sa qualité d'avaliste.

- le réformer quant au montant de la condamnation prononcée à son encontre.

En conséquence,

- condamner Monsieur [P] à lui payer la somme principale de 135.388,44 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016.

- condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur l'émission des traites, la société M+ MATERIAUX expose qu'elle produit aux débats un moratoire signé par Monsieur [P] en qualité de gérant de la société BATSUP ENERGIE le 27 janvier 2016 prévoyant 24 règlements de 6.154,02 € chacun ainsi que 22 traites de ce montant acceptées et avalisées par Monsieur [P]. Elle précise que le fait que la date du 18 mars apparaisse dans le relevé de compte de la société BATSUP ENERGIE n'aurait strictement aucune incidence sur la validité de ces lettres de change et que cette date correspondrait à la date initialement prévue pour la signature de ces lettres de change et qui aurait été finalement retenue dans l'enregistrement de sa comptabilité.

Quant aux pièces n° 4, 5 et 6 contestées par la partie appelante , elle prétend que le cachet du bénéficiaire, à savoir le cachet de la société M+ MATERIAUX, apparaitrait sur la totalité des 22 lettres de change litigieuses, en ce compris les trois traites litigieuses.

S'agissant de sa responsabilité mise en cause par M. [P], la société M+ MATERIAUX soutient que ce dernier entendrait se voir appliquer les dispositions protectrices du code de la consommation qui interdirait à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement d'une personne physique quand celui-ci est manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la personne engagée. Toutefois, elle fait valoir que lorsqu'il garantit le paiement d'un

effet de commerce, l'aval constituerait un engagement cambiaire qui serait régi par des règles propres du droit du change et l'avaliste ne bénéficierait ainsi pas des dispositions protectrices du code de la consommation. Elle soutient ainsi que M. [P] ne serait pas fondé à se prévaloir du caractère disproportionné de son engagement eu égard à ses biens et revenus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2019.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 27 novembre 2019 et mise en délibéré ce jour.

SUR CE,

Il ressort des pièces produites aux débats par la SAS M+ MATERIAUX que Monsieur [X] [P], en sa qualité de gérant de la société BAT SUP, a signé un moratoire en date du 27 janvier 2016 aux termes duquel il reconnaissait que la société BATSUP était redevable envers la SAS M+ MATERIAUX d'une somme de 147.696,95 euros. Il est stipulé dans ce moratoire que, ne pouvant faire face à ses engagements, la société BAT SUP proposait à son créancier, qui a accepté cette proposition, de s'aquitter de sa dette en 24 réglements de 6.154,02 euros, qui seront versés à partir du 15 février 2016, tous les 15 du mois. Ce moratoire a été signé par la SAS M+ MATERIAUX mais également par M. [P] pour le compte de la société BAT SUP avec la mention apposée par M. [P] au dessus de sa signature 'Lu et approuvé. Bon pour reconnaissance de dette sur la somme de 147696,95 (cent quarante sept mille six cent quatre vingt seize euros et 95 centimes)'.

Par ailleurs, il est également établi par la SAS M+ MATERIAUX que la société BATSUP ENERGIE a émis, en exécution du moratoire susvisé du 27 janvier 2016, 22 lettres de change acceptées d'un montant de 6.154,02 € chacune, que le gérant, Monsieur [X] [P], avait chacune avalisées en datant, signant et en apposant la mention 'Bon pour aval'. La SAS M+ MATERIAUX démontre, par la production des 22 avis d'incident d'effet de commerce émanant de sa banque SOCIETE GENERALE, que l'ensemble de ces lettres de change est revenu impayé.

Il convient de relever que si M. [P] ne se souvient plus avoir signé les lettres à vue produites aux débats par la SAS M+ MATERIAUX, il n'a néanmoins ni contesté avoir signé le moratoire du 27 janvier 2016 ni les 22 lettres de change avalisées par lui. En sus, contrairement à ses allégations, les trois lettres de change figurant sur les pièces 4,5 et 6 communiquées par la SAS M+ MATERIAUX font bien apparaître cette dernière comme étant la bénéficiaire de ces lettres de change avec la présence du cachet de la société M+ MATERIAUX.

Par ailleurs, M. [P] ne saurait utilement rechercher la responsabilité de sa créancière, en ce que cette dernière aurait exigé de lui qu'il donne son aval en garantie d'une lettre de change dont le montant est dispoportionné eu égard à sa situation financière et patrimoniale, alors que l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres au droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à en invoquer la disproportion manifeste à ses biens et revenus en application des règles propres au cautionnement. Dès lors, la demande de M. [P] tendant à retenir la responsabilité de la SAS M+ MATERIAUX sera rejetée.

Il résulte de ce qui précède qu' il convient de confirmer le jugement entrepris, sauf sur le montant de la créance allouée à la SAS M+ MATERIAUX, et de condamner en conséquence Monsieur [P] à verser à cette dernière la somme de 135.388,44 euros, correspondant aux 22 lettres de changes de 6.154,02 euros chacune avalisées par M. [P] et non réglées par ce dernier.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal, à compter du 22 décembre 2016, date de la mise en demeure, pour la somme de 92.310,30 €, et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus.

M.[P], partie succombante devant la présente instance, supportera la charge des dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Enfin, les circonstances de l'espèce commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en effet inéquitable de laisser à la charge de la SAS M+ MATERIAUX la totalité des frais qu'elle a dû supporter dans le cadre de la présente instance. Dès lors, M. [P] sera condamné à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme les dispositions du jugement entrepris sauf sur le montant de la somme allouée à la SAS M+ MATERIAUX;

Infirme les dispositions du jugement entrepris dans cette limite;

Statuant à nouveau:

Condamne Monsieur [X] [P] à verser à la SAS M+ MATERIAUX la somme de 135.388,44 euros (cent trente cinq mille trois cent quatre vingt-huit euros et quarante quatre centimes), avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016 pour la somme de 92.310,30 €, et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus;

Déboute Monsieur [X] [P] de l'ensemble de ses demandes;

Y ajoutant :

Condamne Monsieur [X] [P] à payer à la SAS M+ MATERIAUX la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [X] [P] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert CHELLE, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/02433
Date de la décision : 15/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°17/02433 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-15;17.02433 ?
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