La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2020 | FRANCE | N°17/02096

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 07 janvier 2020, 17/02096


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020



(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)





N° RG 17/02096 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JYS5







Madame [H] [C] [E] épouse [S]





c/



La SARL PILOTE 2000























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2017 (R.G. 2015F00440) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 05 avril 2017





APPELANTE :



Madame [H] [C] [E] épouse [S], née le [Date naissance 1]...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° RG 17/02096 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JYS5

Madame [H] [C] [E] épouse [S]

c/

La SARL PILOTE 2000

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2017 (R.G. 2015F00440) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 05 avril 2017

APPELANTE :

Madame [H] [C] [E] épouse [S], née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 4] de nationalité Française, retraitée, demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

La SARL PILOTE 2000, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

représentée par Maître Pierre FRIBOURG de la SELARL P. FRIBOURG - M. FRIBOURG, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 novembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Pilote 2000 SARL, ayant son siège social à [Localité 5], exerce une activité d'auto-école. Elle a été créée en juin 1992 entre M. [J] et Mme [S] née [E] qui en a été la gérante jusqu'en novembre 2012, d'abord en qualité d'associée, puis, après la cession de ses parts à M. [J] le 26 juillet 2012, en qualité de gérante salariée.

M. [J] a par la suite donné ses parts, par moitié, à ses deux enfants [X] [J] épouse [T] et [R] [J]. Mme [T] est devenue cogérante puis gérante à part entière à partir du 16 novembre 2012, date à laquelle Mme [S] a démissionné de ses fonctions.

Reprochant à Mme [S] des fautes commises dans l'exécution de son mandat social, la société Pilote 2000 l'a assignée devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner au paiement de diverses sommes en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 28 février 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné Mme [S] à verser à la société Pilote 2000 la somme de 30 827,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses fautes de gestion,

- ordonné la restitution par Mme [S] du scooter, de l'ordinateur portable et du téléphone portable

- condamné Mme [S] à verser à la société Pilote 2000 la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société Pilote 2000 de toutes ses autres demandes

- débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes

-condamné Mme [S] aux entiers dépens.

Mme [S] a relevé appel du jugement par déclaration en date du 05 avril 2017.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 11 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme [S] demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel

- en conséquence,

- réformer la décision entreprise,

- statuant de nouveau,

- dire et juger qu'il lui est dû :

- une somme de 4 823,88 euros à titre de reliquat de la rémunération de la gérance du mois de juillet 2012 au mois de novembre 2012,

- condamner la demanderesse de chef et le cas échéant,

- ordonner la compensation en tant que de besoin avec les sommes qui pourraient rester dues à ce titre pour la période antérieure

- condamner la défenderesse à 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de diligences pour informer les tiers de la démission de ses fonctions de gérante pendant deux ans

- condamner la défenderesse à 8 000 euros à titre de reliquat sur la valeur des parts sociales cédées en juillet 2012

- et si la cour s'estimait insuffisamment informée,

- désigner tel expert qu'il plaira aux frais avancés de la demanderesse et ordonner en tant que de besoin compensation entre les sommes prétendument indument versées et le reliquat dû

- en toute hypothèse,

- condamner la société Pilote 2000 à lui payer une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, au visa des dispositions de l'article 1382 du code civil, en réparation de l'entier préjudice moral souffert en conséquence d'une procédure abusive,

- condamner la société Pilote 2000 à lui payer la somme de 9 000 euros sauf à parfaire en remboursement de son compte courant

- condamner encore la société Pilote 2000 à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société Pilote Société 2000 à 10 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile

- condamner enfin la société Pilote 2000 aux entiers dépens et frais éventuels de l'exécution.

Mme [S] fait notamment valoir que les demandes à son encontre sont irrecevables et en tout cas mal fondées ; qu'il y a lieu le cas échéant de les compenser avec la somme de 4 823,88 euros qui lui reste due à titre de reliquat de la rémunération de la gérance de juillet à novembre 2012 ; qu'elle est par ailleurs fondée à solliciter une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de diligences pour informer les tiers de sa démission de ses fonctions de gérante, outre 8 000 euros en indemnisation de son préjudice moral, 9 000 euros à parfaire en remboursement de son compte courant, et une somme de 8 000 euros à titre de reliquat sur la valeur des parts sociales cédées en juillet 2012, les comptes entre les parties pouvant, subsidiairement, faire l'objet d'une expertise.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 1er septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Pilote 2000 demande à la cour de :

- déclarer Mme [S] recevable mais mal fondée en son appel

- l'en débouter

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [S] à lui verser la somme de 30 827, 96 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses fautes de gestion, en ce qu'elle a ordonné la restitution du scooter, du téléphone portable et de l'ordinateur portable, en ce qu'elle a condamné Mme [S] à verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes

- réformer la décision pour le surplus, en ce qu'elle l'a déboutée de ses autres demandes, et par là-même limité son préjudice

- en conséquence,

- la déclarer recevable et bien fondée en ces demandes

- dire et juger que Mme [S] a commis des fautes qui lui ont causé un préjudice qui engagent sa responsabilité

- dire et juger que Mme [S] s'est versé indument les sommes de 5 000 et 4 000 euros et en tout état de cause en dépit des règles légales qui président en la matière

- dire et juger que Mme [S] a décidé d'une cession à titre gratuit d'un véhicule de la société à son profit sans pour autant bénéficier d'une autorisation de l'assemblée générale.

- dire et juger que l'augmentation de loyer mise en place par la SCI Ma Fre Di par l'intermédiaire de Mme [S] est fautive

- dire et juger que Mme [S] s'est versé sans raison des primes d'un montant global de 15 501, 88 euros

- dire et juger que Mme [S] a procédé à nombre d'acquisitions au nom de la société pour son usage personnel

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes

en conséquence,

- condamner Mme [S] à lui verser les sommes de :

- 5 000 euros au titre du remboursement de la prime indument versée,

- 4 000 euros au titre du remboursement des dividendes,

- 12 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la cession du véhicule par Mme [S] à elle-même,

- 15 000 euros au titre de la différence de loyer,

- 1 350 euros, 1 613,65 euros, 2 416,90 euros, 820 euros, 3 000 euros, 1 000 euros, 1 000 euros, 1 500 euros, 1 365,77 euros, 1 100 euros, et 335,56 euros au titre du remboursement des primes exceptionnelles que s'est indument versé Mme [S],

- 11 484,03 euros au titre du préjudice subi du fait des achats effectués au nom de la société par Mme [S] pour son usage personnel.

- ordonner la restitution par Mme [S] du scooter, du portable et de l'ordinateur appartenant à la société

- à défaut de restitution possible, condamner Mme [S] à lui régler la somme de 1 500 euros

- condamner Mme [S] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- condamner Mme [S] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de « dire et juger que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui se trouvent ainsi suffisamment exposés ici.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur les demandes principales :

sur la distribution injustifiée d'une prime (5 000 euros) et de dividendes (4 000 euros) pour l'année 2011 :

L'appelante ne conteste pas s'être attribué diverses sommes à titre de prime et de dividendes sans autorisation de l'assemblée générale, en violation des dispositions de l'article L.132-12 du code de commerce.

Elle tente de se justifier en soutenant que les deux associés étaient d'accord, que compte tenu du résultat bénéficiaire de 13 000 euros, il y avait bien lieu à distribution d'une partie du résultat à hauteur de 6 500 euros chacun, que M. [J] de son côté a reçu 4 000 euros de dividendes ; que le soir même de l'assemblée générale, l'administration fiscale a reçu son dû (2 028 euros) ; qu'il en résulte que la distribution a bien été approuvée par l'assemblée générale même si son associé a ensuite refusé d'en signer le procès-verbal.

C'est cependant à bon droit que l'intimée relève :

- qu'il n'est justifié d'aucune tenue d'assemblée générale, les seuls procès-verbaux versés aux débats comportant approbation des comptes étant ceux des assemblées générales des 28 et 29 septembre 2007, 30 septembre 2008, 30 septembre 2009, 30 septembre 2010 et 30 septembre 2011 (pièces 21, 22, 23 de l'intimée, 2 à 7 de l'appelante) cependant qu'il ressort de certains échanges que l'assemblée générale de septembre 2012 ne s'est jamais tenue et que les comptes n'étaient toujours pas approuvés au 27 décembre 2012 (pièces 64 et 65 de l'intimée) :

- que la régularisation sur le plan fiscal (à une date d'ailleurs incohérente) est impuissante à valider l'opération juridiquement irrégulière ;

- que l'avis d'imposition pour 2012 de M. [J] ne comporte aucune trace de la perception de dividendes (pièce 37 de l'intimée).

Elle est par ailleurs fondée à faire valoir que les versements effectués au profit de Mme [S] (le 09 octobre 2012 pour celui de 5 000 euros, et à compter de décembre 2012 pour les 8 versements de 500 euros - pièces 5, 11 à 13 de l'intimée) l'ont été en violation de la clause de l'acte de cession de parts du 26 juillet 2012, qui prévoyait expressément que M. [J] aurait seul droit à tous les dividendes mis en distribution sur ces parts après la date de cession (pièce 3 de l'intimée).

Il y a lieu en conséquence, la distribution de ces dividendes étant intervenue de manière irrégulière, de confirmer le jugement qui a condamné Mme [S] au remboursement de la somme de 9 000 euros.

sur la cession à titre gratuit d'une voiture de la société en septembre 2012 :

L'intimée reproche à Mme [S] d'avoir signé le 20 septembre 2012 en sa qualité de gérante la cession à son bénéfice à titre gratuit, sans autorisation écrite de son associé ni de l'assemblée générale, d'un véhicule de la société d'une valeur de 12 000 euros qui était toujours inscrit à l'actif du bilan au 31 mars 2015 et dont le remboursement du crédit et l'assurance sont restés à sa charge jusqu'en juillet 2014. (pièces 5, 17, 33, 34 de l'intimée)

L'appelante soutient que le prix de ce véhicule a été pris en compte dans le prix de cession des parts sociales initialement fixé à 20 000 euros, ramené à 12 000 euros déduction faite de la valeur du véhicule valorisé à 8 000 euros (somme correspondant au montant des échéances restant à rembourser) tout en contestant la valeur estimée à 12 000 euros par le professionnel mandaté par l'intimée (sa pièce 32) qu'elle évalue plutôt quant à elle à 8 000 euros compte tenu de son état et de son amortissement tout en produisant une estimation de reprise à hauteur de 10 189 euros (sa pièce 19).

Dès lors qu'il est établi que la société Pilote a assuré jusqu'en juillet 2014 les frais de remboursement du crédit, la somme de 12 000 euros apparaît conforme au préjudice subi par l'intimée.

Outre que l'appelante échoue à rapporter la preuve de l'accord de son associé et de la prise en compte de ce véhicule dans le prix de cession des parts, l'intimée est fondée à faire valoir que cette cession est intervenue dans des conditions parfaitement irrégulières qui commandent la condamnation de l'appelante à rembourser la somme de 12 000 euros, et la confirmation du jugement sur ce point.

sur l'augmentation du loyer par la SCI Ma Fre Di :

L'intimée fait aussi grief à Mme [S], détentrice d'une partie des parts de la SCI Ma Fre Di qui a acheté l'immeuble le 1er février 2012, d'avoir brutalement procédé à l'augmentation du loyer (de 550 à 770 euros par mois à compter mars 2012 ' sa pièce 38) sans accord entre les associés ni assemblée générale extraordinaire.

Contrairement aux assertions de l'appelante, qui oppose que ce grief doit s'adresser à la SCI propriétaire bailleur et non à son gérant, cette hausse brutale, décidée unilatéralement et imposée à la société Pilote sans consultation de l'associé ni de l'assemblée générale, constitue une faute de gestion imputable à Mme [S] en qualité de gérante de la société Pilote à qui elle a ainsi causé un préjudice.

Par ailleurs, s'il est exact que le bail prévoyait un ajustement de loyer tous les 3 ans, l'argument invoqué par l'appelante, selon lequel un tel ajustement n'avait jamais été appliqué depuis février 1998, est contredit par les pièces produites par l'intimée qui révèlent que le loyer initial, de 2 200 francs soit 335,39 euros, a été réévalué au fil des ans jusqu'à atteindre 550 euros en 2012 (pièces 8 et 38 de l'intimée). En outre, si les consorts [J] ont réalisé la même augmentation pour le local qu'ils détenaient en SCI à Sauveterre, le montant de l'indexation appliquée lors du renouvellement en mars 2012 est sans commune mesure avec celui appliquée par Mme [S] pour le compte de la SCI Ma Fre Di puisque de 7 % (315 à 350 à compter de mars 2012 - pièce 39 ) et non de 41 %.

Cette indexation, appliquée en dehors de tout cadre légal, contestée dès le 13 février 2013 par la société Pilote, caractérise de la part de Mme [S] une faute de gestion qui a causé à l'intimée un préjudice dont elle est en droit d'obtenir réparation intégrale, à hauteur de la somme de 15 000 euros.

Le jugement qui a limité l'indemnisation à une somme de 5 000 euros sera donc infirmé.

sur les gratifications :

La société Pilote 2000 fait par ailleurs valoir que Mme [S] s'est accordé entre janvier 2007 et septembre 2012, sans autorisation de l'assemblée générale, des gratifications pour un montant total de 15 501,88 euros, grief dont l'appelante se défend en soutenant qu'elle avait des fonctions techniques distinctes de sa fonction de gérante, et qu'il s'agit donc de primes versées dans le cadre d'un complément de rémunération au titre de son contrat de travail, dont l'octroi n'est pas subordonné à l'approbation de l'assemblée générale ; que les comptes ont été régulièrement approuvés jusqu'au 31 mars 2011 y compris par M. [J] qui pouvait les contrôler ; que M. [J] a reçu des primes similaires.

Le tribunal a rejeté cette demande faute de pouvoir comparer avec les primes figurant sur les bulletins de salaire de M. [J]. L'intimée objecte cependant justement que M. [J], qui était à la retraite depuis mars 2005, ne disposait plus de bulletins de salaire, et que les primes ou dividendes figuraient nécessairement sur son compte courant. Or il ressort de ses comptes courants et de son avis d'imposition (pièces 20, 21, 30, 40, 57 et 58) qu'il n'a perçu de dividendes qu'en 2008 et 2009. En tout état de cause, il est établi que ces versements sont intervenus dans des conditions i rrégulières dans la mesure où, revêtant le caractère de primes au titre des fonctions de gérance de Mme [S] dont les bulletins de salaire ne visaient que cette qualité, leur principe et leur montant auraient dû être décidés avant leur versement, et ils auraient dû être soumis au vote des associés.

Le jugement qui a débouté la société Pilote de sa demande sera donc infirmé et Mme [S] condamnée au paiement de la somme de 15 501,88 euros.

sur les achats réglés par la société pour le profit personnel de Mme [S] (11 484,13 euros) :

La société Pilote réclame par ailleurs le remboursement d'une somme de 11 484,13 euros au titre d'achats réglés par la société pour le profit personnel de Mme [S] entre 2006 et 2012 (pièce 31 de l'intimée).

Le tribunal a retenu un montant de 4 827,96 euros, estimant que pour le reste des acquisitions, leur disparition ou leur fin non professionnelle n'était pas démontrée.

Mme [S] oppose que ces frais ont été exposés pour les seuls besoins de la société, et que le chiffre retenu par le tribunal l'a été sans motivation ni détail, ce qui l'empêche d'y apporter la contradiction.

Il convient surtout de relever qu'en l'état des justificatifs produits par l'intimée, il n'est pas démontré que ces achats, dont beaucoup sont très anciens, consistant en des frais d'autoroute, de restauration, d'achat de mobilier ou de matériel, n'étaient pas destinés à l'activité de la société, ni qu'ils ont disparu, s'agissant du mobilier ou du matériel, des locaux professionnels.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement qui a partiellement fait droit à cette demande, et de débouter la société Pilote de l'intégralité de cette demande.

sur l'absence de représentation d'un scooter, d'un ordinateur et d'un téléphone portable :

De la même manière, l'allégation de détournement d'un scooter, d'un ordinateur et d'un téléphone portable n'est pas sérieusement démontrée, Mme [S] étant par ailleurs fondée à faire valoir qu'aucune demande de restitution ne lui a été adressée lors de son départ et que la valeur de l'ordinateur et du téléphone portable était quasiment insignifiante. Quant au scooter, elle soutient qu'il en existait deux, et qu'il avait été convenu entre les associés que chacun en garderait un, le second ayant été attribué à l'actuelle gérante, ce qui est confirmé par l'attestation qu'elle produit aux débats émanant de l'ancienne secrétaire de la société (sa pièce 48).

La demande sera donc rejetée, et le jugement qui a prononcé la condamnation à restitution sera infirmé.

sur le préjudice moral :

La société Pilote 2000 sollicite enfin une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral en alléguant que ces fautes l'ont mise dans une situation difficile ; que privée de trésorerie, elle n'a pas pu régler les loyers en temps et en heure ; que certains prélèvements sont revenus impayés ; qu'elle a connu une perte de crédibilité auprès de certains créanciers.

C'est à bon droit cependant que le tribunal a rejeté cette demande faute pour l'intéressée de rapporter la preuve du préjudice allégué.

sur les demandes reconventionnelles

L'appelante réitère devant la cour les demandes indemnitaires suivantes, toutes rejetées par le tribunal :

le paiement d'une somme de 4 823,88 euros à titre de reliquat de la rémunération de la gérance du mois de juillet 2012 au mois de novembre 2012:

Elle fait valoir qu'elle percevait 1 399,48 euros nets, et que les sommes allouées entre juillet et octobre 2012, très inférieures, représentent une manque à gagner de 4 823,88 euros.

L'intimée objecte que la rémunération de l'appelante a été réduite à compter de juin 2012 car elle n'assumait plus qu'une activité réduite, son autorisation d'enseigner n'étant valable que jusqu'au 28 juin 2010, et le bureau de [Localité 4] où elle dispensait des cours de code ayant fermé fin mai 2012. Les bulletins de salaires de juillet à octobre 2012 qu'elle verse aux débats ( sa pièce 35), dont rien ne permet de remettre la validité en cause, attestent d'un montant de rémunération très inférieur à ce que l'appelante, se basant sur sa rémunération passée, réclame sans justifier du bien fondé de sa demande.

Le jugement qui a débouté Mme [S] de cette demande sera donc confirmé.

une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de diligences pour informer les tiers de la démission de ses fonctions de gérante pendant deux ans :

L'appelante reproche à l'intimée d'avoir tardé à notifier les changements statutaires et à déclarer sa démission au greffe du tribunal de commerce, de sorte qu'en mai 2014 elle apparaissait toujours comme co gérante sur l'extrait Kbis de la société.

Outre que l'intimée oppose justement qu'il incombait à la gérante démissionnaire de convoquer l'assemblée générale et de présenter les comptes à la fin de ses fonctions, le tribunal a relevé à bon droit que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice avéré résultant des manquements allégués. Le jugement qui a rejeté cette demande sera donc confirmé.

une somme de 8 000 euros à titre de reliquat sur la valeur des parts sociales cédées en juillet 2012 :

L'appelante soutient que la valeur de ses parts doit être estimée à 20 000 + 8 000 euros de la valeur de la voiture, de sorte qu'il lui reste dû une somme de 16 000 euros ramené à 12 000 euros déduction faite de la valeur du véhicule.

L'intimée oppose justement que rien ne permet d'établir que la cession du véhicule à titre gratuit est intervenue en sus de la cession des parts, et que la valorisation des parts sociales est faite non en fonction du bénéfice de la société mais des capitaux propres, de sorte que Mme [S] est remplie de ses droits par la somme de 12 000 euros qui lui a été versée conformément à l'acte de cession, seul document attestant de l'accord passé entre les associés (pièce 3 de l'intimée).

Le jugement qui a rejeté la demande sera donc confirmé. Aucune expertise n'étant susceptible de remettre en cause la validité de l'acte de cession et du prix convenu, la demande qui en est formée à titre subsidiaire sera rejetée.

une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, au visa des dispositions de l'article 1382 du code civil, en réparation de l'entier préjudice moral souffert en conséquence d'une procédure abusive :

L'appelante succombant dans la plupart de ses demandes, la procédure engagée à son encontre ne saurait être qualifiée d'abusive. La demande sera rejetée, comme le sera celle aux fins de condamnation de la société Pilote Société 2000 au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile qui a vocation à sanctionner une action abusive.

une somme de 9 000 euros sauf à parfaire en remboursement de son compte courant :

Mme [S] soutient que si l'on considère qu'elle n'a pas droit aux dividendes qu'elle s'est attribués, les sommes correspondantes doivent être réintégrées dans son compte courant associé.

L'intimée oppose cependant que le compte courant de Mme [S] a été transformé en compte de débiteurs divers lorsqu'elle a cessé d'être associée en juillet 2012, et justifie que ce compte était débiteur de 171,65 euros à l'exercice clos le 31 mars 2014 malgré la prise en compte des 9 000 euros de dividendes indus (pièce 45 de l'intimée). Le jugement qui a rejeté cette demande sera donc confirmé, aucune somme ne pouvant être allouée à ce titre.

Le jugement qui a condamné Mme [S] au paiement d'une somme de 30 827,96 euros (9 000 + 12 000 + 5 000 + 4 827,96) sera donc réformé, et Mme [S] condamnée au paiement d'une somme totale de 51 501,88 euros (9 000 + 12 000 + 15 000 + 15 501,88).

sur les demandes annexes :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Pilote 2000 les sommes non comprises dans les dépens exposées par elle dans le cadre de l'appel. Mme [S] sera condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Mme [S] sera condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 28 février 2017 en ce qu'il a :

- condamné Mme [S] à verser à la société Pilote 2000 la somme de 30 827,96 euros (9 000 + 12 000 + 5 000 + 4 827,96) en réparation du préjudice subi du fait de ses fautes de gestion,

- ordonné la restitution par Mme [S] du scooter, de l'ordinateur portable et du téléphone portable

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne Mme [S] à verser à la société Pilote 2000 la somme de 51 501,88 euros (9 000 + 12 000 + 15 000 + 15 501,88) en réparation du préjudice subi du fait de ses fautes de gestion,

Déboute la société Pilote 2000 de ses demandes au titre du scooter, de l'ordinateur portable et du téléphone portable

Confirme le jugement pour le surplus

Condamne Mme [S] à payer à la société Pilote 2000 la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Mme [S] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/02096
Date de la décision : 07/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°17/02096 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-07;17.02096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award