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09/12/2019 | FRANCE | N°19/02961

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 09 décembre 2019, 19/02961


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2019



(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)





N° RG 19/02961 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LBNU









La SAS ONETIK





c/



Monsieur [M] [J]























Nature de la décision : RENVOI SUR CASSATION










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Grosse délivrée le :



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jugement rendu le 17 novembre 2014 par le Tribunal de Commerce de BAYONNE (2013 006788) suivant déclaration de saisine en date du 24 mai 2019, suite à un arrêt rendu le 7 mai 2019 (Pourvoi n° D 17-10.467) par la Chambre Commerciale, Financière et...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2019

(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)

N° RG 19/02961 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LBNU

La SAS ONETIK

c/

Monsieur [M] [J]

Nature de la décision : RENVOI SUR CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

jugement rendu le 17 novembre 2014 par le Tribunal de Commerce de BAYONNE (2013 006788) suivant déclaration de saisine en date du 24 mai 2019, suite à un arrêt rendu le 7 mai 2019 (Pourvoi n° D 17-10.467) par la Chambre Commerciale, Financière et Économique de la Cour de Cassation cassant et annulant, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la 2ème Chambre - Section 1 de la Cour d'Appel de PAU du 10 novembre 2016 (dossier : 14/04544)

DEMANDERESSE :

La SAS ONETIK, venant aux droits de la SARL LES SALOIRS DE LESCUN, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4]

représentée par Maître Benoit DARRIGADE, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Luc GAILLARD de la SELAS GAILLARD AMARIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BRIVE

INTIMÉ :

Monsieur [M] [J], né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 3], de nationalité française, directeur de société, demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Cécile BOULÉ, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET LECLAIR, avocat au barreau de BAYONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 novembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

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FAITS ET PROCÉDURE

M [J] avait été embauché en février 1992 par la société Onetik, dont l'activité est la fabrication et la vente de fromages, en qualité de directeur administratif et financier.

La société Les saloirs de Lescun est une société à responsabilité limitée à associé unique, dont 100 % du capital est détenu par la SAS Onetik depuis son acquisition par elle en 2004. Dès cette acquisition, M. [J] en a été nommé gérant non associé.

Le 1er octobre 2007, un bail a été consenti par M. [J] en sa qualité de gérant et associé d'une SCI Reivax, propriétaire de l'immeuble loué, à la Sarl Les saloirs de Lescun.

En 2008, à une date que les parties ne précisent pas davantage, M. [J] a été nommé président de la société Onetik.

Par assemblée générale du 3 septembre 2012, M. [J] a été révoqué de ses fonctions de président de la SAS Onetik. Par délibération du 20 mars 2013, il a été révoqué de ses fonctions de gérant de la SARL Les saloirs de Lescun.

La société Les Saloirs de Lescun a estimé que le bail précité du 1er octobre 2007, non présenté aux associés par un rapport à l'assemblée générale, n'avait été conclu que dans l'intérêt exclusif de la SCI Reivax, à des conditions financières exorbitantes et sans intérêt commercial pour la société locataire.

Par acte d'huissier du 28 novembre 2013, elle a fait assigner M. [J] devant le tribunal de commerce de Bayonne pour demander de dire « qu'il a engagé sa responsabilité et qu'il s'expose à rembourser l'intégralité du préjudice subi de 196 400 euros », et le paiement de 10 000 euros de dommages-intérêts. M. [J] a opposé la prescription de l'action, le fait que la convention était connue de tous, et l'absence de préjudice. Il a présenté une demande pour procédure abusive.

La société Les Saloirs de Lescun a été dissoute par son assemblée générale du 3 mars 2014, et son patrimoine transmis à la société Onetik, qui est intervenue volontairement aux droits de la société Les Saloirs de Lescun dans l'instance pendante devant le tribunal de commerce.

Par jugement du 17 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bayonne a reçu la société Onetik venant aux droits de la société Les Saloirs de Lescun dans ses demandes, mais l'en a déboutée, débouté M. [J] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive, et condamné la société Onetik à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Le tribunal de commerce a considéré qu'on comprendrait mal l'intérêt de présenter à l'associé unique une convention qu'il a lui-même passée avec la société, mais qu'il était de bonne pratique que l'approbation de la convention se fasse par les actionnaires de la société Onetik, ce qui a été le cas par une assemblée générale du 25 septembre 2009, et il en a déduit que la convention de location avait été expressément autorisée par les actionnaires, le bail régulièrement adopté et autorisé, et que M. [J] n'avait donc pas commis de faute.

Il est à observer que le tribunal de commerce apparaît avoir omis de statuer sur le moyen de prescription qui était soulevé et discuté devant lui.

Par arrêt du 10 novembre 2016, la cour d'appel de Pau, saisie par la société Onetik qui présentait de nouveau les mêmes demandes, a infirmé le jugement, et condamné M. [J] à payer 10 000 euros à la société Onetik en raison du non respect de l'article L. 223-19 du code de commerce, outre 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel.

La cour d'appel de Pau a considéré que l'action de la société Onetik n'était pas prescrite en ce que l'existence du bail n'avait été révélée que lorsqu'il avait été révoqué de ses fonctions le 20 mars 2013, lorsque le nouveau gérant avait pu prendre connaissance de cette convention ; que M. [J] a indiscutablement avantagé sa propre SCI au détriment de la Sarl Les Saloirs de Lescun en signant une convention occulte ; que le montant des loyers payés sans contrepartie est constitutif du préjudice ; que la société Les Saloirs de Lescun se contente, dans le dispositif de ses conclusions, de demander le paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur pourvoi principal de la société Onetik portant sur son indemnisation, et pourvoi incident de M. [J] portant sur la question de la prescription écartée par la cour d'appel, la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, par arrêt du 7 mai 2019, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Pau, et renvoyé la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, devant la cour d'appel de Bordeaux.

La Cour de cassation a considéré que pour écarter la fin de non-recevoir, l'arrêt de la cour d'appel relève que M. [J] exerçait seul les fonctions de gérant non associé de la SARL Les Saloirs de Lescun et qu'aucun des procès-verbaux des assemblées générales de cette société ne faisait état de l'existence de ce bail, qui n'a été révélée que lorsqu'il a été révoqué de ses fonctions et qu'un nouveau gérant a été désigné, et a pu prendre connaissance de cette convention ; qu'il en déduit que l'action responsabilité exercée par voie d'assignation du 28 novembre 2013 n'était pas prescrite.

La Cour de cassation a jugé, qu'en se déterminant ainsi, en fixant au jour de la révélation du fait dommageable le point de départ de la prescription triennale, sans constater que ce fait avait été dissimulé, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.

Par déclaration du 24 mai 2019, la société Onetik a saisi le cour d'appel de Bordeaux, ainsi désignée comme cour de renvoi, énumérant les chefs de jugement contestés.

L'affaire a été attribuée à la 4° chambre commerciale de la cour, et, le 6 juin 2019, un avis de fixation à l'audience du 18 novembre 2019 à 14 heures a été adressé au conseil de la société Onetik. Cette société a fait signifier sa déclaration de saisine à M. [J] par acte d'huissier du 11 juin 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 23 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Onetik demande à la cour de :

vu les dispositions des articles L 223 19 et L 223 22 du Code de Commerce,

Vu les dispositions de l'art. 21 des statuts de la société LES SALOIRS DE LESCUN,

Reformer la décision attaquée,

Dire n'y avoir lieu à prescription en raison de la dissimulation parfaitement volontaire par Monsieur [M] [J] de la convention de bail du ler octobre 2007 résultant :

- De l'absence de détail des bilans et liasses fiscales établis par Monsieur [M] [J] et déposés au greffe du Tribunal de Commerce depuis 2007,

- De l'absence de résolution spécifique intervenue au sein de la société LES SALOIRS DE LESCUN pour informer l'associé unique, la société ONETIK, d'une convention réglementée,

- De l'absence d'information des associes de la société ONETIK de la marche des affaires de la filiale la société LES SALOIRS DE LESCUN et de la nécessité qu'elle aurait eu de louer des locaux complémentaires, a fortiori au président Monsieur [M] [J].

Dire et juger que Monsieur [M] [J], en s'abstenant de porter à la connaissance de l'associe unique de la société LES SALOIRS DE LESCUN une convention à laquelle il était personnellement intéressé et qui était sans intérêt social, a engage sa responsabilité et s'expose à rembourser l'intégralité du préjudice subi,

Condamner en conséquence Monsieur [M] [J] à régler à la société ONETIK la somme de 196 400 € assortie des intérêts légaux à compter de l'assignation,

Dire que les intérêts seront capitalisés.

Condamner Monsieur [M] [J] à payer à la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCLJN la somme de 10 000 € de dommages intérêts,

Condamner Monsieur [M] [J] à payer à la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN la somme de 10 000 € sur la base article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Monsieur [M] [J] aux entiers dépens en ce compris les frais de signification et d'exécution de la décision à intervenir.

La société Onetik fait notamment valoir que la gestion de M. [J] a été vivement critiquée au sein de la société Onetik au cours de l'année 2012, et il résisté pour convoquer une ée générale, puis contesté en justice sa révocation; que la cour constatera la volonté farouche de M. [J] de dissimuler une convention de bail litigieuse ; qu'il y a violation des dispositions de l'article « 223-19 » du code de commerce ; qu'il y a lieu de rappeler le contexte ayant initié la conclusion de la convention litigieuse, c'est à dire un contrôle fiscal qui avait conduit à un redressement la mise à disposition gratuite par la société Onetik d'une maison à titre de logement, constitutive d'un avantage en nature non déclaré ; que l'article 223-19 est bien applicable, pour servir de garde-fou aux excès et tentations de dirigeants qui profiteraient de leurs fonctions ; que la délibération de l'assemblée du 25 septembre 2009 ne concerne pas la convention litigieuse ; que contrairement à ce que soutient M. [J], les implications de la consolidation comptable et de l'intégration fiscale sont insuffisantes pour prétendre qu'elle savait malgré le non-respect des dispositions légales ; que le gérant contractant qui n'a pas respecté le texte supporte individuellement, les conséquences du contrat préjudiciables à la société ; que les exigences du texte ont été volontairement ignorées afin de satisfaire les intérêts personnels de M. [J], et que son préjudice est constitué des 27 000 euros de loyer et charges par an pour des locaux dont elle n'a aucune utilité ; que son action est tout sauf abusive.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 7 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [J] demande à la cour de :

Réformer le jugement en date du 17 novembre 2014 en ce qu'il n'a pas déclaré irrecevable et prescrite l'action de la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN,

En conséquence,

Dire et juger irrecevable l'action de la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN,

A défaut,

Dire et juger prescrite l'action de la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN,

A défaut,

Confirmer le jugement en date du 17 novembre 2014 en ce qu'il a débouté la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

Réformer le jugement en ce qu'il a débouté M.[J] de sa demande reconventionnelle au titre de l'abus de procédure.

Condamner la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamner la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN à lui payer la somme de 222.000 euros

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN à payer à Monsieur [J] une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'Art. 700 du code de procédure civile

Et y ajoutant,

Condamner la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN à payer à Monsieur [J] une indemnité supplémentaire de 10.000 € sur le fondement de l'Art. 700 du code de procédure civile

Condamner la société ONETIK venant aux droits de la société LES SALOIRS DE LESCUN aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [J] fait notamment valoir que, selon les dispositions de l'article L. 223-20 du code de commerce, la procédure de l'article L. 223-19 est inapplicable aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ; qu'il a été conclu après le contrôle fiscal une convention, souhaitée par la société Onetik, sans faire mention d'un usage exclusif d'habitation, pour tenir compte des objections de l'administration ; que la nouvelle convention a été conclus au vu et au su de tous ; que la convention du 1er octobre a fait l'objet d'une approbation par les associés de la société Onetik lors de son ée générale ordinaire du 25 septembre 2009 ; que cette approbation rend irrecevable la demande de la société Onetik ; que l'approbation du bail n'avait pas à être réalisée à priori ; que la question se pose de modalités de l'approbation ; qu'une convocation de l'assemblée générale de la société Les Saloirs de Lescun aurait conduit à faire approuver par la seule personne de M. [J] cette convention, puisque l'associée unique aurait été représentée par son président, M. [J] ; que pour cette raison, la convention a été soumise à l'approbation de la collectivité des associés de la société Onetik ;

Sur la prescription, que si la cour considérait que la convention n'a pas été approuvée, que l'action en responsabilité se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable, ou de sa révélation s'il a été dissimulé ; que la prescription de son action est acquise dès lors que la date de la convention est le 1er octobre 2007 et l'action initiée par l'assignation du 28 novembre 2013 ; que la société Onetik ne peut caractériser une dissimulation pour reporter le point de départ de la prescription à 2012 ; que les preuves de la parfaite connaissance de cette convention par la société Onetik sont multiples ;

Sur le fond, qu'il existe la plus grande confusion dans les demandes et fondements juridiques formulés par la société Onetik ; que le seul fondement possible est une action en responsabilité, ce qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité ; que la faute n'est nullement caractérisée ; que la société Onetik ne se donne même pas la peine de démontrer un quelconque préjudice à concurrence de sa demande ; que le principe et le caractère effectif de l'occupation des locaux par la société ne sont pas contestés ; que l'administration fiscale admet cette occupation après en avoir vérifié la réalité ; que la société Onetik se reconnaît dans ses conclusions débitrice d'une indemnité de logement au titre du contrat de travail de M. [J], qu'elle ne l'a jamais réglée ; que la société Onetik a introduit une procédure abusive.

A l'audience, le président a proposé aux parties de faire connaître leurs observations, par note en délibéré à déposer au plus tard le 25 novembre 2019, sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de M. [J] en paiement par la société Onetik de 222 000 euros de dommages-intérêts, en ce qu'elle apparaît nouvelle en cause d'appel, et qu'elle est susceptible de ne pas remplir les conditions d'une demande reconventionnelle.

La société Onetik a fait déposer le 22 novembre 2019 une note en délibéré par la voie électronique, notifiée simultanément au conseil de la partie adverse.

M. [J] a fait déposer le 26 novembre 2019 à 12 heures 09 une note en délibéré par la voie électronique, notifiée simultanément au conseil de la partie adverse.

MOTIFS DE LA DECISION

Le litige porte sur la faute imputée à M. [J] par la société Onetik, faute commise en sa qualité de gérant non associé de la société Les Salins de Lescun, pour n'avoir pas soumis à l'assemblée générale de la société une convention passée le 1er octobre 2007 entre celle-ci et une SCI Reivax, dont il était également le gérant, pour la location de locaux appartenant à la société civile immobilière, en violation de l'article L. 223-19 du code de commerce.

Aux termes de ce texte, qui concerne les sociétés à responsabilité limitée, le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. S'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée.

Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.

Il est utile de préciser que les deux parties s'accordent sur les circonstances à l'origine de la convention litigieuse, qui peuvent être ainsi énoncée :

En complément de sa rémunération au titre de son contrat de travail, modifié en ce sens à partir de 1998, il a été prévu par la société Onetik dans le contrat de travail de M. [J] (pièce n° 1 de M. [J]), en son article 4, qu'il bénéficierait « d'un logement de fonction (type villa 6/7 pièces principales) qui sera mis à sa disposition à titre gratuit. » Le contrat a été soumis à l'approbation du conseil de surveillance et de l'assemblée générale de la société (sa pièce n° 3). La société Onetik a créé à cette fin la SCI Reivax, dont elle détenait 90 % du capital, le solde étant détenu par M. [J], pour acquérir un bien immobilier à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Le président de la SCI Reivax était alors le président de l'époque de la société Onetik, qui a signé en cette double qualité le bail consenti par la SCI Reivax à la SAS Onetik.

Au mois de mai 2004, la société Onetik a cédé à M. [J] la participation qu'elle détenait dans la société Reivax, et M. [J] peut affirmer sans être démenti que c'était pour des raisons de stratégie interne et sous l'impulsion du président de Onetik à l'époque.

En mars 2007, un contrôle fiscal a entraîné des observations de l'administration fiscale sur les avantages consentis à M. [J] pour son logement par la société Onetik, en l'espèce la mise à disposition gratuite d'une maison d'habitation pour lui et sa famille, enregistrée comptablement comme charges de loyer, et qui constituait en réalité un avantage en nature non déclaré.

C'est alors que M. [J] a conclu le nouveau bail du 1er octobre 2007 litigieux, sans faire mention cette fois d'un usage exclusif d'habitation, entre la société Les Saloirs de Lescun et la SCI Reivax, et alors qu'il était entretemps devenu le représentant de ces deux sociétés.

Il peut être observé qu'au moment de la conclusion de ce bail, M. [J] n'était pas encore le président de Onetik, ce qu'il n'est devenu qu'en 2008, à une date non davantage précisée par les parties.

Sur le fond, il est donc demandé à la présente cour de dire que M. [J], en omettant de présenter le bail signé le 1er octobre 2007 à l'assemblée générale de la société Les Saloirs de Lescun, a commis une irrégularité de nature à lui faire supporter les conséquences éventuellement dommageables du contrat pour la société.

Toutefois, M. [J], parmi ses moyens de défense, oppose notamment la prescription de l'action.

Or l'action est fondée sur l'article L. 223-19 du code de commerce, et se trouve soumise à une prescription abrégée, plus brève que la prescription de droit commun.

Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que l'invocation de la prescription est un moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable, et constitue donc une fin de non-recevoir.

Si une fin de non recevoir peut être proposé en tout état de cause, conformément à l'article 123 du même code, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, soulevée, quoique seulement en second rang, par M. [J], doit en réalité être évoquée avant le fond du litige, dont elle rendrait, à la supposer retenue, l'examen sans objet.

Sur la prescription invoquée

M. [J] soutient la prescription de l'action engagée le 28 novembre 2013, alors que la convention est du 1er octobre 2007 et que la prescription est de 3 ans. Il ajoute que, la convention ayant été approuvée le 25 septembre 2009 par l'assemblée générale de la société Onetik, qui en a été informée ainsi que ses actionnaires, comme l'a relevé le tribunal de commerce, cette juridiction aurait dû situer le point de départ de la prescription le 25 septembre 2009.

La société Onetik oppose une volonté délibérée de M. [J] de dissimuler cette convention de bail, qu'elle n'aurait découverte qu'en 2012, après sa révocation de ses fonctions de gérant de la société à responsabilité limitée.

En application des dispositions de l'article L. 223-33 du code de commerce, l'action en responsabilité du dirigeant, dans le cas prévu par l'article L. 223-19 ci-dessus, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, ou de sa révélation s'il a été dissimulé.

Le fait dommageable visé est la date de la convention litigieuse, si elle n'a pas été dissimulée, et non le jour où le dommage s'est manifesté, ni le jour où l'assemblée générale a ou aurait dû statuer.

La dissimulation de la faute, qui doit être constatée pour que soit justifiée le report du point de départ du délai de trois ans, implique la volonté de cacher.

La société Onetik se prévaut de la dissimulation de la convention par M. [J], et soutient le report du point de départ du délai de prescription à la découverte du bail, après sa révocation. Il lui incombe donc de rapporter la preuve de la dissimulation volontaire.

M. [J] conteste pour sa part toute dissimulation, et soutient que le bail a été conclu au vu et au su de tous, pour prendre la suite du bail précédent, critiqué par l'administration fiscale.

Il peut faire valoir à juste titre que la SCI Reivax avait été constituée précisément pour acquérir un bien immobilier devant constituer le logement de

fonction du président de la société Onetik, immeuble qui avait fait l'objet d'un premier bail.

Il affirme que la seconde convention s'est substituée à la première, et tenait compte du fait que les locaux étaient occupés par la société Les Saloirs de Lescun.

Il fait valoir que c'est ce qui explique que son contrat de travail n'a jamais été modifié sur l'octroi d'un logement de fonction, et aussi que les associés, experts-comptables et commissaires aux comptes de Onetik ne se soient jamais préoccupés du sort du bail de 1999 qui n'avait pourtant pas été dénoncé.

Il peut faire valoir de façon étayée que l'occupation partielle des locaux par la société Les Saloirs de Lescun a été vérifiée et acceptée par les services fiscaux, selon courrier du 7 juin 2007 (sa pièce n° 14).

De même, il relève utilement l'intégration fiscale de la SAS Onetik, dont une conséquence était l'accès du commissaire aux comptes à l'ensemble des comptabilités des filiales, dont celle de la société Les Saloirs de Lescun.

Surtout, M. [J] invoque une approbation de la convention par l'assemblée générale ordinaire de la société Onetik du 25 septembre 2009.

Le point de savoir si un telle approbation satisfaisait aux exigences de l'article L. 223-19 relève du fond du litige.

Toutefois, sur le point de la prescription traitée à ce stade, si tel a été le cas, il en résulterait que la convention aurait été portée à la connaissance de la société Onetik et de ses associés au plus tard le 25 septembre 2009.

M. [J] expose que la convention litigieuse y a fait l'objet d'un rapport préalable du commissaire aux comptes de la société Onetik, et indique que cette société a toujours refusé de le communiquer malgré sa sommation (sa pièce n° 12).

Il fait valoir que la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 25 septembre 2009, adoptée par une majorité de 255 027 voix contre 40 000 voix, lui-même n'ayant pas pris part au vote, est ainsi libellée :

« L'Assemblée générale, après avoir entendu le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions visées à l'article L 227-10 du Code de commerce ratifie en tant que nouvelles conventions :

La poursuite du contrat de travail de Monsieur [M] [J] en qualité de Directeur du marketing au titre de l'exercice écoulé ;

Le montant des indemnités versées à la société REIVAX dont Monsieur [M] [J] est le gérant au titre de l'exercice 2008 »

La société Onetik oppose qu'elle produit le rapport du commissaire aux comptes (sa pièce n° 40), qui ne fait pas mention du bail litigieux, et que l'indemnité de 7 800 euros correspond à l'avantage en nature versé à M. [J] au titre de l'indemnité de logement.

De fait, ce rapport daté du 9 septembre 2009 ne fait mention, pour ce qui concerne les « opérations concernant M. [J] », que le montant de sa rémunération brute comme directeur du marketing, et une « indemnité » versée à la SCI Reivax dont M. [J] est gérant, pour 7 800 euros pour l'exercice 2008.

Ainsi, la société Onetik est fondée à soutenir que ni l'assemblée générale du 25 septembre 2009, ni le rapport du commissaire aux comptes du 9 septembre précédent ne font état du bail du 1er octobre 2007.

En effet, il ne résulte pas des documents produits que les mentions invoquées par M. [J], notamment celles de la 6° résolution de l'assemblée générale, concerneraient le bail litigieux entre les sociétés Les Saloirs de Lescun et Reivax.

La société Onetik, sur laquelle repose donc la charge de la preuve du report de la prescription, invoque divers évènements survenus en 2012 qui démontreraient, selon elle, la volonté de M. [J] de résister à des convocations pour s'expliquer devant des assemblées générales.

Pour autant, ces évènements se situent en réalité dans le cadre général des dissensions qui ont finalement abouti à la révocation de M. [J] de ses deux postes de dirigeant, et il ne peut en être tiré de conclusions particulières quant à la volonté de dissimuler la convention litigieuse.

Il en est de même pour le fait que M. [J] n'ait pas contesté ce que la société Onetik qualifie elle-même de « dénonciation brutale » du bail par la locataire, sans préavis ni indemnité, qui n'établit pas de dissimulation volontaire.

La société Onetik insiste sur le fait que M. [J] était seul en mesure de prendre des décision, comme dirigeant des sociétés Les Saloirs de Lescun et Reivax, ajoutant de manière partiellement inexacte, sa qualité de président de Onetik, qui n'intervient pourtant qu'en « 2008 », soit a minima plusieurs mois après la convention litigieuse.

Ce cumul, que Onetik connaissait parfaitement, n'établit toutefois pas la dissimulation, et moins encore la volonté de cacher.

La société Onetik stigmatise aussi le non-respect des dispositions de l'article L. 223-19, en ce qu'aucune résolution de l'assemblée générale ne mentionne la convention litigieuse, et que la comptabilité a été présentée de façon à ne pas faire apparaître les paiements faits en application de cette convention.

Le seul fait que la convention n'ait pas été soumise par un rapport à l'assemblée générale de la société Les Saloirs de Lescun, qui apparaît acquis, relève du fond du litige, mais n'est pas à lui seul de nature à caractériser la volonté délibérée de la dissimuler, alors même que M. [J] expose, à tort ou à raison, qu'il entendait plutôt la soumettre à l'assemblée générale de la société Onetik.

Il en va de même pour la présentation choisie pour les bilans de la société à responsabilité limitée, qui ne ventilait pas le compte « autres achats externes », alors que ce choix de présentation simplifié était juridiquement et fiscalement possible et justifié, et qu'il n'est pas établi qu'il aurait été fait dans le but d'éviter de faire apparaître les sommes versées à la SCI Reivax.

Il peut être relevé que le loyer, contrairement à ce qu'affirme la société Onetik, n'est pas exorbitant, en ce qu'il est justement d'un tiers inférieur à celui du précédent bail de 1999 conclu entre la même SCI et la société Onetik.

La société Onetik se prévaut aussi de la nature du bail litigieux, qualifié de « bail à loyer libre », qu'elle impute à la volonté de M. [J] « de contourner la prohibition fiscale en la matière ».

Cet argument, susceptible d'interférer dans les relations avec l'administration fiscale, et qui s'explique par le contrôle fiscal précédent de la société Onetik, n'apporte pas d'élément utile à la dissimulation alléguée de la convention à la société Onetik.

Ainsi, la société Onetik, sur laquelle repose la charge de la preuve de la dissimulation volontaire qu'elle allègue, échoue à rapporter cette preuve.

Il en résulte que l'action, dont le point de départ de la prescription est à situer à la date de la convention, le 1er octobre 2007, était prescrite lors de son introduction le 28 novembre 2013.

Le jugement sera infirmé et l'action de la société Onetik sera déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes

L'action de la société Onetik étant déclarée irrecevable, il n'y a pas lieu à statuer davantage au fond sur ses demandes.

Sur la demande de dommages-intérêts de 15 000 euros pour procédure abusive présentée par M. [J]

M. [J] demande la condamnation de la société Onetik à lui payer 15 000 euros pour procédure abusive. Il ne fonde toutefois sa demande que sur l'argument selon lequel Onetik recherche sa responsabilité alors qu'elle a approuvé la convention litigieuse.

En raison de l'application de la prescription, le fond du litige n'est pas ici tranché, de sorte que cette affirmation n'est pas établie, et que la demande doit être rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts de 222 000 euros présentée par M. [J]

M. [J], observant que la société Onetik le déclare elle-même dans ses conclusions créancier d'une créance d'indemnité de logement qui ne lui a pas été payée, demande la condamnation de cette société à lui payer 37 000 euros par an à raison de 6 fois, pour les années 2007 à 2012, soit 222 000 euros.

La société Onetik ne s'explique pas sur cette demande, ni dans le dispositif de ses conclusions, ni dans leur partie consacrée à la discussion.

Il apparaît toutefois du jugement du tribunal de commerce de Bayonne que cette demande reconventionnelle n'a pas été présentée en première instance par M. [J].

Il résulte des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elle se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Vu les notes en délibéré susvisées déposées sur ce point ;

Alors que la cour avait imparti un délai expirant le 25 novembre 2019 pour déposer, le cas échéant, une note en délibéré, il apparaît que M. [J] a fait déposer la sienne le 26 novembre 2019 à 12 heures 09.

Cette note en délibéré, déposé hors du délai prescrit, est irrecevable.

La demande de M. [J] qui concerne le paiement d'une indemnité de logement en vertu de son contrat de travail, nouvelle en cause d'appel en ce qu'elle ne remplit pas les conditions exigées par l'article 654 du code de procédure civile ci-dessus, et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, ne se rattache pas, au surplus, aux prétentions originaires par un lien suffisant au sens de l'article 70 du même code, en ce que la demande principale a pour objet de rechercher la responsabilité d'un dirigeant social en vertu du code de commerce. Cette demande se trouve donc doublement irrecevable.

La demande ne peut être justifiée par une évolution du litige, puisque l'indemnité de logement qui la fonde ne peut provenir que du contrat de travail de M. [J], préexistant au présent litige.

Il appartiendra à M. [J], le cas échéant, de mieux se pourvoir devant la juridiction compétente pour présenter sa demande.

La société Onetik demande la condamnation de M. [J] aux dépens, mais croit pouvoir ajouter « en ce compris les frais de signification et d'exécution de la décision à intervenir ».

Or, les frais de signification et d'exécution de la présente décision ne peuvent entrer dans les dépens de l'instance, dont la liste limitative est prévue par l'article 695 du code de procédure civile.

S'agissant de frais d'exécution pour recouvrer la créance, la demande, en l'état purement hypothétique, rien ne laissant ici présumer une volonté de résistance de son adversaire nécessitant la mise en 'uvre d'une procédure d'exécution forcée, est au surplus superfétatoire, puisque la loi, notamment par les dispositions de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, met déjà par principe les frais d'une exécution forcée nécessaire à la charge du débiteur, sous le contrôle du juge de l'exécution.

L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société Onetik.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la note en délibéré déposée pour M. [J] le 26 novembre 2019 à 12 heures 09,

Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bayonne le 17 novembre 2014,

Et, statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite l'action de la société Onetik,

Déboute M. [J] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

Déclare irrecevable la demande de M. [J] en paiement de la somme de 222 000 euros,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Onetik aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu ici à statuer sur des frais d'exécution hypothétiques.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/02961
Date de la décision : 09/12/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°19/02961 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-09;19.02961 ?
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