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15/01/2019 | FRANCE | N°16/03336

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 15 janvier 2019, 16/03336


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE





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ARRÊT DU : 15 JANVIER 2019





(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)








N° de rôle : N° RG 16/03336 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JHU6











La SAS VITICOLE DE FRANCE








c/





- La SA AXA FRANCE IARD


- La SELARL MALMEZAT-PRAT


- La SARL PISCINES OCCITA

NES


- La SARL ETABLISSEMENTS ROUCH SYLVAIN



































Nature de la décision : AU FOND






































Grosse délivrée le :





aux avocats


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mars 2016 (R.G.s 2011F00066 -...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 JANVIER 2019

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° de rôle : N° RG 16/03336 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JHU6

La SAS VITICOLE DE FRANCE

c/

- La SA AXA FRANCE IARD

- La SELARL MALMEZAT-PRAT

- La SARL PISCINES OCCITANES

- La SARL ETABLISSEMENTS ROUCH SYLVAIN

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mars 2016 (R.G.s 2011F00066 - 202F00637 - 2015F00572) par la 1ère Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 20 mai 2016

APPELANTE :

La SAS VITICOLE DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domicilié[...]

représentée Thomas Z... , avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

La SA AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés [...]

représentée par Maître Xavier X... de la SCP DGD, avocat au barreau de BORDEAUX

La SELARL MALMEZAT-PRAT, Liquidateur judiciaire de la SARL PISCINES OCCITANES, domiciliée [...]

non représentée

La SARL PISCINES OCCITANES domiciliée rond point ZA PORT DE L'HOMME - 33360 LATRESNES

non représentée

La SARL ETABLISSEMENTS ROUCH SYLVAIN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Maître Mathieu A..., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 décembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

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EXPOSE DES FAITS:

Selon devis accepté le 15 juin 2002, la société Viticole de France a confié à la société Piscines Occitanes la construction d'une piscine avec local enterré pour un montant de 25.763,88 euros. Les travaux ont été réceptionnés le 28 juillet 2003 sans réserves.

La société Viticole de France ayant constaté en juin 2006 des infiltrations d'eau dans le local technique, une expertise amiable a été effectuée en 2008 qui a conclu à la responsabilité de la société Piscines Occitanes.

Par exploits d'huissier en date des 05 et 07 janvier 2011, la société Viticole de France a assigné la société Piscines Occitanes et son assureur la société Axa France devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 11.360 euros correspondant aux frais de remise en état de la piscine ainsi qu'au paiement de la somme de 281.600 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal de commerce de Bordeaux a désigné M. Y... en qualité d'expert. La société Axa France, en cours d'expertise, a mis en cause la société Établissements Rouch Sylvain dont l'assureur, la société SMA, est intervenu volontairement à l'instance. Le rapport d'expertise a été déposé le 1er juillet 2014.

Entretemps, la société Piscines Occitanes a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. Par acte du 02 août 2013, la société Viticole de France a assigné la SELARL Malmezat-Prat, désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement réputé contradictoire en date du 21 mars 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- joint les affaires enregistrées sous les numéros [...], [...] et [...],

- constaté la non comparution de la société Piscines Occitanes et de la société Malmezat-Prat ès qualités,

- reçu en son intervention volontaire la société SMA,

- mis hors de cause la société Établissements Rouch et la société SMA,

- fixé la créance de la société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes à 208.590,28 euros,

- débouté la société Viticole de France de ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'instance seraient réservés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes.

La société Viticole de France a relevé appel total de la décision par déclaration du 20 mai 2016.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 11 août 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Viticole de France demande à la cour de :

- constater que les désordres relevés par l'expert relèvent manifestement de la garantie décennale, la piscine étant impropre à son usage et à sa destination,

- constater que la responsabilité civile contractuelle du constructeur est également engagée

- en conséquence,

- fixer au passif de la société Piscines Occitanes la somme de 11.015,28 euros au titre du préjudice matériel, et 492.800 euros au titre du préjudice économique,

- condamner la compagnie Axa France à lui verser la somme de 11.015,28 euros au titre du préjudice matériel, outre 492.800 euros au titre du préjudice économique;

- dire et juger la compagnie Axa mal fondée à lui opposer sa franchise;

- à titre subsidiaire,

- condamner la société Rouch Sylvain à lui verser la somme de 11.015,28 euros au titre du préjudice matériel outre 492,800 euros au titre du préjudice économique

- en tout état de cause,

- condamner la compagnie Axa France à lui verser la somme de 6.000 euros en application aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la compagnie Axa France aux entiers dépens.

La société Viticole de France fait notamment valoir que suivant le rapport de l'expert, la piscine était impropre à l'usage et la gravité des désordres conduisaient les équipements à leur perte, de sorte que le caractère décennal des désordres ne fait aucun doute ; que la société Piscines Occitanes est responsable du préjudice subi ; qu'il ressort des débats que cette dernière avait souscrit auprès de la compagnie Axa France non seulement une assurance en responsabilité civile mais aussi une assurance en responsabilité décennale que la compagnie n'a jamais produit aux débats; que la société Axa France a renoncé, en première instance, au moyen tiré de la résiliation de la police d'assurance, inopérant en tout état de cause dans la mesure où le fait dommageable est survenu durant la période couverte par la police d'assurance ; qu'en prenant la direction du procès intenté à son assurée, elle est censée avoir renoncé à toute exception de garantie ; que les conditions générales dont elle se prévaut sont inopposables puisqu'elle concernent une responsabilité civile et non la garantie décennale ; qu'elle a subi un double préjudice : un préjudice matériel de 11.015,28 euros du fait des travaux de réparation, et un préjudice économique de 492.800 euros résultant de l'impossibilité pendant plusieurs années d'utiliser la piscine, et donc de louer le bien, exclusivement destiné à la location, pendant la période estivale. A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société Ets Rouch Sylvain au paiement des ces sommes.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 17 octobre 2016 comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Axa France IARD demande à la cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes indemnitaires de la société Viticole de France et mis hors de cause la société Ets Rouch Sylvain ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Viticole de France de ses demandes à son encontre;

- à défaut,

- à titre principal,

- constater que le contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la société Piscines Occitanes a été résilié à effet du 31 décembre 2003,

- enjoindre la SELARL Malmezat Prat, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Piscines Occitanes, de produire la police d'assurance applicable à compter du 1er janvier 2004,

- débouter la société Viticole de France de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante aux entiers dépens

- à titre subsidiaire,

- constater que la société Ets Rouch Sylvain a une part de responsabilité dans la réalisation du sinistre et par conséquent la condamner à la relever indemne de toutes condamnations éventuelles pouvant être prononcées à son encontre,

- dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle et ses plafonds de garantie,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante aux entiers dépens;

- à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le préjudice économique allégué par la société Viticole de France,

- dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle et ses plafonds de garantie,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Viticole de France ou toute partie succombante aux entiers dépens.

La société Axa France fait notamment valoir que comme l'a relevé le tribunal, la société Piscines Occitanes avait seulement souscrit un contrat d'assurance couvrant sa responsabilité civile dont les conditions générales excluent expressément la garantie en ce qui concerne la responsabilité décennale, et que la société Viticole de France ne rapporte pas la preuve d'un contrat d'assurance couvrant la responsabilité décennale. Sur le fond, elle soutient à titre principal que l'objet de la police souscrite est de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés à autrui et imputables aux activités de l'assuré; qu'il ne s'agit pas d'une police responsabilité décennale dont, aux termes des conditions générales du contrat, les conséquences doivent être garanties par un contrat spécifique; surabondamment, que la garantie facultative souscrite concerne seulement l'atteinte à la solidité des ouvrages de génie civil ; que l'impropriété à destination n'est pas garantie. Elle ajoute que seuls les dommages survenus après la date d'effet du contrat et avant la résiliation du contrat sont garantis au titre de la police d'assurance ; qu'en l'espèce celle-ci a été résiliée à effet du 31 décembre 2003 ; que le sinistre allégué est survenu postérieurement à cette date et relève d'une garantie souscrite auprès d'un assureur distinct, la SMABTP ; qu'à aucun moment elle n'a renoncé à se prévaloir de cette résiliation ; que l'on ne peut prétendre qu'elle ait pris la direction du procès pour le compte de son assurée, qui a fait le choix d'un conseil distinct et a présenté sa propre défense en totale autonomie ; qu'en tout état de cause, la police n'aurait pas eu vocation à s'appliquer puisque les désordres n'ont remis en cause que la destination des ouvrages et non leur solidité même, ce qui n'entre pas dans le champ de garantie.

Elle soutient à titre subsidiaire qu'en acceptant de poser du dallage sur le local sans que celui-ci ne soit étanche, la société Ets Rouch Sylvain a manqué à son obligation de conseil et doit la relever indemne de toute éventuelle condamnation ; que le délai de prescription de l'action à l'encontre de la société Ets Rouch Sylvain, qui prétend sans en rapporter la preuve que les travaux qui lui ont été confiés ont été réceptionnés le 29 mars 2002, n'a commencé à courir qu'à compter de la réception intervenue le 28 juillet 2003; que ce délai a été interrompu par l'assignation du 14 mai 2012 et a de nouveau commencé à courir à la date de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce du 19 octobre 2012, de sorte que l'action n'est pas prescrite.

Sur les préjudices allégués, elle ne conteste pas le montant du préjudice matériel mais soutient qu'il trouve en partie son origine dans le choix de la société Viticole de France de recourir à un local situé sur un terrain qui a favorisé l'apparition des désordres. Elle s'oppose en revanche au préjudice économique en faisant valoir que l'appelante ne justifie ni de son existence ni de son étendue, et que l'aggravation du préjudice est imputable à la société Viticole de France elle-même qui aurait pu, dès les premières constatations de l'expert judiciaire, demander à exécuter les travaux de réparation; qu'au surplus, rien ne démontrant que le château B... aurait été loué en permanence pendant 7 ans, le préjudice constitue tout au plus une perte de chance de ne pas avoir pu louer son bien.

La société Etablissements Rouch Sylvain, qui a constitué avocat le 22 mars 2017, n'a pas conclu.

La société Piscines Occitanes et la SELARL Malmezat-Prat ès qualités, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2018.

MOTIFS :

sur la demande principale:

L'existence des désordres affectant le local technique (humidité importante ayant notamment détrempé le matériel et les gaines électriques non étanchées) n'est pas contestée. Le débat qui oppose les parties porte :

- d'une part, sur leur imputabilité;

- d'autre part, sur le montant de l'indemnisation ;

- enfin, sur la garantie de la société Axa.

sur l'imputabilité des désordres :

Selon l'expert, l'origine des désordres réside dans une mauvaise conception du local technique, présentant une absence totale d'étanchéité sur la toiture terrasse, et une implantation des équipements de filtration et de traitement de l'eau de la piscine qui les rend inaccessibles pour les opérations de maintenance et les conduit inévitablement à leur perte. L'expert a donc conclu à la responsabilité de la société Piscines Occitanes, tout en relevant qu'on ne pouvait exclure celle de la société Rouch qui avait accepté la pose du dallage sur le local technique sans que celui-ci soit étanché sur sa partie supérieure.

Le tribunal a retenu la responsabilité de la société Piscines Occitanes pour la réalisation du local technique non étanche et prononcé la mise hors de cause de l'entreprise Ets Rouch Sylvain.

Les parties s'accordent sur la responsabilité de la société Piscines Occitanes, n'invoquant qu'à titre subsidiaire celle de la société Rouch.

Il ressort des pièces versées aux débats que la conception et la réalisation du local technique ont été confiées, selon devis en date du 15 juin 2002, à la société Piscines Occitanes. Même si la société Rouch (carreleur et non professionnel de l'étanchéité, dont la prestation s'élève à 2.137,50 euros) peut se voir reprocher d'avoir accepté la pose d'un dallage sur un local non étanche, il convient de relever que cette pose de dallage a été faite avec l'aval de la société Piscines Occitanes qui, en tant que constructeur de l'ouvrage, revêtait la qualité de maître d'oeuvre, qui a réalisé le gros oeuvre, qui a accepté d'installer le matériel électrique dans le local, et dont les travaux comportent des malfaçons qui sont à l'origine du dommage.

Le jugement qui a retenu sa responsabilité exclusive et déclaré la société Rouch hors de cause mérite donc confirmation.

sur l'indemnisation :

Le tribunal a fixé la créance de la société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes à la somme de 208.590,28 euros ainsi composée:

- une somme de 11.015,28 euros au titre du préjudice matériel;

- une somme de 197.575,00 euros au titre du préjudice économique, soit un préjudice annuel de 28.225 euros pendant 7 ans.

Le montant au titre du préjudice matériel, qui correspond au coût de remise en état tel que chiffré par l'expert, n'est pas discuté devant la cour, de sorte que sur ce point le jugement devra être confirmé.

Celui au titre du préjudice économique est en revanche âprement débattu par les parties. La société Viticole de France réclame une somme de 492.800 euros, sur la base d'un préjudice annuel locatif de 70.400 euros pour la période du 15 mai au 15 octobre pour les années 2008 à 2014. Elle fait valoir qu'il s'agit d'une demeure de charme du 19ème siècle en pleine campagne et éloignée de l'océan qui ne peut être louée que si elle est agrémentée d'une piscine en état de fonctionnement; qu'elle n'a jamais été louée avant la construction de la piscine et n'est même plus proposée à la location depuis que la piscine est hors d'usage.

La société Axa oppose que l'impossibilité d'utiliser la piscine n'empêchait et n'empêche pas la location du château qui est l'objet principal de la location; que rien ne prouve que ce n'est pas pour d'autres raisons qu'il n'a pas loué; qu'il présente peut-être d'autres désordres ou d'autres travaux en empêchant l'occupation. Elle ajoute que si l'enjeu financier est tel, il est incompréhensible que l'appelante, qui dispose à n'en pas douter des moyens de le faire, n'ait pas fait réaliser plus tôt les travaux sur autorisation de l'expert, argument auquel l'intéressée objecte qu'elle ne pouvait pas faire autrement que d'attendre l'issue des opérations d'expertise.

Comme l'a justement relevé le tribunal, les contrats de location produits par l'appelante pour les années 2003 à 2006 font ressortir un revenu moyen annuel de loyers de 40.225 euros et non de 70.400 euros, somme qui, pour être atteinte, supposerait un taux d'occupation plein tout au long de la période. En conséquence, même en considérant que l'appelante était tenue d'attendre la fin des opération d'expertise pour faire remettre les locaux en état, et que le château était impossible à louer sans piscine en état de fonctionnement pendant la période estivale, l'indemnisation allouée doit être évaluée sur cette base de 40.225 euros annuels. Déduction faite par ailleurs des frais, charges et impositions liés à toute location, il convient de chiffrer à 25.000 euros annuels, soit 175.000 euros pour la période de 2008 à 2014, le préjudice économique subi par la société Viticole de France.

C'est donc à hauteur de cette somme, et non de celle de 197.575,00 euros retenue par le tribunal, que sera fixée la créance de la société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes au titre de son préjudice économique.

sur la garantie due par la société Axa :

La société Viticole de France soutient que les désordres relevés par l'expert relèvent à la fois de la garantie décennale, la piscine étant impropre à son usage et à sa destination et sa solidité étant compromise, et de la responsabilité civile contractuelle du constructeur, de sorte que la responsabilité de la société Piscines Occitanes est engagée sur le fondement à la fois des articles 1792 et suivants et 1134 et 1147 du code civil.

La responsabilité civile du fait d'une faute de conception n'est pas discutable ni discutée. Par ailleurs, l'impropriété à destination est confirmée par les conclusions de l'expert qui a considéré que suite à la défaillance de l'électrolyseur de sel, la piscine aurait pu être traitée manuellement sur une courte période, mais que rapidement le reste de l'équipement, suite aux infiltrations d'eau, avait rendu inutilisable le reste de l'installation, le coffret électrique étant rempli d'eau le jour de la première réunion d'expertise, de sorte que les désordres interdisaient l'usage de la piscine.

L'enjeu du débat est la garantie éventuellement due par la société Axa.

L'appelante soutient qu'il ressort des débats que la société Piscines Occitanes avait souscrit auprès de la compagnie Axa France non seulement une assurance en responsabilité civile mais aussi une assurance en responsabilité décennale que la compagnie Axa n'a jamais produit aux débats.

L'intimée quant à elle allègue que la seule assurance souscrite auprès d'elle par la société Piscines Occitanes est une assurance «responsabilité civile des entreprises du bâtiment et de génie civil» n° [...] à effet au 1er juin 1995 (p.1 et 2), dont l'objet était de garantir «les conséquences pécuniaires de la RC encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui et imputables aux activités assurées »; qu'il ne s'agit pas d'une responsabilité décennale; que d'ailleurs les conditions générales spécifient que «les conséquences de la responsabilité décennale, qui fait l'objet d'une obligation d'assurance instituée par la loi du 04 janvier 1978, doivent être garanties par un contrat spécifique; que cette exclusion figure au 1er rang des exclusions (p 7 des conditions générales ) en ces termes : ce qui est exclu: les conséquences de la responsabilité décennale relevant de l'obligation d'assuranceinstituée par la loi du 04 janvier 1978, ».

Les pièces versées aux débats par les parties sur cette question consistent en :

- une attestation de la société de courtage Marsh du 13 mars 2002 selon laquelle la société Piscines Occitanes est titulaire d'une assurance responsabilité décennale AXA COURTAGE n° [...] (pièce n° 3 de l'appelante);

- une attestation d'assurance de la société AXA France IARD en date du 05 novembre 2003 qui indique que le contrat [...] couvre la responsabilité civile de la société Piscines Occitanes mais n'a pas pour objet de prendre en charge les conséquences de la responsabilité civile décennale relevant de l'obligation d'assurance instituée par la loi du 01 janvier 1978 (pièce n° 4 de l'appelante);

- un courrier de la société Piscines Occitanes à l'expert du 03 septembre 2007 où elle communique les coordonnées de ses assureurs à la date du chantier (pièce 4 de l'intimée) :

- garantie décennale gros oeuvre AXA Courtage n° 333000514291 B

- garantie de responsabilité décennale des entreprises industrielles et commerciales n° [...] ;

- un courrier de la société Piscines Occitanes à Groupama en date du 12 février 2010 : faisant état d'une assurance décennale auprès d'AXA à la date du 28 juillet 2003 (date de réception des travaux) et de SMABTP en 2004 selon attestation jointe (pièce 8 de l'intimée).

Même si ces documents recèlent des imprécisions s'agissant du numéro complet du contrat, ils font apparaître de manière certaineque la société Piscines Occitanes elle-même n'a jamais fait état d'aucun autre contrat auprès de la société Axa que du contrat n°[...] Courtage (hormis le contrat garantie de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales n° [...] qui ne concerne pas le présent litige). C'est à l'évidence du fait d'une erreur qu'elle indique qu'il s'agit d'un contrat de responsabilité décennale gros oeuvre, la copie de ce contrat, versée aux dossiers, attestant qu'il s'agit d'un contrat de responsabilité civile (pièce 1 de l'intimée).

C'est par ailleurs à bon droit que l'intimée relève que le contenu de l'attestation de la société Marsh du 13 mars 2002 n'engage que son auteur alors que sa propre attestation, versée aux débats par l'appelante elle-même, et qui, compte tenu de sa date, ne peut être suspectée d'avoir été établie pour les besoins de la cause, atteste de ce que le contrat n° [...] est bien un contrat de responsabilité civile et non de responsabilité décennale.

En l'état de ces pièces, la différence de référencement (limitée puisque ne portant que sur les caractères complémentaires du contrat) ne permet pas à l'appelante de rapporter la preuve, qui lui incombe, de la souscription par la société Piscines Occitanes d'une assurance de responsabilité décennale auprès de la société Axa. En conséquence c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société Viticole de France de sa demande de garantie à l'encontre de la société Axa.

L'appelante soutient secondairement que la responsabilité civile de la société Piscines Occitanes est aussi susceptible d'être engagée. L'intimée, qui ne conteste pas l'existence d'une assurance souscrite à ce titre, oppose que le contrat a été résilié par courrier en date du fax du 26 novembre 2003 dont elle verse la copie aux débats (sa pièce 3), la résiliation étant intervenue à compter du 31 décembre 2003 à 0 heure de sorte que sa garantie a pris fin le 31 décembre 2003, antérieurement à la survenance du sinistre.

Pour s'opposer à cet argument, l'appelante soutient:

- en premier lieu, que la résiliation est sans conséquence dès lors que les travaux ont été réalisés pendant la période couverte par la police d'assurance décennale (en 2003) ;

- en deuxième lieu, que la clause figurant page 19 des conditions générales du contrat est inopérante;

- en troisième lieu, que la société Axa France a renoncé, en première instance, au moyen tiré de la résiliation de la police d'assurance;

- en quatrième lieu enfin, qu'en prenant la direction du procès intenté à son assurée, elle est censée avoir renoncé à toute exception de garantie conformément à l'article L.113-7 du code des assurances.

Sur le premier moyen, l'appelante invoquel'article L.241-1 alinéa 3 du code des assurances qui dispose que «tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est nonobstant toute stipulation contraire réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance».

C'est cependant à bon droit que l'intimée oppose que s'agissant non d'une assurance responsabilité décennale mais d'une assurance responsabilité civile, les dispositions de l'article L.241-1 ne sont pas applicables puisque limitées aux seuls contrats garantissant les conséquences de la responsabilité décennale relevant de l'obligation d'assurance. L'assurance en responsabilité civile est quant à elle régie par l'article L.124-5 selon lequel la garantie est due dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale et sa date de résiliation ou d'expiration.

L'appelante soutient en second lieu que la clause figurant en page 19 des conditions générales du contrat est inopérante:

- d'une part car l'intimée ne prouve pas que ces conditions générales se rapportent à la police 187;

- d'autre part car elle en fait une interprétation erronée, le terme «dommages» faisant référence à la notion de fait dommageable, de sorte que, que ce soit en matière d'assurance de responsabilité décennale ou en matière d'assurance responsabilité civile, dès lors que la cause génératrice du dommage s'est produite pendant la période de validité de la police, l'assureur doit garantir le sinistre.

La clause litigieuse figurant aux conditions générales, dont il est acquis, aux termes de l'argumentation développée plus haut, qu'elles se rapportent à la police d'assurance de la société Piscines Occitanes, est ainsi rédigée: «la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date d'effet du contrat et antérieurement à sa suspension ou à sa résiliation (...)».

Comme le rappelle la société Axa, la notion de dommage ne saurait être confondue avec celle de fait dommageable. Il s'agit de deux évènements distincts et successifs, le fait dommageable étant, aux termes de l'article L.124-1-1 du code des assurances, celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Dès lors qu'il est établi que les désordres (dont le premier signalement date de 2006), sont survenus après la résiliation du contrat, la garantie n'a plus vocation à jouer.

Au soutien du troisième moyen, selon lequel la société Axa France a renoncé, en première instance, à se prévaloir de la résiliation de la police d'assurance, l'appelante invoque la note en délibéré adressée au tribunal par le conseil de l'intimé le 29 septembre 2011, rédigé en ces termes : «la police d'assurance souscrite auprès de la compagnie AXA par la société Piscines Occitanes a, effectivement, été résiliée à compter du 31 décembre 2003. La compagnie AXA renonce donc à son moyen tiré de la résiliation de la police.»

Il ressort des pièces et débats que la société Axa, en première instance, avait d'abord soutenu, à tort, que le contrat avait été résilié à compter du 1er janvier 2003. Elle est ainsi recevable à soutenir que la renonciation exprimée dans la note en délibéré ne portait que sur le fait que la résiliation serait intervenue le 31 décembre 2002, et qu'à aucun moment elle n'a renoncé à se prévaloir de la résiliation intervenue le 31 décembre 2003, allégation parfaitement compatible avec les termes de sa note.

Sur le dernier moyen enfin, tiré des dispositions de l'article L.113-7 du code des assurances, c'est à bon droit que la société Axa objecte que même si elle a présenté divers moyens pour défendre son assurée devant le tribunal de commerce et en cours d'expertise, les circonstances de l'espèce ne permettent pas de considérer qu'elle a pris la direction du procès pour le compte de son assurée alors que celle-ci, au début de la procédure, a fait le choix d'un conseil distinct et a présenté sa propre défense en totale autonomie. Le moyen sera donc écarté.

La demande de la société Viticole de France à l'encontre de la société Axa sur le fondement de la responsabilité civile de la société Piscines Occitanes sera donc rejetée.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Axa les sommes exposées par elle dans le cadre de l'appel et non comprises dans les dépens. La société Viticole de France sera condamnée à lui payer une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Viticole de France sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par défaut,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 21 mars 2016 sauf en ce qu'il a fixé la créance de la société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes à la somme de 208.590,28 euros (11.015,28 euros au titre du préjudice matériel+ 197.575,00 euros au titre du préjudice économique)

Statuant à nouveau sur ce point,

Fixe la créance de la société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines Occitanes à la somme de 186.015,28 euros (11.015,28 euros au titre du préjudice matériel+ 175.000,00 euros au titre du préjudice économique)

Condamne la société Viticole de France à payer à la société Axa la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel

Condamne la société Viticole de France aux dépens de la procédure d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M.Chelle, président, et par M.Goudot, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16/03336
Date de la décision : 15/01/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°16/03336 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-15;16.03336 ?
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