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08/01/2019 | FRANCE | N°17/02272

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 08 janvier 2019, 17/02272


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 08 JANVIER 2019



(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)





N° de rôle : N° RG 17/02272 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JY7T









SAS NAUTIC SERVICE





c/



MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

SA MMA IARD

SARL EXPERTISES MARITIMES ATLANTIQUE























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mars 2017 (R.G. 2015F00468) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 avril 2017





APPELANTE ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JANVIER 2019

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° de rôle : N° RG 17/02272 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JY7T

SAS NAUTIC SERVICE

c/

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

SA MMA IARD

SARL EXPERTISES MARITIMES ATLANTIQUE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mars 2017 (R.G. 2015F00468) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 avril 2017

APPELANTE :

SAS NAUTIC SERVICE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]

représentée par Maître Margaux ALBIAC de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Société Civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [Adresse 1]

SA MMA IARD Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège [Adresse 1]

représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX assistées par Maître Guillaume LEMAS de l'association FABRE GUEUGNOT avocat au barreau de PARIS

SARL EXPERTISES MARITIMES ATLANTIQUE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]

représentée par Maître Bernard CADIOT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 novembre 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Catherine MAILHES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE:

La société Nautic Service a pour activité la vente de bateaux et de matériels destinés à la navigation de plaisance.

Selon bon de commande du 06 mars 2010, M.[N] a acquis auprès de la société Nautic Service une vedette de croisière pour un prix convenu de 110.600 euros. Le 23 avril 2010, avant de prendre livraison du bateau, il a mandaté M.[M], du cabinet Expertises Maritimes Atlantique, aux fins de procéder à une vérification du bateau et de ses moteurs.

Le 26 avril 2010, un rapport a été déposé au terme duquel la vedette a été déclarée « apte à naviguer ». M.[N] a pris livraison du bateau le 29 avril 2010.

Le 14 mai suivant, M.[N] a effectué sa première sortie et a immédiatement constaté une anomalie d'échauffement sur le moteur tribord, relevant alors une importante présence d'un mélange d'eau et d'huile. La société Nautic Service est intervenue pour procéder au changement des joints du moteur, sans toutefois pouvoir remédier à l'anomalie.

La société Nautic Service a déclaré le sinistre auprès de son assureur responsabilité civile Groupama qui a organisé le 30 juin 2010 une expertise amiable à laquelle, bien que convoqué, le cabinet Expertises Maritimes Atlantique ne s'est pas présenté.

Lors des opérations d'expertise, l'expert M.[X] a relevé une fuite d'huile au niveau d'une fissure du bloc arrière du démarreur, ce défaut justifiant selon ses termes le remplacement du bloc moteur.

Parallèlement, le 24 juin 2010, M.[N] a fait assigner la société Nautic Service en référé aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

Le 14 juillet 2010, M.[N] a découvert un nouveau désordre affectant l'échangeur du moteur bâbord et a fait procéder à son remplacement par la société Sud Nautique le 22 juillet 2010.

Par ordonnance en date du 16 août 2010, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux a commis M.[P] en qualité d'expert aux fins d'apprécier la réalité des désordres allégués par M.[N]. M.[P] a déposé son rapport le 30 mai 2011.

Par exploit d'huissier en date du 07 juillet 2011, M.[N] a fait assigner la société Nautic Service à comparaître devant le tribunal de commerce de Bordeaux sollicitant, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la nullité de la vente, le remboursement des travaux de réparation et des frais qu'il a dû prendre à sa charge.

Par jugement en date du 06 avril 2012, Le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'annulation de la vente intervenue le 29 avril 2010 en raison des vices cachés affectant les moteurs et a ordonné la restitution du bateau à la charge de M.[N]. Outre la restitution des sommes versées pour la vente, la société Nautic Service a été condamnée à une somme de 23.956 euros en réparation du préjudice subi ainsi que la somme de 5.382,08 euros TTC au titre des améliorations outre celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 20 mai 2014, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, et a alloué à M.[N] une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance outre 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sommes dont la société Nautic Service s'est acquittée.

Par exploit d'huissier du 17 avril 2015, la société Nautic Service a assigné la société Expertises Maritimes Atlantique à comparaître devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner à l'indemniser des préjudices causés par la perte de chance d'éviter les conséquences financières de deux instances judiciaires.

La société Expertises Maritimes Atlantique a appelé en cause son assurance, la compagnie MMA.

Par jugement contradictoire en date du 02 mars 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

-débouté la société Nautic Service de toutes ses demandes à l'encontre de la société Expertises Maritimes Atlantique et de la société MMA Iard SA

-débouté la société Expertises Maritimes Atlantique de sa demande de dommages et intérêts

-débouté les sociétés MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande de dommages et intérêts

-condamné la société Nautic Service à payer à la société Expertises Maritimes Atlantique la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Nautic Service à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Nautic Service aux dépens.

La société Nautic Service a relevé appel du jugement par déclaration en date du 12 avril 2017.

Par conclusions notifiées en dernier lieu le 23 octobre 2017, la société Nautic Service demande à la cour de:

vu les articles 1582, 1583, 1382 anciens et suivants du code civil ;

vu les articles 15, 16, 132, 145, 146, 515 et 700 du code de procédure civile ;

la dire et juger aussi recevable que bien fondée en son action ;

confirmer le jugement en ce qu'il a :

-débouté la société Expertises Maritimes Atlantique de sa demande en dommages et intérêts,

-débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leurs demandes en dommages intérêts pour procédure abusive,

statuant de nouveau,

en premier lieu,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

-déboutée de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de la société Expertises Maritimes Atlantique et des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,

-condamnée à payer à la société Expertises Maritimes Atlantique et aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens

en second lieu et à titre principal,

-condamner in solidum la société Expertises Maritimes Atlantique et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui verser la somme principale de 59.482,35 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi, portant intérêt au taux légal à compter du 17 avril 2015, date de l'assignation devant le tribunal de commerce de Bordeaux

en second lieu et à titre subsidiaire,

-condamner in solidum la société Expertises Maritimes Atlantique et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui verser la somme de 26.606 euros en remboursement des sommes engagées jusqu'au dépôt du rapport judiciaire définitif ;

en tout état de cause,

-condamner in solidum la société Expertises Maritimes Atlantique et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Elle sollicite, en substance, de voir le jugement confirmé en ce qu'il a retenu la faute délictuelle de la société Expertises Maritimes Atlantique à son encontre, et infirmé en ce qu'il a considéré que ces manquements n'auraient pas contribué à son préjudice. Elle soutient qu'elle n'aurait pas été attraite en justice par M.[N] aux fins de voir ordonner la nullité de la vente pour vice caché si la société Expertises Maritimes Atlantique n'avait pas conclu, préalablement à la cession, au bon fonctionnement du moteur du bateau, sans réserve ; qu'en application des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, il est largement acquis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de

la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la faute de la société Expertises Maritimes Atlantique, qui est intervenue alors que la vente n'était pas parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, et dont les conclusions du 26 avril 2010 ont déterminé M.[N] à prendre livraison du bateau et à verser le solde de la facture pour un montant de 60.600,00 euros le 29 avril 2010, est caractérisée ; que par son manque de diligences sérieuses et suffisantes, et en procédant à des constatations dépassant celles d'une expertise de pré-assurance, l'intimée a commis une faute contractuelle à l'égard de son mandant et une faute délictuelle à son égard .

Elle conteste en revanche le jugement qui a considéré que les manquements commis par la société Expertises Maritimes Atlantique n'avaient pas contribué à son préjudice, consistant en une perte de chance de s'éviter les conséquences financières de deux instances judiciaires, et que ces conséquences découlaient de son propre refus de procéder à la réparation du bateau de M.[N], inapte à naviguer quelques jours après sa livraison, alors qu'elle était tenue à la garantie des vices cachés. Elle allègue que les conclusions de la société Expertises Maritimes Atlantique présentent un lien de causalité avec ce préjudice en ce qu'elles ont déterminé M.[N] à prendre livraison de la vedette, partant, à conclure la vente avec elle, lui permettant ainsi d'agir à son encontre sur le fondement des vices cachés. Elle conteste avoir refusé de procéder à la réparation du bateau, et soutient être en réalité immédiatement intervenue aux fins de tenter de réparer les désordres constatés sur le bateau, en procédant au changement des joints du moteur, sans toutefois pouvoir remédier à l'anomalie alors non identifiée ; qu'elle a ainsi procédé aux premières réparations qui s'imposaient avant de procéder à une déclaration de sinistre ; que si la société Expertises Maritimes Atlantique n'avait pas conclu, sans réserve, au « bon fonctionnement » du moteur, les parties n'auraient pas contracté en l'état, et auraient pu s'épargner la procédure judiciaire qui s'en est suivie ; que son préjudice s'élève à la somme de 59.482,35 euros (21.882,35 euros au titre des frais et condamnations prononcées à son encontre (1.106 euros au titre des frais de transport supportés par M.[N] pour assister aux opérations d'expertise + 10.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance + 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile + 4.776,35 euros correspondant à l'ensemble des dépens qui ont été mis à sa charge ) + 37.600 euros au titre de la baisse de valeur vénale de la vedette, vendue à M.[N] le 06 mars 2010 pour une valeur de 110.600 euros, estimée le 09 avril 2015 à la somme de 73.000 euros. A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation des intimées à lui rembourser les sommes engagées jusqu'au dépôt du rapport judiciaire définitif établissant sa responsabilité, soit une somme totale de 26.606 euros. Elle s'oppose à la demande d'organisation d'une expertise judiciaire, qu'elle soutient dépourvue de tout fondement juridique, destinée à « retracer l'historique du moteur de la vedette depuis sa création jusqu'à sa vente » sur la foi de l'attestation d'un certain M. [S] [K] dont l'impartialité est douteuse, alors que l'expert judiciaire ne s'est quant à lui nullement ému de l'absence de production de l'historique des moteurs en possession de ce fabricant et que dans cette hypothèse, il revenait précisément au cabinet Expertises Maritimes Atlantique de mettre à jour la prétendue tromperie. Elle fait valoir enfin que le rapport d'expertise privé comme le rapport d'expertise judiciaire, bien que non établis contradictoirement, sont opposables aux parties à l'instance, et notamment à la compagnie MMA Iard, dès lors que ce rapport est versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties.

Par conclusions notifiées en dernier lieu le 26 octobre 2018, la société Expertises Maritimes Atlantique demande à la cour de:

vu les articles 1382 et suivants du code civil,

-confirmer le jugement en ce qu'il a :

-débouté la société Nautic Service de sa demande de dommages et intérêts à son encontre et à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,

-condamné la société Nautic Service à lui payer et à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts

statuant de nouveau,

-condamner la société Nautic Service au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

subsidiairement,

-ordonner une expertise aux fins de retracer l'historique du moteur de la vedette depuis sa création jusqu'à la vente annulée

et encore plus subsidiairement,

si la cour devait réformer le jugement et la condamner,

-condamner la compagnie d'assurances MMA à la relever et la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, dommages et intérêts, et frais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

en tout état de cause,

-condamner la société Nautic Service au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens,

ordonner l'exécution provisoire. (sic)

Elle soutient notamment que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la vente était parfaite non pas le 29 avril 2010, date de livraison du bateau, mais dès le 06 mars 2010, date de la signature du bon de commande qui ne comportait aucune condition suspensive liée à la réalisation d'une expertise ; qu'elle a été chargée uniquement d'une expertise de pré-assurance, dont l'unique objet est d'établir la valeur d'assurance du navire en vue d'une cotation pour une prise de garantie, et dont la méthodologie n'impose pas d'essai dynamique, de démontage ou de contrôles destructifs, de sorte qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans l'exercice de sa mission ; que d'ailleurs M.[N], seul habilité à se prévaloir de son rapport, n'a pas recherché sa responsabilité ; que les opérations d'expertise ne lui ont à aucun moment été rendues opposables ; que les vices allégués par l'acquéreur avaient un caractère non apparent indétectable dans le cadre de sa mission ; que son rapport d'ailleurs mentionne cette réserve ; que la société Nautic Service, professionnel de la plaisance, tenue de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, dont le comportement dolosif est établi, est à l'exclusive origine du préjudice qu'elle croit devoir alléguer et dont elle ne peut caractériser l'existence ; qu'en outre elle ne démontre aucun préjudice ni lien de causalité en lien avec la faute prétendue ; que si elle avait effectué la réparation elle n'aurait pas eu à supporter les conséquences des procédures qui ont suivi ; subsidiairement, si elle devait être condamnée, qu'il conviendrait de condamner son assureur à la relever et garantir de toutes les condamnations, le contrat d'assurance ayant vocation à s'appliquer en dépit de la résiliation intervenue dans des conditions irrégulières.

Par conclusions notifiées en dernier lieu le 18 octobre 2017, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de:

vu la déclaration de sinistre de la SARL Expertises Maritimes Atlantique en date du 17 avril 2015 ;

vu la lettre de résiliation en date du 21 octobre 2014,

-confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a déboutées

-dire et juger que la police d'assurance responsabilité professionnelle avait été résiliée à l'initiative de l'assurée à effet du 1er janvier 2015

-dire et juger que le contrat d'assurance était résilié à la date de la réclamation formée par la société Nautic Service ;

-dire et juger opposable à la société Nautic Service la résiliation du contrat d'assurance à effet du 1er janvier 2015 ;

-dire et juger la SARL Expertises Maritimes Atlantique irrecevable et infondée

-débouter la SARL Expertises Maritimes Atlantique de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-débouter la société Nautic Service de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions ;

-condamner la société Nautic Service à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

-condamner toutes parties contestantes à leur payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner toutes parties contestantes aux entiers dépens.

Elles soulèvent à titre liminaire l'irrecevabilité de la demande en raison de la résiliation du contrat à effet du 1er janvier 2015 demandée par la société Expertises Maritimes Atlantique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 octobre 2014 en faisant valoir que cette résiliation est parfaitement opposable à la société Nautic Service ; que la déclaration de sinistre régularisée le 17 avril 2015 par la SARL Expertises Maritimes Atlantique, après avoir reçu assignation devant la juridiction de céans à la requête de la société Nautic Service, est irrecevable conformément aux dispositions contractuelles de la police d'assurance, et notamment du Titre I - Article 5 "Conditions d'application de la garantie" que : "la garantie s'exerce pour les réclamations écrites formulées amiablement ou judiciairement auprès de l'assuré au cours de la période comprise entre la date de prise d'effet et celle de l'expiration ou de la résiliation du contrat". Pour s'opposer à l'argumentation de la SARL Expertises Maritimes Atlantique, qui leur oppose que le contrat pouvait être résilié au 1er janvier de chaque année moyennant un préavis de trois mois au mois, et que ce préavis n'aurait pas été respecté puisque la lettre de résiliation a été adressée le 21 octobre 2014 pour avoir effet au 1er janvier 2015, elles soutiennent qu'il ressort des conditions particulières, dont les dispositions priment sur les conditions générales, que le contrat est renouvelable par tacite reconduction à chaque échéance anniversaire avec possibilité de le résilier à cette date après un an d'assurance, moyennant un préavis de deux mois notifié par lettre recommandée ; que la résiliation en date du 21 octobre 2014 respecte ce préavis ; qu'en tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu'une résiliation unilatérale tardive de la part de l'assuré s'analyse comme une offre de résiliation par consentement mutuel faite par l'assureur ; que cette résiliation unilatérale tardive peut être rétractée tant que l'assureur ne l'a pas acceptée ; qu'en l'espèce, l'assureur a émis un avenant de résiliation le 19 novembre 2014 à effet du 1er janvier 2015 à 0h00, de sorte que la police souscrite était effectivement résiliée à cette date. Elles font valoir ensuite, en réponse au moyen de la société Expertises Maritimes Atlantique qui soutient que les garanties doivent s'appliquer aux réclamations écrites formulées amiablement ou judiciairement auprès de l'expert ayant cessé son activité, et qui seraient formulées pendante une durée de cinq ans à compter de la résiliation de l'adhésion au présent contrat, que contrairement à ce que la société Expertises Maritimes Atlantique prétend, elle n'a pas cessé son activité, ce dont elle convient finalement expressément aux termes de ses dernières écritures en indiquant travailler "exclusivement pour le cabinet Marine Expertise de Mérignac" tout en en concluant contre toute attente que la société Marine Expertise étant elle-même assurée par la compagnie MMA, il y aurait disparition du risque assurable dans le cadre du présent litige ; que cet argument ne saurait prospérer dès lors qu'elles n'ont jamais été attraites à la cause en qualité d'assureur de la société Marine Expertise, société qui n'est elle-même pas dans la cause et qui est donc tiers à la procédure ; que par conséquent, les dispositions de l'article 5 du titre I des conditions particulières du contrat d'assurance Responsabilité Civile de la Chambre des Experts Maritimes ne peuvent trouver ici application ; qu'en revanche, il y a lieu à application des dispositions de l'article L.124-5 du code des assurances et qu'il appartient à toute partie à se mieux pourvoir.

Elles soutiennent par ailleurs que la société Nautic Service ne peut fonder son argumentation sur les conclusions ni d'un rapport d'expertise privée ni du rapport d'expertise judiciaire de M.[P] ni sur les décisions ensuite rendues (jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 06 avril 2012 et arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 20 mai 2014) ; la société Expertises Maritimes Atlantique n'étant pas partie à cette procédure qui, par voie de conséquence, ne lui est pas opposable ni, a fortiori, à son assureur.

Elles font valoir à toutes fins que la société Expertises Maritimes avait été chargée uniquement d'une expertise de pré-assurance, dont l'unique objet est d'établir la valeur d'assurance du navire en vue d'une cotation pour une prise de garantie, et dont la méthodologie n'impose pas d'essai dynamique, de démontage ou de contrôles destructifs, de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la société Expertises Maritimes Atlantique dans l'exercice de sa mission et ce d'autant plus qu'il a été procédé à un examen minutieux du navire sur les parties visibles conformément à la mission ; qu'enfin, la société Expertises Maritimes Atlantique est intervenue après la vente, qui était parfaite dès le 06 mars 2010 ; qu'il a été ultérieurement révélé que le système de propulsion était atteint de vices cachés ; que les vices qui ont été allégués par l'acquéreur avaient un caractère non apparent ; que la société Nautic Service, professionnel de la plaisance, tenue de la garantie à raison des défauts cachés

de la chose vendue, est à l'exclusive origine du préjudice qu'elle croit devoir alléguer dans le cadre de la présente instance et dont elle ne peut caractériser l'existence au seul vu d'une évaluation non contradictoire de laquelle il ressort que depuis la livraison à M.[N] et la rapide immobilisation du navire, pour autant les moteurs ont fonctionné près de 400 heures, ladite évaluation étant d'ailleurs faite "sous toutes réserves de vices cachés et état mécanique interne", alors que cinq ans après, il n'est toujours pas précisé si le navire a été vendu et à quel prix.

La société Expertises Maritimes Atlantique a notifié le 26 octobre 2018 des conclusions dites récapitulatives dont la société Nautic Service a sollicité le rejet par conclusions du 29 octobre 2018 motif pris de leur tardiveté. L'intimée a déposé le 30 octobre 2018 des conclusions sollicitant à titre principal le débouté de cette demande ; à titre subsidiaire, le rabat de l'ordonnance de clôture.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 octobre 2018.

MOTIFS :

sur la recevabilité des conclusions de la société Expertises Maritimes Atlantique en date du 26 octobre 2018 :

L'appelante sollicite le rejet de ces conclusions qu'elle soutient tardives puisque déposées quatre jours avant la date de l'ordonnance de clôture.

L'intimée explique ce caractère tardif par le fait qu'elle a eu connaissance en octobre 2018 d'un élément nouveau, de nature à influer sur le litige, selon lequel le bateau litigieux aurait subi en 2017 une avarie, et l'appelante aurait d'ores et déjà reçu une indemnisation pour la perte de son bien, ce qui rendrait irrecevable sa demande d'indemnisation au titre de la baisse de la valeur vénale (à hauteur de 37.600 euros).

Il convient de relever que les conclusions litigieuses ne comportent aucun élément nouveau hormis cette avarie alléguée qui fait l'objet d'un court paragraphe. Alors que l'intimée a indiqué ne pas s'opposer à une révocation de l'ordonnance de clôture pour permettre à l'appelante de répondre à cette question très précise, l'intéressée est d'autant moins fondée à invoquer une atteinte au principe du contradictoire qu'elle ne conteste pas avoir été destinataire, le 15 octobre 2018, d'une sommation de communiquer portant sur la même question (pièce 20 de l'intimée).

Il y a lieu en conséquence de déclarer recevables les conclusions déposées par la société Expertises Maritimes Atlantique le 26 octobre 2018.

sur les demandes principales :

La cour est saisie d'une demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité délictuelle d'un cabinet d'expertise qui a été mandaté par l'acquéreur d'un bateau pour se prononcer sur son état et qui, par ses manquements, aurait causé un préjudice au vendeur.

Le fondement de l'action (délictuel, en application des articles 1382 et 1383 anciens du code civil) ne fait pas débat.

Il appartient donc à l'appelante de prouver :

une faute ;

un préjudice

un lien de causalité.

Le tribunal qui l'a déboutée de toutes ses demandes a considéré que si la société Nautic Service était bien fondée en son action à l'encontre de la société Expertises Maritimes Atlantique en ce qu'elle avait outrepassé les termes de sa mission et engagé sa responsabilité délictuelle en se prononçant sur le fonctionnement des moteurs, ce manquement n'avait pas contribué au préjudice de la société Nautic Service dès lors que celui-ci ne résultait que de son refus de procéder aux réparations du moteur dans les jours suivant la vente.

sur la faute :

L'appelante soutient que la faute de la société Expertises Maritimes Atlantique, qui est intervenue alors que la vente n'était pas parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, et dont les conclusions du 26 avril 2010 ont déterminé M.[N] à prendre livraison du bateau et à verser le solde de la facture pour un montant de 60.600,00 euros le 29 avril 2010, est caractérisée ; qu'elle a été mandatée par M.[N] avant l'acquisition de la vedette afin de s'assurer de son parfait état de fonctionnement ; qu'il s'agissait non pas d'une expertise de pré-assurance comme le soutient l'intéressée mais d'une expertise de pré-achat qui doit être beaucoup plus fine dans le diagnostic et les investigations à faire par l'expert, et aurait dû révéler d'une façon évidente l'existence d'une fuite d'huile sous le moteur tribord si elle avait été faite sérieusement ainsi que l'ont d'ailleurs relevé les experts amiable et judiciaire ; qu'ainsi M.[X] a relevé : « Le cabinet Expertises Maritimes Atlantique est intervenu avant que la vente du navire soit conclue définitivement'Dans le cadre d'une expertise pour achat faite sérieusement, la découverte d'une fuite d'huile sous le moteur tribord aurait été révélée d'une façon évidente aux yeux de l'expert » ; que M.[P] a indiqué dans son rapport que « L'expert M.[M], pour avoir conclu dans son rapport au BON FONCTIONNEMENT des moteurs a dû limiter à un démarrage des moteurs à quai pour quelques secondes de fonctionnement »; que M.[M] n'a donc pas réalisé sa mission dans les règles de l'art et s'est contenté de déclarer le bateau « apte à naviguer » sans avoir procédé aux vérifications de rigueur qui auraient dû conduire à la révélation des désordres affectant les moteurs de la vedette ; que par son manque de diligences sérieuses et suffisantes, et en procédant à des constatations dépassant celles d'une expertise de pré-assurance, l'intimée a commis une faute contractuelle à l'égard de son mandant et une faute délictuelle à son égard.

C'est à bon droit cependant que les intimées font valoir que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la vente était parfaite non pas le 29 avril 2010, date de livraison du bateau, mais dès le 06 mars 2010, date de la signature du bon de commande qui ne comportait aucune condition suspensive liée à la réalisation d'une expertise et à l'occasion de laquelle un acompte de 50.000 euros a été versé, la facture étant quant à elle en date du 21 avril 2010. Elles peuvent dès lors soutenir que la société Expertises Maritimes Atlantique, intervenue après la vente, a été chargée non pas d'une expertise de pré-achat mais uniquement d'une expertise de pré-assurance, dont l'unique objet est d'établir la valeur d'assurance du navire en vue d'une cotation pour une prise de garantie, et dont la méthodologie n'impose pas d'essai dynamique, de démontage ou de contrôles destructifs, de sorte qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans l'exercice de sa mission. La cour ne saurait sur cette question être tenue par les observations faites par les experts, qui ont réalisé leurs constatations sur la seule foi des déclarations de la société Nautic Service et à qui il ne revient pas, en tout état de cause, de se prononcer sur les aspects juridiques du litige. Il sera d'ailleurs relevé que M.[N], seul habilité à se prévaloir du rapport de la société Expertises Maritimes Atlantique, n'a pas recherché sa responsabilité, et qu'aucune des parties à l'expertise n'a souhaité lui rendre opposables les opérations d'expertise.

L'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que la société Expertises Maritimes n'a pas réalisé sa mission dans les règles de l'art et s'est contentée de déclarer le bateau « apte à naviguer » sans avoir procédé aux vérifications de rigueur qui auraient dû conduire à la révélation des désordres affectant les moteurs de la vedette. Elle ne l'est pas davantage, compte tenu de la rédaction succinte et très encadrée du rapport établi par les soins de l'intimée, à faire valoir que l'intimée a procédé à des constatations dépassant celles d'une expertise de pré-assurance.

En conséquence, aucun manquement contractuel n'étant établi à l'encontre de la société Expertises Maritimes, il convient d'infirmer le jugement qui a retenu qu'elle avait engagé sa responsabilité délictuelle.

sur le préjudice et le lien de causalité :

Surabondamment, la cour relève que si la procédure engagée à son encontre a valu à la société Nautic Service diverses condamnations, non seulement en remboursement des sommes, mais aussi à titre de dommages et intérêts et au titre des frais de procédure, l'appelante ne peut sérieusement soutenir que l'avis de l'intimée est la cause de son préjudice alors qu'il résulte des débats :

qu'elle a vendu à M.[N] un bateau dont le système de propulsion était atteint de vices cachés dont, en sa qualité de professionnel de la plaisance, elle était présumée avoir connaissance, ce que d'ailleurs sa réticence à remettre à l'expert judiciaire les pièces retraçant l'historique du moteur tend à confirmer ;

qu'elle était dès lors tenue de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, dont le coût lui incombait ;

que l'attentisme dont elle a fait preuve après l'échec de sa première intervention est seul à l'origine de la procédure qui l'a vue condamner.

Ainsi, ni les condamnations prononcées contre la société Nautic Service, ni les frais de procédure mis à sa charge dans le cadre de l'instance l'opposant à M.[N] en raison de son refus de prendre la réparation en charge ne présentent aucun lien de causalité direct avec la faute alléguée de la société Expertises Maritimes qui n'a eu de conséquence ni sur le vice du bateau ni sur l'engagement d'une procédure à laquelle l'intimée n'a même pas été associée. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté toute demande indemnitaire en estimant que les conséquences dénoncées par la société Nautic Service découlaient exclusivement de son propre refus de procéder à la réparation du bateau de M.[N], inapte à naviguer quelques jours après sa livraison, alors qu'elle était tenue à la garantie des vices cachés.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres demandes tenant à l'organisation d'une expertise judiciaire ou à la mise en cause des assureurs de la société Expertises Maritimes Atlantique.

sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive formées par la société Expertises Maritimes Atlantique et les MMA :

Les intimées réitèrent devant la cour leurs demandes en paiement des sommes respectives de 5.000 euros et 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, demandes que le tribunal a rejetées faute d'explications et faute de caractériser le caractère abusif de la procédure.

La persistance des demandes de la société Nautic Service devant la cour, en dépit de la motivation parfaitement claire et cohérente des premiers juges, revêt un caractère abusif qui justifie l'allocation de la somme de 5.000 euros à la société Expertises Maritimes Atlantique.

En revanche, les MMA seront déboutées de leur demande dès lors que leur appel en cause est le fait non pas de la société Nautic Service mais de la société Expertises Maritimes Atlantique, de sorte qu'aucune procédure abusive ne saurait être reprochée à l'appelante pour ce qui les concerne.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Expertises Maritimes Atlantique et des MMA les sommes exposées par elles dans le cadre de la procédure d'appel et non comprises dans les dépens. La société Nautic Service sera condamnée à leur verser à chacune, outre les indemnités mises à sa charge en première instance, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Nautic Service sera en outre condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 02 mars 2017 sauf en ce qu'il a débouté la société Expertises Maritimes Atlantique de sa demande de dommages et intérêts

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société Nautic Service à payer à la société Expertises Maritimes Atlantique la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts

Condamne la société Nautic Service à payer à la société Expertises Maritimes Atlantique la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel

Condamne la société Nautic Service à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel

Condamne la société Nautic Service aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Chelle, président, et par Monsieur Goudot, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/02272
Date de la décision : 08/01/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°17/02272 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-08;17.02272 ?
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