ARRÊT RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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CHAMBRE DES MINEURS
Le : 12 DECEMBRE 2018
CHAMBRE DES MINEURS
N° de rôle : N° RG 18/04802 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KTFY
N°
ASSISTANCE EDUCATIVE
Appelante :
DIRECTION SOLIDARITE CHARENTE A.S.E.
Intimés :
Monsieur X... Y...
Décision déférée : jugement au fond rendu le 06 août 2018 par le Juge des enfants d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel en date du 16 Août 2018,
APPELANT :
DIRECTION SOLIDARITE CHARENTE A.S.E.
demeurant [...]
En présence de Z...
représenté par Me Emmanuel A..., avocat au barreau de NANTES
INTIME :
Monsieur X... Y...
né le [...] à CONAKRY (GUINEE)
demeurant [...]
Comparant, assisté de Me Rachid B... de la C..., avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2018, en chambre du conseil, hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Hélène PICHOT, Présidente, qui a fait le rapport.
Ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de :
Madame Marie-Hélène PICHOT, Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 11 décembre 2017, pour remplir les fonctions de Magistrat Délégué à la Protection de l'Enfance,
Madame Danièle PUYDEBAT, Conseiller, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 11 décembre 2017,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 11 décembre 2017,
Greffier lors des débats : Mme Valérie DUFOUR
Ministère Public : Madame Marie-Hélène de la LANDELLE, Avocat Général
ARRET :
Contradictoire , en dernier ressort
Prononcé en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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Par jugement du 6 août 2018 le juge des enfants du Tribunal de Grande Instance d' Angoulême , statuant sur la situation de X... Y..., se disant né le [...] à Conakry, Guinée, a ordonné le placement du mineur auprès de la Direction de la Solidarité de la Charente jusqu'à sa majorité, a dit que les allocations familiales auxquelles le mineur ouvre droit seront versées directement au département de la Charente , a rappelé au service gardien qu'il conviendra de faire une requête au procureur de la république aux fins de saisine du juge des tutelles et a ordonné l' exécution provisoire de la décision .
Le département de la Charente a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 16 août 2018.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 14 novembre 2018.
Le département de la Charente , représenté, demande à la Cour de constater que X... Y... est majeur, ou du moins qu'il n'est pas mineur, qu'il n'est pas fondé à bénéficier d'une procédure d' assistance éducative et, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale de l'intimé.
X... Y... , présent et assisté, sollicite la confirmation de la décision . Il fournit des documents d'identité qui sont d'après lui authentiques et il estime justifier ainsi de sa minorité.
Le ministère public est entendu en ses réquisitions
SUR CE
X... Y..., originaire de Guinée, dit avoir quitté son pays après la mort de sa mère. Son père, avec qui il ne s'entendait pas, voulait l'inscrire à l'école coranique et n'acceptait pas qu'il fasse des études. Il est arrivé en France fin 2017, après avoir traversé le Mali, D..., le Maroc et l' Espagne. Sa mère serait décédée et il ne s'entendrait pas avec son père. Il a été pris en charge à Séville dans un camp de réfugiés puis il est arrivé à Angoulême . Il a intégré le dispositif du département de la Charente à compter du 30 avril 2018. Il se présente, d'après la cellule d'évaluation , comme un jeune homme sensible, encore affecté par le décès de sa mère et les périls de la migration, physiquement grand et mature.
Il a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de la république d' Angoulême du 26 juillet 2018, puis du jugement déféré.
Le département de la Charente conteste sa minorité et critique la validité des documents que X... Y... a apportés avec lui aux fins d'établir son identité. En effet X... Y... verse aux débats un jugement supplétif n° 3630 du 21 mars 2018 du tribunal de première instance de Conakry III - Mafanco indiquant qu'il est bien né le [...] et un acte de retranscription de ce jugement , daté du 23 mars 2018, en marge du registre d' état civil de la commune de Matoto. Ce jugement porte un tampon indiquant qu'il a été légalisé par le ministère des affaires étrangères de la république de Guinée le 27 mars 2018. Or, comme le fait valoir le département de la Charente , la légalisation ne peut être effectuée , en France, que par le consul du pays qui a établi l'acte, et à l'étranger, que par le consul de France établi dans ce pays. La marque de la légalisation du jugement supplétif présente sur le document fourni par l'intimé n'émanant pas de l'autorité compétente pour y procéder, elle n'a pas de validité et ne confére pas au jugement supplétif présenté une authenticité quelconque.
La minorité de l'intimé n'étant pas établie par les documents officiels qu'il fournit, il convient de rechercher si d'autres éléments du dossier permettent de l'établir. En l'espèce aucune expertise médiacle tendant à déterminer l' âge de X... Y... n'a été effectuée. L' organisation d'une expertise par une juridiction ne devant pas suppléer à l'absence totale de preuve fournie par la partie, il n'apparait pas opportun d'en ordonner une. En effet, en dehors des papiers fournis qui s'avèrent non probants, X... Y... ne verse aux débats aucun adminicule tendant à établir sa minorité, laquelle est fortement mise en cause par les observations de la cellule d'évaluation du département de la Charente faite le 29 mai 2018 qui décrit , non un grand adolescent de 16 ans et demie, mais un jeune homme de haute taille, mature, ayant été autonome dans son parcours migratoire et fournissant des explications claires.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la minorité de X... Y... n'est pas établie et que, de ce fait, il ne peut prétendre à bénéficier des dispositions relatives à l' assistance éducative .
Le jugement entrepris sera réformé.
Les dépens d'appel seront mis à la charge du Trésor Public .
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du 6 août 2018 du juge des enfants du Tribunal de Grande Instance d' Angoulême ,
statuant à nouveau,
Constate que la minorité de X... Y... n'est pas établie,
Dit n'y avoir lieu à intervention en assistance éducative à son bénéfice,
Donne main levée du placement dont il a été l'objet,
Ordonne la clôture de la procédure d' assistance éducative ouverte à son nom ,
Met les dépens d'appel à la charge du Trésor Public .
Le présent arrêt est signé par Marie-Hélène PICHOT, Présidente, et par Valérie DUFOUR, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Notifications à :
Père
Mère
D.S.G
M°
MP