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03/12/2018 | FRANCE | N°17/00377

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 03 décembre 2018, 17/00377


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE





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ARRÊT DU : 03 DECEMBRE 2018





(Rédacteur : Monsieur Robert X..., Président)








N° de rôle : N° RG 17/00377 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JUED














SARL E-MEDIA








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Madame J... Y... veuve Z...


Monsieur Brice Z...


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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2016 (R.G. 2016F00128) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaratio...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 DECEMBRE 2018

(Rédacteur : Monsieur Robert X..., Président)

N° de rôle : N° RG 17/00377 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JUED

SARL E-MEDIA

c/

Madame J... Y... veuve Z...

Monsieur Brice Z...

Madame I... épouse A...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2016 (R.G. 2016F00128) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 17 janvier 2017

APPELANTE :

SARL E-MEDIA prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Maître Florence B..., avocat au barreau de BORDEAUX assisté par Maître Vincent C... avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Madame J... Y... veuve Z... née le [...] à [...] de nationalité Française, demeurant [...]

Monsieur Brice Z... né le [...] à [...]

de nationalité Française, demeurant [...]

représentés par Maître Luc D... de la E... , avocat au barreau de BORDEAUX assistés par Maître Françoise F... avocat au barreau de PARIS

Madame I... épouse A... née le [...] à [...] de nationalité Française, demeurant [...]

représentée par Maître Chloé G... de la SELARL SOL GARNAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 novembre 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert X..., Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société L... , dont le siège est [...] , et dont le fondateur et dirigeant était Christian Z..., détenteur de 84,4% des parts, installe des logiciels de gestion de cabinets de radiologie, principalement dans le grand sud-ouest de la France, et notamment le logiciel «PIRAD V3».

Les cadres de la société détenaient le reste du capital social, dont Mme A..., directrice salariée, avec 3,39%.

Fin 2009, Christian Z... a cherché à céder son entreprise en raison de problèmes de santé, offrant une option prioritaire à ses salariés. C'est ainsi que Mme A... a étudié pour elle-même un «business plan» qu'elle a présenté à sa banque. Elle explique qu'elle n'est toutefois pas parvenue à finaliser son projet de financement faute de pouvoir fournir des garanties. M. Z... s'est alors tourné vers des investisseurs extérieurs.

La société E Media, dont le siège est [...] , et qui est dirigée par M. H..., installe des outils de traitement de l'imagerie médicale dans les centres de radiologie, dans le quart nord-est de la France, a entamé des négociations début 2010.

Par acte du 7 juin 2010, la société E Media a acquis à effet du 1er juillet suivant les actions de M. Z... pour le prix de 1800000 euros. Une «garantie de bilan» a été signé par M. Z... et son épouse J... le 1er juillet 2010.

Une rupture conventionnelle est intervenue le 29 avril 2011 entre la société L... et Mme A..., accompagnée de la cession des actions de la salariée.

Christian Z... est décédé le [...] .

Le 31 janvier 2012, la société E Media a informé Mme veuve Z... qu'elle entendait mettre en oeuvre la garantie de bilan.

Le 17 avril 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté une demande de la société E Media de nomination d'un expert judiciaire. Toutefois, par arrêt du 10 juin 2013, la cour d'appel a ordonné la mesure d'instruction demandée. L'expert en informatique, qui s'est adjoint un sapiteur financier, a déposé son rapport le 6 octobre 2015.

Par actes des 14 et 22 janvier 2016, la société E Media a assigné Mme Z... et son fils M. Brice Z..., ainsi que Mme A..., devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour demander l'annulation de la cession ou à défaut la réduction totale de son prix, la condamnation de Mme Z... à lui payer 1800000 euros, et subsidiairement l'exécution de la garantie de bilan et la condamnation des défendeurs à lui payer 1029458 euros et 400000 euros.

Les défendeurs ont conclu au débouté des demandes et à la condamnation de la demanderesse à leur payer des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par jugement du 15 décembre 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a

Débouté la société E Media de sa demande d'annulation de l'acte de cession et de réduction totale du prix,

Ordonné l'exécution de la garantie de bilan régularisée le 1er juillet 2010,

Dit M. Brice Z... tenu solidairement des engagements contractés au titre de la garantie de bilan par Mme J... Z...,

Débouté la société E Media de ses demandes à l'encontre de Mme A...,

Condamné solidairement Mme J... Z... et M. Brice Z... à payer à la société E Media 115785 euros au titre de la garantie de bilan,

Débouté Mme J... Z... de sa demande reconventionnelle,

Condamné la société E Media à payer à Mme A... 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Ordonné l'exécution provisoire,

Condamné solidairement Mme J... Z... et M. Brice Z... à payer à la société E Media 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la société E Media 3500 euros à Mme A... sur le même fondement,

Condamné Mme J... Z... et M. Brice Z... aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration du 17 janvier 2017, la société E Media a interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 14 avril 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société E Media demande à la cour de :

dire et juger que l'acquisition réalisée le 1er juillet 2010 de 2014 actions de la société L... par la société E-MEDIA a été réalisée dans des conditions trompeuses ;

En conséquence,

à titre principal :

- prononcer l'annulation de cette cession ou, à défaut

- ordonner la réduction totale du prix de cession,

dans les deux cas :

- condamner Madame J... Z..., au paiement de la somme de 1.800.000 € (un million huit cent mille euros), en faveur de la société E-MEDIA.

à titre subsidiaire :

- ordonner l'exécution de la garantie de bilan du 1er juillet 2010, en conséquence :

- condamner, in solidum, Madame J... Z..., Monsieur Brice Z..., au paiement de la somme de 1.029.458 €, (un million, vingt-neuf mille, quatre cent cinquante-huit euros), en faveur de la société E-MEDIA.

- condamner, in solidum, Madame J... Z..., Monsieur Brice Z..., au paiement de la somme de 400.000 €, (quatre cent mille euros), en faveur de la société E-MEDIA, en raison des préjudices directs et indirects supplémentaires subis par cette dernière.

Vu l'article 1382 du Code civil :

- prononcer la condamnation de Madame A..., in solidum avec Madame J... Z... et les ayants-droit de Christian Z..., pour les condamnations qui seront prononcées.

Vu l'article 700 du Code de procédure civile :

- condamner Madame J... Z..., Monsieur Brice Z..., et Madame A... au paiement de la somme de 40.000 euros.

- condamner Madame J... Z..., Monsieur Brice Z..., et Madame A... au paiement de la somme de 31.897,26 € euros au titre des dépens d'expertise.

Outre les demandes reprises intégralement ci-dessus de «dire que» , qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, la société E Media fait en sus valoir :

Sur la demande d'annulation de la cession pour dol, qu'elle a été victime d'une tromperie au moment de la cession ; que Mme A... lui a transmis son business plan sans émettre la moindre réserve sur l'impréparation des modules de PIRAD EVO pouvant s'opposer à la commercialisation du logiciel ; que M. H... a été activement trompé sur l'état du logiciel, dont les dysfonctionnements existant avant la vente lui ont été délibérément cachés ; qu'il a été abusé sur le maintien des cadres de la société Z... ; que les malfaçons et non-façons du logiciel ont été confirmées par l'expertise ; que si M. H... avait été avisé du réel état du logiciel PIRAD EVO, il n'aurait pas pris la décision d'acquérir L... ;

Sur la mise en jeu de la garantie de bilan, qu'aucune déclaration ni réserve n'est formulée en ce qui concerne l'impropriété de PIRAD EVO ; que le vendeur a garanti qu'aucune information n'avait été conservée qui aurait pu influencer la société E Media dans sa décision d'acquisition ; que l'expert a procédé à un travail très rigoureux du chiffrage de ses préjudices ; qu'il convient d'y ajouter les préjudices supplémentaires, directs et indirects, subis par L... et E Media ;

Sur la responsabilité civile de Mme A..., que celle-ci a été l'interlocuteur privilégié de M. H... pour la négociation du projet de cession ; qu'elle détenait des informations qui ont été cachées à M. H... préalablement à la cession ; qu'elle a agi non dans le cadre de ses fonctions salariées mais dans l'intérêt du vendeur ; qu'elle était la n° 2 de l'entreprise et a elle-même envisagé d'en acquérir le contrôle ; qu'elle avait nécessairement accès à toutes les informations de l'entreprise ; que sa faute consiste à avoir sciemment laissé M. H... procéder à l'acquisition alors même qu'elle savait nécessairement que PIRAD EVO n'était absolument pas commercialisable et que les déclarations sur ce point étaient fausses ;

que le jugement doit être confirmé sur la mise en cause des ayants-droits de Christian Z....

Par conclusions déposées en dernier lieu le 9 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, Mme J... Z... et M. Brice Z... demandent à la cour de :

A titre principal :

Déclarer la société E MEDIA irrecevable en ces demandes contre M. Brice Z....

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté sur le fondement du dol.

Reformer le jugement en ce qu'il| a condamne Ies intimes sur le fondement de Ia garantie d'actif et de passif,

En conséquence,

Déclarer la société E MEDIA mal fondée de l'intégralité de ses demandes.

Ordonner la restitution de la somme de 115 785 € versée à titre de provision en vertu de l'exécution provisoire du jugement dont appel

A titre reconventionnel :

Condamner E MEDIA à payer à Mme Z... somme de 50 000 € a titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamner E MEDIA à payer à Mme Z... somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du CPC au titre des frais d'avocat et d'expert comptable.

Condamner E MEDIA à rembourser a Mme Z... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC verse suite à l'arrêt de la Cour d'appel du 10 juin 2013.

En tout état de cause, condamner E MEDIA aux entiers dépens, comprenant les dépens d'expertise et condamner E MEDIA à rembourser à Mme Z... toutes sommes dont elle aurait pu être tenue de faire l'avance à ce titre.

Les consorts Z... font notamment valoir :

que l'action est irrecevable contre M. Brice Z..., fondée sur la garantie de bilan dont il n'est pas signataire alors que l'intégralité de la demande à son encontre est fondée sur le rapport d'expertise judiciaire à laquelle il n'était pas partie ;

que les demandes de E Media sont mal fondées et qu'elle est défaillante dans la charge de la preuve de ses allégations ; que le contrat de vente a consisté à céder des droits sociaux, sans référence à aucun logiciel ; qu'aucune condition déterminante à l'achat ne ressort des échanges précontractuels ; que l'acquéreur, professionnel spécialisé dans les logiciels, n'a procédé à aucun audit des logiciels, mais seulement à un audit comptable et juridique ; que les documents contractuels confirment bien la connaissance qu'avait l'acquéreur de la situation et quels sont les éléments garantis, c'est à dire les capitaux propres comptables au 31 mai 2010 ; que les comptes postérieurs à la cession par la nouvelle direction ne font apparaître aucune difficulté ; que «PIRAD EVO» ne fait pas partie de l'actif garanti ; que le «business plan» n'avait pas vocation à être un élément contractuel de la cession et que c'est le dirigeant de E Media qui a insisté pour que Mme A... lui communique son propre business plan ; que ni elle ni M. Z... n'étaient chargés de valider ce document ni de donner des conseils, alors que la société E Media était conseillée par un expert-comptable et un avocat ; que l'état du logiciel n'a pas constitué une cause déterminante de l'achat des actions.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 13 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, Mme A... demande à la cour de :

Confirmer purement et simplement la décision du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en ce qu'elle a débouté purement et simplement la société E MEDIA de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Madame A...

Réformer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société E-MEDIA à payer à Madame A... une somme de 5 000 € de justes dommages et intérêts.

En conséquence,

Condamner la société E MEDIA à payer à Madame A... la somme de 15.000,00 € de justes dommages et intérêts en raison du préjudice moral occasionné par la témérité de son assignation,

Condamner la société E MEDIA à payer à Madame A... la somme de 10.000,00 € de justes dommages et intérêts en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a du engager pour assurer sa représentation dans le cadre des diverses procédures tant au fond qu'en référé ainsi que sur la durée de l'expertise.

Condamner la société E MEDIA en tous les dépens

Mme A... fait notamment valoir que, simple préposée, elle n'a jamais pris la moindre initiative tout au long des négociations menées en vue de la cession, se limitant à communiquer, sur ordre, les éléments sollicités par l'acquéreur ; que l'action dirigée contre elle sur le fondement de l'article 1382 du code civil ne saurait sérieusement prospérer, en l'absence de faute de sa part, de lien de causalité et de préjudice ; que les pièces produites par E Media démontrent que cette société a surévalué la valeur des logiciels dans ses propres comptes, ce que n'avait jamais fait la société Z... ; que la société E Media a pris une mesure intempestive en l'assignant et portant de graves accusations de tromperie, lui causant un véritable préjudice moral.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire

Les intimés, appelants incidents, demandent le remboursement de sommes versées à la société E Media en vertu de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal.

Cette demande est en réalité sans objet.

En effet, et alors que les questions relatives à l'exécution provisoire ne sont pas du ressort de la cour statuant au fond, il doit être rappelé qu'un éventuel arrêt infirmatif constituerait le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des intimés.

Il en est évidemment de même pour ce qui est de la somme versée à la suite de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de M. Brice Z...

La société E Media poursuit à la fois Mme veuve Z... et M. Brice Z..., fils de cette dernière et de Christian Z....

Les consorts Z... demandent d'abord que la société E Media soit déclarée irrecevable en ses demandes contre M. Brice Z....

Ils font valoir qu'il n'est pas signataire de la garantie de bilan, et que la demande articulée à son encontre est fondée sur le rapport d'expertise qui ne lui est pas opposable.

Ils exposent ensuite que les époux Z... étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, et que Mme veuve Z... a opté pour l'usufruit de la totalité, de sorte que leur fils ne peut être tenu de l'intégralité des sommes revendiquées puisqu'il doit être tenu compte de sa part successorale.

Il résulte des dispositions de l'article 873 du code civil que les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part, mais aussi, hypothécairement pour le tout.

Toutefois, l'intégralité des dettes de la succession est garantie par l'hérédité toute entière dès lors que le partage n'est pas effectué, ce qui est le cas du vivant de Mme Z....

Au surplus, en l'espèce,la convention de garantie (pièce n° 13 de E Media et n° 3 des consorts Z...) prévoit expressément que «les héritiers, successeurs, ayants-droit et ayants-cause des parties seront comme celles-ci indivisiblement et solidairement tenus à l'entière exécution des engagements contractés aux termes des présentes» (page 13).

Dès lors, l'action de la société E Media à l'encontre de M. Brice Z..., en sa qualité d'héritier de son père, n'est pas irrecevable, et il a intérêt à défendre à l'action, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le mettre hors de cause.

Il y a donc lieu de rejeter la demande d'irrecevabilité.

Sur le fond

La société E Media, en raison de difficultés rencontrées dans l'installation chez les clients d'une nouvelle version du logiciel PIRAD V3, dite «PIRAD EVO», poursuit, à l'encontre de Mme veuve Z... et M. Brice Z... :

A titre principal, l'annulation de la cession pour dol et la restitution du prix, ou, à défaut, la réduction totale du prix

A titre subsidiaire, la mise en 'uvre de la garantie de bilan du 1er juillet 2010.

Dans les deux cas, la société E Media demande la condamnation in solidum de Mme A... avec les consorts Z....

Sur le dol allégué et la demande d'annulation de la cession ou de réduction du prix

La société E Media soutient à titre principal l'annulation de la cession pour dol, ou à défaut la réduction totale du prix de cette cession.

L'appelante expose que, en raison de difficultés persistantes pour installer la version «PIRAD EVO» qui avait commencé à être installée dès juillet 2010, son dirigeant a abouti à la conclusion que les difficultés proviendraient de vices intrinsèques du produit, et il fait état des difficultés rencontrées sur divers sites jusqu'en avril 2012 (Arès, Lesparre ' 3 sites, Langon ' 3 sites, La Rochelle ' 9 sites).

Les difficultés rencontrés après l'installation de la nouvelle version du logiciel ne sont pas particulièrement contestées par les consorts Z..., qui ne sont que les ayants-droits du fondateur dirigeant de la société cédée, qui ne participaient en rien à sa gestion et qui n'ont aucune connaissance personnelle sur le logiciel. Ils peuvent toutefois utilement faire remarquer que si certaines fonctionnalités de PIRAD EVO étaient encore à développer, il ne s'agit pas de dysfonctionnements. Mme A... souligne pour sa part qu'elle n'avait aucune fonction d'ingénierie dans ce programme.

Les difficultés rencontrées après l'installation de la nouvelle version sont confirmées par l'expertise que la société E Media a fait diligenter (sa pièce n° 28).

Cette expertise (conclusions du rapport, pages 62 et 63) relève que la version «PIRAD V3» était un logiciel mature installé chez de nombreux clients, mais ne répondant plus aux besoins du marché, et que la nouvelle version «PIRAD EVO» a commencé à être installée à partir de décembre 2009. L'expert conclut que l'examen de la nouvelle version au 30 juin 2010 lui a permis de constater que des fonctions n'existaient pas et que d'autres étaient incomplètes. Il relève que des problèmes étaient apparus dès avant la vente sur les sites de Chaville, Elne et Royan.

Les difficultés rencontrées à cette date pour installer chez les clients la nouvelle version «PIRAD EVO» sont en conséquence objectivées.

Toutefois, ces difficultés ne sont pas en elles-mêmes et à elles seules de nature à entraîner l'annulation de la cession ou la réduction totale de son prix.

Pour cela, il faudrait que le logiciel «PIRAD EVO» ainsi que son état d'avancement pour être déployé ait été la cause ayant déterminé la société E Media à contracter, et que cette société ait été trompée volontairement par le cédant sur l'état de la nouvelle version.

En effet, la caractérisation d'un dol au sens de l'article 1116 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à la réforme intervenue en 2016, nécessite l'existence de man'uvres dolosives, entendues comme des actes positifs destinés à tromper le cocontractant, le mensonge ou une réticence dolosive, entendue comme le silence gardé volontairement sur un élément déterminant, et qui ont déterminé l'autre partie à contracter.

En l'espèce, la société E Media soutient que la cause déterminante et impulsive de l'achat et du prix accepté portait sur le logiciel «PIRAD EVO» que la société Z... venait de mettre sur le marché, et qu'elle a été victime d'une tromperie pour l'élaboration de son business plan, sur l'état du logiciel et sur le maintien des cadres de la société Z....

Elle affirme qu'elle n'aurait pas conclu la transaction sans ces man'uvres et réticences dolosives, et qu'elle aurait subi un préjudice de 1,8 million d'euros.

Pour autant, les intimés peuvent utilement se défendre et répondent aux arguments.

Le logiciel, quel que soit son état de développement, n'est pas la cause du contrat, déterminante ou non, qui porte sur une vente de droits sociaux. Il n'en constitue pas non plus une cause substantielle, faute notamment de la moindre allusion à «PIRAD EVO» dans le contrat de cession ou dans la garantie de bilan.

La société E Media a acquis les parts d'une société florissante, disposant d'une importante clientèle, et non la nouvelle version d'un logiciel.

Les consorts Z... relèvent à juste titre les communications positives de M. H... sur une situation très favorable, en janvier 2011, d'une part vers les salariés (leur pièce n° 22), et dans les médias (leur pièce n° 1 ' articles dans les Dernières Nouvelles d'Alsace ' DNA, et dans Les Echos), et le fait que E Media s'était toujours félicitée des résultats excellents de la société Z... (leurs pièces n° 24 à 28).

Ils peuvent aussi observer que M. H..., dirigeant de E Media, savait parfaitement que la version «PIRAD EVO» était très récente, et qu'il n'a demandé aucune information précise sur son développement, s'intéressant seulement à des éléments financiers sans rapport avec le logiciel. C'est ainsi qu'il n'est aucunement établi que les premières difficultés rencontrées sur les premières installations de la nouvelle version, à supposer qu'elles aient été particulièrement alarmantes s'agissant de l'installation d'un nouveau logiciel, aient fait l'objet d'une dissimulation particulière.

Les intimés pointent qu'aucune preuve n'est rapportée de l'affirmation de E Media qu'il aurait été «annoncé que le logiciel aurait été prêt à être déployé chez les clients et donc à générer un important chiffre d'affaires».

Il est constant que M. H... a fait procéder à un audit comptable et juridique, mais pas à un audit des logiciels, alors qu'il est un acquéreur professionnel spécialisé dans les logiciels et que la négociation a duré près de 6 mois.

Le «business plan» invoqué par la société E Media est un document destiné aux établissements bancaires et n'a pas vocation à être un éléments contractuel pour déterminer la cession.

Il n'est d'ailleurs aucunement annexé aux contrats, de cession ou de garantie.

C'est M. H... qui a demandé à Mme A... qu'elle lui communique son propre plan, et ni Mme A... ni M. Z... n'étaient chargés de valider le business plan élaboré par M. H..., pas plus que de lui donner des conseils sur son contenu. Les consorts Z... pointent que M. H... était conseillé par un expert-comptable et par un avocat.

Ils peuvent utilement ajouter que les actions de la société ont été valorisées grâce à de nombreux autres actifs et d'autres logiciels, et que la situation de la société est apparue florissante, notamment au président de chambre délégué par le premier président, qui a refusé l'arrêt de l'exécution provisoire.

S'agissant du départ des cadres salariés, force est là aussi de constater que le maintien des cadres salariés n'était en rien une condition de la cession et ne saurait en être considéré comme une cause déterminante.

Mme A... peut utilement observer que les salariés ne sont pas partie à la cession, et ne sont en rien tenus par elle.

Alors que le dol, pour pouvoir être retenu, doit avoir émané du cocontractant, il n'est nullement établi que Christian Z... se serait engagé sur ce point, ce qu'il ne pouvait d'ailleurs pas faire.

Les consorts Z... peuvent aussi faire valoir que Mme A..., qui, quoique directrice, ne dirigeait pas l'entreprise, ce qui était du ressort de leur auteur, n'a pas immédiatement quitté celle-ci, et que M. H... a pu écrire (leur pièce n° 22) qu'il regrettait mais comprenait son départ.

Le départ de cadres après la reprise, y compris celui de Mme A..., n'est donc pas de nature à caractériser un dol de la part du vendeur.

Ainsi, aucun dol au sens de la définition ci-dessus n'est établi par la société E Media, et c'est à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté la demande présentée sur ce fondement.

Sur la mise en 'uvre de la garantie de bilan

A titre subsidiaire, la société E Media poursuit alors la mise en 'uvre de la garantie de bilan (pièce n° 2 de E Media et n° 3 des consorts Z...), et demande la condamnation à ce titre de Mme veuve Z... et de M. Brice Z... à lui payer, d'une part 1029458 euros, et, d'autre part, 400000 euros pour des préjudices directs et indirects supplémentaires. Le premier montant est tiré par E Media du rapport d'expertise, et inclut 465000 euros au titre de la mise au point de PIRAD EVO, 347000 euros de défauts directs de commercialisation, 147448 euros de perte de clientèle directe et 70000 euros de préjudice commercial consécutif.

Les consorts Z... s'opposent à cette demande, et forment appel incident sur le jugement qui les a condamnés à ce titre.

Mme A... n'est pas contractuellement concernée par cette garantie.

Cette «garantie de bilan» du 1er juillet 2010, en son article 1er, paragraphe 2, précise : «La garantie financière d'actif et de passif porte sur les éléments figurant dans l'arrêté des comptes au 31 mai 2010».

La société E Media fait valoir que la garantie de bilan intègre une déclaration sur les logiciels en sa page 4 : « la SOCIETE est propriétaire de tous ses actifs incorporels en particulier des systèmes, logiciels et solutions informatiques qu'elle commercialise en disposant de la pleine et entière propriété sur ceux-ci dont celle relative aux codes sources s'y rapportant ».

Pour autant, le litige ne porte en rien sur la propriété de logiciels ou de leur code source, de sorte que l'argument est sans portée.

La société E Media argumente ensuite sur le fait que le garant déclare n'avoir conservé aucune information qui aurait pu influencer la décision d'acquisition et garantit l'exactitude et le caractère complet des déclarations.

Elle évoque là ce qu'elle appelle «les désordresdécrits dans [ses] écritures», faisant allusion à ses affirmations relatives à l'état d'avancement de la nouvelle version du logiciel, ci-dessus décriteset analysées au titre de son moyen relatif à un dol pour affirmer qu'elle est fondée à mettre en 'uvre la garantie de bilan.

Or, il n'apparaît pas que la garantie de bilan puisse jouer dans ce cas d'espèce, pour les motifs suivants :

En effet, la garantie de bilan, et donc les affirmations d'exactitude invoquées, portent non pas sur l'état d'avancement de la nouvelle version du logiciel, mais seulement sur les éléments comptables figurant dans l'arrêté des comptes au 31 mai 2010. Il ne s'agit en rien d'une garantie sur un futur chiffre d'affaires, et notamment pas provenant de l'installation de la nouvelle version.

Le tribunal de commerce, qui avait écarté les demandes fondées sur le dol, a retenu que la garantie de bilan devait s'appliquer, et a condamnée les consorts Z... à payer des sommes à E Media sur ce fondement. Mais il a motivé sa décision de façon erronée en écrivant : «que PIRAD EVO est un logiciel commercialisé par L... et fait donc partie de ses actifs incorporels et est à ce titre garanti par la garantie de bilan ;»

Or, les consorts Z... font remarquer que la valeur des logiciels au bilan servant de référence à la garantie est de zéro, du fait d'un complet amortissement, ce que confirme l'expertise demandée par E Media.

La société E Media ne saurait donc soutenir que la garantie de bilan devrait s'appliquer en raison d'une valeur erronée de la nouvelle version qui serait inscrite au dit bilan.

Le raisonnement du tribunal de commerce pêche en ce que ce sont seulement les valeurs, notamment des actifs, inscrites au bilan du 31 mai 2010 qui sont garanties.

Or, aucune contestation n'est élevée au sujet d'une valeur inscrite au bilan de la nouvelle version du logiciel PIRAD V3, et pour cause, la nouvelle version n'étant pas valorisée en tant que telle, et aucune valeur de figurant plus au titre des logiciels dont la société était propriétaire en raison de leur amortissement.

Les consorts Z... peuvent également observer utilement que le rapport de gestion du président pour l'assemblée générale du 30 juin 2010, relative à l'exercice clos le 31 mars 2010, ne mentionne aucune difficulté (leur pièce n° 18), et qu'il n'est fait dans les annexes aux comptes approuvés (leur pièce n° 19) aucune référence à des problèmes de défaillance technique qui auraient nécessité des adaptations entraînant charges, alors même que les faits significatifs sont une mention obligatoire de l'annexe.

Il n'y a donc pas lieu à garantie sur le fondement de la «garantie de bilan» du 1er juillet 2010, et le jugement doit être réformé sur ce chef de condamnation.

La société E Media sera déboutée de ses demandes sur ce fondement.

Sur la mise en cause de Mme A...

La société E Media, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, soutient une faute de Mme A... à son encontre, qui consiste à lui avoir sciemment laissé procéder à l'acquisition, alors même qu'elle savait nécessairement que «PIRAD EVO» n'était absolument pas commercialisable et que les déclarations faites sur ce point étaient fausses.

Elle demande alors que Mme A... soit condamnée in solidum avec Mme Z... et «les ayants-droit» de Christian Z... pour les condamnations qui seront prononcées contre ceux-ci.

Il est constant que Mme A... n'est pas le cocontractant de la société E Media, qui était le seul Christian Z....

Ainsi, il ne saurait être question de rechercher sa responsabilité contractuelle, ni une responsabilité dans le dol allégué, qui doit nécessairement émaner du cocontractant pour être retenu comme un vice du consentement.

Mme A... n'est pas non plus la signataire de la garantie de bilan, qui ne concerne que Mme veuve Z... et les ayants-droits de Christian Z....

Il appartient donc à la société E Media, qui recherche sa responsabilité délictuelle, d'établir une faute de Mme A... à son encontre, qui serait à l'origine d'un préjudice qu'elle aurait subi.

La société E Media consacre à Mme A... les pages 43 et 44/49 de ses conclusions, en faisant valoir que M. H... communiquait «principalement» avec elle depuis décembre 2009, qu'elle détenait des informations qui lui ont été cachées préalablement à la cession.

Elle en déduit que, en s'abstenant d'avertir la société E Media de la «réelle situation du logiciel PIRAD EVO», elle a «donc concouru» aux man'uvres dolosives et donc nécessairement engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Cette affirmation implique donc que, pour qu'une faute de Mme A... puisse être caractérisée, des man'uvres dolosives à l'encontre de la société E Media aient d'abord été établies.

Or, aucune manoeuvre dolosive à l'encontre de la société E Media n'est caractérisée en l'espèce, comme analysé ci-dessus.

Au surplus, le tribunal de commerce a pu relever qu'il n'est pas démontré que Mme A..., qui n'est pas informaticienne, aurait été informée en novembre 2009 et mars 2010 de difficultés d'élaboration de «PIRAD EVO».

De plus encore, la société E Media omet d'expliciter et même de fonder juridiquement en quoi Mme A..., seulement préposée de la société L... , aurait dû, voire aurait pu, s'immiscer dans les discussions entre son employeur et un potentiel repreneur pour, si l'on suivait celui-ci, le dissuader de conclure l'affaire au motif d'une maturité insuffisante de la nouvelle version du logiciel, alors même qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance d'une maturité insuffisante.

Au contraire, Mme A... peut observer sans être juridiquement contredite qu'elle était en toute hypothèse tenue d'une obligation de confidentialité vis à vis de son employeur, et qu'il ne lui appartenait pas de communiquer avec des tiers sur le fonctionnement de l'entreprise.

Le fait qu'elle ait fourni à M. H... le «business plan» qu'elle avait élaboré pour elle-même avant de devoir y renoncer, et dont elle peut faire remarquer qu'il n'avait pas convaincu ses banquiers, ne saurait être retenu contre elle, puisqu'il s'avère avoir été communiqué au candidat à la reprise sur la propre demande de M. H... :

(pièce n° 3-13 de E Media) ' échanges de courriels entre M. H... et Mme A... ' de Bertrand H... le 11 mars 2010 à 16 heure 50 : « Bonjour I... (...)concernant votre banque, j'aurais besoin des prévisions de croissance de CA (par produit), grosso-modo, que vous leur aviez «promis», histoire que nous ne montrions pas un visage trop différent...».

A la suite de quoi, le 11 mars 2010 à 17 heures 08, Mme A... à Bertrand H... : «Bonsoir, (') Je vous expédie en PJ la copie de mon plan d'affaire».

Au demeurant, il ne saurait être sérieusement soutenu que la société E Media aurait préparé son dossier de financement sur la base du tableau fourni par Mme A... et datant de plusieurs mois, alors que cette préposée n'était tenue à aucune obligation particulière et était étrangère aux négociations entre le vendeur et le repreneur.

Mme A... peut aussi observer sans être démentie que la société E Media a surévalué la valeur des logiciels dans ses propres comptes, présentant son propre Business plan en valorisant le chiffre d'affaires à 3500 000 euros (pièce E Media n° 3), alors que le chiffre d'affaires déclaré n'était que de 1190000 euros dans sa présentation par la société Z... (pièce E Media n° 8).

Enfin, Mme A... peut opposer à bon droit que sa décision de quitter la société ne saurait être présentée comme fautive, dès lors qu'on ne peut empêcher un salarié de n'avoir pas souhaité collaborer au projet d'un repreneur.

Force est de constater qu'elle n'a pas quitté immédiatement la société, mais seulement 10 mois après la cession.

Il peut être ajouté que Mme A... a quitté la société dans le cadre d'une rupture conventionnelle, ce qui implique nécessairement pour le moins une acceptation, voire une volonté dans le même sens de la part de son employeur, et que la reprise de sa part du capital social n'apparaît pas avoir fait difficulté.

D'ailleurs, M. H... écrivait le 4 janvier 2011 (pièce n° 22 des consorts Z...) : «I... a décidé de nous quitter : je le regrette mais je la comprends (') le départ de I... doit aussi être une opportunité et un facteur de progrès».

Ainsi, aucune faute de Mme A... en relation causale avec le préjudice dont se plaint la société E Media n'est caractérisée.

Au surplus, la société E Media ne présente pas de demande séparée à l'encontre de Mme A..., sollicitant seulement sa condamnation in solidum avec les consorts Z... «pour les condamnations qui seront prononcées». L'absence de condamnation des consorts Z... prive donc d'autant plus de pertinence la demande présentée contre Mme A....

Il y a donc lieu de confirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu'elle a débouté la société E Media de ses demandes à l'encontre de Mme A....

Sur les autres demandes

Mme A... forme appel incident sur la disposition qui, tout en lui accordant des dommages-intérêts pour préjudice moral, en a limité le quantum à 5 000 euros.

Elle fait valoir que les surévaluations de résultat sont du seul fait de E Media, alors que le chiffre d'affaires s'est maintenu en 2011 ; que E Media a pris une mesure intempestive en l'assignant et en portant sans fondement de graves accusations de tromperie.

De fait, en assignant Mme A..., préposée de la société cédée, pour demander sa condamnation à lui payer des sommes importantes, sans véritablement tenter de distinguer son rôle de celui de son vendeur, et sans pouvoir établir ses accusations à son égard, la société E Media a commis une faute qui fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice. Cette faute a causé à Mme A... un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation.

Ainsi, le principe de l'octroi de dommages-intérêts à Mme A... sera confirmé. Toutefois, il sera réformé sur le quantum, lequel sera porté à 15000 euros pour tenir compte de l'importance du préjudice subi.

Mme Z... demande la condamnation de la société E Media à lui payer 50000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Elle fait valoir qu'en réalité, E Media demande à se faire rembourser davantage que le prix d'acquisition des action ; que cette procédure dure depuis 2012 et qu'elle a dû y consacrer beaucoup d'énergie et un coût financier important.

Toutefois, une action de l'acquéreur des parts d'une société à l'encontre des ayants-droits de son vendeur et des signataires ou ayants-droits d'une garantie, constitue un droit pour cet acquéreur, et en l'espèce, même si ses prétentions sont finalement repoussées, il n'est pas établi que la société E Media aurait fait dégénérer en abus son droit d'action à l'encontre des ayants-droits de son vendeur.

La demande sera donc rejetée.

Mme Z... demande aussi 50000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, elle demande que E Media soit condamnée aux dépens, comprenant «les dépens» d'expertise, mais aussi à lui rembourser «toutes sommes dont elle aurait pu être tenue de faire l'avance à ce titre».

Cette demande, qui ne vise pas un fondement juridique particulier, est curieusement formulée, en ce sens qu'elle ne distingue pas s'il est ainsi fait allusion à des frais irrépétibles, qui doivent être traités par ailleurs, ou si Mme Z... s'est effectivement trouvée contrainte de faire des avances dans le cadre de l'expertise. Par ailleurs, la demande n'est pas chiffrée et ne saurait donc être liquidée. Elle ne peut donc pas prospérer.

La société E Media paiera à Mme A... une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et sur le même fondement une somme de 10000 euros à Mme veuve Z....

M. Brice Z... ne formule pas de demande pas sur ce fondement.

La société E Media supportera les dépens de première instance et d'appel, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'y inclure les frais de l'expertise ordonnée en référé à la seule initiative de E Media, et qui n'était pas indispensable à la solution du présent litige.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

Déclare recevable en la forme l'action de la société E Media tant à l'égard de Mme veuve Z... en sa qualité de signataire de la garantie de bilan, que de la même Mme Z... et de M. Brice Z... en leur qualité d'ayants-droits de Christian Z...

Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 15 décembre 2016,

SAUF en ce qu'il a débouté la société E Media de sa demande d'annulation de l'acte de cession et de réduction totale du prix à raison d'un dol,

ET SAUF en ce qu'il a débouté la société E Media de ses demandes à l'encontre de Mme A..., et en ce qu'il a condamné cette société à lui payer 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme l'octroi à Mme A... de dommages-intérêts en compensation de son préjudice moral,

Réforme toutefois sur le quantum des dommages-intérêts alloués par le tribunal de commerce, et, statuant à nouveau sur ce quantum,

Condamne la société E Media à payer à Mme A... la somme de 15000 euros de dommages-intérêts,

Et, statuant à nouveau sur les autres chefs infirmés,

Déboute la société E Media de l'ensemble de ses autres demandes, et particulièrement de sa demande de mise en 'uvre de la garantie de bilan,

Déboute Mme veuve Z... de sa demande de dommages-intérêts,

Déboute Mme Z... de sa demande relative au frais d'expertise,

Condamne la société E Media à payer à Mme A... la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société E Media à payer à Mme veuve Z... la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société E Media aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que les frais de l'expertise ordonnée en référé n'ont pas à être inclus dans les dépens de la présente instance.

Le présent arrêt a été signé par M. X..., président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/00377
Date de la décision : 03/12/2018

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 02, arrêt n°17/00377 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-03;17.00377 ?
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