COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
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ARRÊT DU : 27 JANVIER 2016
(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)
N° de rôle : 13/06967
MUTUELLE D'ASSURANCE DES PROFESSIONS ALIMENTAIRES (MAPA)
c/
[K] [W] épouse [C]
[H] [C]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6°, RG : 11/02771) suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2013
APPELANTE :
MUTUELLE D'ASSURANCE DES PROFESSIONS ALIMENTAIRES (MAPA), agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître PARCHEMINEY substituant Maître Frédéric GONDER, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[K] [W] épouse [C]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 8] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
[H] [C]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 10] (31)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
représentés par Maître Jacques CHAMBAUD de la SELARL Cabinet Jacques CHAMBAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 décembre 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Catherine FOURNIEL, président,
Jean-Pierre FRANCO, conseiller,
Catherine BRISSET, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
Les époux [C] ont fait assurer leur remorque de marque Léon immatriculée [Immatriculation 5] aménagée pour la vente de confiseries, frites, chichis et sandwichs auprès de la MAPA. Le véhicule tracteur immatriculé [Immatriculation 6] était lui assuré auprès de la MMA au jour de la souscription et du GAN au jour de la déclaration du sinistre objet du présent litige.
Le 8 décembre 2009 ils ont déposé plainte pour le vol de leur véhicule.
Saisi sur assignation des époux [C], le tribunal de grande instance de Bordeaux a, par jugement du 7 novembre 2013, dit qu'il n'y avait lieu ni à nullité du contrat d'assurance, ni à déchéance de garantie et a condamné la MAPA, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :
62 136 € au titre du vol de la remorque,
2 000 € au titre des marchandises volées,
10 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que le changement d'assureur du véhicule tracteur ne pouvait être une cause de nullité du contrat d'assurance au visa de l'article L 113-4 prévoyant une dénonciation du contrat et qu'il n'existait pas de fausse déclaration intentionnelle de nature à modifier l'opinion que l'assureur avait du risque. Il a estimé en outre que la garantie de l'assureur était acquise.
La MAPA a relevé appel de la décision le 2 décembre 2013.
Dans le dernier état de ses écritures en date du 17 avril 2015, la MAPA conclut à la réformation du jugement et à la nullité du contrat d'assurance et subsidiairement à la déchéance de garantie. Plus subsidiairement, elle discute le montant des indemnités qu'elle évalue à la somme de 3 500 € valeur de remplacement, sauf à la cour à ordonner une expertise. En toute hypothèse elle sollicite condamnation des intimés au paiement de la somme de 75 636 € au titre des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire et celle de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'absence de notification par les assurés de la modification d'assurance du véhicule tracteur a bien modifié l'opinion qu'elle avait du risque de sorte qu'il y a lieu à nullité du contrat. Elle soutient qu'il n'est pas établi que le véhicule tracteur était assuré. Elle ajoute que la version du vol présentée par les intimés est fantaisiste de sorte que le vol n'est ni établi, ni même vraisemblable. Elle oppose une déchéance de garantie. Elle s'explique en outre sur les montants d'indemnité.
Dans leurs dernières écritures en date du 20 avril 2015, les époux [C] concluent à la confirmation du jugement sur le principe de l'indemnisation et à sa réformation sur le montant sollicitant les sommes suivantes :
69 040 € au titre du véhicule volé,
2 000 € au titre des marchandises,
40 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil,
3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre la même somme devant la cour.
Ils font valoir en synthèse qu'il n'y a pas lieu à nullité du contrat, la modification de l'assureur du tracteur ne modifiant pas l'opinion du risque de l'assureur du véhicule tracté. Ils contestent toute déchéance de garantie et soutiennent que les circonstances du vol ont été déclarées précisément et que sa réalité n'est pas contestable. Ils s'expliquent sur le préjudice, soutenant qu'il n'y a pas lieu à expertise.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 23 avril 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le 11 juillet 2008, madame [C] a souscrit auprès de la MAPA un contrat d'assurance portant sur une remorque aménagée pour le commerce ambulant de confiseries et chichis. Le contrat ne portait pas sur le véhicule tracteur.
Le vol de la remorque, sinistre objet du litige, a été déclaré le 8 décembre 2009.
Pour conclure à la réformation du jugement, la MAPA soutient en premier lieu que le contrat serait nul faute pour l'assuré de lui avoir déclaré la modification portant sur l'assureur du véhicule tracté. Elle invoque à ce titre les dispositions de l'article L 113-4 du code des assurances. Toutefois ainsi que l'a exactement caractérisé le premier juge, ces dispositions, même en considération d'une aggravation du risque tenant à la circonstance de modification de l'assureur du véhicule tracteur, ne peuvent conduire à la nullité du contrat d'assurance mais uniquement à une éventuelle dénonciation du contrat par l'assureur ce qui n'a pas été le cas.
Il ne pouvait davantage y avoir lieu à nullité du contrat sur le fondement des dispositions de l'article L 113-8 dans la mesure où si le changement d'assureur du véhicule tracteur n'a pas fait l'objet d'une déclaration par l'assuré, aucun élément ne permet de retenir un caractère intentionnel à cette omission.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la nullité du contrat d'assurance.
Sur la garantie, il est produit uniquement les conditions particulières du contrat et non les conditions générales. Il est acquis au vu des conditions particulières que la garantie contre le vol était souscrite ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Il appartient à l'assuré d'établir la réalité du vol puisque c'est sur lui que repose la charge de la preuve de l'existence du sinistre. Cette preuve est libre et il convient donc d'apprécier les documents produits.
Monsieur [C] a déclaré le vol le 8 décembre 2009. Le fait qu'il s'agisse d'une plainte simple est sans incidence puisqu'une plainte avec constitution de partie civile ne serait pas nécessairement de nature à apporter davantage d'éléments. En revanche, si cette déclaration est évidemment présumée de bonne foi, elle est insuffisante à elle seule à caractériser le vol dans la mesure où elle ne reprend que les affirmations du plaignant. Elle doit donc être étayée par quelques éléments de fait.
En l'espèce, les intimés ont déclaré que la remorque, qui était d'une longueur d'environ 7m et qui n'était pas attelée à un véhicule tracteur la veille au soir, avait été volée pendant la nuit sur la [Adresse 9] à [Localité 7]. Le fait n'est pas techniquement inenvisageable mais la difficulté est que les époux [C] n'apportent aucun élément positif permettant de considérer que la remorque était bien présente lors de la foire organisée en ces lieux en décembre 2009. En effet, ils n'ont acquitté aucun droit de place à cette occasion. Le document qu'ils produisent (pièce 8) fait apparaître deux espaces, respectivement de 96 et 36 m². Il a été acquitté non par l'un des intimés mais par leur gendre. Ils font valoir qu'en réalité l'espace de 96m² était prévu pour la remorque de leur fille et de leur gendre alors que l'espace de 36m² leur était réservé. Il s'agit cependant d'une affirmation qui n'est aucunement étayée et ce d'autant plus qu'il n'a été acquitté qu'une seule taxe au titre de l'eau. En effet, les attestations produites ne démontrent en rien leur présence. Elles sont particulièrement vagues puisqu'elles ont été établies en 2012 et font référence à une présence régulière sur la [Adresse 9] sans aucune précision de l'année. Bien plus, madame [J], qui n'est pas plus précise sur l'année, indique avoir vu la 'crêperie Mignon'. Or, la 'crêperie Mignon' était l'établissement exploité par la fille de madame [C] qui elle exploitait la 'confiserie Mignon'.
Aucun autre élément n'est produit, tenant à la preuve de l'activité de la confiserie pendant cette foire ou à des attestations d'autres commerçants ambulants ayant pu constater la disparition de la remorque. Dès lors les éléments produits sont véritablement insuffisants pour rapporter la preuve de l'existence du vol et donc du sinistre. Il ne s'agit pas d'une déchéance de garantie pour fausse déclaration puisque le caractère mensonger de la déclaration n'est pas établi par l'assureur mais l'assuré ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité du sinistre et donc de ce que le contrat doit s'appliquer.
En conséquence, le jugement doit être infirmé sur ce point et les époux [C] déboutés de toutes leurs demandes. Cette infirmation emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire sans qu'il y ait lieu à condamnation spécifique. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande présentée à ce titre par la MAPA, prétention sans objet.
L'appel étant bien fondé les époux [C] seront solidairement condamnés au paiement de la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat,
L'infirme pour le surplus,
Déboute les époux [C] de toutes leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,
Condamne solidairement les époux [C] au paiement de la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne solidairement les époux [C] aux dépens et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par maître Gonder
Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.