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13/05/2015 | FRANCE | N°09/02297

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 13 mai 2015, 09/02297


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 13 mai 2015

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)

No de rôle : 12/ 6590

Monsieur Jean-Yves X...


c/

Monsieur Christian Y...

Etablissement SERVICE INTERENTREPRISES MEDECINE DU TRAVAIL (SIMT)



Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG 0

9/ 02297) suivant déclaration d'appel du 28 novembre 2012



APPELANT :

Monsieur Jean-Yves X..., demeurant ...


représenté par Maître Philippe ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 13 mai 2015

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)

No de rôle : 12/ 6590

Monsieur Jean-Yves X...

c/

Monsieur Christian Y...

Etablissement SERVICE INTERENTREPRISES MEDECINE DU TRAVAIL (SIMT)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG 09/ 02297) suivant déclaration d'appel du 28 novembre 2012

APPELANT :

Monsieur Jean-Yves X..., demeurant ...

représenté par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Hervé GERBI, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE,

INTIMÉS :

Monsieur Christian Y..., de nationalité Française, demeurant ...

S. I. M. T.- Service Interentreprises Medecine du Travail-devenue S. I. S. T-Service Interentreprises de Sante au Travail-agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège 185 Route de Lyon-24000 PERIGUEUX,

représentés par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Luc GAILLARD de la SELARL GAILLARD DELEAGE & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de CORREZE,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Henriette FILHOUSE, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET

ARRÊT :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Monsieur X... a été embauché par la société PAPETERIES DE CONDAT en qualité de directeur des ressources humaines à compter du 17 février 2003.

Le service de médecine de prévention de cette société est assuré par le Service Interentreprises médecine du travail 24, ci après SMIT 24 et plus précisément par le docteur Y....

Le Docteur Y...a adressé à l'employeur de monsieur X..., le 19 novembre 2004, un mail dans lequel il évoque divers événements " antérieurs qui perdurent depuis plusieurs mois " et " d'hier ", ses " inquiétudes ", une notion de danger pour monsieur X... et la santé de ses collaborateurs, des " problèmes de santé mentale ", la nécessité de soins et d'un arrêt maladie suffisamment long pour être pris en charge de manière durable et correcte, et dans lequel il informe qu'il est conduit à émettre un avis d'inaptitude.

Le docteur Y...a été conduit à émettre plusieurs avis d'inaptitude :
- le 10 décembre 2004, avis " d'inaptitude définitive à la fonction de DRH (article R 241-51-1- danger immédiat, proposition de reclassement sur un poste de travail sans pouvoir hiérarchique "
- le 14 décembre 2004, un avis, " au vu d'un élément nouveau " : d'inaptitude temporaire, avec promesse de soins, à revoir dans trois mois "
- Le 7 mars 2005, un avis d'inaptitude définitive " au poste de DRH, R 241-51-1 (danger immédiat) apte à un poste au siège sans pouvoir hiérarchique "

Monsieur X... a refusé la proposition de poste de commercial offerte. Il a été licencié pour inaptitude, le 12 mai 2005.

Sur sa demande, le dossier médical établi par le docteur Y...a été transmis à monsieur X..., lequel a considéré qu'il n'était pas complet.

Monsieur X... a été placé en état d'invalidité, catégorie 2 constatant la réduction des 2/ 3 de sa capacité de travail, à compter du 3 janvier 2008.

Monsieur X... a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Périgueux le SMIT 24 et le docteur Y...afin de voir dire que le docteur Y...avait commis une faute (violation de secret médical, intention de nuire), de rechercher la responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code Civil du SMIT 24 et subsidiairement du docteur Y...sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, de voir réparer son préjudice moral et son préjudice financier et en condamnation sous astreinte de son entier dossier médical.

Le Juge de la Mise en Etat a rendu deux ordonnances :
- la première du 16 décembre 2010, se déclarant incompétent pour statuer sur la prescription soulevée par les défendeurs et rejetant l'exception d'incompétence au profit du Conseil des Prud'hommes,
- la seconde du 2 février 2012, rejetant les demandes de production de pièces présentées par monsieur X... à savoir l'original du registre d'infirmerie et l'intégralité du dossier médical au motif, pour le premier cas de ce que ce registre concernait l'ensemble des salariés, pour le second cas de ce qu'il n'était pas précisé les pièces qui auraient dû figurer et qui auraient été absentes du dossier médical qui lui a été communiqué.

Par jugement du 4 septembre 2012, le Tribunal de Grande Instance de Périgueux a, pour l'essentiel,
- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par le SMIT 24 et le docteur Y...,
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription,
- dit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au docteur Y...dans l'accomplissement de sa mission de médecin du travail et de médecin de prévention,
- débouté monsieur X... de ses prétentions

Monsieur X... a relevé appel de cette décision le 28 novembre 2012.

La clôture de l'instruction de l'affaire est finalement intervenue au 03. 09. 2014 pour être plaidée au 17 septembre 2014.
L'audience a été renvoyée à la demande de monsieur X... au 18 mars 2015, en raison des problèmes de santé de son conseil.

Monsieur X..., en ses dernières écritures déposées et notifiées le 21 juin 2013, auxquelles il sera référé pour complet exposé, a conclu
-au visa de l'article 12 du Code de Procédure Civile et l'article 455 du Code de Procédure Civile, à l'annulation du jugement déféré pour défaut de motivation
-au dire que l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat du 16 décembre 2010 ayant rejeté l'exception d'incompétence, a acquis l'autorité de la chose jugée
-au visa de l'article 2224 du Code Civil, de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, au rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription,
- au visa des articles R 4127-4 et R 4127-95 du code la santé publique, L 4622-3 et R 4624-31 du code du travail, de l'article 1382 du Code Civil au dire que le docteur Y...a manqué à ses obligations professionnelles ou à tout le moins, commis une faute par légèreté blâmable, que par sa faute il a perdu son emploi, tout revenu professionnel entre le 12 mai 2005 et le 3 janvier 2008 et a subi un préjudice moral,
- au visa de l'article 1384 alinéa 5, au dire que le docteur Y...a excédé les limites de la mission impartie par son commettant, au dire que les condamnations seront mises à la charge du docteur Y...et de son commettant, à leur condamnation in solidum à lui payer les sommes de 15. 000 ¿ (préjudice moral) de 225. 308 ¿ (préjudice économique) 5. 300 ¿ (article 700 du Code de Procédure Civile) outre les dépens.

En résumé, monsieur X... fait valoir les éléments suivants.
- Le tribunal a omis de statuer sur le moyen soulevé sur le fondement de l'article R 4127-4 du code de la santé publique, relatif au secret professionnel
-Le docteur Y...a violé le secret médical et aliéné son indépendance professionnelle,
* dans le mail du 19 novembre 2004 adressé à l'employeur, car s'il pouvait mentionner les " événements d'hier... ", il devait s'en tenir à évoquer des éléments de fait mais ne pouvait pas évoquer l'origine de ces événements, à savoir des " problèmes de santé mentale ", estimant que cette indication est inexploitable par l'employeur, l'indication relative à l'arrêt de travail étant suffisante,
* seul le médecin traitant peut décider d'un arrêt de travail
* l'article L 4624-1 du code du travail s'il commande au médecin du travail de proposer des mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à l'état de santé physique et mentale, ne permet pas à ce médecin d'en faire mention et ce conformément à l'article R 4127-95 du code de la santé publique
* il invoque ses pièces (mail du 13 décembre 2004, notes manuscrites du docteur Y...établissant qu'une autre personne a été informée, mail du docteur Teillac à monsieur X... du 23. 12. 2004)
- Le docteur Y...a conditionné son avis sur l'aptitude professionnelle à un protocole thérapeutique alors qu'il n'avait aucune autorité pour cela, a émis l'avis du 7 mars 2005 sans tenir compte des avis médicaux produits et des entretiens d'évaluation réalisés avec l'employeur et est directement cause de son éviction de l'entreprise
-Le Tribunal de Grande Instance a méconnu l'article R 4127-95 en considérant que la mention " problèmes de santé mentale " n'est pas un élément strictement médical, a dénaturé le courriel en considérant que ce problème concernerait aussi les collaborateurs, élément contraire aux termes même du courriel et que cela importe peu dans la mesure où cela le concerne aussi,
- Le tribunal ne pouvait pas
* considérer que l'avis du 10. 12. 2004 pouvait être émis après une seule consultation, alors que cet avis ne le précise pas ce que la jurisprudence exige pour caractériser le danger immédiat, et que l'avis du 24 décembre 2004 n'était pas susceptible de caractériser une faute, dès lors qu'il remet en cause l'indépendance du médecin visé à l'article R 4127-95 alinéa 1 du code de la santé publique au regard du mail du 19 novembre 2004
et dès lors qu'il fait référence à une promesse de soins d'ordre strictement médical
* écarter la faute sur le fondement de l'article 1382 sur l'absence d'intention de nuire alors même que cet article n'impose pas cette condition, et qu'il devait rechercher s'il n'avait pas agi avec une légèreté blâmable.

Le SIST 24 anciennement dénommé le SMIT 24 et le docteur Y..., en leurs dernières écritures déposées et notifiées le 24 avril 2013, auxquelles il sera référé pour plus ample développement, ont conclu à la confirmation de la décision déférée, au rejet des demandes de monsieur X..., à la condamnation de monsieur X... au paiement au docteur Y...de la somme de 10. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts et de 2. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à la condamnation de monsieur X... verser au SMIT 24 la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Les intimés ont fait valoir
-que les médecins du travail ont le triple rôle de réaliser les examens médicaux obligatoires, de tenir les dossiers et documents médicaux, de conseiller le chef d'entreprise, les représentants du personnel, les services sociaux et les salariés
-qu'au titre de cette mission de conseil défini à l'article 4623-1 du Code du Travail, il participe à l'amélioration des conditions de vie et de travail dans l'entreprise, à l'adaptation des postes, des techniques et des rythmes à la physiologie humaine, à la protection des salariés contre l'ensemble des nuisances..., son rôle étant justifié par l'article L 4624-1 du Code du Travail par la nécessité de protéger l'état physique et mental des salariés,
- qu'il est donc amené à débattre avec l'employeur et autres personnes sus désignées, sauf à ne pas violer le secret médical sur la compatibilité d'un poste de travail avec la santé physique ou mentale d'un salarié et de faire connaître par écrit ses préconisations ou conclusions en terme d'inaptitude par écrit,
- que monsieur X... a d'ailleurs contesté auprès du médecin Inspecteur Régional du travail et de la main d'oeuvre l'avis donné par le docteur Y...qui a validé le dit avis,
- que le docteur Y...n'a commis aucune faute dans le cadre de ses obligations définies par les articles L 4622-3 et suivants du Code du Travail au regard de l'état de santé physique et mentale des travailleurs,
- que le concept de santé mentale tel que définit par l'OMS dépasse celui de pathologie mentale,
- que le docteur Y...n'a émis aucun diagnostic ni défini la nature des soins préconisés
-que l'employeur est libre de suivre ou pas les préconisations de la médecine du travail
-que le préjudice invoqué relève du caractère abusif ou non du licenciement, du fait d'une appréciation erronée du médecin du travail, de la compétence du Conseil des Prud'hommes alors que la cause du préjudice invoqué se trouve dans la rupture du contrat de travail.

SUR QUOI

Les intimés ne remettent pas en question la décision déférée en ce qu'elle a déclarée irrecevable leur exception d'incompétence et en ce qu'elle a rejeté leur fin de non recevoir tirée de la prescription.
Elle sera donc confirmée sans qu'il soit nécessaire de répondre aux moyens développés de manière surabondante par monsieur X... de ces chefs.

Sur la demande en annulation faute d'avoir motivé sa décision sur le respect ou non de l'article R 4127-4 du code de la santé publique, relatif au secret professionnel

Le tribunal était saisi d'une demande en déclaration de responsabilité du fait de la violation du secret médical.
Le fait que le docteur Y...était soumis au secret médical n'a jamais été contesté.
Le tribunal a examiné cette obligation au regard des obligations faites au médecin du travail.
Il ne peut lui être fait le reproche de n'avoir pas visé un article dont l'application n'était nullement contestée alors même qu'il a dûment motivé sa décision avant d'écarter tout manquement à l'obligation du docteur Y...de respecter le secret médical.

Sur la faute ou les fautes du docteur Y...

L'action est fondée sur l'article 1382 du Code Civil et 1384 alinéa 5 du Code Civil
Il est soulevé divers arguments et moyens s'articulant au regard des missions déférées par le Code du Travail au médecin du travail, à fins de reprocher diverses fautes autour d'un manquement à l'obligation de ne pas trahir le secret médical et d'avoir manqué à son obligation de demeurer indépendant de l'employeur de monsieur X....

Il n'est donc pas discuté que le docteur Y...était tenu par l'article R 4127-4 du code de la santé publique du secret professionnel lequel couvre tout ce qui est venu à sa connaissance dans l'exercice de sa profession.
Aux termes des articles R 4623-1 et suivants du code du travail, le médecin du travail a un rôle préventif consistant à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé.
Il est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformation de poste justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique ou mentale des travailleurs.
Il assure une mission de conseiller de l'employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux

En ce qui concerne le mail du 19 novembre 2013 repris pour l'essentiel en faits constants, il a été provoqué par divers événements dont personne ne remet en cause le fait qu'ils aient pu justifier l'intervention du médecin du travail.
Les notes se trouvant dans le dossier médical produites par monsieur X... mentionnent, le 18 novembre 2011, depuis plusieurs mois des attitudes colériques agressives de Monsieur X... envers ses collaborateurs proches et les partenaires sociaux, un travail dans l'urgence avec un niveau d'exigence élevé, une insatisfaction quasi permanente quant au travail des collaborateurs, d'importantes difficultés relationnelles lors du comité d'entreprise.... une aggravation nette de l'intensité du problème, (altercations, cris, hurlement... tout le monde lui en veut).

Il a été, au vu du mail du 23 novembre 2004, suivi d'un entretien avec le médecin du travail qui a préconisé à monsieur X... de ne pas se trouver sur le site pendant une durée de 15 jours et de refaire le point après de délai

Ces notes établissent
-que le mail du 19 novembre 2004 a été précédé d'un entretien du 18 novembre 2004, contrairement à ce qu'il prétend et qu'il a été suivi
* d'un entretien avec le chef d'entreprise le 22 novembre 2004
* d'un entretien d'une heure avec monsieur X... le 23 novembre 2004 et d'un mail du même jour, lui demandant qu'il sorte du contexte de CONDAT pendant 15 jours, étant précisé que le premier avis d'inaptitude a été pris dans ce délai (17 jours après),
* d'un entretien du 10. 12. 2004 d'une heure quinze à la date de l'avis d'inaptitude définitive, mentionnant une attitude fuyante, un refus de soins...
* d'une rencontre entre monsieur X... et le chef d'entreprise le 23 novembre 2004,
- d'un nouvel avis transformant l'inaptitude définitive du 14 décembre 2004 à la suite de l entretien que monsieur X... a eu avec le responsable de l'entreprise la veille, aux termes duquel, monsieur X... aurait finalement accepté les soins, motivant ainsi le deuxième avis transformant l'inaptitude définitive en inaptitude temporaire au vu de cet élément nouveau
-d'un mail du docteur Teillac à monsieur X... du 23 décembre 2004, qui relate son contact avec le docteur Z..., médecin traitant après lecture du certificat médical qui lui a été communiqué,
- que le 24 février 2015 le docteur Y...a considéré qu'aucun suivi réel n'a eu lieu, qu'aucune preuve n'a été fournie et que le 7 mars, il a été fourni un certificat médical mais qu'il est pris l'avis d'inaptitude définitive.

Monsieur X... produit deux certificats médicaux,
- l'un du 18 décembre 2014 du médecin généraliste traitant lequel dit assurer depuis février 2004, un suivi psychologique, avoir été informé par son patient d'une démarche plus récente de prise en charge personnelle psychologique à titre professionnel et qu'il ne voit pas d'obstacle à une activité professionnelle normale,
- l'autre du 15 février 2005, du docteur Emery qui dit que monsieur X... bénéficie de ses soins depuis le 14/ 12/ 2004, qu'il présentait un état de surmenage caractérisé par de l'insomnie, de l'irritabilité, une perplexité anxieuse et un abattement important sans qu'il existe un épisode dépressif majeur... que la symptomatologie est amendée, (...) qu'il bénéficie d'un protocole de soins sous forme de psychothérapie comportementale et cognitive...

Monsieur X..., donc, considère, que le docteur Y...a violé le secret médical en faisant référence à des " troubles de santé mentale "
Monsieur X... considère que cette référence est une référence médicale
Les intimés le contestent opposant qu'il s'agit d'une notion d'ordre général qui dépasse celle de la pathologie mentale pour englober toute souffrance psychique au travail
Ils opposent de même qu'il n'a été révélé aucun diagnostic quant à l'éventuelle pathologie mentale.
Cette mention fait écho aux événements antérieurs tels que décrits plus haut qui, à tout le moins, étaient révélateurs d'une souffrance psychique, peu importe sa nature, perceptible, au demeurant, par tous les collaborateurs et salariés de l'entreprise.
Les notes médicales confirment à tout le moins cette souffrance psychique liée au travail sans référence d'ailleurs à un diagnostic mental
Cette mention est conforme aux prescriptions des articles sus visés dès lors qu'il n'est posé aucun diagnostic quant à l'éventuelle pathologie mentale dont aurait été atteint Monsieur X....
L'information donnée dans ce mail est de même conforme à la mission préventive du médecin du travail qui lui fait obligation d'alerter et conseiller l'employeur de et sur toute situation porteuse de danger pour la santé des employés.

Monsieur X... soutient, encore, que la mention " promesse de soins " portée sur l'avis d'inaptitude du 14 décembre 2004, est elle-même une violation du secret médical.
Il n'est nullement contesté que ces avis ne peuvent pas porter des observations qui violeraient le secret médical.
Il doit être rappelé que ce deuxième avis a été émis après une rencontre de Monsieur X... avec son employeur auprès duquel il s'était dit prêt à engager des soins.
Cet avis ne fait que reprendre cette promesse sans déterminer la nature des soins mais permettant d'expliciter la modification de l'inaptitude prononcée le 10 décembre, laquelle était définitive. Dès lors, il ne peut en aucun cas avoir pu causer du tort à Monsieur X..., bien au contraire.
Cette mention explicative sans précision de la nature des soins qui ne viole pas le secret médical, ne saurait en aucun cas être à l'origine de la rupture du contrat de travail.

Monsieur X... soutient, de même, ce qui est contredit par le dossier médical, que le mail du 19 novembre 2004 n'a été précédé par aucun examen médical tout comme les avis délivrés
Il soulève l'irrégularité formelle de l'avis du médecin du travail dans le cadre du danger immédiat, qui l'autorise à délivrer un avis d'inaptitude médicale en un seul examen dès lors sauf à en faire référence dans cet avis.

En l'espèce, l'avis du 10. 12 2004 ne précise pas qu'il n'y a eu qu'une visite mais vise le danger immédiat.
Cependant, il a été vu que cet avis a été précédé de plusieurs visites, le 18 novembre, le 23 novembre et le 10 décembre, ce dernier 17 jours après, alors qu'en dehors de la procédure d'urgence, il est prévu deux visites espacées de 15 jours.
L'irrégularité invoquée qui a consisté à avoir recouru à une procédure de manière erronée, n'est donc pas le fruit d'une faute du docteur Y...dans l'exerce de sa profession, ce dernier ayant manifestement multiplié les entretiens avec Monsieur X... dans le but de trouver une solution le préservant de l'inaptitude définitive qui sera par la suite prononcée.

Monsieur X..., par ailleurs, soutient que le docteur Y...n'avait pas pouvoir de lui imposer un protocole de soins, défini comme devant être une prise en charge spécialisée par un spécialiste en psychothérapie du comportement
Le mail du 23 décembre 2004 adressé à monsieur X... reprend l'historique de ses contacts avec lui et le médecin traitant, prend note qu'est envisagé un coaching, donne son avis qu'il manque le plus fondamental : une prise en charge spécialisée...
Il rappelle le terme des trois mois en espérant que dans ce délai il sera mis en relation avec les spécialistes.
Le docteur Y...cependant n'est pas sorti de son rôle tel que fixé par l'article L 4624-1 du code du travail qui commande au médecin du travail de proposer des mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à l'état de santé physique et mentale. Il avait par ailleurs un rôle de conseil auprès des travailleurs et donc auprès de Monsieur X....
Il a donc été amené à formuler un avis, en réalité sur la nature des soins, en réaction à la proposition insatisfaisante du médecin traitant relative à son " coaching " alors que manifestement ce médecin traitant n'avait aucune qualification spécialisée suffisante pour apporter les soins adaptés à la problématique de Monsieur X....

Ce faisant, il ne s'est nullement substitué à ce médecin traitant qui gardait toute latitude sur les soins à prescrire et les spécialistes sur lesquels Monsieur X... pouvait être dirigé.

Monsieur X... reproche aussi au docteur Y...d'avoir manqué d'indépendance vis à vis de l'employeur et l'implication du chef d'entreprise dans le processus médical
Il est constant que ce médecin était en contact avec l'employeur.
Les pièces produites démontrent que les échanges avaient pour but d'une part d'informer l'employeur conformément à sa mission, de conseiller pour rechercher une solution préservant Monsieur X... et la santé des autres salariés.
Aucune pièce ne permet de retenir que le docteur Y...a agi autrement qu'en pleine indépendance. Cette dépendance ne saurait être déduite de l'émission du deuxième avis d'inaptitude et en tout cas de retenir un lien de causalité avec la rupture du contrat de travail, dès lors qu'il a été pris après l'engagement pris auprès de l'employeur par Monsieur X... de suivre des soins et dès lors qu'il a eu pour résultat d'infléchir sa position d'origine nettement plus défavorable pour Monsieur X...

La décision déférée sera en conséquence confirmée et en définitive, au vu des notes médicales et pièces révélant
-des problèmes comportementaux problématiques au sein de l'entreprise que monsieur X... ne commente pas
-une volonté du médecin et de l'employeur d'éviter l'inaptitude définitive voir même le reclassement
-de nombreuses visites médicales
-le jour du dernier avis, l'absence de certificat médical (et il n'est pas prétendu que le certificat médical de février ait été remis avant cette date) de telle sorte que l'on ne saurait reprocher une légèreté blâmable
-que monsieur X... a été mis en invalidité,
monsieur X... n'établit pas l'existence d'un lien de causalité certain entre les fautes non retenues par la Cour qu'il invoque, avec la rupture du contrat de travail et encore moins la mise en invalidité trois ans plus tard.

Sur la demande en dommages-intérêts présentée par le docteur Y...

Pour désagréable qu'ait pu être l'action de Monsieur X..., le docteur Y...n'apporte aucun élément de preuve de l'atteinte à sa réputation professionnelle, l'action au demeurant, au vu des informations apportées sur les difficultés de Monsieur X... par les pièces du dossier, n'a pas foncièrement dégénéré en abus pouvant donner lieu à réparation

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à charge de Monsieur X... à hauteur de 2. 000 ¿ au profit de chacun des intimés.

Les dépens demeureront à la charge de Monsieur X....

PAR CES MOTIFS
la cour

Déclare l'appel recevable

Déboute Monsieur X... de sa demande en annulation de la décision déférée

Déboute Monsieur X... de ses demandes fondées sur les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code Civil

En conséquence, confirme la décision déférée en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,
Condamne Monsieur X... à payer au docteur Y...et au SIST 24, chacun, la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne Monsieur X... aux entiers dépens en cause d'appel en ce compris les frais d'exécution de la précédente décision.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 09/02297
Date de la décision : 13/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-13;09.02297 ?
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