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18/12/2014 | FRANCE | N°12/00245

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 18 décembre 2014, 12/00245


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 18 décembre 2014

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)

No de rôle : 13/ 1601

Monsieur Jean-Luc X...


c/

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 octobre 2012 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal

de Grande Instance de LIBOURNE (RG 12/ 00245) suivant déclaration d'appel du 13 mars 2013,

APPELANT :

Monsieur Jean-Luc X..., né le 06 ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 18 décembre 2014

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)

No de rôle : 13/ 1601

Monsieur Jean-Luc X...

c/

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 octobre 2012 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG 12/ 00245) suivant déclaration d'appel du 13 mars 2013,

APPELANT :

Monsieur Jean-Luc X..., né le 06 Mai 1971 à PESSAC (33600), de nationalité Française, demeurant ...-33141 VILLEGOUGE,

représenté par Maître PORTRON substituant Maître Emmanuel SUTRE, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et autres Infractions-organisme institué par l'article L422-1 du code des assurances-pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 64 rue defrance-94682 VINCENNES,

représenté par Maître Thierry MIRIEU-DE-LABARRE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 novembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Henriette FILHOUSE, Président, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Henriette FILHOUSE, Présidente,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET

Vu la communication faite au Parquet Général le 16 octobre 2014 qui s'en rapporte,
ARRÊT :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement en date du 13 mai 2009, le Tribunal Correctionnel de Bordeaux a relaxé M. X... des fins de la poursuite dont il était l'objet des chefs d'agression sexuelle imposée par ascendant ou personne ayant autorité et de corruption de mineur de quinze ans, sur la personne de sa fille adoptive Mlle Elodie X....

Le tribunal correctionnel a, par voie de conséquence, rejeté la constitution de partie civile de Mlle Elodie X... et l'a déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 23. 000 euros en réparation du préjudice moral dont elle prétendait obtenir la réparation.

Le tribunal correctionnel a cependant par la même décision, déclaré M. X... coupable de faits d'agression sexuelle par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité à l'encontre de Mme Lydie Y...(qui était alors son épouse) et l'a condamné à verser à cette dernière la somme de 5. 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Mlle Elodie X... a relevé appel de ce jugement du tribunal correctionnel puis s'est désistée de ce dernier.

Mme Lydie X... et Mlle Elodie X...ont saisi la commission d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (la CIVI) de demandes ayant pour objet la réparation de leur préjudice. La CIVI a homologué un accord intervenu entre les intéressées et le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres d'infractions (le Fonds de garantie) en date du 7 juillet 2009 aux termes duquel il a été convenu que celui-ci verserait 15 000 ¿ à chacune d'entre elles.

Après avoir réglé aux intéressées les montants susmentionnés le Fonds de garantie a, par acte d'huissier en date du 24 janvier 2012, fait assigner M. X... devant le tribunal de grande instance de Libourne pour obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 30 000 ¿ outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2007 date du règlement définitif et une indemnité de 1000 ¿ en application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire en date du 26 octobre 2012, le tribunal a fait droit dans leur principe aux prétentions du Fonds de garantie et a condamné M. X... à lui payer la somme de principale de 30 000 ¿. Il a toutefois fixé le point de départ de l'intérêt légal à compter de l'assignation et limité à 800 ¿ l'indemnité réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X... a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2014 il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement dont appel, de dire et juger que le recours subrogatoire du Fonds de Garantie est limité aux sommes versées par ce dernier à Mme Lydie Y...et dans la limite de 5. 000 ¿,
- de débouter le Fonds de Garantie de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 30. 000 euros.
- de débouter le Fonds de Garantie de sa demande de versement d'intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2009.
- de condamner le Fonds de Garantie à payer à lui payer la somme de 1. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens d'instance.

Dans ses conclusions notifiées le 26 juillet 2014 le fonds de garantie demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant de condamner M. X... à lui verser les intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2009 outre une indemnité de 1 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été communiquée au parquet général qui a apposé son visa sur le dossier le 16 octobre 2014.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2014.

MOYENS DES PARTIES

M. X... fait valoir :
- que par jugement en date du 6 avril 2012 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Libourne a ordonné la main levée d'une saisie conservatoire pratiquée à son encontre par le Fonds de garantie en retenant notamment qu'il ne pouvait exercer un recours subrogatoire à l'égard de Mlle Elodie X... puisque le tribunal correctionnel l'avait relaxé des faits concernant cette dernière laquelle ne pouvait donc pas justifier d'un préjudice résultant de l'infraction, que ce jugement qui est devenu définitif a autorité de la chose jugée et que le Fonds de garantie ne dispose dés lors pas d'un intérêt à agir.
- que le Fonds de garantie ne peut exercer son recours que s'il justifie que les personnes dans les droits desquels il est subrogé ont subi un préjudice découlant d'une infraction, que n'en ayant commis aucune il n'est pas tenu d'en assurer la réparation et qu'il ne peut donc invoquer aucun recours subrogatoire,
- que lors de l'homologation de l'accord intervenu entre Mme Lydie X... et Mlle Élodie X... et le Fonds de garantie, ce dernier n'avait pas connaissance du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bordeaux, que l'accord ainsi intervenu ne lui est pas opposable, que la somme de 15 000 ¿ versée à Mlle Élodie X... ne peut lui être réclamée et que le Fonds de garantie ne peut être subrogé dans les droits de Mme Lydie X... que dans la limite de la somme de 5 000 ¿ prévue par le tribunal correctionnel,
- qu'il n'est responsable d'aucun retard et ne saurait être condamné à payer des intérêts préalables à la présente décision.

Il ajoute qu'il est sans emploi et perçoit une pension d'invalidité de 757, 14 ¿ et qu'il a commencé à régler une somme dont il ne précise pas le montant (P11 troisième paragraphe).

Le Fonds de garantie maintient pour sa part :
- que la décision du juge de l'exécution en date du 6 avril 2012 est hors débat,
- que l'article 706-3 du code de procédure pénale instaure en faveur des victimes un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, que la CIVI n'est nullement tenue par les décisions rendues par les juridictions répressives et qu'il importe donc peu qu'une relaxe soit intervenue s'agissant des faits concernant Mlle Élodie X... dans la mesure ou cette décision ne lie pas la commission qui a jugé que les faits dont a été victime cette dernière ont la matérialité d'une infraction pénale,
- que la juridiction civile saisie à toute latitude pour évaluer le préjudice, que l'article 706-11 du code de procédure pénale ne limite pas le recours subrogatoire aux seules condamnations prononcées par la juridiction pénale mais concerne les recours exercés en vertu des décisions de la CIVI et qu'il est fondé à réclamer au responsable le remboursement des sommes versées.
- que les intérêts au taux légal courent à compter du jugement de condamnation, prononcé par le tribunal correctionnel, qu'il n'a fait partir le taux d'intérêt majoré que dans les 2 mois à compter du règlement des sommes, que M. X... a été informé par lui des sommes versées ainsi qu'il résulte d'une mise en demeure du 18 octobre 2010 et que pour le moins les intérêts doivent courir à compter de cette mise en demeure.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de distinguer le cas de la subrogation du Fonds de garantie dans les droits de Mlle Élodie X... de la subrogation dont il dispose dans les droits de Mme Lydie Y...divorcée X....

Sur la subrogation dans les droits de Mlle Élodie X...

L'autorité de la chose jugée d'une décision de justice ne s'attache qu'au dispositif de cette dernière. Elle n'a en outre lieu qu'à l'égard de la question en litige qui a été tranchée.

Il s'avère qu'en l'espèce si le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Libourne du 6 avril 2012, dont se prévaut M. X..., a dans son dispositif donné main levée de la saisie conservatoire prise par le Fonds de garantie, il n'a nullement jugé que celui-ci ne disposait pas d'un principe de créance à l'encontre de M. X... en raison de la décision de relaxe partielle intervenue au profit de celui-ci.
Il apparaît de surcroît qu'il a pris cette décision de main levée pour un motif concernant les règles relatives aux saisie conservatoires et plus précisément en raison de l'absence de preuve d'une menace concernant le recouvrement de la créance.
C'est donc à tort que M. X... invoque l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.

Dés lors que les éléments constitutifs de certaines infractions sont réunis et qu'une victime a subi un préjudice le Fonds de garantie se trouve tenu de l'indemniser même si l'auteur des faits n'a pu être identifié ou même si la personne ayant fait l'objet de poursuites a été relaxée.

Si le fonds de garantie se trouve alors subrogé dans les droits de la victime il n'a cependant pas plus de droits que celle-ci.

La décision de relaxe prononcée le 13 mai 2009 à l'égard de M. X... des chefs d'agression sexuelle contre Mlle Élodie X... et le débouté de celle ci de ses demandes en raison de ce que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis la prive du droit de réclamer la réparation de son préjudice à l'intéressé.
Même s'il a indemnisé Mlle X... le Fonds de garantie, qui n'a pas plus de droit qu'elle, ne peut donc réclamer à M. X... le remboursement des sommes qu'il lui a versées à ce titre.

Il convient par conséquent d'infirmer sur ce point la décision entreprise et de débouter le Fonds de garantie de sa demande en remboursement des sommes qu'il a versées à Mlle Élodie X....

Sur la subrogation dans les droits de Lydie Y...divorcée X...

La procédure suivie devant la CIVI a pour objet de voir juger si une personne qui se prétend victime d'une infraction remplit les conditions pour être indemnisée par le fonds de garantie.

Il en résulte que l'auteur de l'infraction n'a pas à figurer dans cette procédure mais que la décision de la CIVI ne constitue pas un titre à son encontre.

En vertu de la décision rendue par la CIVI, le fonds de garantie se trouve cependant subrogé dans les droits de la victime et peut agir contre l'auteur de l'infraction pour obtenir le remboursement des sommes qu'il lui a versées.

Le fait que M. X... n'ait pas été partie à la procédure suivie devant la CIVI ne rend donc le Fonds de garantie irrecevable à agir contre lui.

Même s'il est subrogé dans les droits de Mme Lydie Y..., le fonds de garantie n'a cependant pas plus de droit que celle-ci. Mme Y...ne dispose contre M. X... d'un titre que pour la somme de 5 000 ¿ au paiement de laquelle il a été condamné par le tribunal correctionnel en réparation de son préjudice moral.

Pour les autres sommes auxquelles peut prétendre Mme Y..., dans les droits de laquelle le fonds de garantie est subrogé, il n'existe aucun titre mais le fonds de garantie est recevable à demander que M. X... soit condamné à les lui rembourser en précisant les chefs de réclamations sur lesquels il se fonde et en fournissant tous justificatifs nécessaires à ce titre.

Ni dans son exploit introductif d'instance ni dans ses conclusions ultérieures devant le tribunal ou devant la cour, le fonds de garantie ne précise pas sur quel poste de préjudice il fonde sa demande en paiement de la somme de 30 000 ¿ dont il réclame le remboursement.

Il est donc seulement fondé à réclamer le remboursement de la somme de 5 000 ¿ pour laquelle un jugement de condamnation est déjà intervenu contre M. X... en réparation du préjudice moral de la victime.

Il convient dés lors de débouter le Fonds de garantie du surplus de ses demandes et d'infirmer sur ce point la décision entreprise.

Le fonds de garantie est en droit de réclamer le paiement des intérêts à compter de la date du 21 juillet 2009 à laquelle il a effectivement versé la somme de 5 0000 ¿. Il apparaît en effet que les intérêts au taux légal courent en application de l'article 1153-1 du code civil à compter du jugement de condamnation du 13 mai 2009 rendu au profit de Mme X... et qu'étant subrogé dans les droits de celle-ci le Fonds de garantie peut demander que les intérêts courent à compter du 21 juillet 2009.

M. X... qui succombe sur le principe de la condamnation sera condamné aux dépens.

Il ne sera pas fait à son profit application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sur le principe de la condamnation de M. X... à rembourser au fonds de garantie une partie des sommes qu'il a versées mais l'infirme sur le montant de cette condamnation et statuant à nouveau :

Condamne M. X... à payer au fonds de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2009 la somme de 5 000 ¿.

Le condamne aux dépens lesquels pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 12/00245
Date de la décision : 18/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;12.00245 ?
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