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14/01/2013 | FRANCE | N°08/01178

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, DeuxiÈme chambre civile, 14 janvier 2013, 08/01178


COUR D'APPEL DE BORDEAUX DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU : 14 JANVIER 2013 (Rédacteur : Monsieur Jean-François Bancal, Conseiller,)

No de rôle : 08/ 01178

Les sociétés de droit Allemand VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG (Hambourg) PARTENREEDEREI M/ S HEIDBERG (Hambourg) Monsieur Owe X... Monsieur Arend X...

c/
La SAS Société des Pétroles SHELL ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA Monsieur Roger Y... Monsieur Dominique Z...

Nature de la décision : AU FOND SUR RENVOI DE CASSATION Grosse délivrée le : aux avocats

Déc

ision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 septembre 1993 par le tribunal de commerce de Bordeau...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU : 14 JANVIER 2013 (Rédacteur : Monsieur Jean-François Bancal, Conseiller,)

No de rôle : 08/ 01178

Les sociétés de droit Allemand VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG (Hambourg) PARTENREEDEREI M/ S HEIDBERG (Hambourg) Monsieur Owe X... Monsieur Arend X...

c/
La SAS Société des Pétroles SHELL ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA Monsieur Roger Y... Monsieur Dominique Z...

Nature de la décision : AU FOND SUR RENVOI DE CASSATION Grosse délivrée le : aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 septembre 1993 par le tribunal de commerce de Bordeaux, suivant déclaration de saisine en date du 5 mars 2008, suite à un arrêt de la deuxième chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 30 octobre 2007 (arrêt no1180 F-D), cassant l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour d'Appel de BORDEAUX du 31 mai 2005 (RG : no93/ 6135)
APPELANTS :
Sociétés de droit allemand
VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG (Hambourg), agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Grosse Elbstrasse- 145c-22767 HAMBOURG (ALLEMAGNE)
PARTENREEDEREI M/ S HEIDBERG (Hambourg), agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Grosse Elbstrasse- 145c-22767 HAMBOURG (ALLEMAGNE)
Monsieur Owe X... associé de la Société PARTENREEDEREI M/ S HEIDBERG, demeurant en cette qualité à...-22767 HAMBOURG (ALLEMAGNE)
Monsieur Arend X... associé de la Société PARTENREEDEREI M/ S HEIDBERG,, demeurant en cette qualité à...-22767 HAMBOURG (ALLEMAGNE)
représentés par la SCP Luc BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Jean-François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX et de Maîtres Stanislas LEQUETTE et Jean-Baptiste CHARLES, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

La SAS Société des Pétroles SHELL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 307 rue D'Etienne d'Orves-Porte de la Défense-92708 COLOMBES CEDEX
représentée par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS EXEME ACTION, avocats au barreau de BORDEAUX
ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 49 rue Tombe Issoire 75000 PARIS
représentée par la SCP LE BARAZER et d'AMIENS, avocats au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Gilles GAUTIER, de la SCP GAUTIER VROOM et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Monsieur Roger Y..., demeurant...
assigné, non constitué

Monsieur Dominique Z..., né le 26 Mai 1953 à PAUILLAC (33250) de nationalité Française, demeurant...

représenté par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avocats au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Stéphan DARRACQ, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 octobre 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller faisant fonction de président, Madame Anne-Marie LEGRAS, Conseiller, désignée par ordonnance de la première présidente en date du 31 octobre 2012, Madame Christine ROUGER, Conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot
ARRÊT :- par défaut-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige :

Le Navire HEIDBERG, battant pavillon allemand, de la société Partenreederei M/ S Heidberg, dont Messieurs Owe X... et Arend X... sont les associés, gérée par la société VEGA FREIDRICH DAUBER, avait une activité de cabotage international. Les armateurs du HEIDBERG avaient souscrit auprès de la Société P And I Standard Club Bermudes, une convention leur permettant de se garantir des conséquences de sinistres, convention à laquelle plusieurs armateurs étaient parties.

Le 8 mars 1991, après avoir remonté l'estuaire de la Gironde, le navire Heidberg accostait au port de Bordeaux-Bassens pour y charger du maïs en vrac qu'il devait transporter à New Holland, en Grande-Bretagne.
Cette cargaison était assurée auprès des Assurances Mutuelles Agricoles Groupama.
Vers 21h45, après avoir chargé 2550 tonnes de maïs, le commandant du navire, Joachim A..., appareillait, sans avoir rempli complètement les ballasts. A la passerelle, il était accompagné du pilote de rivière Roger Y....
Vers 23H30 le commandant A... quittait la passerelle pour se rendre dans la salle des machines afin de compléter les doubles fonds latéraux II Babord et II Tribord à l'aide de la pompe ballast qu'il mettait en route.
Le 9 Mars 1991, vers 0h 00, laissant seul le pilote, il quittait à nouveau la passerelle pour se rendre dans la salle des machines afin d'arrêter les pompes servant aux opérations de ballastage.
Le navire avançait alors sous pilote automatique.
À son retour à la passerelle, il constatait que le bateau avait quitté le chenal de navigation et se dirigeait vers l'appontement de Pauillac de la société des pétroles SHELL. Il inversait le sens des machines. Néanmoins, lancé sur son erre, le navire venait percuter vers 0h15 les installations de la société des pétroles SHELL et du lamaneur Dominique Z..., les endommageant gravement, provoquant explosion et incendie. Une partie de la cargaison était également endommagée notamment par l'eau utilisée lors des opérations de lutte contre l'incendie. Aucune victime n'était cependant à déplorer.
Des enquêtes ont été diligentées par la direction des affaires maritimes et par la gendarmerie maritime.
Des expertises ont été ordonnées par le président du tribunal de commerce de Bordeaux.
Des procédures judiciaires ont été engagées aux fins de saisie du navire et de constitution du fonds de limitation de garantie prévu par la convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes.
Ainsi, par ordonnance du 8 avril 1991, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de constitution du fonds de limitation de responsabilité de la société Partenreederei M/ S Heidberg, de Messieurs Owe X... et Arend X... associés de cette société et de la société VEGA FREIDRICH DAUBER et dit que ce fonds de limitation évalué à 3. 205. 175, 70 Francs Français (ce qui correspond à 488. 625, 89 €) sera valablement constitué sous forme d'une caution bancaire de la LLOYDS BANK à Paris.
Par ordonnance du 16 avril 1991 le président du tribunal de commerce de Bordeaux a ensuite constaté la constitution régulière de ce fonds.
Les armateurs ont assigné en mainlevée de saisie conservatoire et la société Shell a sollicité la rétractation des ordonnances autorisant la constitution du fonds de garantie, indiquant que le comportement des responsables des dommages était tel qu'il entraînait la suppression du droit de limitation de responsabilité.
Les différentes procédures engagées en France, en Grande Bretagne et en Allemagne ont donné lieu à de très nombreuses décisions de justice que ce soit en première instance, en appel ou en cassation.
Engagée à la requête de la société des pétroles SHELL, la procédure commerciale a donné lieu à un jugement du 23 septembre 1993, par lequel le tribunal de commerce de Bordeaux, a notamment :
- donné acte aux armateurs qu'ils ne contestent pas leur responsabilité à la suite de l'accident causé par le navire Heidberg le 9 mars 1991,
- dit que les armateurs ainsi que le commandant du navire " à titre personnel et en sa qualité de commandant " ont commis une faute grave leur interdisant de bénéficier du droit à limitation de responsabilité,
- prononcé en conséquence la rétractation des " ordonnances rendues en référé " par le président du tribunal de commerce de Bordeaux les 8 et 16 avril 1991,
- condamné solidairement les armateurs à payer à la société des pétroles Shell : ** 63 032 163 Frs avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 1993, date de dépôt du dernier rapport d'expertise, (ce qui correspond à 9. 609. 191, 30 €), avec exécution provisoire, ** 100 000 Frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, (ce qui correspond à 15244, 90 €)

- débouté la société des pétroles Shell de ses demandes contre la Société P And I Standard Club Bermudes,
- condamné solidairement les armateurs à payer à Roger Y... 5000 Frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (ce qui correspond à 762, 25 €),
- rejeté l'exception d'incompétence concernant l'action de Groupama,
- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur cette action,
- débouté en l'état Groupama de ses demandes principales et à titre provisionnel,
- condamné solidairement les armateurs à payer 10 000 Frs à Groupama au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (ce qui correspond à 1524, 49 €)
- reçu l'intervention volontaire de Dominique Z...,
- condamné solidairement les armateurs à lui payer 57 944, 86 francs en principal avec exécution provisoire (ce qui correspond à 8833, 64 €) et celle de 5000 Frs au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ce qui correspond à 762, 25 €).
Les juges du tribunal de commerce de Bordeaux ont indiqué : « que dans le cas de l'espèce, il est établi que la cause essentielle de la collision relève de l'insuffisance du nombre d'officiers nécessaire pour assurer la direction du navire, insuffisance qui obligeait le commandant à quitter sa passerelle au mépris de ses obligations les plus impératives, dans la mesure où il ne pouvait faire intervenir le second officier pour opérer au faire opérer la fermeture des ballasts ;

«... Que les armateurs ne pouvaient ignorer en constituant ainsi l'équipage du M/ S HEIDBERG qu'ils prenaient un risque lequel s'il n'était pas certain était probable, en tous les cas possible, ce qui constitue de leur part une faute, venant en concours avec celles relevées à l'encontre du commandant A..., engageant ainsi pleinement leurs responsabilités ; « et que les dommages causés aux appontements de la société Shell en résultant, ils doivent être tenus à réparation et ne sauraient donc être fondés à se prévaloir de la limitation de garantie qu'ils opposent en vertu de l'article 4 de la Convention de Londres ; »

Le 4 novembre 1993 les armateurs ont interjeté appel général de ce jugement.
Le 21 février 1995 la société des pétroles Shell assignait la société P and I Standard Club Bermudes aux fins d'appel provoqué.
Une procédure pénale des chefs de faux et usage de faux ayant donné lieu à un renvoi du commandant du navire et de M. Arend X... devant le tribunal correctionnel de Bordeaux donnait lieu à un jugement du 7 juin 1999 par lequel cette juridiction :- constatait l'extinction de l'action publique à l'égard de Joachim A..., décédé le 23 avril 1998,- relaxait M. Arend X..., les faits ne lui apparaissant pas constitués,- déclarait irrecevable la société des pétroles Shell en sa constitution de partie civile.

La société Shell interjetait appel.
Par arrêt du 1er septembre 2003, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux confirmait, dans la limite de sa saisine, le jugement déféré.
Statuant sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 23 septembre 1993 rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux, la chambre commerciale de la cour de ce siège par arrêt du 31 mai 2005 : ** confirmait le jugement déféré :- en ce qu'il avait déclaré opposable aux armateurs l'exception à la limitation de responsabilité prévue à l'article 4 de la Convention de Londres,- et sur les dommages et intérêts alloués à la société Shell et à Dominique Z..., ** le réformait :- en ce qu'il avait débouté Groupama de sa demande et condamnait les armateurs à lui verser la somme de 235 768, 07 € en principal et celle de 60 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,- en ce qu'il avait déclaré recevable l'action de la société Shell à l'égard de la société P and I standard club bermudes, et, statuant à nouveau, déclarait cette action irrecevable et condamnait la société Shell à lui verser 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ** constatait qu'aucune demande n'était présentée en appel à l'encontre de Roger Y... et condamnait les armateurs à lui verser la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles, ** condamnait les armateurs aux dépens exposés en première instance et en appel à l'exception de ceux exposé par la société P and I Standard Club Bermudes mis à la charge de la société Shell.

La cour indiquait notamment : « que cet accident s'est produit en raison du manque de confiance du commandant en ses matelots et de façon plus générale du manque de cohésion de l'équipage du navire,

«... qu'eu égard aux contraintes et aux difficultés quotidiennes du cabotage et à la faiblesse numérique de l'effectif, il incombait à l'armateur de faire en sorte qu'il existe entre le capitaine et les hommes de l'équipage la confiance et la cohésion indispensables pour qu'il puisse être fait face aux événements imprévus, mais non imprévisibles. «... Qu'en faisant naviguer le navire en l'absence de cette cohésion, l'armateur a pris le risque que ne puissent être surmontées les difficultés rendant nécessaire la confiance du commandant dans chacun de ses hommes pour accomplir sa mission ; qu'il a ainsi commis la faute définie par l'article 4 de la Convention. »

Par arrêt du 17 janvier 2006, la cour de ce siège rejetait une requête en omission de statuer présentée par Groupama et la condamnait à verser aux armateurs la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur pourvoi principal formé par les armateurs et pourvoi incident formé par Groupama, la chambre commerciale de la Cour de Cassation, par arrêt du 30 octobre 2007 :- donnait acte aux armateurs de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société P and I Standard Club Bermudes,- mettait hors de cause Messieurs Z... et Y... qui ne sont pas concernés par les pourvois,- cassait et annulait l'arrêt rendu le 31 mai 2005 entre les parties par la cour d'appel de Bordeaux sauf : en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société des pétroles Shell à l'égard de la société P and I standard club bermudes, en ce qu'il a constaté qu'aucune demande n'était présentée en appel à l'encontre de M. Y..., en ce qu'il a confirmé le jugement sur les dommages et intérêts alloués à M. Z..., en ce qu'il a condamné les armateurs à verser à M. Y... la somme de 1000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- renvoyait la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Au visa de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, la Cour de Cassation indique « que pour déclarer opposable aux armateurs l'exception à limitation de responsabilité prévue par l'article 4 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976, l'arrêt retient qu'eu égard aux contraintes et aux difficultés quotidiennes du cabotage et à la faiblesse numérique de l'effectif, il incombait aux armateurs de faire en sorte qu'il existe entre le capitaine et les hommes de l'équipage la confiance et la cohésion indispensables pour qu'il puisse être fait face aux événements imprévus, mais non imprévisibles et qu'en faisant naviguer le navire en l'absence d'une cohésion de son équipage, l'armateur a pris le risque que ne puissent être surmontées les difficultés rendant nécessaires la confiance du commandant dans chacun de ces hommes pour accomplir sa mission, qu'il a ainsi commis la faute définie par l'article 4 précité ;.. (Et) qu'en statuant ainsi par un moyen relevé d'office, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour a méconnu le principe de la contradiction ; »

Par déclaration du 27 février 2008, enregistrée sous le numéro 08-1178., la compagnie d'assurances mutuelles agricoles-Groupama saisissait la cour de ce siège.
Par déclaration du 5 mars 2008, enregistrée sous le numéro 08-1336, les armateurs saisissaient à nouveau la cour de ce siège.
Cette déclaration fut jointe à la précédente par mention au dossier.
Par conclusions avec bordereau de communication de pièces, déposées et signifiées le 22. 11. 2011 et signifiées le 23. 11. 2011 à Roger Y..., la société Partenreederei M/ S Heidberg, Messieurs Owe X... et Arend X... et la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG, qui seront dénommés sous l'appellation générale les armateurs, demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a dit que les armateurs étaient responsables du préjudice subi par Groupama et que le fonds de limitation de responsabilité constitué par les armateurs n'était pas opposable à la Shell à M. Z... et le cas échéant à Groupama,
- statuant à nouveau :
I/ sur les demandes de Groupama :
** à titre principal : de constater que Groupama ne justifie pas de sa qualité à agir, de déclarer en conséquence sa demande irrecevable et de la débouter de toutes ses demandes, de condamner Groupama à restituer aux armateurs l'intégralité des sommes qui lui ont été payées en exécution des différentes décisions de justice rendues dans cette affaire outre intérêts légaux courant sur ces sommes avec capitalisation trimestrielle à compter des dates auxquelles ces sommes ont été indûment perçues,

** à titre subsidiaire :- de constater que les armateurs sont en droit de se prévaloir des cas exceptés de responsabilité prévus aux articles 27 b et c de la loi du 18 juin 1966,- de débouter en conséquence Groupama de l'intégralité de ses demandes,- de condamner Groupama à restituer aux armateurs l'intégralité des sommes qui lui ont été payées en exécution des différentes décisions de justice rendues dans cette affaire outre intérêts légaux courant sur ces sommes avec capitalisation trimestrielle à compter des dates auxquelles ces sommes ont été indûment perçues,

** plus subsidiairement :- de constater que Groupama a été l'artisan de son propre préjudice,- de la débouter en conséquence de ses demandes au titre des frais de stockage, transbordement et de ré-acheminement,- de condamner Groupama à restituer aux armateurs l'intégralité des sommes qui lui ont été payées en exécution des différentes décisions de justice rendues dans cette affaire outre intérêts légaux courant sur ces sommes avec capitalisation trimestrielle à compter des dates auxquelles ces sommes ont été indûment perçues,

II/ sur la limitation de responsabilité :
- de dire et juger que les armateurs n'ont commis aucune faute à l'origine des dommages, que l'on ne peut retenir à leur charge aucun fait ou omission personnels commis avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement,- en conséquence, constatant qu'un fonds de limitation de responsabilité a été régulièrement constitué, conformément aux stipulations de la convention de Londres de 1976, de dire et juger que les armateurs ne sauraient être tenus responsables au-delà de ce fonds de limitation,- de condamner Shell à restituer aux armateurs, la somme versée en exécution du jugement entrepris, soit 81 086 278, 37 francs, soit 12 361 523 €, outre les intérêts de droit courant sur cette somme avec capitalisation trimestrielle à compter de la date à laquelle elle a été indûment perçue,- de condamner Groupama à restituer la garantie remise par les armateurs afin d'obtenir mainlevée de la saisie du navire Heidberg,- de condamner Groupama à restituer aux armateurs l'intégralité des sommes qui ont été payées en exécution des différentes décisions de justice rendues dans cette affaire outre intérêts légaux courant sur ces sommes avec capitalisation trimestrielle à compter des dates auxquelles ces sommes ont été indûment perçues,

** en tout état de cause :- de condamner la Shell et Groupama à payer chacune aux armateurs la somme de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions avec bordereau de communication de pièces, déposées et signifiées le 10. 5. 2011 et signifiées le 14. 11. 2011 à Roger Y..., la S. A. S. société des pétroles Shell demande :
- de constater que l'accident résulte d'un ensemble de carences imputables aux armateurs qui constituent des fautes inexcusables à l'origine de l'accident, les privant de la possibilité d'invoquer la limitation de leur responsabilité,
- de faire donc application de l'article 4 de la convention de Londres de 1976,
- de dire que le dommage résulte des fautes inexcusables commises par les propriétaires armateurs du navire et en conséquence de rétracter les ordonnances des 8 et 16 avril 1991,
- de confirmer en conséquence le jugement déféré,
- de condamner les armateurs à lui payer la somme de 9 609 191, 30 € outre intérêts de droit à compter du 22 mars 1993 et celle de 76 219, 50 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les armateurs aux entiers dépens,
- de lui donner acte de ce qu'elle ne formule en l'état aucune demande à l'encontre de M. Y... et des héritiers de M. A... mais qu'elle se réserve le droit d'agir ultérieurement à leur encontre,
- de débouter les armateurs de leurs demandes reconventionnelles.
Le 12. 10. 2012 elle a déposé un bordereau complémentaire de pièce
Par conclusions avec bordereau de communication de pièces, déposées et signifiées le 18. 11. 2011 et signifiées le 23. 11. 2011 à Roger Y..., les Assurances Mutuelles Agricoles Groupama demandent :
** à titre principal : de confirmer le jugement déféré en ce qu'il admis l'entière responsabilité des armateurs du navire vis-à-vis des intérêts cargaison et a écarté toute prétention des armateurs à bénéficier du fonds de limitation institué par la convention de 1976, de constater que le préjudice subi par Groupama résultant de l'événement s'élève à 146 246, 28 livres sterling et 39 678 F. F., soit 235 768, 07 €, de déclarer Groupama recevable en sa demande, d'infirmer en conséquence le jugement déféré et statuant à nouveau de condamner conjointement et solidairement les armateurs à lui régler la somme de 235 768, 07 € avec intérêts légaux à compter du 17 juin 1991 et capitalisation des intérêts, de rejeter les demandes des armateurs dirigées contre elle,

** à titre subsidiaire : si par extraordinaire la cour devait considérer que les armateurs sont habiles à bénéficier du fonds de limitation de la convention de Londres du 19 novembre 1976, de dire que leur demande de capitalisation des intérêts sur les sommes perçues par Groupama en exécution des décisions de justice rendues antérieurement dans la présente affaire et que Groupama devrait restituer, ne prend effet qu'à compter du 14 mars 2011,

** en tout état de cause : De constater les frais considérables exposés par Groupama pour faire valoir ses droits en l'état des multiples obstacles et procédures élevés par les armateurs et de les condamner conjointement et solidairement à lui régler la somme de 200 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions avec bordereau de communication de pièces, déposées et signifiées le 7. 11. 2008, Dominique Z..., demande :- de constater que l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 30 octobre 2007 l'a mis hors de cause et que la cassation prononcée par cet arrêt ne porte pas sur les condamnations prononcées à son bénéfice,- en conséquence, de dire et juger que les armateurs sont mal fondés en ce qu'ils l'ont attrait devant la cour de renvoi,- de débouter les armateurs de toute demande qui pourrait être formulée à son encontre « ou à l'encontre des causes du jugement non soumis à cassation »,- de condamner les armateurs à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Roger Y... assigné le 24. 9. 2008 par procès-verbal de recherches infructueuses puis le 23. 11. 2011 par acte déposé en l'étude de l'huissier n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la responsabilité des armateurs :
1o/ la convention de Londres et la limitation de responsabilité :
La convention de Londres du 19 novembre 1976, portant limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, est entrée en vigueur en France le 1er décembre 1986, à la suite de son approbation par la loi no 79-1146 du 29 décembre 1979 et de sa publication par décret no 86-1371 du 23 décembre 1986.
Elle institue au profit des « propriétaires de navires », expression désignant aussi bien le propriétaire, que l'affréteur, l'armateur et l'armateur-gérant d'un navire de mer, et des « assistants », la possibilité de limiter à des montants déterminés leur responsabilité à l'égard des créances définies à l'article 2 de ce texte, concernant notamment les créances pour pertes et dommages à tous biens, en constituant un fonds dit de limitation (chapitres 2 et 3 de la convention).
Cependant, cette limitation est écartée lorsque les conditions de l'article 4 de cette convention sont réunies. En effet, sous l'intitulé " conduite supprimant la limitation ", ce texte énonce qu'« une personne responsable n'est pas en droit de limiter sa responsabilité s'il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ».
Ainsi, contrairement au droit commun de la responsabilité et au principe de la réparation intégrale, en matière maritime, si les conditions prévues par cette convention sont remplies, le principe régissant la responsabilité des propriétaires de navires est la limitation de leur responsabilité, en réalité celle de l'indemnisation, l'exception étant leur responsabilité pleine et entière et donc la réparation intégrale des dommages.
Celui qui demande que cette limitation soit écartée doit établir l'existence d'un fait ou d'une omission imputables aux armateurs et non au seul commandant du navire au titre par exemple d'une faute nautique et prouver que l'auteur du dommage a réellement connu ou réalisé que le dommage se produirait probablement.
2o/ l'accident du 9. 3. 1991 et la faute nautique du capitaine :
a) état du navire :
Il n'est pas établi que lors de l'accident, le navire présentait des défaillances techniques qui seraient à l'origine de la collision.
Si le pilote fit état d'un dysfonctionnement de l'appareil à gouverner, grief semblant avoir été repris à son compte par le capitaine, les enquêtes diligentées et les recherches expertales n'ont nullement établi l'existence de ce dysfonctionnement. D'ailleurs, après l'accident, le navire a pu regagner Bordeaux par ses propres moyens.
Le service des affaires maritimes a conclu son enquête en indiquant que " l'éventuel dysfonctionnement de l'appareil à gouverner, même si on ne peut pas l'écarter ne repose que sur l'affirmation du pilote et n'est étayé par aucun autre témoignage ni aucune investigation ultérieure "
Dans leur rapport du 22 août 1991, les experts judiciaires B... et C... ont indiqué que tous les examens auxquels il a été procédé « n'ont pas permis de mettre en évidence une défaillance du système de gouverne ». Et ils ajoutent : « que le navire Heidberg était un navire parfaitement équipé et conforme à la réglementation qui lui est applicable » (page 48).
b) conditions météorologiques, courants et marées :
Dans leur rapport du 22 août 1991, les experts judiciaires B... et C... indiquaient que dans la nuit du 8 au 9 mars 1991, les conditions météorologiques sur la Gironde étaient bonnes, la visibilité étant supérieure à 10 km, avec un vent d'ouest sud-ouest de six noeuds et des pointes à huit noeuds.
Ils ajoutaient que la pleine mer était intervenue à 23h 25 avec un coefficient de marée très faible, qu'au moment de l'accident, c'est-à-dire 45 à 50 minutes après la pleine mer, le navire avait alors une hauteur d'eau d'au moins 10 m dans toute la partie navigable du chenal et donc un minimum de 4, 80 m sous la quille, avec un courant de jusant très faible.
c) les fautes nautiques du capitaine :
Aussi bien pour les experts commis, pour l'administrateur des affaires maritimes, que pour l'Office maritime de Hambourg, le commandant du navire a commis de multiples fautes, en décidant de faire un ballastage au mauvais moment et dans des conditions inadaptées et en ne prenant pas de mesures adaptées à une navigation dans une zone à risques.
1/ un ballastage au mauvais moment et dans des conditions inadaptées :
Pour que le navire ait une stabilité suffisante, les ballasts du navire devaient être pleins.
Pour les experts, le remplissage des ballasts aurait dû se faire avant que le navire ne quitte le quai (page 34 du second rapport d'expertise).
Pour " gagner du temps ", le commandant A... a appareillé avec un navire dont les ballasts n'étaient pas complètement remplis. En effet, les doubles fonds latéraux II babord et II tribord ont seulement été remplis par gravité. Après l'appareillage, il manquait environ 30 tonnes d'eau pour les compléter par refoulement de la pompe de ballastage (rapport d'enquête du service des affaires maritimes page 1).
Le 8 mars 1991, vers 23H30, le commandant A... quittait la passerelle, pour se rendre dans la salle des machines afin de compléter les doubles fonds latéraux II babord et II tribord à l'aide de la pompe ballast qu'il mettait en route.
Le 9 Mars 1991, vers 0h 00, il se rendait à nouveau dans la salle des machines afin d'arrêter les pompes servant aux opérations de ballastage, laissant seul le pilote à la passerelle.
Pourtant, cette opération conduite par le commandant quelques minutes avant l'accident, pouvait, selon les experts commis, être différée sans que cela pose le moindre problème et donc se faire à n'importe quel autre moment pendant la descente de l'estuaire (pages 34 et 46 du second rapport d'expertise).
En outre, si la pompe d'incendie avait été utilisée au lieu de la pompe de ballast pour terminer le remplissage des ballasts, elle pouvait être stoppée depuis la passerelle, et la fermeture des vannes dans le compartiment machine aurait eu lieu ultérieurement.
Quelques minutes avant l'accident, le commandant du navire a donc pris une décision qui s'est avérée lourde de conséquences.
2o/ l'absence de mesures adaptées à une navigation dans une zone à risques :
« De l'avis même du pilote, le passage de Pauillac est l'un des endroits les plus délicats et les plus dangereux de l'estuaire de la Gironde du fait que le chenal passe à cet endroit à 300 m d'installations portuaires gazières et pétrolières » (rapport des affaires maritimes, page 7).
Il appartenait donc au commandant du navire de prendre les décisions adaptées à la navigation de nuit dans cette zone de l'estuaire.
Pourtant, « il ne désigne aucun matelot pour effectuer une veille efficace et laisse lorsqu'il s'absente le pilote seul à la passerelle » (rapport des affaires maritimes, page 5). En effet, le matelot présent n'est pas chargé de la veille, il s'occupe de la préparation du café et d'affaler les pavillons.
L'Office maritime de Hambourg estime que le capitaine n'aurait dû charger le matelot ni de la préparation du café ni de tout autre travail différent de celui de la vigie qui doit être en mesure de saisir l'ensemble de la situation et de reconnaître la possibilité d'une collision, d'un échouage ou de tout autre danger pour le navire, rappelant les règles internationales de prévention des collisions en mer.
Le capitaine « laisse au pilote le soin de diriger le navire et ne porte aucun point sur la carte ni sur le journal de bord » (rapport des affaires maritimes, page 5),
Alors que le navire évolue dans une zone dangereuse, il abandonne son poste de quart pour se rendre dans la salle des machines et lorsqu'il descend pour stopper la pompe ballast, il ne prévient pas le pilote (rapport des affaires maritimes, page 8).
Pourtant, d'après la réglementation, l'officier de veille doit maintenir sa veille sur le pont qu'il ne doit quitter sous aucun prétexte jusqu'à ce qu'il soit relevé régulièrement. Ayant quitté le pont sans aucune relève réglementaire, le capitaine du navire a, pour l'Office maritime de Hambourg agi de manière fautive, commis une infraction, l'abandon du pont par le capitaine ayant été pour l'office « une cause concomitante de l'accident » car s'il avait été présent sur le pont, en discutant avec le pilote il disposait encore de suffisamment de temps pour procéder à une correction de cap du bateau qui s'approchait alors du ponton (décision de l'Office maritime de Hambourg du 24. 2. 1994, pages 14 et 15).
Dans leur rapport du 22 août 1991, les experts judiciaires B... et C... adoptent le même point de vue quant au non respect des recommandations notamment de la règle II/ I de la conférence internationale de 1978 et de la résolution A. 481 (XII), puisque le capitaine en tant qu'officier de quart a été amené à s'absenter de la passerelle sans être remplacé, que l'homme de veille était occupé à une autre tâche, et qu'il n'y a pas eu d'échange d'informations entre le capitaine et le pilote sur la conduite et les caractéristiques du navire.
Alors que le navire naviguait sous pilote automatique à une vitesse de l'ordre de 11 noeuds, à l'approche de Pauillac et de son terminal pétrolier, un des points les plus dangereux de l'estuaire de la Gironde, le capitaine, non seulement ne prend pas de précautions particulières : vitesse de sécurité, équipe de mouillage à son poste, mais encore s'absente de la passerelle pour effectuer une opération sans caractère d'urgence et revient trop tard pour éviter la collision (rapport des affaires maritimes pages 2 et 5).
Ainsi, alors que le cap du navire avait changé et le conduisait tout droit vers l'appontement pétrolier de la Shell, il n'est pas présent à temps pour prendre les mesures qui s'imposent.
Le service des affaires maritimes estime que : « même en présence d'une avarie de (l'appareil à gouverner)..., la collision aurait pu être raisonnablement évitée si : 1. Le délai de réaction entre le premier changement de cap et la tentative pour éviter l'abordage avait été plus court, 2. Le pilote n'avait pas été seul à la passerelle, 3. Des précautions particulières avaient été prises à l'approche de Pauillac (vitesse de sécurité et équipe de mouillage à son poste) » (page 8 du rapport d'enquête).

Dans leur rapport du 22 août 1991, les experts judiciaires B... et C... ont estimé regrettable que le pilote automatique soit mis en service lorsqu'il n'y a, surtout de nuit, qu'une seule personne à la timonerie pour manoeuvrer le navire (Page 10). Ils évoquent d'ailleurs la possibilité d'une perte de vigilance momentanée du pilote vers minuit, alors même qu'il était seul à la timonerie, que le matin même il avait " remonté un navire vers Bordeaux " et que le système de l'homme mort n'était pas en service (page 49).
3o/ les fautes imputées aux armateurs :
La société des pétroles Shell fait valoir dans ses écritures (pages 15 et 16) que : « La question posée à la cour est de savoir si l'armateur est en droit de limiter sa responsabilité dans les hypothèses suivantes lorsque : 1o/ l'équipage est notoirement incompétent et que l'armateur informé n'a rien fait pour y remédier, 2o/ il n'existe aucune cohésion entre les membres de l'équipage et une défiance du capitaine vis-à-vis des matelots et que l'armateur informé n'a rien fait pour y remédier, 3o/ l'armateur n'a donné aucune consigne de sécurité précise tant en ce qui concerne l'organisation du travail à bord (que) la sécurité de la navigation, 4o/ l'armateur a armé le navire en tenant compte des impératifs a minima de la réglementation sans adapter son équipage ou sa compétence aux spécificités de la navigation ».

a) fautes concernant les caractéristiques du navire et la jauge :
La société Shell estime que l'armateur a joué avec les caractéristiques du navire pour limiter les impératifs d'effectifs imposés par la jauge et fait valoir que l'attestation de jaugeage ne précise pas quel est le pont de référence.
Cependant, elle ne conteste pas la validité du certificat international de jauge de 999, 13 tonneaux (page 49 de ses écritures). Elle ne peut non plus dénier qu'il n'appartient pas aux autorités françaises de procéder au jaugeage de ce navire allemand.
Selon attestation de l'office fédéral de jaugeage du 20. 8. 1985, établie en fonction de la convention de Londres de 1969, le cargo HEIDBERG ayant une longueur de 85, 36m, une largeur de 11, 30m, un tirant d'eau de 4, 67m, a un volume brut de 1957 tonneaux et un volume net de 880 tonneaux.
Selon attestation de l'office fédéral de jaugeage du 21. 8. 1985, établie en accord avec la résolution IMO A 494 5 XII selon " solution intérimaire remaniée pour le jaugeage de certains navires " et " selon les règlements de jaugeage en vigueur en république Fédérale d'Allemagne avant le 18 juillet 1982, les normes d'Oslo " le cargo HEIDBERG a un volume brut de 999, 13 tonneaux et un volume net de 677, 88 tonneaux. (Pièce 42 des armateurs).
En se référant au certificat de jaugeage précité du 21 août 1985 concernant un tonnage brut de 999, 13 tonneaux, l'agence maritime et hydrographique fédérale allemande a attesté le 26 avril 1993 que la jauge du navire HEIDBERG avait été effectuée conformément aux règles d'Oslo, en tant que navire « plein pont » modèle I (pièce 41 des armateurs).
Dans un courrier du 2 novembre 1994, le syndicat professionnel maritime de Hambourg a indiqué qu'au moment de l'accident le navire HEIDBERG possédait un équipage réglementaire conformément au rôle d'équipage en vigueur et que cet équipage régulier ne dépendait pas en particulier du fait qu'un pont intermédiaire complet soit présent, (pièce 36 des armateurs). Il a rappelé dans un courrier ultérieur du 12 mai 1995 que pour la validité du rôle d'équipage peu importait que ledit navire ait navigué avec ou sans pont intermédiaire (pièce 37 des armateurs).
Dans leur rapport du 30. 4. 1993, les experts judiciaires commis, messieurs B... et C..., ont également indiqué que les documents qui définissent la jauge du navire et fixent l'effectif avaient été établis selon les règles nationales et internationales (convention STCW, décret d'avril 1984).
Et il a été jugé par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt rendu le 1er septembre 2003, que « les certificats de jaugeage du 2 août 1985 et d'équipage du 8 juin 1989 ont été établis par la S. B. G. sur délégation de l'État allemand qui a compétence exclusive pour les délivrer et contrôler les données techniques qui permettent cette délivrance », que les autorités allemandes n'ont pas été trompées par le propriétaire du navire, qu'elles étaient informées des caractéristiques du bâtiment dès sa construction, que l'armateur n'a aucune responsabilité dans la détermination du certificat de jaugeage et dans le nombre et la composition des membres d'équipage qui lui sont imposés.
Ainsi, la société des pétroles Shell n'établit nullement l'existence d'une faute commise par les armateurs qui aurait consisté pour eux à " jouer " sur les caractéristiques du navire et le mode de calcul du jaugeage pour obtenir une jauge inférieure à la réalité et à la réglementation permettant, selon elle, d'armer ce navire avec moins de personnel, au détriment de la sécurité.
b) fautes concernant l'équipage :
La société des pétroles Shell invoque notamment l'incompétence notoire de l'équipage, connue, selon elle, de l'armateur, le fait que les membres d'équipage ne détiennent pas les qualifications nécessaires au regard de la décision d'effectif, que ces qualifications n'ont été régularisées qu'à posteriori, le défaut caractérisé de respect de la législation du travail et la méconnaissance totale des règles minimales de sécurité.
Pourtant, dans leur rapport du 22 août 1991, les experts judiciaires B... et C... ont indiqué :
I/ que la décision d'effectif (ou certificat d'équipage) règle la composition de l'équipage en fonction de la nature des voyages entrepris, des caractéristiques du navire et de la construction et de l'armement technique du navire,- qu'elle est faite par l'administration maritime de l'état concerné en tenant compte des lois maritimes du pays mais également des règles internationales,- que la décision d'effectif établie par la corporation professionnelle maritime au nom de la république fédérale d'Allemagne correspond bien aux exigences du décret du 4 avril 1984 réglementant la composition des équipages maritimes,

II/ que le capitaine du navire Joachim A... avait les qualifications suivantes : capitaine au cabotage AK, examen de mécanicien de bateau moteur de faible puissance C2. Sans pour autant avoir obtenu le diplôme, certificat d'aptitude de services nautiques, ne mentionnant cependant pas l'aptitude au service des machines, ce qui a donné lieu à la délivrance ultérieure d'un certificat rectificatif mentionnant une aptitude non seulement au service de pont mais également des machines et autres services,- qu'au moment de l'accident, si le capitaine n'était pas formellement en possession de la licence de motoriste C2. Il réunissait toutes les conditions lui permettant d'obtenir ce document s'il en faisait la demande,- que les experts rappellent que la demande de délivrance de ce type de brevets n'est pas faite systématiquement par les intéressés quand ils savent qu'ils remplissent les conditions nécessaires, négligence qu'ils qualifient d'assez courante (page 40)

III/ que le second capitaine avait les qualifications AK et certificat de conducteur de moteurs de mer,
IV/ que le personnel d'exécution était constitué de cinq marins de nationalité KIRIBATI parlant anglais, au service de la société Vega depuis 4 ou 5 ans,- que les qualifications des cinq matelots de pont répondent bien aux exigences de la décision d'effectif et du décret du 4 avril 1984 (page 41),- que la formation de ces marins est assurée par des professeurs allemands ayant une bonne expérience professionnelle,- que les équipages KIRIBATI homogènes à bord des navires allemands sont considérés comme des équipages pourvus d'une formation professionnelle nationale.

Dans leur second rapport du 30. 4. 1993, les experts judiciaires commis, messieurs B... et C..., ajoutaient :- que les certificats attestant des qualifications de quatre marins avaient été établis postérieurement à l'accident, mais que rien ne permettait de mettre en doute leur authenticité puisqu'ils ont été établis par une autorité mandatée pour cela,- que s'il y a eu des anomalies, irrégularités, négligences dans la tenue des rôles d'équipage de plusieurs navires dont celui du HEIDBERG ceux ci ont toujours été visés par les autorités responsables,- que le certificat de visite du navire passé après l'accident par l'administrateur des affaires maritimes de Bordeaux, dans le cadre de la convention STCW, après sa remise en état, ne fait état d'aucune irrégularité dans la composition de l'équipage ou la sous qualification du capitaine (certificat du 26. 4. 1991 et page 37 du rapport)- qu'il y avait bien eu régularisation des mouvements d'équipage a posteriori, mais que ces visas ont été donnés par les autorités compétentes allemandes sans restrictions ou remarques,- que la qualification du capitaine et de l'équipage n'ont fait l'objet d'aucune restriction de la part des autorités allemandes,- que les documents qui fixent l'effectif avaient été établis selon les règles nationales et internationales (convention STCW, décret d'avril 1984) et que l'équipage défini par ces règles correspondait à celui effectivement mis en place.

Il a été en outre jugé par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt rendu le 1er septembre 2003 :- que le rôle d'équipage était « parfaitement régulier » (page 8), et " conforme à la réalité " (page 9)- que « à la date de la collision l'aptitude de monsieur A... était à la fois service pont et service machine, même si cette dernière aptitude à fait l'objet d'une régularisation postérieure le 9 mars 1991 par le médecin de la médecine du travail » (page 11),- que « les certificats de jaugeage du 2 août 1985 et d'équipage du 8 juin 1989 ont été établis par la S. B. G. sur délégation de l'État allemand qui a compétence exclusive pour les délivrer et contrôler les données techniques qui permettent cette délivrance » (pages 11 et 12),- que la composition de l'équipage dépend certes du jaugeage du navire, mais aussi de son secteur de navigation et de la puissance des machines,- que pour le rôle d'équipage, peu importe si le pont intermédiaire est ou non à bord du navire,

- que c'est au regard de l'ensemble de ces éléments que l'équipage a été fixé à sept membres,- que l'armateur n'a aucune responsabilité dans le nombre et la composition des membres d'équipage qui lui sont imposés.

Cette décision a d'ailleurs été rendue à la suite de la plainte déposée par la société des pétroles Shell, ayant donné lieu à ouverture d'une information pénale auprès d'un juge d'instruction, au cours de laquelle furent notamment examinées de façon approfondie les conditions de jaugeage du navire, la qualification et l'importance de l'équipage.
Enfin, pour l'Office maritime de Hambourg : « l'équipage avec deux navigateurs parmi lesquels le capitaine A... possédait la qualification technique est admis et sûr.... Les membres d'équipage qui sont originaires de Kiribati possédaient également une qualification suffisante.. le bateau possédait donc un équipage régulier au moment de l'accident » (jugement du 24. 2. 1994, page 5).
Si l'organisation des quarts de chacun des deux officiers correspondait à un rythme de 6h de quart, 6h de repos, soit 12h de travail par jour, les armateurs ont fait valoir, sans être contredits sur ce point, que la loi allemande ne fixait pas de durée maximale de travail pour le capitaine, son second et le chef mécanicien, ce qui démontre donc, que contrairement à ce qui est allégué, la preuve d'une violation de la réglementation du travail les concernant n'est pas rapportée.
Et s'il est fait état d'une " compréhension linguistique à bord (qui) n'était pas assurée ", les investigations menées ont pourtant établi que les marins et les officiers communiquaient en langue anglaise, et il n'est nullement démontré par les intimés que la configuration du navire et notamment les diverses inscriptions y figurant n'étaient pas conformes à la réglementation alors que les marins recevaient leurs instructions des officiers.
Alors que la réglementation pour le cabotage international concernant tant le navire que son équipage était respectée, que c'est au capitaine de prendre les décisions appropriées à la navigation du navire qu'il commande, qu'un manquement de l'armateur aux règles de sécurité n'est pas établi, les intimées ne démontrent pas en quoi les armateurs auraient commis la faute définie à l'article 4 de la convention de Londres, en raison d'une absence de " consignes d'organisation de travail ou de sécurité " et de prise en compte des " contraintes d'exploitation ".
En outre, si lors de l'enquête, le commandant A... fit part de sa " défiance " vis à vis des marins de nationalité Kiribati, les investigations menées ont cependant établi que ces matelots détenaient toutes les attestations de formation nécessaires et pouvaient communiquer en anglais avec leurs officiers.
Et il n'a nullement été établi que ces matelots n'étaient aptes ni à procéder aux manoeuvres ressortant de leur compétence, ni à comprendre les instructions de leurs officiers et que l'accident serait du à une absence de cohésion entre les membres de l'équipage.
En tout état de cause, il appartient aux intimés de rapporter la preuve d'un lien de causalité existant entre les dommages subis et les griefs formulés à l'encontre de l'armateur, qui seraient susceptibles de mettre en cause sa responsabilité dans les conditions de l'article 4 de la convention de Londres.
Cette preuve n'est cependant pas rapportée.
En effet, s'il n'est pas contesté qu'au moment de l'accident les deux officiers du navire ne disposaient pas de l'ensemble des brevets nécessaires par rapport aux prescriptions applicables, que l'armateur n'a pas eu recours à un troisième officier, que la compétence des matelots est mise en cause par le capitaine qui manifestement aurait préféré avoir des marins allemands, il est cependant clairement établi par l'ensemble des pièces précédemment citées que l'accident et les importants dommages qui en furent la suite ne résultent pas de l'ensemble des griefs formulés par les intimées à l'encontre des armateurs comme le nombre insuffisant d'officiers ou l'incompétence des matelots, mais que les dommages subis résultent directement de la faute nautique du capitaine.
Les armateurs ne pouvaient raisonnablement imaginer qu'un capitaine de navire expérimenté, déciderait, de nuit, alors que son navire naviguait dans une zone dangereuse d'un estuaire, à proximité d'installations gazières et pétrolières, de quitter la passerelle, pour y laisser seul le pilote, afin de se rendre dans la salle des machines pour effectuer une opération de ballastage ne présentant aucun caractère d'urgence, alors même que son second se reposait et qu'aucun marin n'effectuait de veille.
Alors que seul un acte ou une omission de l'armateur commise, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement, lui interdit de bénéficier de la limitation de responsabilité prévue par la convention de Londres, que la preuve de tels comportement des armateurs n'est pas rapportée, ces derniers sont fondés à invoquer la limitation de leur responsabilité telle que prévue par cette convention.
La décision des premiers juges doit donc être infirmée. 4o/ indemnisation de la société des pétroles Shell et demande de restitution des fonds perçus :

En l'absence de preuve d'une faute des armateurs au sens de l'article 4 de la convention de Londres, les appelants étant fondés à invoquer la limitation de leur responsabilité dans les conditions prévues par cette convention, les sommes excédant cette limitation versées par les armateurs à la société des pétroles Shell devront donc leur être restituées, sans qu'il soit nécessaire de l'ordonner expressément.
En effet, l'obligation de rembourser résultant de plein droit de la réformation d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire, les juges d'appel n'ont pas à ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de cette décision, l'arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à restitution.
Sur la demande de donner acte et de réserves de la société Shell :
Chacun étant libre d'exercer en justice les droits qu'il détient en vertu de la loi, toute demande de donner acte ou de réserves est inutile et sans portée.
En conséquence il n'y a pas lieu, comme le demande la société des pétroles Shell, de lui donner acte « qu'elle ne formule en l'état aucune demande à l'encontre de M. Y... et des héritiers de M. A... mais qu'elle se réserve le droit d'agir ultérieurement à leur encontre ».
Sur les demandes concernant Groupama :
1o/ recevabilité :
Alors qu'ils n'ont pas ignoré la qualité d'assureur subrogée qu'avait la société Groupama depuis l'ordonnance du 17 avril 1991 en vertu de laquelle elle avait été autorisée à saisir le navire HEIDBERG, qu'ils l'ont également assignée en cette qualité devant la Haute Cour de Londres pour voir reconnaître la validité d'une clause d'arbitrage invoquée en vertu du connaissement du 8. 3. 1991 établi à Bordeaux et obtenir notamment sa condamnation à payer une contribution d'avarie commune incombant à la cargaison, que cette compagnie est l'assureur cargaison en vertu d'un certificat d'assurance du 8 mars 1991 (pièce 33 de Groupama), qu'en raison de l'indemnisation reçue l'acquéreur de la marchandise avariée pour partie l'a dûment subrogée par acte du 9 décembre 1991 (pièce 31 de Groupama), c'est à tort, que dans leurs dernières écritures, les armateurs soulèvent l'absence de qualité pour agir de l'assureur cargaison et donc l'irrecevabilité de ses demandes.
2o/ demandes d'indemnisation de Groupama :
En vertu d'un connaissement établi à Bordeaux le 8 mars 1991, le maïs chargé à Bordeaux Bassens sur le territoire français devait être transporté sur le navire Heidberg au port de New Holland en Grande-Bretagne.
Il n'est pas contesté qu'une partie de la cargaison a été endommagée à la suite de la collision du navire avec l'appontement de la Shell, des incendies qui en sont résultés et des mesures prises pour y mettre fin.
S'il pèse sur le transporteur maritime une présomption de responsabilité en cas de perte ou avarie, il peut néanmoins s'en exonérer dans certains cas lorsqu'il établit l'existence d'un lien de causalité entre la cause d'exonération qu'il invoque et le dommage subi.
Pour ce transport maritime international, les armateurs invoquent une exemption de leur responsabilité au motif que « tout dommage éventuel causé à la cargaison est la conséquence de l'accident causé par la faute nautique du capitaine et/ ou du pilote se trouvant à bord du Heidberg et/ ou par l'incendie qui s'est déclaré ensuite et les démarches entreprises par les autorités pour l'éteindre » et font état d'un navire en « parfait état de navigabilité », alors que Groupama invoque au contraire la faute inexcusable des armateurs lui permettant d'échapper à toute limitation de responsabilité.
Comme indiqué précédemment, au moment où l'accident s'est produit le navire Heidberg était parfaitement équipé sur le plan technique et doté d'un équipage adapté. Il n'est donc pas établi que l'armateur a manqué à ses obligations pour avoir armé un navire qui n'était pas en parfait état de navigabilité.

Au surplus, ainsi que la cour l'a déjà indiqué, les dommages dont l'assureur subrogé demande réparation, qu'il s'agisse du préjudice concernant la cargaison elle-même ou des autres préjudices subis en raison de la collision, résultent directement de la faute nautique du capitaine ce qui permet aux armateurs d'invoquer utilement l'exclusion de leur responsabilité.
Groupama doit donc être déboutée de ses réclamations, le jugement déféré étant confirmé de ce chef mais pour d'autres motifs.
3o/ demande de restitution des armateurs :
Les armateurs demandent la condamnation de Groupama à leur restituer « l'intégralité des sommes qui lui ont été payées en exécution des différentes décisions de justice rendues dans cette affaire outre les intérêts légaux courant sur ces sommes avec capitalisation trimestrielle à compter des dates auxquelles ces sommes ont été indûment perçues », sans indiquer cependant de quelles décisions il s'agit et en outre de « condamner Groupama à restituer la garantie qu'il a été remise par les armateurs afin d'obtenir mainlevée de la saisie du HEIDBERG ».
Cependant, la cour n'étant saisie que de l'appel du jugement rendu le 23 septembre 1993 par le tribunal de commerce de Bordeaux, dans les limites du renvoi ordonné par la cour de cassation, il ne lui appartient pas de faire droit à une demande aussi générale et imprécise, alors même que de très nombreuses instances eurent lieu, portant notamment sur la saisie du navire HEIDBERG.
Groupama ne disposant plus de titre pour obtenir paiement des sommes qu'elle réclame aux armateurs, la cour n'est pas tenue d'ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de l'arrêt rendu le 31 mai 2005 par la cour d'appel de Bordeaux.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu notamment de la durée de la procédure et de ses vicissitudes, l'équité commande d'allouer aux armateurs une indemnité de 200. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, qui sera supportée à concurrence de 150. 000 € par la société des pétroles Shell et de 50. 000 € par Groupama.
Par contre, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la société des pétroles Shell et à Groupama la charge de leurs frais irrépétibles.
Et alors qu'après cassation les armateurs ont à tort mis en cause Dominique Z..., l'équité commande de lui allouer la somme de 3000 € sur le même fondement.
Compte tenu des circonstances de la cause, alors que la société des pétroles Shell et Groupama succombent, il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût des différentes expertises judiciaires dont celles de messieurs B... et C..., mais non les dépens afférents à la saisie du navire Heidberg objet de plusieurs procédures distinctes, et de dire qu'ils seront supportés comme suit :-70 % par la société des pétroles Shell,-30 % par Groupama.

PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement,
Par défaut,
Sur renvoi après cassation partielle et dans les limites de sa saisine,
CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont :
- donné acte à la société Partenreederei M/ S Heidberg, à Messieurs Owe X... et Arend X... et à la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG (les armateurs) de ce qu'ils ne contestent pas leur responsabilité à la suite de l'accident causé par le navire HEIDBERG le 9 mars 1991 relativement aux dommages subis par la société des pétroles Shell,
- débouté Groupama de ses demandes d'indemnisation,
LE REFORME pour le surplus,
STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DIT QUE la société Partenreederei M/ S Heidberg, Messieurs Owe X... et Arend X... et la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG (les armateurs) n'ont pas commis de faute au sens de l'article 4 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976,
DIT QUE pour la collision du 9 mars 1991, au cours de laquelle le navire HEIDBERG a endommagé les installations de la société des pétroles Shell à Pauillac (Gironde) la société Partenreederei M/ S Heidberg, Messieurs Owe X... et Arend X... et la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG sont fondés à invoquer la limitation de responsabilité prévue par la convention de Londres du 19 novembre 1976,
DIT en conséquence que la société Partenreederei M/ S Heidberg, Messieurs Owe X... et Arend X... et la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG sont tenus d'indemniser la société des pétroles Shell dans les conditions prévues par cette convention,
DIT n'y avoir lieu à donner acte à la société des pétroles Shell de ses réserves,
CONDAMNE la société des pétroles Shell à payer à la société Partenreederei M/ S Heidberg, à Messieurs Owe X... et Arend X... et à la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG la somme totale de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Groupama à payer à la société Partenreederei M/ S Heidberg, à Messieurs Owe X... et Arend X... et à la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG la somme totale de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Partenreederei M/ S Heidberg, Messieurs Owe X... et Arend X... et la société VEGA REEDEREI FREIDRICH DAUBER Gmbh et co KG à payer à Dominique Z... la somme totale de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société des pétroles Shell et Groupama de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût des différentes expertises judiciaires dont celles de messieurs B... et C..., mais non ceux afférents à la saisie du navire Heidberg,
DIT QU'ILS seront supportés comme suit :-70 % par la société des pétroles Shell,-30 % par Groupama,

EN ORDONNE la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean-François Bancal, conseiller faisant fonction de président et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : DeuxiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/01178
Date de la décision : 14/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Analyses

Droit maritime - convention de Londres du 19 novembre 1976 - responsabilité - faute inexcusable - assurance - collision


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2013-01-14;08.01178 ?
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