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02/11/2011 | FRANCE | N°11/5280

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 02 novembre 2011, 11/5280


COUR D'APPEL DE BORDEAUX


CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


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PP




ARRÊT DU : 02 NOVEMBRE 2011


(Rédacteur : Monsieur Robert MIORI, Président,)


No de rôle : 11/ 5536
















La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine


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Monsieur Jean Charles X...





















Nature de la décision : AU FOND-jonction avec RG 11/ 5280

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Grosse délivrée le :


aux avouésDécision déférée à la Cour :


- ordonnance rendue le 19 juillet 2011 par le juge des référés du Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG 2011/ 1109) suivant déclaration d'appel du 09 août 2011 (RG 11/ 5280),

...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

PP

ARRÊT DU : 02 NOVEMBRE 2011

(Rédacteur : Monsieur Robert MIORI, Président,)

No de rôle : 11/ 5536

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine

c/

Monsieur Jean Charles X...

Nature de la décision : AU FOND-jonction avec RG 11/ 5280

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour :

- ordonnance rendue le 19 juillet 2011 par le juge des référés du Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG 2011/ 1109) suivant déclaration d'appel du 09 août 2011 (RG 11/ 5280),

- assignation à jour fixe en date du 25 août 2011 (RG11/ 5536),

APPELANTE :

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 304 boulevard du Président Wilson-33000 BORDEAUX,

représentée par la SCP LABORY MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Sonia DA SILVA substituant Maître Thierry WICKERS de la SELAS EXEME ACTION, avocats au barreau de BORDEAUX,

et demanderesse à l'assignation à jour fixe,

INTIMÉ :

Monsieur Jean Charles X..., demeurant...,

représenté par la SCP BOYREAU Luc et MONROUX Raphael, avoués à la Cour, et assisté de Maître Bernard QUESNEL de la SCP QUESNEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,

et défendeur à l'assignation à jour fixe,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 septembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert MIORI, Président,
Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
Madame Pascale BELIN, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

Vu le visa du Ministère public en date du 9 septembre 2011

ARRÊT :

- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Jean-Charles X... a été destinataire, le 2 mai 2011, d'un virement de 200. 000 dollars américains soit 134. 210 € sur son compte bancaire no ... ouvert auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine (le Crédit agricole), versée par la société Abu Sumbol TRDG LLC dont le siège social est aux Emirats Arabes Unis.

Dans le cadre du contrôle de l'origine de ce transfert de fonds, le Crédit agricole a demandé à Monsieur Jean-Charles X... la fourniture de documents correspondant à ce mouvement.

Le 3 mai 2011, Monsieur X... a remis à la banque un mandat rédigé en langue anglaise signé le 27 avril 2011 à Tripoli donnant pouvoir à trois avocats, dont Monsieur Jean-Charles X..., d'intenter des actions en justice visant à obtenir la condamnation de l'OTAN pour tentative d'assassinat à l'encontre du colonel Mouammar B... au moyen de frappes aériennes.

Le 19 mai 2011, le Crédit agricole a procédé au gel des fonds restant sur le compte s'élevant 114. 340 € en faisant application du règlement no 204/ 2011 du Conseil de l'Europe. Par lettre recommandée du 23 mai 2011, il a avisé M. X... de ce blocage.

Monsieur Jean-Charles X... a assigné le Crédit agricole devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Bordeaux le 10 juin 2011 afin d'obtenir sa condamnation à lui verser une provision de 114. 340 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 et ce sous astreinte de 4. 000 euros par jour de retard, ainsi qu'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ordonnance en date du 19 juillet 2011, le juge des référés a condamné à titre provisionnel le Crédit agricole à payer à Monsieur Jean-Charles X... la somme de 114. 340 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de la décision et pendant un mois, en se réservant le droit de liquider l'astreinte outre une indemnité de 1. 500 euros au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le Crédit agricole a interjeté appel de cette décision le 9 août 2011.

Par ordonnance en date du 19 août 2011, il a été autorisé à assigner M. X... à jour fixe à l'audience du 21 septembre de la cour.

L'assignation a été délivrée le 25 août 2011 par le Crédit agricole à Monsieur X.... Elle a été déposée au greffe le 26 août 2011.

Dans son assignation et par des conclusions déposées au greffe le 21 septembre 2011, le Crédit agricole demande à la Cour de réformer la décision de première instance en totalité, de constater que l'action en référé se heurte à
une contestation sérieuse, de débouter M. X... de ses demandes et de le condamner à lui verser une indemnité de 5. 000 € en application des dispositions article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, le Crédit agricole fait valoir :

- que le Conseil de Sécurité de l'ONU par des résolutions des 26 février et 17 mars 2011 a ordonné le gel des avoirs de dignitaires et entités libyennes et autorisé l'usage de la force pour protéger les populations civiles et que pour être applicables en droit interne, ces résolutions ont été transposées, par un règlement européen du Conseil en date du 2 mars 2011 ;

- que ce Règlement européen du 2 mars 2011 dispose que tous les fonds ou ressources économiques appartenant, détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales, entités ou organisme énumérés aux annexes II et III sont gelés, et qu'il est interdit que ces fonds soient mis directement ou indirectement à la disposition des intéressés ni utilisés à leur profit ;

- que le paiement d'honoraires d'avocat correspond bien à l'utilisation au profit des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l'annexe II du Règlement, que l'organe administratif compétent pour autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés, est la direction générale du Trésor, et que les juridictions consulaires ne peuvent donc ordonner la mainlevée de la mesure de gel des avoirs litigieux sans empiéter sur la compétence du juge administratif ;

- qu'il n'est que l'exécutant d'une mesure diplomatique et qu'il n'est débiteur d'aucune obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable qui pourrait justifier sa condamnation au paiement d'une provision

Le 9 septembre 2011 le procureur général a fait valoir par mention au dossier communiqué aux avoués de la cause, que la juridiction consulaire, même par voie de référé est incompétente pour statuer sur la demande de déblocage de fonds bloqués par le crédit agricole en exécution du règlement 204/ 2011 du 2 mars 2011, seul l'État français étant compétent conformément à l'article 7 du règlement.

Le 21 septembre 2011, M. X... a fait déposer des conclusions par lesquelles il sollicite :

- à titre principal, que la radiation de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 5280/ 11 soit ordonnée ;

- à titre subsidiaire que l'ordonnance entreprise soit confirmée et que le Crédit agricole soit condamné à lui verser une indemnité de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans préjudice de toute amende civile qui pourrait être prononcée outre une indemnité de 5. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- qu'il convient de procéder à la radiation du rôle de l'affaire en application des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile faute par le Crédit agricole d'avoir exécuté la décision de référé attaquée ;

- que l'article 25 du règlement intérieur du barreau de Bordeaux a été ignoré par l'appelante et que le crédit agricole n'a aucun risque à ne pas recouvrer la provision en cas d'infirmation de l'ordonnance attaquée puisque la même somme est bloquée sur son compte bancaire

-que la juridiction commerciale est bien compétente pour connaître du litige ;

- que le Crédit agricole a commis une erreur d'interprétation du Règlement européen du 2 mars 2011 et qu'il a fait preuve de négligence en ne bloquant que partiellement ses avoirs qui sont sa propriété et une faute quant à l'identification de son client qui n'est pas M. B... ;

- qu'il s'est abstenu de diligence indispensable et nécessaire à la mise en oeuvre d'une réglementation d'exception ;

- que la demande qu'il formule ne consiste pas à solliciter la mainlevée du gel des fonds mais bien la condamnation provisionnelle de la banque sur le fondement des dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile ;

- que le crédit agricole a appréhendé une somme de 19. 870, 17 euros issus de la différence entre le montant des honoraires d'un montant de 134. 210, 17 euros et le montant bloqué qui est de 114. 340 € et qu'il ne peut à la fois prétendre qu'il y a lieu de geler les fonds provenant de la société ABU Sumbol et considérer qu'une partie de cette somme ne peut faire l'objet d'un blocage ;

- que le crédit agricole n'a pas communiqué la lettre de la direction générale du trésor qu'elle s'était engagée à fournir devant le juge des référés et qu'il n'appartient pas à la cour de suppléer la banque dans l'administration de la preuve.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Le pouvoir de procéder à la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 526 du code de procédure civile n'appartient qu'au premier président de la cour d'appel ou au conseiller de la mise à l'État.

La demande formulée de ce chef par M. X... est donc irrecevable comme excédant les pouvoirs de la cour.

2- Il ne peut par ailleurs être reproché au Crédit agricole de n'avoir pas respecté le règlement intérieur du barreau de Bordeaux alors que le respect des obligations prévues par ce dernier ne peut incomber à la partie elle-même mais seulement à son avocat.

3- La demande de M. X... n'ayant pas pour objet d'obtenir la mainlevée du gel des fonds mais la condamnation du Crédit agricole à lui verser une provision la compétence du juge des référés ne peut être mise en cause puisqu'il s'agit de statuer sur les conséquences d'une opération de banque qui est réputée constituer un acte de commerce par l'article L 110-1 7o du code de commerce.

4- Il reste que le juge des référés et la cour à sa suite ne peuvent condamner une partie au paiement d'une provision que si l'obligation sur laquelle se fonde le demandeur n'est pas sérieusement contestable.

Pour déterminer si la demande de M. X... ne se heurte à aucune contestation sérieuse il convient de rechercher si le blocage des fonds opérés par la banque était justifié ce qui revient à rechercher si celle-ci a commis une faute en procédant au gel des fonds.

Il résulte de l'article 5 du règlement UE no de 204/ 2011 du 2 mars 2011 que : Tous les fonds des ressources économiques appartenant à, en possession détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés aux annexes II et III, sont gelés.
Aucun fonds ressources économiques ne sont mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés aux annexes II et III, ni utilisés à leur profit $gt; $gt;.

5- Il résulte d'une procuration en date du 27 avril 2011 donné par le directeur du département du contentieux du ministère de la justice de la Grande République Arabe Libyenne Populaire et Socialiste à M. X... que celui-ci a reçu mandat d'engager toute procédure judiciaire ou toute action en justice devant les juridictions compétentes y compris devant la Cour Internationale de Justice à l'encontre de toute action engagée par tout Etat ou entité responsable du gel des avoirs libyens en application des dispositions de la réglementation de l'Union Européenne.
Sous réserve de l'interprétation souveraine du juge du fond, il apparaît que le mandat ainsi donné à M. X... a pour but de défendre les personnes de nationalités libyenne dont les avoirs ont été bloqués par le règlement susmentionné du 2 mars 2011de l'Union européenne.

6- M. X... a par ailleurs fourni un projet de procuration en date du 27 avril 2011 émanant également du directeur du contentieux du ministère de la justice de la Libye par lequel celui-ci le mandate pour engager toute procédure judiciaire ou toute action en justice devant les juridictions compétentes à l'encontre de toute action engagée par l'organisation du traité de l'Atlantique Nord ou OTAN pour les tentatives d'assassinats du colonel Mouammar B..., le chef de la révolution de la Libye Arabe Populaire et Socialiste par l'intermédiaire de frappes aériennes et visant les bureaux du Guide situés à Bab Al Azizia à la date ou aux alentours de la date du 24 avril 2011.

Ces éléments révèlent que l'autorité qui a mandaté M. X... pour agir en justice pour le compte de l'État libyen alors dirigé par M. B... est la même que celle qui envisage de le mandater pour défendre directement les intérêts de M. B....

7- Il apparaît donc que les fonds reçus par M. X... dans le cadre de ces deux mandats sont susceptibles de profiter indirectement à M. B... qui figure sur la liste des personnalités Libyenne dont les fonds doivent être bloqués.

Même si les fonds reçus par M. X... ont été versés par l'intermédiaire d'une banque située à Doubaï aux Emirats Arabes unis lesquels ne figurent pas sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être bloqués, et même si M. X... ne figure pas lui-même sur cette liste, il s'ensuit que les fonds versés sont susceptibles de tomber sous le coup de l'article 5 du Règlement de la communauté économique européenne du 2 mars 2011.

8- Il importe peu dès lors que le Crédit agricole ne produise pas un courrier du directeur général du Trésor public le blocage qu'il a effectué se fondant sur les dispositions du Règlement susmentionné qui est d'application directe en droit français.

9- Le gel des fonds versés qui sont susceptibles d'être restitués au nouvel État libyen fait peser sur le Crédit agricole le risque de ne pouvoir obtenir le remboursement par M. X... de la provision qui lui a été allouée. C'est donc à tort que l'intéressé soutient qu'il n'y a aucun risque pour la banque à lui verser le montant de la somme qu'il sollicite à titre de provision.

1O- Le Crédit agricole n'a gelé qu'une partie des fonds versés à M. X... en imputant sur ces derniers un débit personnel à l'intéressé avant de bloquer le solde. Ce gel à géométrie variable n'est cependant de nature à engager la responsabilité de la banque qu'à l'égard des autorités monétaires. Il n'est dés lors pas constitutif à l'égard de M. X... d'un manquement de nature à justifier la demande de versement d'une provision.

Il existe en conséquence une contestation sérieuse qui s'oppose à la demande de provision de l'intéressé.

Il convient dans ces conditions d'infirmer la décision entreprise et de dire qu'il n'y a lieu à référé.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une quelconque des parties.

M. X... qui ne démontre pas que le gel des fonds opéré par la banque est injustifié sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS
La Cour,

Prononce la jonction des procédures enrôlées sous les no11/ 5280 et 11/ 05536,

Infirme la décision entreprise,

statuant à nouveau

Dit n'y avoir lieu à référé ni à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

Condamne M. X... aux dépens ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Robert Miori, Président, et par Véronique Saige, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

V. Saige R. Miori


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 11/5280
Date de la décision : 02/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-02;11.5280 ?
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