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22/06/2011 | FRANCE | N°06/5249

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 22 juin 2011, 06/5249


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)

No de rôle : 10/ 165

L'institution POLE EMPLOI

c/

Madame Roselyne X...




Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 décembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 06/ 5249) suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2010,
>APPELANTE :

L'institution Nationale Publique POLE EMPLOI, prise en son établissement POLE EMPLOI AQUITAINE, agissant en la personne de son représen...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)

No de rôle : 10/ 165

L'institution POLE EMPLOI

c/

Madame Roselyne X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 décembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 06/ 5249) suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2010,

APPELANTE :

L'institution Nationale Publique POLE EMPLOI, prise en son établissement POLE EMPLOI AQUITAINE, agissant en la personne de son représentant légal 56 avenue de la Jallère-33056 BORDEAUX CEDEX,

représentée par la SCP LE BARAZER ET d'AMIENS, avoués à la Cour, et
assistée de Maître Alexis GARAT, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Madame Roselyne X..., demeurant ...,

représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Hélène PUJOL substituant Maître HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocats au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MASSIEU, Présidente,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé,
qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Madame X... a exercé la profession de VRP multicartes pendant de nombreuses années. Après son licenciement par l'un de ses principaux employeurs (société Gabin), elle s'est inscrite comme demandeur d'emploi auprès de l'Assedic.

Suivant notification en date du 21 mars 2003, elle a été admise au titre de l'allocation unique dégressive à compter du 5 janvier 2001 pour une durée de 1369 jours.

A la suite du changement de réglementation relative à l'assurance chômage, Madame X... a opté pour le Plan d'Aide de Retour à l'Emploi. Par correspondance en date du 28 février 2002, l'Assedic lui a notifié le bénéfice de l'allocation (non dégressive) d'aide au retour à l'emploi pour une durée maximale de 977 jours à compter du 1er février 2002.

Un projet d'action personnalisée a été établi suite à un entretien le 15 mai 2002.

Par correspondance en date des 16 et 31 mai 2002, l'Assedic l'a informée des nouvelles règles spécifiques de cumul en cas de conservation ou de reprise d'une activité professionnelle.

Madame X... a cessé de travailler le 3 juin 2002 pour l'un de ses employeurs (EARL Callen) suite, selon sa déclaration, à une procédure de licenciement.

Les 1er août et 4 septembre 2002, Madame X... a adressé sa démission à ses autres employeurs (société Adex, société Rémoise de Distribution et Vignobles Jérôme Quiot).

Suite à la demande de Madame X... de révision de ses droits et après réclamation de sa part, par correspondance en date du 18 avril 2003, l'Assedic lui a précisé qu'en application de la circulaire Unedic du 16 novembre 1998, il ne peut être tenu compte des salaires des cartes perdues pour les emplois qu'elle a volontairement quittés.

Estimant que l'Assedic a manqué à son devoir de conseil en la contraignant à démissionner, par acte d'huissier en date du 8 février 2005, Madame X... a assigné l'Assedic d'Aquitaine devant le Tribunal de Grande Instance de Bayonne aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Par jugement en date du 24 avril 2006, le Tribunal de Grande Instance de Bayonne s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux auquel le dossier a été transmis le 17 mai 2006.

Par jugement du 02 décembre 2009, le tribunal a :

- Révoqué l'ordonnance de clôture et l'a fixé au 14 octobre 2009,- Donné acte au Pôle Emploi de son intervention aux lieu et place de l'Assedic Aquitaine,
- Débouté Madame Roselyne X... de ses demandes aux fins de rétablissement dans ses droits au regard de l'ensemble de ses contrats de travail depuis 1999 et à compter du 1er août 2002 ou subsidiairement aux fins de réadmission de ses droits au titre de ses activités réduites à compter du 1er novembre 2002,
- Déclaré l'Assedic Aquitaine aux droits de laquelle se trouve le Pôle Emploi responsable de la délivrance de renseignements erronés ayant entraîné la perte d'emplois auprès de la société Adex, société Rémoise de Distribution et Vignobles Jérôme Quiot, au préjudice de Madame Roselyne X...,
- Avant dire droit sur ce préjudice de perte d'emplois, invité les parties à conclure sur la consistance exacte de ce préjudice,
- Sursis à statuer sur ce préjudice et le surplus des demandes de Madame X... jusqu'à la réouverture des débats,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- Réservé les dépens,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 23 février 2010 à 09 h 30 $gt; $gt;.

Par déclaration remise au greffe le 11 janvier 2010, Pôle Emploi a interjeté appel de cette décision ;

Par ses dernières conclusions du 25 mars 2010, Pôle Emploi demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'Assédic Aquitaine aux droits de laquelle se trouve Pôle Emploi responsable de la délivrance de renseignements erronés ayant entraîné la perte d'emplois auprès de la société Adex, Société Rémoise de Distribution et Vignobles Jérôme Quiot, au préjudice de Madame Roselyne X...,
- débouter Madame X... de l'ensemble de ses prétentions comme étant parfaitement infondées,
- condamner la même à verser à Pôle Emploi la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LE BARAZER & d'AMIENS, Avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile $gt; $gt;.

Par ses dernières conclusions du 29 novembre 2010, Madame X... demande à la Cour de :

A titre principal,
Vu les articles 1384-5, 1153 et 1154 du Code civil,
Vu la convention du 1er janvier 2001 sur l'assurance chômage,

Vu la délibération no14 du 4 février 1997,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'Assedic Aquitaine aux droits de laquelle se trouve le Pôle Emploi responsable de la délivrance de renseignements erronés ayant entraîné la perte d'emplois auprès de la société ADEX, de la société REMOISE DE DISTRIBUTION et de la société VIGNOBLES JEROME QUIOT, au préjudice de Madame Roselyne X...,
En conséquence, statuant à nouveau,
- Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à rétablir Madame X... dans ses droits au regard de l'ensemble de ses contrats de travail depuis 1999 et ce à compter du 1er août 2002,
- Dire qu'il sera fait application des dispositions des articles 1153 et 1154 du Code civil,
- Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à payer à Madame X... 5. 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral,
A titre subsidiaire
Vu l'accord d'application no13 du 13 novembre 2003,
- Dire que Madame X... était recevable à la réadmission de ses droits au titre de son activité réduite à compter du 1er novembre 2002,
En conséquence,
- Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à procéder à la réadmission de ses droits au titre dé son activité-réduite à compter du 1er novembre 2002,
A titre infiniment subsidiaire,
Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à payer à Madame X... 30. 000 euros à titre de dommages intérêts, correspondant à la somme qu'elle aurait dû percevoir dans le cadre d'une indemnisation basée sur la totalité de ses contrats de travail,
- Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à payer à Madame X... 5. 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral,
En tout état de cause,
- Condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assedic Aquitaine à payer à Madame X... la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC, dont distraction au profit de la SCP PUYBARAUD sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner le POLE EMPLOI venant aux droits de l'Assédic Aquitaine aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution $gt; $gt;.

En cet état une ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2011 ;

Dans le cadre de ses obligations de renseignement et d'information à l'encontre des salariés qui s'adressent à ses services, POLE EMPLOI est tenu à l'exactitude des renseignements fournis et engage sa responsabilité délictuelle en cas d'erreurs ; il appartient au salarié qui agit sur le fondement
d'une responsabilité quasi délictuelle de rapporter la triple preuve de la faute commise, du préjudice qu'il subit et du lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

La première faute invoquée par Madame X... consiste à ne pas lui avoir indiqué au mois de mai 2002 que le bénéfice du cumul des indemnités chômage et d'une activité réduite ne pouvait se prolonger plus de 18 mois sauf pour les salariés de plus de 50 ans, alors que, née en 1950, elle avait plus de 50 ans ; cette faute n'est pas contestée par POLE EMPLOI qui fait valoir que cette erreur n'a pas eu d'incidence sur les droits de Madame X... qui a été indemnisée sans discontinuer du 5 janvier 2001 au 29 septembre 2004 ; ainsi que l'a jugé le tribunal, il n'existe donc pas de préjudice matériel en relation avec cette faute ;

Madame X... fait grief au conseiller de POLE EMPLOI de lui avoir conseillé de démissionner de tous ses emplois pour « probablement éviter la suspension des droits consécutive à la poursuite de » ses activités salariales au delà des 18 mois ; cette faute est contestée par POLE EMPLOI ; en effet, aucun des écrits de POLE EMPLOI ne fait état de démission et l'attestation du mari de Madame X... qui l'accompagnait lors des entretiens de mai 2002 et qui confirme ses dires n'a pas une valeur probatoire suffisante en raison des liens qui unissent leur auteur à la demanderesse ; les démissions adressées aux employeurs ne font aucune référence à leur incidence sur les droits relatifs au chômage ou sur des griefs à l'encontre des employeurs concernés ; il s'agit donc de décisions non équivoques et qui ne sont pas opposables à POLE EMPLOI ainsi que l'a jugé le tribunal ;

Concernant le lien de causalité, le tribunal a toutefois considéré que le faux renseignement sur la durée des droits et la proximité des démissions constituaient des présomptions précises et concordantes du lien de causalité entre ces éléments ; à cet égard, POLE EMPLOI relève qu'il est contradictoire pour Madame X... qui déclare avoir craint pour la poursuite de ses droits, d'avoir réduit ses activités salariales en août 2002 plutôt que de rechercher des activités supplémentaires et ce, alors qu'elle devait être indemnisée jusqu'au 1o janvier 2003 ; ces arguments ne sont pas pertinents dans la mesure où il avait été indiqué par erreur à Madame X... que la durée de ses droits était limitée à 18 mois, ce qui rendait nécessaire des mesures palliatives aussi rapides que possible pour éviter une

éventuelle suspension de ses droits à partir d'août 2002 à l'issue du délai de 18 mois qui avait commencé à courir le 5 janvier 2001 ; l'existence d'un lien de causalité entre le conseil erroné et les démissions doit donc être confirmé ;

Se référant à la lettre de POLE EMPLOI en date du 19 septembre 2002 lui demandant, suite à un entretien téléphonique de début août, de lui communiquer ses bulletins de salaires de 1999 de tous ses emplois et le relevé CCNRP 1999, Madame X... demande à titre d'indemnisation à être rétablie dans ses droits au regard de l'ensemble de ses contrats depuis
1999 et ce, à compter du 1er août 2002 ; le tribunal a dit que le préjudice était constitué par la perte des emplois dont Madame X... a démissionné en août 2002 et il l'a invitée à apporter tout justificatif sur cette perte ainsi éprouvée ; Madame X..., en raison de son âge, pouvait bénéficier d'une prolongation de ses droits cumulés avec une activité réduite et n'avait donc pas à perdre cette dernière, son préjudice est donc constitué par la perte des emplois dont elle a démissionnés auprès des sociétés Adex, Remoise de Distribution et Vignobles Jérôme Quiot ;

En définitive, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a invité Madame X... à justifier des pertes éprouvées du fait de ces démissions pour lesquelles elle n'a produit aucune indication à la cour ;

Madame X... est également bien fondée à obtenir réparation du préjudice moral qu'elle a subi pour avoir été renseignée de façon erronée par des services qui sont tenus à l'exactitude de leur conseils ; une indemnité supplémentaire de 1. 500 € lui sera allouée à ce titre ;

Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame X... pour ses frais d'appel ;

Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile relatifs aux dépens ;

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 2 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

Renvoie les parties devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour qu'il soit statué sur le montant de l'indemnité réparant le préjudice matériel de Madame X...,

Ajoutant,

Condamne POLE EMPLOI à payer à Madame X... une indemnité de 1. 500 € en réparation de son préjudice moral,

Condamne POLE EMPLOI à payer à Madame X... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne POLE EMPLOI aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Massieu, Président, et par Véronique Saige, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

V. Saige C. Massieu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 06/5249
Date de la décision : 22/06/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-22;06.5249 ?
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