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12/10/2010 | FRANCE | N°08/00804

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 12 octobre 2010, 08/00804


COUR D'APPEL DE BORDEAUX


PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B


--------------------------






ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2010


(Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président)




No de rôle : 09/04159








Monsieur Bruno X...



LA S.A. SOCIETE D'ETUDES ET CONCEPTION DE MATERIEL ADAPTE




c/


Monsieur Pascal Y...



Madame Léone Y...





Nature de la décision : AU FOND


Grosse délivrée le :


aux avouÃ

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Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 26 juin 2009 (R.G. 08/00804) par le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2009,




APPELANTS :


1o/ Mons...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2010

(Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président)

No de rôle : 09/04159

Monsieur Bruno X...

LA S.A. SOCIETE D'ETUDES ET CONCEPTION DE MATERIEL ADAPTE

c/

Monsieur Pascal Y...

Madame Léone Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 26 juin 2009 (R.G. 08/00804) par le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2009,

APPELANTS :

1o/ Monsieur Bruno X..., demeurant ... (3ème arrondissement),

LA S.A. SOCIETE D'ETUDES ET CONCEPTION DE MATERIEL ADAPTE -SECMA-, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 19, place Tolozan 69001 LYON,

Représentés par la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Stéphane ANDREO, substituant la S.C.P. Cabinet QUADRATUR, Avocats Associés au barreau de LYON,

INTIMÉS :

1o/ Monsieur Pascal Y..., né le 26 Février 1966 à PARIS (17ème arrondissement), demeurant ...,

2o/ Madame Léone Y..., née le 1er Avril 1957 à LILLE (59), demeurant ...,

Représentés par la S.C.P. Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Valérie CHOBLET-LE GOFF, Avocat au barreau du Lot,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 septembre 2010 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

PROCEDURE :

Le 03 juin 2008, les époux Pascal Y... - Léone C... ont fait assigner la société anonyme Société d'études et conception de matériel adapté (Secma) devant le tribunal de grande instance de Bergerac en paiement, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, d'une somme de 10 391,00 € à titre de dommages et intérêts, au titre du remplacement d'un monte-escalier au fonctionnement défectueux, sollicitant en outre les sommes de 4 000,00 € pour trouble de jouissance et de 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 30 janvier 2009, ils ont fait assigner Bruno X... devant la même juridiction, en exposant que l'intéressé, qui était liquidateur de la société Secma, ne justifiait pas avoir constitué une provision pour garantir le paiement de la créance invoquée par eux. Ils ont en conséquence sollicité, sur le fondement des articles L. 337-12 du code de commerce et 1382 du code civil, sa condamnation, solidairement avec la société Secma, à leur payer les sommes réclamées à cette société, portant l'évaluation de leur trouble de jouissance à la somme de 5 000,00 €. Par ordonnance du 13 mars 2009, le juge de la mise en état a joint les deux instances.

Par conclusions d'incident signifiées le 01 avril 2009, Bruno X..., qui a souligné qu'il était liquidateur amiable, et non judiciaire, de la société Secma, a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Bergerac, au profit du tribunal de commerce de Lyon, pour connaître de l'action en responsabilité formée à son encontre.

Par ordonnance du 26 juin 2009, le juge de la mise en état a indiqué que l'article L. 237-12 du code de commerce ne conférait pas une compétence exclusive au tribunal de commerce pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre le liquidateur amiable d'une société. Relevant que les époux Y... n'étaient pas commerçants, il a estimé que le tribunal de grande instance était compétent pour statuer sur leur action. En conséquence, dans le dispositif de sa décision, il a rejeté l'exception d'incompétence et a réservé les dépens.

Le 10 juillet 2009, Bruno X... et la société Secma ont interjeté appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Bruno X... fait valoir, en ce qui concerne la compétence matérielle, que selon la doctrine, le régime de l'action en responsabilité engagée contre le liquidateur amiable d'une société doit être calqué sur celui de l'action en responsabilité formée contre les dirigeants sociaux auxquels il succède. Il invoque également les dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce qui énonce que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales. En ce qui concerne la compétence territoriale, il soutient que le lieu du dommage s'entend de celui où le dommage est survenu et non de celui où les conséquences financières en ont été enregistrées. Indiquant avoir accompli sa mission de liquidateur amiable au lieu de son établissement à Lyon, il en conclut que le fait dommageable allégué, à le supposer établi, n'aurait pu être commis que dans cette ville.

Il prie en conséquence la cour de réformer l'ordonnance entreprise, de dire que seul le tribunal de commerce de Lyon est compétent pour connaître de l'action en responsabilité engagée à son encontre par les époux Y..., de se déclarer incompétente en faveur de cette juridiction, de renvoyer les époux Y... à mieux se pourvoir devant elle, et de les condamner à lui payer une somme de 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Les époux Y... estiment que de simples références à la doctrine ne peuvent suffire à justifier la compétence du tribunal de commerce. Ils ajoutent qu'en toute hypothèse, les deux instances sont connexes, de sorte qu'en l'absence de compétence exclusive du tribunal de commerce, juridiction d'exception, c'est le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, qui est compétent pour connaître du tout. En ce qui concerne la compétent territoriale, ils invoquent les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, qui leur permettent de saisir notamment la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Ils concluent en conséquence à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation solidaire de la société Secma et de Bruno X... à leur payer les sommes de 500,00 € par application de l'article 559 du code de procédure civile et de 1 000,00 € sur la base de l'article 700 du même code.

La société Secma prie la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'associe aux conclusions de Bruno X... dont elle sollicite le bénéfice.

DISCUSSION :

1o / Sur la compétence d'attribution :

Attendu que l'article L. 237-12 alinéa 1 du code de commerce, relatif à la liquidation amiable des sociétés, dispose que "le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions" ; que toutefois, il n'existe pas de disposition désignant la juridiction compétente pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre un liquidateur amiable, contrairement à ce qui est prévu pour les actions en responsabilité civile exercée contre un liquidateur judiciaire, dont l'article R. 662-3 du code de commerce énonce qu'elles sont de la compétence du tribunal de grande instance ; qu'à défaut d'une disposition spéciale, il convient de se référer au droit commun, constitué en l'espèce de l'article L. 721-3 du code de commerce, aux termes duquel "les tribunaux de commerce connaissent : (...) 2o de celles des contestations relatives aux sociétés commerciales" ; que par la généralité de ces termes, ce texte est applicable à toutes les actions relatives à la vie sociale, notamment aux actions en responsabilité dirigée contre un dirigeant social ou contre le liquidateur amiable, qui remplace le dirigeant pendant la liquidation de la société ; qu'en raison de cette généralité, il est également applicable même si l'une des parties à une telle instance n'est pas commerçante ;

Attendu en l'espèce que lors d'une assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2008, les actionnaires de la société Secma ont décidé la dissolution anticipée de la société à compter de cette date et nommé Bruno X... en qualité de liquidateur pour toute la durée de la liquidation ; que ces deux décisions ont été publiées au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 19 juin 2008 ; que les époux Y... ayant assigné Bruno X... le 30 janvier 2009 pour rechercher, sur le fondement des articles L. 337-12 du code de commerce et 1382 du code civil, sa responsabilité en sa qualité de liquidateur amiable de la société Secma, cette action est de la compétence exclusive du tribunal de commerce, par application de l'article L. 721-3-2o du code de commerce, peu important que les demandeurs n'aient pas la qualité de commerçant ; qu'il s'ensuit que la première exception d'incompétence soulevée par Bruno X... est fondée ;

2o / Sur la compétence territoriale :

Attendu que selon l'article 46 du code de procédure civile, "le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : (...) - en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi" ; que la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi s'entend de celle où ce dommage est survenu (Cour de cassation, chambre commerciale, 08 février 2000, pourvoi no 98-13282) ;

Attendu en l'espèce que le dommage allégué par les époux Y..., à savoir l'impossibilité pour eux de remplacer le monte-escalier au fonctionnement défectueux fourni et installé par la société Secma en raison du fait que le liquidateur amiable de cette société aurait procédé aux opérations de liquidation sans constituer une provision destinée à garantir une éventuelle condamnation de la société à leur profit, aurait été subi au lieu de l'utilisation du matériel litigieux, c'est-à-dire à leur domicile (voir Cour de cassation, 2ème chambre civile, 06 octobre 2005, pourvoi no 03-20187) ; que ce domicile étant situé commune de Carlux (24), dans le ressort du tribunal de commerce de Bergerac, c'est cette juridiction qui est territorialement compétente pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre Bruno X... ;

3o / Sur l'exception de connexité :

Attendu que contrairement à ce que prétendent les époux Y..., il n'existe aucune connexité entre l'instance en responsabilité contractuelle engagée par eux contre la société Secma et celle en responsabilité délictuelle exercée contre Bruno X... ; qu'en effet, ces deux affaires peuvent être jugées séparément, sans risque de contradiction entre les décisions susceptibles d'être rendues, de sorte qu'il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les instruire et juger ensemble ; qu'en outre, même si tel était le cas, la compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître de l'instance introduite contre le liquidateur amiable ferait échec à la connexité ; qu'il apparaît ainsi que l'exception soulevée par les époux Y... n'est pas fondée ; qu'il y a lieu de la rejeter ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise, de disjoindre les deux instances formées par les époux Y..., et de renvoyer celle engagée contre Bruno X... devant le tribunal de commerce de Bergerac, désigné comme juridiction compétente, et celle introduite contre la société Secma devant le tribunal de grande instance de Bergerac, pour la poursuite de la procédure ;

4o / Sur les demandes annexes :

Attendu que l'appel de Bruno X... étant fondé, il n'a présenté aucun caractère abusif ; qu'il y a donc lieu de débouter les époux Y... de leur demande de dommages et intérêts ;

Attendu que les époux Y... succombant en leurs prétentions, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel ; qu'aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Bruno X... ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bergerac du 26 juin 2009 ;

Statuant à nouveau :

Déboute les époux Y... de leur exception de connexité ;

Prononce la disjonction de l'instance dirigée contre la société Secma de celle introduite contre Bruno X... ;

Désigne le tribunal de commerce de Bergerac comme juridiction compétente pour connaître de l'instance engagée par les époux Y... contre Bruno X... selon assignation du 30 janvier 2009, et renvoie les parties précitées devant ce tribunal ;

Dit que conformément aux dispositions de l'article 97 du code de procédure civile, le dossier de l'affaire sera transmis sans délai par le secrétariat de la présente cour, avec une copie de la décision de renvoi, à la juridiction désignée ;

Renvoie les époux Y... et la société Secma devant le tribunal de grande instance de Bergerac en vue de la poursuite de l'instance née de l'assignation du 03 juin 2008 ;

Déboute les époux Y... de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Déboute Bruno X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les époux Y... aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 08/00804
Date de la décision : 12/10/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-12;08.00804 ?
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