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31/05/2010 | FRANCE | N°05/06314

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Premiere chambre civile-section b, 31 mai 2010, 05/06314


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B
--------------------------
ARRÊT DU : 31 MAI 2010
(Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président)
No de rôle : 05/ 06314
Monsieur Patrick X...
c/
Madame Colette Y... divorcée X...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 octobre 2005 (R. G. 12196/ 2004) par la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 novembre 2005

APPELANT :
Monsie

ur Patrick X..., né le 06 Juillet 1952 à BORDEAUX (33), demeurant...-33000 BORDEAUX
Représenté par la SC...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B
--------------------------
ARRÊT DU : 31 MAI 2010
(Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président)
No de rôle : 05/ 06314
Monsieur Patrick X...
c/
Madame Colette Y... divorcée X...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 octobre 2005 (R. G. 12196/ 2004) par la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 novembre 2005

APPELANT :
Monsieur Patrick X..., né le 06 Juillet 1952 à BORDEAUX (33), demeurant...-33000 BORDEAUX
Représenté par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, avoués à la Cour, et assisté de Maître Sylvie MICHON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Madame Colette Y... divorcée X..., née le 24 avril 1951 à St-Germain de Lusignan, demeurant...-33740 ARES
Représentée par la SCP Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de Maître Martine FAURENS-QUESNOT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 décembre 2009 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Vu le jugement rendu le 17 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, qui a débouté Patrick X... de ses demandes, qui a débouté Colette Y... divorcée X... d'une demande reconventionnelle, et qui a laissé les dépens à la charge de Patrick X... ;
Vu la déclaration d'appel de Patrick X... du 18 novembre 2005 ;
Vu l'arrêt de la présente cour du 07 avril 2008, auquel il est fait expressément référence pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, qui a reçu Patrick X... en son appel et Colette Y... en son appel incident, qui a confirmé le jugement susvisé en ce qu'il a débouté Patrick X... d'une demande en révocation d'une donation d'un droit d'usage et d'habitation consentie par l'intéressé le 28 juin 1994 à sa mère, Colette Y..., et portant sur une maison avec jardin située commune d'Arès (33),..., en ce que cette demande était fondée sur un défaut de respect du caractère personnel du droit d'usage et d'habitation par la donataire, et qui, statuant avant dire droit sur le surplus du litige, a ordonné une expertise, confiée à Marc B..., avec pour mission de décrire les modifications apportées par Colette Y... à l'immeuble (maison et jardin), objet du droit d'usage et d'habitation, d'en préciser les dates, les conditions de réalisation et d'assurance, d'indiquer si ces modifications portaient atteinte en tout ou en partie à la substance, à la destination ou à la solidité de l'immeuble, si elles étaient susceptibles de constituer une infraction aux règles d'urbanisme ou au règlement de copropriété de l'ensemble immobilier dont il faisait partie, de causer un trouble anormal de voisinage, ou d'entraîner une hausse des taxes foncières, et, de manière générale, de fournir tous éléments techniques permettant d'apprécier si ces modifications étaient de nature à occasionner un préjudice au propriétaire ou à constituer un abus de jouissance de la part de l'occupant, les dépens ayant été réservés ;
Vu le rapport d'expertise de Marc B... du 31 mars 2009 ;
Vu les dernières écritures de Colette Y..., signifiées et déposées le 25 août 2009 ;
Vu les dernières écritures de Patrick X..., signifiées et déposées le 18 septembre 2009 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 30 novembre 2009 ;
DISCUSSION :
1o/ Sur l'appel principal :
Attendu que l'expert a relevé 13 modifications réalisées par Colette Y... dans l'immeuble objet du droit d'usage et d'habitation, à savoir : 1o) le décapage et le démontage des meubles de la cuisine, qui ont été remplacés par des éléments neufs achetés en kit, installés désormais dans l'ancien garage ; 2o) le percement, dans le mur séparant la cuisine du garage, d'une fenêtre et d'une porte, ainsi que la transformation de la cuisine en une extension de la salle de séjour et du garage en cuisine ; 3o) la condamnation de la porte latérale du garage, qui donnait sur une terrasse couverte ; 4o) la création d'une alimentation électrique, d'une arrivée et d'une évacuation d'eau pour la nouvelle cuisine, ainsi que le transfert dans un placard du séjour, spécialement réalisé à cet effet, du cumulus, qui se trouvait dans le garage ; 5o) le remplacement du canapé en bois et en tissu du séjour par un canapé en cuir, Colette Y... s'étant débarrassée de l'ancien canapé ; 6o) le coulage d'une dalle en béton à l'extérieur de l'immeuble, en vue d'un agrandissement de la salle de bain, agrandissement que Patrick X... a ultérieurement empêché ; 7o) l'installation dans le jardin d'une cabane en bois sur une dalle en béton, avec adjonction d'un appentis non clos ; 8o) l'entreposage d'une partie des anciens meubles de l'ancienne cuisine dans un renfoncement non clos qui servait auparavant d'abris à bois ; 9o) la plantation, d'une haie de thuyas le long du fond de la parcelle ; 10o) la condamnation du porche abritant l'unique accès d'un local de rangement, par l'entreposage d'une partie des anciens meubles de cuisine, avec démolition d'un muret ; 11o) la création d'une pergola, ultérieurement détruite par Patrick X... ; 12o) le remplacement du portail et de la clôture sur rue, avec rehaussement de trois murets et arrachage d'une haie ; 13o) l'ouverture d'une porte, dans un mur porteur de l'immeuble, entre la chambre 1 et le local de rangement dont la porte donnant sur l'extérieur avait été condamnée, avec modification de l'installation électrique de ces deux pièces et transformation du local de rangement en vestiaire ;
Attendu que le technicien a indiqué que les changements constatés avaient été effectués par Colette Y..., aidée de son compagnon, à l'exception de l'installation électrique du vestiaire, du percement de la fenêtre entre la cuisine et le garage, et du remplacement du cumulus, qui avaient été réalisés par des artisans, deux factures ayant été produites à ce sujet ; qu'il a noté que les deux dernières interventions précitées n'étaient pas comprises dans les activités déclarées par le professionnel et que celui-ci n'était très probablement pas assuré ; qu'il a estimé que l'ensemble des modifications n'avait porté atteinte ni à la solidité ni à la destination de l'immeuble, qui était toujours une maison à usage d'habitation, bien que le garage ait été supprimé pour être transformé en cuisine et que le local de rangement ait été transformé en vestiaire ; qu'il a cependant précisé que certains des changements avaient été réalisés en infraction aux règles de l'urbanisme, à savoir : 1o) la transformation du garage en cuisine, qui aurait dû être précédée d'un permis de construire, parce qu'un garage est compté en surface hors oeuvre brute, alors qu'une pièce d'habitation, comme une cuisine, est comptée en surface hors oeuvre nette, et que, de surcroît, l'aspect extérieur de l'immeuble avait été modifié par transformation d'un portail de garage en une baie vitrée ; 2o) la construction de la cabane en bois et de son appentis non clos, qui aurait dû donner lieu au dépôt préalable d'une déclaration de travaux, compte tenu de l'importance de la surface de l'ensemble (7, 07 m ²) ; 3o) la création de la pergola, la démolition du muret du porche et la modification de la clôture sur rue, qui auraient également dû faire l'objet de déclarations préalables de travaux ; qu'il a ajouté que selon le règlement de copropriété auquel était soumis l'immeuble litigieux, la construction de la cabane et de son appentis, celle de la pergola, ainsi que la modification de la clôture sur rue auraient dû faire l'objet d'une autorisation préalable du syndic ; qu'il a établi que la transformation du garage en cuisine était susceptible d'entraîner une augmentation des taxes d'urbanisme de 123, 00 € ; qu'enfin, il a mentionné que la présence de la cabane et de son appentis interdisaient désormais le passage entre l'avant et l'arrière du terrain de ce côté ;
Attendu qu'il ressort des conclusions des parties, concordantes sur ce point, que Patrick X... a autorisé les travaux d'extension de la cuisine, travaux auxquels il a d'ailleurs participé en posant un carrelage sur le sol de l'ancien garage ; que bien qu'il indique avoir donné cette autorisation " pour faire plaisir à sa mère " (page 33 de ses dernières écritures) et alors que l'intéressée avait déjà commencé les travaux sans son accord, et qu'il conteste avoir autorisé la création d'une fenêtre et d'une porte entre l'ancienne cuisine et l'ancien garage, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ces travaux formant un tout cohérent, la preuve d'un abus de jouissance, par Colette Y..., de son droit d'usage et d'habitation n'est pas rapportée pour l'ensemble de cette réalisation (points 1, 2, 3 et 4 de la liste de l'expert judiciaire) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les infractions aux règles d'urbanisme et au règlement de copropriété y afférentes, et pour ce qui est du remplacement de l'ancienne porte du garage par une baie vitrée ;
Attendu que la preuve d'un abus de jouissance n'est pas non plus rapportée en ce qui concerne la plantation d'une haie de thuyas le long du fond de la parcelle (point 9 de la liste de l'expert) ; qu'en effet, cette haie, d'une hauteur de 1, 80 mètre à 2 mètres selon les endroits, est correctement entretenue et fait partie des plantations que le titulaire d'un droit d'usage et d'habitation peut effectuer sans autorisation, ceci d'autant plus en l'espèce que le règlement de copropriété précise en son article 8 alinéa 2 que " les plantations d'arbres, arbrisseaux et arbustes sont autorisées et même recommandées " ; que ne sera pas non plus retenu comme un abus de jouissance l'entreposage, même inesthétique, des meubles de l'ancienne cuisine pour partie dans l'ancien abris à bois (point 8) et pour partie sous le porche abritant l'unique accès au local de rangement (point 10), Colette Y... étant libre d'utiliser le renfoncement servant d'abris à bois à sa guise et de condamner une porte qu'elle n'utilise pas, ce qui ne porte aucune atteinte à l'immeuble ;
Attendu en revanche que si Colette Y... était en droit de faire l'acquisition d'un canapé neuf en cuir, elle ne pouvait jeter l'ancien canapé en bois et en tissu existant dans l'immeuble sans l'accord de Patrick X..., qui en était propriétaire, sauf à démontrer que ce meuble était hors d'usage, ce qu'elle ne fait pas ; que la preuve d'un abus de jouissance se trouve donc rapportée en ce qui concerne le fait, pour l'intéressée, de s'être débarrassée de ce bien (point 5 de la liste de l'expert) ;
Attendu par ailleurs que le fait d'avoir fait couler à l'extérieur de l'immeuble une dalle en béton de 1, 23 mètre sur 2, 44 mètres et 15 centimètres d'épaisseur en vue de l'agrandissement de la salle de bain, sans justifier de l'accord du propriétaire, constitue également un abus de jouissance (point 6) ; qu'en effet, en l'état, il existe un ouvrage en béton disgracieux, qui défigure une partie du jardin ; qu'il convient par ailleurs de noter que si le projet d'agrandissement avait été mené à son terme, il aurait porté atteinte à la substance de l'immeuble, par création d'une pièce d'habitation nouvelle en extension sur le jardin et percement d'un mur porteur pour en permettre l'accès depuis l'intérieur de la maison, une telle atteinte étant interdite au titulaire d'un droit d'usage et d'habitation, qui doit conserver la substance du bien sur lequel porte son droit ;
Attendu enfin que l'installation d'une pergola (point 11), la destruction d'un muret qui refermait partiellement le porche abritant l'accès au local de rangement (point 10), l'ouverture d'une porte, dans un mur porteur de l'immeuble, entre une chambre et le local de rangement, et la transformation de celui-ci en un vestiaire, avec modification de l'installation électrique des deux pièces concernées (point 13), le tout sans qu'il soit justifié d'une autorisation de Patrick X..., propriétaire de l'immeuble, constituent autant d'abus de jouissance, qui ont porté atteinte à la substance du bien ; qu'il en est de même, pour les mêmes raisons, de la suppression de l'ancien portail, de la destruction de l'ancienne haie sur rue et de la mise en place d'un nouveau portail, d'une nouvelle porte et d'une nouvelle clôture, avec surélévation de 23 centimètres des trois murets existants (point 12) ;
Attendu que comme la cour l'a déjà rappelé dans son arrêt 07 avril 2008, à la page 3 de l'acte de donation du 28 juin 1994, il est précisé que " le donataire jouira du droit d'usage et d'habitation cédé en « bon père de famille » " ; que cette obligation signifie que le titulaire d'un droit d'usage et d'habitation doit jouir de la chose sur laquelle porte son droit selon l'usage auquel elle est destinée, à charge d'en conserver la substance et sans pouvoir modifier la manière d'être particulière de cette chose, dont il n'est pas propriétaire et sur laquelle il n'exerce qu'un droit temporaire (Cour de cassation, 3è chambre civile, 05 décembre 1968, Bull. civ. III, no 532 : arrêt rendu en matière d'usufruit, mais applicable à un droit d'usage et d'habitation, soumis aux mêmes règles d'établissement et de perte que l'usufruit, ainsi qu'il est dit à l'article 625 du code civil) ; qu'en l'espèce, Colette Y... n'a pas respecté cette obligation en ce qui concerne l'ancien canapé du séjour, dont elle a disposé discrétionnairement, mais, plus gravement, en ce qui concerne tant l'aspect extérieur de l'immeuble (modification complète de la clôture sur rue, installation de la cabane de jardin, de l'appentis et de la pergola, coulage d'une dalle de béton en vue de l'extension de la salle de bain, destruction du muret du porche), que la disposition intérieure de la maison (percement d'une porte dans un mur porteur, transformation d'un local de rangement en vestiaire, avec modification de son accès et de l'installation électrique de deux pièces) ;
Attendu que les violations de l'obligation de Colette Y... présentent un caractère de gravité certain en raison de leur nombre et surtout du fait qu'elles n'ont correspondu à aucune utilité objective ; qu'en effet, Patrick X... démontre, par la production d'une attestation de l'ancien propriétaire, Michel C..., régulière en la forme et accompagnée de sept photographies prises en 1992, c'est-à-dire deux ans avant la vente, de l'excellent état d'entretien et de décoration de l'immeuble litigieux, lequel a été vendu avec tout son mobilier, fait sur mesure ; que compte tenu de l'état de cet immeuble lorsqu'elle l'a reçu, Colette Y... ne justifie d'aucune raison sérieuse d'avoir procédé à toutes les modifications qu'elle a réalisées ; que la comparaison entre l'état antérieur du bien et celui résultant des changements apportés révèle une volonté de sa part de donner à l'ensemble de la propriété, en extérieur comme à l'intérieur, un aspect plus moderne, ce qui lui permet de soutenir qu'elle n'a commis aucune dégradation sur le fonds, ni ne l'a laissé dépérir, mais qu'elle l'entretient au contraire " de façon particulièrement attentionnée " (page 6 de ses dernières écritures) et que ses " améliorations " sont de nature " à apporter une plus-value à cet immeuble " (idem, page 10) ; que cependant, sous couvert d'entretien attentionné, d'améliorations et de plus-value, elle a imposé au fil des années à l'immeuble la marque de sa personnalité et de ses goûts, alors que Patrick X... soutient que s'il a décidé d'acquérir cette propriété plutôt qu'une autre, c'est parce qu'elle lui plaisait telle qu'elle était, avec sa disposition, son mobilier et son caractère particulier, ce que confirme le témoin C... dans son attestation précitée, en faisant état d'un " coup de coeur " de son acquéreur ; que quoi qu'il en soit, le titulaire d'un droit d'usage et d'habitation doit respecter, selon la formule employée par la Cour de cassation dans l'arrêt susmentionné du 05 décembre 1968, " la manière d'être particulière de la chose " sur laquelle porte son droit et ne peut la modifier sans nécessité objective ou sans l'accord du propriétaire ; que tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, les divers changements apportés par Colette Y... sans l'accord de Patrick X... doivent bien s'analyser en des abus de jouissance au sens de l'article 618 du code civil ;
Attendu que la gravité et la multiplicité des abus commis par Colette Y... justifieraient que celle-ci soit immédiatement déchue de son droit d'usage et d'habitation, par application combinée des articles 625 et 618 du code civil, et qu'il lui soit enjoint de quitter l'immeuble sous peine d'expulsion, ainsi que le demande Patrick X... ; que toutefois, compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date du présent arrêt (79 ans, car elle est née le 24 avril 1931), des relations de famille existant entre elle et le demandeur, et du fait que celui-ci sollicite également la remise des lieux en l'état, il convient de lui accorder un délai d'un an courant à partir de la signification de la présente décision, délai pendant lequel elle pourra demeurer dans l'immeuble, à la double charge pour elle de ne plus y apporter aucune modification sans l'autorisation expresse de son fils et de remettre les parties modifiées dans leur état antérieur, sauf en ce qui concerne les points 1, 2, 3, 4, 8, 9 et 10 du rapport de l'expert, à l'exception toutefois, pour le point 10, du muret du porche, qui devra être rétabli dans son état initial ; que si à l'expiration de ce délai elle n'a commis aucun autre abus de jouissance et a remis les lieux en l'état, elle ne sera pas déchue de son droit et pourra continuer à l'exercer, sous la condition de ne plus commettre de nouveaux abus de jouissance ; que dans la négative, il convient d'ores et déjà de la déchoir de son droit d'usage et d'habitation et de lui enjoindre libérer l'immeuble litigieux, avec tous occupants de son chef, dans les deux mois suivant l'expiration du délai, à défaut de quoi elle pourra être expulsée ; qu'il n'y a pas lieu de prévoir le paiement d'une astreinte, étant précisé que l'inexécution de l'obligation de remise en état pourra donner lieu à paiement de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1142 du code civil ; que le jugement sera réformé en conséquence ;
2o/ Sur l'appel incident :
Attendu que Colette Y... relève appel incident du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle ; qu'elle expose que depuis l'année 2004, son fils la harcèle en vue de reprendre l'immeuble, qu'il la menace, et qu'il s'est livré à quatre reprises à des dégradations sur ses biens, notamment au mois de mars 2004, date à laquelle, à l'aide d'un engin de chantier, il a saccagé le jardin et détruit la pergola qu'elle avait installée ; qu'elle indique que depuis cette dernière agression, elle vit avec inquiétude et a perdu le sommeil ; qu'elle sollicite une somme de 5 000, 00 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que Colette Y... ne justifie en rien des faits de harcèlement qu'elle allègue ni des dégâts que son fils aurait causés à trois reprises chez elle avant l'épisode du mois de mars 2004 ; qu'en revanche, elle produit un procès-verbal de constat d'huissier du 22 mars 2004, qui démontre qu'en son absence, Patrick X..., à l'aide d'une petite pelleteuse mécanique de location qu'il a d'ailleurs laissée sur place, a saccagé l'ensemble du jardin et détruit la pergola qui venait d'être installée, avec une violence manifeste, ainsi qu'en témoignent abondamment les photos prises par l'huissier de justice ; que Patrick X... ne conteste pas ces faits, indiquant qu'étant venu pour faire des travaux d'entretien d'une haie et ayant rencontré sur place sa tante qui lui a reproché d'empêcher sa mère de faire dans l'immeuble les travaux dont elle avait envie, il a " perdu la tête " (pages 36 de ses dernières écritures) et a commis " des actes contestables " (idem) ; que par application de l'article 1382 du code civil, il doit réparation du préjudice ainsi causé ; que les photos précitées démontrant une violence et un acharnement de nature à impressionner fortement Colette Y..., âgée de près de 73 ans à l'époque des faits, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande reconventionnelle et de lui accorder une somme de 3 000, 00 € à titre de dommages et intérêts ;
3o/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que Colette Y... succombant en l'essentiel de ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans ces dépens le coût d'une sommation et d'un constat réalisés à la requête de Patrick X... avant l'introduction de la procédure, ainsi qu'il est demandé, car ces frais extrajudiciaires seront indemnisés par la somme allouée au titre des frais irrépétibles ;
Attendu qu'il serait inéquitable que Patrick X... conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par lui à l'occasion de cette affaire ; qu'il convient de faire droit à sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Réforme le jugement rendu le 17 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans le surplus de ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Constate que Colette Y... a commis des abus de jouissance dans l'exercice de son droit d'usage et d'habitation ;
Lui accorde un délai d'un an à compter de la signification de la présente décision, délai pendant lequel elle pourra demeurer dans l'immeuble, à la double charge pour elle de ne plus y apporter aucune modification sans l'autorisation expresse de Patrick X... et de remettre les parties modifiées par elle dans leur état antérieur, sauf en ce qui concerne les points 1, 2, 3, 4, 8, 9 et 10 du rapport de l'expert judiciaire B..., à l'exception toutefois, pour le point 10, du muret du porche, qui devra être rétabli dans son état initial ;
Dit que si à l'expiration du délai elle n'a commis aucun nouvel abus de jouissance et a remis l'intégralité des lieux en l'état, elle ne sera pas déchue de son droit d'usage et d'habitation, et pourra continuer de l'exercer ;
A défaut d'exécution intégrale dans le délai précité, déclare d'ores et déjà Colette Y... déchue du droit d'usage et d'habitation qui lui a été donné par Patrick X... selon acte reçu le 28 juin 1994 par Me Pierre D..., notaire associé à Cenon (33) ;
Dit en conséquence que dans les deux mois de l'expiration du délai d'un an précité, Colette Y... devra libérer, avec tous occupants de son chef, la maison avec jardin qu'elle occupe, située commune d'Arès (33),..., à défaut de quoi elle pourra en être expulsée ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
Condamne Patrick X... à payer à Colette Y... une somme de 3 000, 00 € à titre de dommages et intérêts ;
Condamne Colette Y... à payer à Patrick X... une somme de 4 000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Colette Y... aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Premiere chambre civile-section b
Numéro d'arrêt : 05/06314
Date de la décision : 31/05/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2010-05-31;05.06314 ?
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