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26/01/2010 | FRANCE | N°04/7964

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 26 janvier 2010, 04/7964


COUR D'APPEL DE BORDEAUX DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 26 JANVIER 2010

(Rédacteur : Monsieur Jean-François Bougon, Président,)



No de rôle : 06/ 04757



S. A. T. C. S.



c/

Maître Gilles X...

S. C. P. Y...
Z...


Nature de la décision : AU FOND



Notifié le :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2006 (R. G. 04/ 7964) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 septembr

e 2006



APPELANTE :

S. A. à conseil d'administration T. C. S. venant aux droits de la Société
CYRAIR, étant subrogée dans l'ensemble de ses biens, droits, acti...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 26 JANVIER 2010

(Rédacteur : Monsieur Jean-François Bougon, Président,)

No de rôle : 06/ 04757

S. A. T. C. S.

c/

Maître Gilles X...

S. C. P. Y...
Z...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié le :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2006 (R. G. 04/ 7964) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 septembre 2006

APPELANTE :

S. A. à conseil d'administration T. C. S. venant aux droits de la Société
CYRAIR, étant subrogée dans l'ensemble de ses biens, droits, actions et obligations aux termes d'un acte de déclaration de dissolution sans liquidation de celle-ci entre elles signé le 17 août 2005 régulièrement publié, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

représentée par la SCP MICHEL PUYBARAUD, avoués à la Cour et assistée de Maître FOURMENTIN substituant Maître François CHAMBOLLE, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Maître Gilles X..., pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la Société AIRLEC, demeurant en cette qualité ...

S. C. P. Y...
Z..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société AIRLEC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

représentés par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour et assistés de Maître Christophe BERARD substituant Maître Jean-Pierre FABRE de la SCP FABRE & GUEUGNOT & SAVARY, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 décembre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

Vu le visa de Madame le Substitut Général qui a été régulièrement avisée de la date d'audience.

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Suivant contrat du 10 mai 1996, la société Cyrair loue à la société Airlec Aviation quatre appareils, coques nues, sans équipage et classés transport public (un hélicoptère Bell et trois avions Beechcraft). Le contrat est signé pour trois ans et est renouvelable par tacite reconduction. La location est convenue moyennant une redevance forfaitaire mensuelle de 291. 187. 54 francs ttc augmentée d'une redevance calculée sur les heures de vol de chaque appareil.
Par jugement du 12 février 1997, le tribunal de commerce de Bordeaux ouvre une procédure de redressement judiciaire en faveur de la société Airlec. Il désigne la SCP Y...-Z... en qualité de représentant des créanciers et maître X...en qualité d'administrateur judiciaire, avec une mission d'assistance de la débitrice pour les actes concernant la gestion.

A la suite du prononcé du redressement judiciaire de la société Airlec Aviation, la société Cyrair, par courrier recommandé du 04 mars 1997, interroge maître X..., ès qualités d'administrateur, sur la poursuite du contrat et lui adresse les factures pour les mois de février et mars 1997.

L'administrateur reste taisant et les factures ne sont pas payées.

Le 14 mars 1997, la société Cyrair fait sommation à maître X..., ès qualités, de régler la somme de 414. 965, 35 francs ttc (20. 6 %) correspondant aux factures suivantes :

1) 01 mars 1997, no970301, location hélicoptère F-GJLJ, 31. 404. 00 francs ht, (37. 873. 22 francs ttc),

2) 01 mars 1997, no970302, location avion F-GJLO, 94. 887 francs ht, (114. 433. 72 francs ttc),

3) 01 mars 1997, no970303, location avion F-GGVV, 69. 600 francs ht, (83. 937. 60 francs ttc),

4) 01 mars 1997, no970304, location avion F-GILE, 45. 558. 00 francs ht, (54. 943. 00 francs ttc),

sous-total A : 241. 449 francs ht (291. 187. 54 francs ttc), ou 36. 808. 66 € ht (44. 391. 24 € ttc),

5) 28 février 1997, no970307, maintenance avion F-GILE, 24. 154 francs ht, (29. 129. 72francs ttc),

6) 28 février 1997, no970306, maintenance avion F-GGVV, 37. 466 francs ht, (45. 184. 00 francs ttc),

7) 28 février 1997 no970308, maintenance avion F-GILO, 41. 015. 00 francs ht. (49. 464. 09 francs ttc),

sous total B : 102. 635 francs ht (123. 777. 81francs ttc), ou 15. 646. 60 € ht (18. 869. 80 € ttc),

Par jugement du 26 mars 1997 le tribunal de commerce convertit la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigne la SCP Y...-Z... en qualité de mandataire liquidateur.

Le 28 mars 1997, la société SCP Y...-Z..., ès-qualités, indique à la société Cyrair qu'elle ne souhaite pas poursuivre le contrat de location.

La société Cyrair qui déplore ne pas avoir été payée de ses factures, alors que pendant la période d'observation les autres créanciers de la procédure collective ont été réglés, et qui fait valoir que le compte de la liquidation judiciaire a été crédité d'une somme de 792. 299. 20 francs, somme qui aurait permis de solder ses propres factures, assigne maître X...et la SCP Y...-Z... en responsabilité civile devant le tribunal de commerce de Bordeaux. Par jugement du 13 avril 2004, le tribunal de commerce se déclare incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bordeaux.

*

Par jugement du 07 février 2006, le tribunal de grande instance de Bordeaux déboute la société Cyrair de ses demandes et la condamne à payer à maître X...et à la SCP Y...-Z... ès-qualités une somme de 1. 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal relève que la créance, dont la société Cyrair demande le paiement, est née après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Le tribunal retient que maître X...qui en qualité d'administrateur était chargé uniquement d'une mission d'assistance et qui n'a pas opté pour la poursuite du contrat de location ne peut pas être tenu pour responsable du non-paiement de la créance née après le jugement d'ouverture.

Le tribunal relève que rien ne permet d'affirmer que la SCP Y...-Z... ès-qualités, dont la responsabilité semble recherchée en qualité de liquidateur, n'a pas, avec les fonds disponible réglé les créanciers dans l'ordre prévu par la loi.

*

La société TCS, venant aux droits de la société Cyrair, relève appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 04 septembre 2007, la cour d'appel de Bordeaux déclare l'appel recevable et désigne monsieur Gérard D...en qualité d'expert afin de déterminer dans quel ordre ont été réalisés les paiements effectués au titre de l'article 621-32 du code de commerce. L'expert dépose son rapport le 17 avril 2008.

La société TCS, appelante, poursuit la réformation du jugement. Elle conclut à la condamnation des intimés à lui payer une somme de 52. 452, 22 € en réparation de son préjudice financier et une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle poursuit également la condamnation des intimées aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

L'appelante soutient que les intimés ont commis une faute en ne réglant pas la créance article L. 621-32 de la société Cyrair.

Elle affirme que maître X..., ès-qualités, a commis une faute en ne veillant pas à ce que les débiteurs paient les factures émises par la société Cyrair à leur échéance alors que les fonds étaient disponibles et que les autres créanciers de l'article L. 621-32 du code de commerce ont été réglés de leurs factures pendant la période d'observation.

Elle prétend également que la SCP Y...-Z..., ès-qualités, a engagé sa responsabilité en payant l'intégralité des honoraires d'avocat de la société Airlec alors que seule la partie légalement tarifiée de ses honoraires bénéficie de la priorité de paiement des frais de justice.

Maître Gilles X...et la SCP Y...-Z..., ès-qualités, intimés, concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à leur payer à chacun une somme de 2. 500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, préjudice professionnel et moral et une somme de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les intimés concluent également à la condamnation de l'appelante aux entiers dépens.

Les intimés font valoir que la responsabilité de l'administrateur judiciaire chargé d'une mission d'assistance ne peut être engagée que s'il opte pour la poursuite d'un contrat en cours en sachant que l'administrée n'aurait pas les fonds pour acquitter les factures correspondantes.

Les intimés font également valoir que, durant la période d'observation, la SCP Y...-Z..., intervenant ès qualités de représentant des créanciers, n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de la société. Elles affirment aussi que la SCP Y...-Z..., ès qualités de mandataire liquidateur, a respecté l'ordre des paiements des créanciers en payant en priorité la créance super-privilégiée des AGS, les frais de justice et les salaires bénéficiant du super privilège et que suite à ces versements, il ne restait plus de fonds disponibles pour régler les autres créanciers.

Le dossier de la procédure est visé par le ministère public.

SUR CE :

Sur la responsabilité de l'administrateur judiciaire.

Maître X...a été nommée par jugement du 12 février 1997 en qualité d'administrateur au redressement judiciaire avec une mission d'assister la débitrice pour tous les actes concernant la gestion.

A ce titre, il lui appartenait, pendant la période d'observation, d'exercer une surveillance étroite du débiteur et de veiller à la stricte application de la loi notamment au regard des paiements des créances de l'article L621-32 ancien du code de commerce qui prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance lorsque l'activité est poursuivie. (.../...). Cette obligation est particulièrement renforcée lorsque, comme en l'espèce, l'administrateur est informé de l'existence de contrats en cours (il lui a été demandé, de se prononcer sur leur poursuite) et qu'il lui a été fait sommation, au cours de la période d'observation, de payer les factures échues.

De l'examen des pièces versées aux débats, il ressort que les factures no 1 à 4, no970301, 970302, 970303 et 970304, pour un montant total de 241. 449 francs ht ou 36. 808. 66 € ht, étaient immédiatement exigibles alors que les factures no 5 à 7 102. 635 francs ht ou 15. 646. 60 € ht n'étaient payables qu'à trente jours et ne sont devenues exigibles que postérieurement à la date de la mise en liquidation judiciaire de la société débitrice.

S'il ne peut pas être reproché un défaut de vigilance pour les factures no 5 à 7, il en va autrement pour les factures no1 à 4 alors surtout qu'au jour de la liquidation judiciaire, les comptes de la société Airlec aviation étaient créditeurs d'une somme de 120. 785. 23 € qui a été transmise au liquidateur.

Par voie de conséquence, la société TCS est fondée à réclamer à maître X..., ès-qualités, l'indemnisation de son préjudice qui est égal au montant des factures no1 à 4 de la société Cyrair que le redressement judiciaire Airlec aviation était en mesure de payer avant sa mise en liquidation, soit 36. 808. 66 € ht.

Sur la responsabilité du liquidateur, la Scp Y...-Z....

L'article L621-32 ancien du code de commerce prévoit que, en cas de liquidation judiciaire, elles (les créances nées après l'ouverture de la procédure collective) sont payées par priorité à toutes les autres créances, à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L143-10, L143-11, L742-6 et L751-15 du code du travail, des frais de justice, de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières (../...). Puis la loi prévoit l'ordre dans lequel sont payées ces créances : créances de salaires résiduelles, frais de justice, prêts, avances et autres créanciers selon leur rang.

Il appartient à l'appelante de démontrer cumulativement que le liquidateur n'a pas respecté l'ordre des paiements imposé par la loi (cf. ci-avant le rappel des dispositions de l'article L621-32 ancien du code de commerce) et que dans cette hypothèse, elle pourrait concourir en rang utile sur le solde des comptes au moment de la clôture de la liquidation.

Alors que la procédure de liquidation n'est pas clôturée, on peut avancer avec assurance que sur les sommes payées par le liquidateur, l'avance Ags, les frais de greffe, les honoraires de maître X...et de l'expert, le contrat de factor et pour partie les frais et honoraires d'avocats et d'avoués (ceux qui sont compris dans les frais de justice), priment la créance de la société TCS.

On notera que, ni l'expertise, ni les pièces versées aux débats par les parties ne permettent de vérifier si les paiements effectués au titre des honoraires et frais d'avocat sont pour la totalité des frais de justice au sens des dispositions de l'article L621-32 ancien du code de commerce.

Par voie de conséquence, aujourd'hui, en considération du solde disponible qui, même s'il devait être redressé (frais d'archives et honoraires et frais d'avocats non compris dans les frais de justice), ne serait pas significativement différent des 55. 000 € retenus par l'expert, et de la somme des créances restant à payer qui primeront encore la créance de la société TCS (Assedic et honoraires du liquidateur pour ne citer que celles-là), la société TCS ne démontre pas subir du fait du liquidateur un quelconque préjudice. Elle sera déboutée de sa demande à l'égard de la Scp Y...
Z..., ès-qualités.

Sur les mesures accessoires.

Maître X..., ès-qualités, qui succombe ne peut faire arbitrer en sa faveur, dommages et intérêts et frais irrépétibles.

Les frais irrépétibles de la société TCS seront fixés à la somme de 2. 000 € et mis à la charge de maître X...ès-qualités.

Il n'y a pas lieu à dommages et intérêts et/ ou frais irrépétibles en faveur de la Scp Y...-Z... ès-qualités qui n'a rien fait pour faciliter l'accès aux comptes de la liquidation de la société Cyrair devenue TCS.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu le visa du ministère public,

Réformant la décision déférée,

Condamne maître X...ès-qualités à payer à la société TCS la somme de 36. 808. 66 € ht à titre de dommages et intérêts et 2. 000 € pour frais irrépétibles,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne maître X...ès-qualités aux entiers dépens et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par monsieur Jean-François Bougon, président, et par madame Véronique Saige, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 04/7964
Date de la décision : 26/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-26;04.7964 ?
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