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17/09/2009 | FRANCE | N°07/04852

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0596, 17 septembre 2009, 07/04852


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B

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ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2009

(Rédacteur : Monsieur Pierre Louis Crabol, conseiller,)

No de rôle : 07/04852

LA S.N.C. HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES

c/

Mademoiselle Mélanie X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 2 octobre 2007 (R.G. 3700/2007 -1ère chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel

du 4 octobre 2007

APPELANTE :

LA S.N.C. HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2009

(Rédacteur : Monsieur Pierre Louis Crabol, conseiller,)

No de rôle : 07/04852

LA S.N.C. HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES

c/

Mademoiselle Mélanie X...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 2 octobre 2007 (R.G. 3700/2007 -1ère chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 4 octobre 2007

APPELANTE :

LA S.N.C. HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

sis 149-151, rue Anatole France 92534 LEVALLOIS PERRET CEDEX,

Représentée par la S.C.P. Sophie LABORY-MOUSSIE et Eric ANDOUARD, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Marie-Christine DE Y..., Avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Mademoiselle Mélanie X..., née le 22 Octobre 1981 à LIBOURNE (33), de nationalité française, demeurant ...,

Représentée par la S.C.P. Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Myriam Z..., Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mai 2009 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Patrick GABORIAU, Président,

Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,

Madame Marie-José GRAVIE-PLANDE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Dans l'hebdomadaire Paris Match numéro 3015 du 1er au 7 mars 2007 paraissait, dans un article de douze pages intitulé "Retour à Clichy sous Bois" concernant un rappel des émeutes de banlieue, une photographie sur une demie page d'une jeune femme blanche en train de lire au milieu de quatre jeunes hommes noirs, dans une voiture d'une rame du "réseau express régional", avec la légende suivante "La passagère, pas rassurée, se plonge dans sa lecture et n'en sort pas".

A la suite de la réclamation de Mélanie X..., qui s'était reconnue sur la photo, le journal faisait paraître dans son numéro 3019 du 29 mars au 4 avril 2007, au sommaire, un encart de 4,5 centimètres de haut sur 2,9 centimètres de large contenant, en caractères minuscules, que "Madame Mélanie X... tient à préciser que la photographie a été diffusée sans son autorisation et qu'elle ne craint pas de prendre les transports en commun à Clichy sous Bois où elle est professeur depuis septembre 2006 et, à ce titre, elle ne rencontre aucune difficulté particulière".

Saisi, suivant assignation enrôlée le 17 avril 2007, par Mélanie X... contre la S.N.C. Hachette Filipacchi et Associés, d'une action fondée sur l'article 9 du code civil tendant à obtenir la publication d'une photographie et d'un commentaire rectificatif dans les mêmes caractères, format et endroit que la publication litigieuse, et des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral (20.000,00 euros), le tribunal de grande instance de Bordeaux, par jugement réputé contradictoire en date du 2 octobre 2007, a dit que la société défenderesse a porté atteinte au droit de Mélanie X... au respect de sa vie privée, a ordonné la publication de la même photo assortie d'un démenti et a alloué la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

Dans ses dernières écritures déposées le 4 février 2008 au soutien de son appel, la S.N.C. Hachette Filipacchi et Associés soutient d'une part que la photographie litigieuse ayant un lien de pertinence avec le sujet de société publié n'avait pas besoin d'être autorisée par les personnes représentées, et d'autre part que la légende ne constitue pas une atteinte à la vie privée, pour conclure au débouté de la demanderesse ; subsidiairement, elle conteste l'existence d'un préjudice ; très subsidiairement, elle prétend que la publication judiciaire est disproportionnée ; elle réclame une indemnité de procédure (3.000,00 euros).

Dans ses dernières écritures déposées le 3 juin 2008, Mélanie X... rappelle que la publication ne traitait pas d'un fait d'actualité et insiste sur l'inadéquation de la légende avec la photographie pour conclure à son droit à réparation de l'atteinte à son image, indépendamment des dispositions de la loi de 1881 inapplicables en l'espèce, par la publication d'une photographie accompagnée d'un démenti et par l'allocation de dommages et intérêts qu'elle chiffre à 25.000,00 euros par appel incident ; elle réclame une indemnité de procédure (2.000,00 euros).

L'ordonnance de clôture, dont les parties ont été avisées de la date le 17 décembre 2008, a été rendue le 14 mai 2009 pour l'affaire être plaidée le 28 mai 2009.

L'appelante a déposé deux jeux de conclusions respectivement le 12 mai 2009 et le 20 mai 2009.

L'intimée Mélanie X... a déposé le 25 mai 2009 des conclusions d'irrecevabilité des conclusions du 12 mai comme tardives et du 20 mai comme postérieures à la clôture.

La société appelante a déposé le 28 mai 2009 des conclusions tendant à la recevabilité de ses conclusions du 12 mai 2009 qui contiennent un moyen d'ordre public relatif à la nullité de l'assignation et à la prescription de l'action.

SUR CE :

Sur l'irrecevabilité des conclusions :

Attendu que les conclusions déposées le 20 mai 2009 sont d'office irrecevables comme postérieures à la clôture du 14 mai 2009 par application des articles 910 et 783 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en attendant le 12 mai 2009, avant veille de la clôture, pour déposer des conclusions contenant des moyens nouveaux, l'appelante a violé le principe de la contradiction en ne laissant pas un délai suffisant à la partie adverse pour y répondre ;

Que les conclusions déposées le 12 mai 2009 seront donc déclarées irrecevables par application des articles 15 et 16 du code de procédure civile ;

Sur l'action :

Attendu qu'il est de principe (Cour de cassation - première chambre civile -21 février 2006 - Bulletin civil n. 97) que lorsque l'intéressé, photographié sans son autorisation en dehors de tout événement d'actualité le concernant, fonde son action sur l'article 9 du code civil en alléguant que le reportage a porté atteinte à son image et à sa vie privée d'une part et à sa réputation d'autre part, sans invoquer aucun fait constitutif de diffamation, ni évaluer séparément le préjudice qui en serait résulté, l'action ne relève pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et la diffusion de l'image de l'intéressé n'est pas légitimée par le principe de la liberté de la presse ;

Attendu en fait que le reportage effectué en 2007 sur la crise des banlieues survenue en 2005 ne présentait aucun caractère actuel et ne relatait aucun événement impliquant Mélanie X... ;

Que les attestations de ses collègues enseignants Chantal A..., Sébastien B..., Caroline C..., du professeur Le Breton, et de l'élève Fenda D... montrent l'incidence de la photographie et de la légende sur l'exercice de l'activité professionnelle de Mélanie X... dont l'autorité est remise en cause par la suspicion d'une peur éprouvée devant ses élèves ;

Attendu que l'atteinte au droit au respect de la vie privée de Mélanie X... par une photographie non autorisée et accompagnée d'une légende inappropriée, prise à l'insu de l'intéressée au cours d'une mise en scène justement dénoncée par le premier juge, a été exactement qualifiée par le tribunal;

Que le simple encart publié par référence à la loi de 1881 inapplicable en l'espèce est insuffisant à réparer le préjudice moral subi par l'intéressée ;

Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a ordonné une réparation par une publication équivalente à celle qui a causé le dommage, le jugement doit être confirmé ;

Qu'en revanche, le montant des dommages et intérêts par le tribunal est insuffisant à la réparation du préjudice moral, dont la cour fixe le montant à 10.000,00 euros ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare irrecevables les conclusions de l'appelante déposées le 12 mai 2009 et 20 mai 2009,

Réformant partiellement,

Condamne la S.N.C. Hachette Filipacchi à verser à Mélanie X... la somme de dix mille euros (10.000,00 euros) à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses autres dispositions, sauf à faire courir l'astreinte à compter du mois suivant la signification du présent arrêt,

Y ajoutant :

Condamne la S.N.C. Hachette Filipacchi à verser à Mélanie X... une indemnité de procédure devant la cour de deux mille euros (2.000,00 euros),

Condamne la S.N.C. Hachette Filipacchi aux dépens d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, Avoués Associés à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président, et par Madame Marceline LOISON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0596
Numéro d'arrêt : 07/04852
Date de la décision : 17/09/2009

Analyses

ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Eléments constitutifs - Elément légal - Fixation sans son consentement de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé - Cas - /JDF

Il est de principe que lorsque une personne, photographiée sans son autorisation en dehors de tout événement d'actualité le concernant, fonde son action sur l'article 9 du code civil en alléguant que le reportage a porté atteinte à son image et à sa vie privée d'une part et à sa réputation d'autre part, sans invoquer aucun fait constitutif de diffamation, ni évaluer séparément le préjudice qui en serait résulté, l'action ne relève pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et la diffusion de l'image de l'intéressé n'est pas légitimée par le principe de la liberté de la presse. Est exactement qualifiée d'atteinte au droit au respect de la vie privée le fait de publier dans un hebdomadaire la photographie d'un professeur non autorisée par celui-ci accompagnée d'une légende inappropriée et prise à l'insu de l'intéressé au cours d'une mise en scène justement dénoncée, dans le cadre d'un reportage effectué en 2007 sur la crise des banlieues.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2009-09-17;07.04852 ?
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