COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
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ARRÊT DU : 30 AVRIL 2009
(Rédacteur : Bernard ORS, conseiller,)
N° de rôle : 08/03129
SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL SAFER SOGAP
c/
[F] [E]
[M] [E]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués :
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 mai 2008 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG : 07/438) suivant déclaration d'appel du 02 juin 2008
APPELANTE :
SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - SAFER SOGAP, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de la SCP MONEGER - ASSIER, avocats au barreau de BERGERAC
INTIMÉS :
[F] [E]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5]
de nationalité française
profession : armurier
demeurant [Adresse 4]
[M] [E]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5]
de nationalité française
sans profession
demeurant [Adresse 6]
représentés par la SCP LE BARAZER & D'AMIENS, avoués à la Cour, et assistés de Maître Roger MORAND MONTEIL, avocat au barreau de BERGERAC
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2009 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bernard ORS, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Franck LAFOSSAS, président,
Bernard ORS, conseiller,
Jean-Claude SABRON, conseiller,
Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Lors de la vente aux enchères publiques des biens de la famille [X] qui s'est déroulée le 15 novembre 2006 au tribunal de grande instance de Bergerac, le lot n°2 a été attribué à Messieurs [E] .
Le 14 décembre 2006, la Safer Sogap a exercé son droit de préemption sur cette surface de 31 a 37 ca.
Par acte du 27 mars 2007, Messieurs [E] ont assigné devant le Tribunal de grande instance de Bergerac la Safer Sogap. Ils soutenaient que la Safer n'avait pas notifié dans le délai de 15 jours à M [M] [E], adjudicataire indivis la déclaration de substitution par péremption, que cette déclaration de substitution était donc nulle alors qu'au surplus celle-ci n'était pas motivée. Ils sollicitaient l'allocation d'une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts.
La Safer a conclu au rejet de ces prétentions, la notification de préemption a été faite à domicile élu. Elle ajoute qu'elle avait recueilli la demande d'intervention par voie de préemption de l'agriculteur contigu des parcelles en cause et que ces parcelles se trouvant en zone AOC elle pouvait préempter sans respecter le seuil minimum de l'article 2 du décret du 23 octobre 2001 après avoir reçu l'autorisation des deux commissaires du gouvernement.
Par un jugement du 13 mai 2008, le Tribunal après avoir retenu que la Safer ne justifiait pas que Messieurs [E] avaient élu domicile au cabinet de leur conseil et que si la notification de préemption sur adjudication faite au greffe du Tribunal était motivée il n'en n'était pas de même de la notification faite aux intéressés, a déclaré nulle et de nul effet, la décision de préemption de la Safer.
Le 2 juin 2008, la Safer a relevé appel de cette décision.
Par des conclusions du 30 juillet 2008, la Safer expose que compte tenu de la zone dans laquelle se trouvait la parcelle en cause elle pouvait exercer son droit de préemption dés une surface de 10 a. Les frères [E] avaient élu domicile au cabinet de leur conseil pour que ce dernier puisse enchérir en leur nom et c'est à cette adresse que la notification de préemption a été faite aux deux frères. Elle ajoute que l'article R 143-6 du code rural ne lui fait pas l'obligation contrairement à ce qu'à retenu le Tribunal d'informer l'adjudicataire de sa décision dans les 15 jours de la vente. Elle ajoute que la décision de préemption était motivée de façon suffisante.
Elle sollicite en conséquence que la décision soit reformée et que Messieurs [E] soient déboutés de leur demande.
Messieurs [E] ont répliqué le 8 octobre 2008. Ils soutiennent que la décision de la Safer ne leur a pas été notifiée bien que leurs adresses figurent dans le jugement d'adjudication, adresses qui figurent aussi dans le pouvoir qu'ils ont remis à leur conseil. Si une notification a été faite à M [F] [E], cela n'a pas été le cas pour son frère. La décision de préemption qui n'était pas motivée au mépris des dispositions de l'article L 143-3 du code rural. De plus les dispositions des articles R 143-3 et 6 du même code n'ont pas été respectées.
Ils ajoutent que la Safer ne pouvait préempter puisque la parcelle mesure moins de 50 a et qu'elle est en nature de verger et non de vigne. Ils ajoutent que le propriétaire auquel les terres doivent être rétrocédées était présent à l'audience d'adjudication n'a pas renchéri sur eux et qu'il ne s'est pas porté non plus adjudicataire du lot n°3 portant sur 8 ha de verger et terres labourables, lot qui n'a pas trouvé preneur.
Ils demandent que la décision déférée soit confirmée.
SUR QUOI LA COUR:
Les consorts [E] sollicitent la confirmation de la décision déférée car la décision de la Safer ne leur a pas été notifiée, qu'en tout état de cause elle n'a pas été notifiée à l'un d'entre eux, que cette décision n'est pas motivée, que cette décision est nulle compte tenu de la faible superficie de la parcelle et que cette décision de préemption ne pouvait être prise au regard des dispositions légales.
En ce qui concerne les dispositions de l'article R 143-6 du code rural, ce texte prévoit le cas où la Safer exerce son droit de préemption à la suite d'une vente. Dans ce cas elle doit notifier sa décision à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec accusé de réception.
En l'espèce, il n'est pas question d'un acquéreur mais d'adjudicataires.
C'est donc de façon tout à fait superfétatoire que la Safer a notifié en plus de la notification faite au Greffier en chef de la juridiction et au créancier poursuivant, sa décision au domicile du conseil choisi par les consorts [E] pour porter les enchères en leur nom , la notification faite ensuite au domicile réel de l'un des deux frères étant toute aussi superfétatoire.
Ainsi les deux premiers moyens des consorts [E] doivent être écartés.
En ce qui concerne le défaut de motivation de cette décision avancée. La notification porte que la 'préemption intervient pour permettre d'agrandir et d'améliorer le parcellaire des exploitations du secteur et en l'espèce, sans préjudice de l'examen d'autres candidatures que pourrait révéler la publicité, améliorer la structure parcellaire de l'exploitation voisine des trois parcelles en vente par la maîtrise de ces 31 a 37 ca située en zone AOC article 143-2 .2° du code rural.
Il apparaît qu'au regard du plan produit, cette préemption avait bien pour but d'améliorer le parcellaire d'une exploitation [G], qu'ainsi la notification était parfaitement motivée au regard du but poursuivi. Ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'impossibilité de préempter au regard de la surface du terrain, si il est impossible de préempter en de ça d'une surface de 50 a, il résulte d'un décret du 23 octobre 2001 du Ministère de l'agriculture et de la pêche que dans les départements de la Dordogne, du Lot et Garonne et du Tarn et Garonne, la Safer peut exercer son droit de préemption à partir de 10 a dans les zones viticoles AOC.
Ce texte vise les zones classées en AOC et non les zones plantées en AOC. Dans ces conditions, il est peu important de savoir les plantations existantes sur ce terrain lors de l'exercice de la préemption, ces parcelles de moins de 50 a figurant ainsi que cela n'est pas contesté en zone AOC.
Ce moyen doit aussi être écarté.
En ce qui concerne la surface exploitée par [G], les consorts [E] soutiennent que ce dernier exploitant 25 ha de vignes sur une propriété de 31 ha, la Safer ne pouvait lui apporter le terrain préempté puisqu'il dépassait la limite de 19,5 ha soit 3 fois la limite de 6,5 ha surface minimum d'installation en AOC.
Or rien ne démontre dans les pièces produites par les consorts [E] que [G] exploitait 31 ha de terres dont 25 ha en AOC étant relevé que dans les cotes dans leur dossier, les consorts [E] indiquent qu'ils ignorent tout de l'importance des biens dont disposerait M [G].
Ce moyen ne peut être retenu.
Il apparaît ainsi qu'aucun des moyens avancés par les consorts [E] pour interdire à la Safer d'user de son droit de préemption ne peut être retenu, qu'ainsi la décision déférée doit être réformée et les consorts [E] doivent être déboutés de leurs demandes.
Il serait inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Cpc.
PAR CES MOTIFS
LA COUR:
Déclare la Safer Sogap fondée en son appel,
En conséquence y faisant droit
Réforme la décision déférée dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau
Déboute Messieurs [F] et [M], [E] de l'ensemble de leurs demandes.
Dit que Messieurs [E] devront payer à la Safer Sogap la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Cpc.
Dit que Messieurs [F] et [M] [E] devront supporter les dépens de première instance et d'appel application étant faite de l'article 699 du Cpc.
Le présent arrêt a été signé par Franck Lafossas, président, et par Annick Boulvais, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.