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24/06/2008 | FRANCE | N°06/03250

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0552, 24 juin 2008, 06/03250


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 JUIN 2008

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président,)

No de rôle : 06 / 03250

Marie-Hélène X... épouse Y...

c /

Nicole X... épouse Z...
Valérie X... épouse H...
Tanguy X...
Laëtitia X...
Henri-Joël X...
France X... épouse A...
Corinne X...
Henry X...
Ludovic X...

Nature de la décision : SURSIS A STATUER

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avouÃ

©sDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 février 2002 par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES, suivant déclaration de saisine en date du 21 jui...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 JUIN 2008

(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président,)

No de rôle : 06 / 03250

Marie-Hélène X... épouse Y...

c /

Nicole X... épouse Z...
Valérie X... épouse H...
Tanguy X...
Laëtitia X...
Henri-Joël X...
France X... épouse A...
Corinne X...
Henry X...
Ludovic X...

Nature de la décision : SURSIS A STATUER

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 février 2002 par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES, suivant déclaration de saisine en date du 21 juin 2006, suite à un arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation du 7 juin 2006 cassant l'arrêt de la Troisième Chambre Civile de la Cour d'Appel de POITIERS du 24 mars 2004 (RG 02 / 00787)

DEMANDERESSE :

Marie-Hélène X... épouse Y...
née le 03 Août 1934 à LILLE (59000)
de nationalité Française
sans profession
demeurant...

représentée par la SCP ARSENE-HENRY ET LANCON, avoués à la Cour, et assistée de Maître Daniel BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

DEFENDEURS :

Nicole X... épouse Z...
née le 06 Novembre 1935 à LILLE (59000)
de nationalité Française
sans profession
demeurant...

Valérie X... épouse H...
née le 11 Octobre 1968 à LILLE (59000)
de nationalité Française
profession : institutrice
demeurant...

Tanguy X...
né le 26 Mai 1970 à VILLENEUVE D'ASCQ (59650)
de nationalité Française
profession : ingénieur informaticien
demeurant...

Laëtitia X...
née le 21 Août 1980 à VILLENEUVE SUR LOT (47300)
de nationalité Française
profession : agricultrice
demeurant Chez M. C...-...

Henri-Joël X...
né le 1er Janvier 1939 à LILLE (59000)
de nationalité Française
retraitée
demeurant...

France X... épouse A...
née le 27 Mars 1941 à PARIS (12EME) (75012)
de nationalité Française
sans profession
demeurant...

Corinne X..., prise en sa qualité d'héritière de son père Jean-Jacques X... décédé le 19 mai 2002, incapable majeure représentée par sa tutrice Madame Françoise X...- B... demeurant...,
née le 27 Février 1960 à PARIS (75008)
de nationalité française
demeurant...

Henry X..., pris en sa qualité d'héritier de son père Jean-Jacques X..., décédé le 19 mai 2002
de nationalité Française
profession : publiciste
demeurant...

Ludovic X...
né le 15 juin 1965 à LILLE (59)
de nationalité Française
profession : ingénieur
demeurant...

représentés par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour, et assistés de Maître Patrick BAUDOUIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mai 2008 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Faits :

Henri X... et Suzanne E..., épouse X..., sont respectivement décédés le 24 juin 1993 et le 8 novembre 1998.

Ils ont laissé pour leur succéder leur cinq enfants vivants, Jean-Jacques X..., Marie-Hélène X... épouse Y..., Nicole X... épouse Z..., Henri-Joël X..., France X... épouse A..., et leurs trois petits enfants, Valérie X... épouse H..., Tanguy X... et Laëtitia X... venant en représentation de leur père Francis X... décédé.

Par acte authentique du 3 novembre 1974, les époux X...- E... avaient gratifié leurs enfants, à parts égales, par une donation-partage acceptée. Par cette donation Marie-Hélène et Nicole X... recevaient la moitié indivise de la nue-propriété de l'immeuble de Saint-Palais-sur-Mer (17), évalué en toute propriété à 960. 000 Frs, et les quatre autres enfants recevaient 8. 000 actions de 100 Frs chacune de la SA Etablissements X..., évalués en pleine propriété à 1. 920. 000 Frs. Les donateurs se réservaient, à leur profit et au profit du survivant, la jouissance de l'usufruit de tous les biens compris dans la donation-partage.

Postérieurement à l'acte, l'équilibre de la donation-partage a été rompu par la perte du capital de la société X..., constatée par l'assemblée générale du 18 juillet 1988. Pour résoudre cette difficulté, les époux X... ont sollicité l'accord de leurs enfants pour annuler la donation-partage et lui substituer, par testament olographe, le partage entre tous de la propriété de l'immeuble de Saint-Palais-sur-Mer.

Ils ont obtenu cet accord et rédigé ce testament le 17 avril 1991. Par la suite, après leur mort, Marie-Hélène X... épouse Y... a considéré son accord sans valeur et désiré conserver pour elle sa part indivise (moitié) de l'immeuble.

Procédures antérieures :

Par acte du 22 janvier 2001, Marie-Hélène X... a assigné, devant le tribunal de grande instance de Saintes, Nicole X... afin de liquider l'indivision existant entre elles sur l'immeuble de Saint-Palais-sur-Mer. Parallèlement, Jean-Jacques, Nicole, Henri-Joël, France, Tanguy, Valérie et Laëtitia X... ont assigné Marie-Hélène X... pour que soit constaté l'accord des parties sur l'annulation de l'acte de donation-partage du 3 novembre 1974, que soit prononcée la nullité de cet acte et que soient ordonnés la liquidation et le partage de la succession en application du testament olographe du 17 avril 1991.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 7 mars 2001.

Par jugement du 22 février 2002, le tribunal de grande instance de Saintes a :
. jugé qu'en application de la règle du parallélisme des formes, la rétractation à la donation ne peut intervenir que par la forme authentique,
. jugé que la donation-partage est un acte juridique à titre normalement gratuit qui doit être causé, qu'en l'espèce la cause, le respect d'une parfaite égalité entre les enfants, a disparu et qu'en conséquence il y a lieu de rejeter les demandes de Marie-Hélène X... et d'ordonner la liquidation et le partage de la succession de Suzanne et Henri X....

Sur appel, régulièrement interjeté par Marie-Hélène X..., la cour d'appel de Poitiers, par arrêt du 24 mars 2004, a notamment :
. donné acte à Corinne X..., représentée par son tuteur Françoise X...- B..., à Henry et Ludovic X... de ce qu'ils reprennent l'instance en qualité d'héritiers de leur père Jean-Jacques X..., décédé le 19 mai 2002,
. constaté que les parties à l'acte de donation-partage du 3 novembre 1974 ont donné leur accord pour annuler la donation, en conséquence la cour a confirmé le jugement du 22 février 2002,
. rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties et a condamné Marie-Hélène X... à payer aux consorts X..., à l'exception de Nicole X..., 1. 500 € au titre de l'article 700 ncpc.

Sur le pourvoi formé par Marie-Hélène X..., la cour de cassation, par arrêt du 7 juin 2006, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 24 mars 2004, au visa des articles 932 et 1075 cc et au motif que la cour d'appel ne pouvait prononcer la nullité de la donation-partage du 3 novembre 1974, consentie en la forme authentique par les époux X...- E..., en retenant des échanges de lettres pour caractériser une volonté d'annulation alors que la renonciation à une donation doit revêtir la même forme authentique que l'acceptation qu'elle entend rétracter.

Procédure actuelle :

Par acte reçu au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 21 juin 2006, Marie-Hélène X... épouse Y..., appelante, a déclaré saisir la cour en tant que cour de renvoi.

L'appelante, par ses dernières conclusions signifiées le 11 avril 2008, conteste le jugement du tribunal de grande instance de Saintes du 22 février 2002 au motif que :
. la cause intervient dans la formation du contrat et sa validité est appréciée au jour de la conclusion de l'acte. Le raisonnement du tribunal n'est fondé que sur des considérations d'équité,
. les intimés citent une jurisprudence inopérante qui intervient pour des actes à titre onéreux. De même, la doctrine invoquée ne correspond qu'à des propositions doctrinales,
. le droit d'usufruit du bénéficiaire lui est définitivement acquis dès le jour où l'acte de donation portant sur la nue-propriété est conclu de sorte que c'est au jour de la signature que la donation produit tout ses effets,
. l'action en nullité pour absence de cause n'a pour objectif que de faire obstacle à l'application de la loi du 3 juillet 1971 qui garantit la stabilité des donations en ne permettant pas qu'elles soient remises en cause en raison de disparités survenues postérieurement à la conclusion de l'acte du fait de l'évolution des biens,
. si le mobile de la donation partage était un partage équilibré, les donateurs auraient réparti le risque, connu, de volatilité des actions en attribuant un 6ème indivis des actions et de l'immeuble à chacun des enfants,
. les époux X...- E... n'ont pas réalisé une nouvelle donation sous la forme authentique, mais par un nouveau testament du 17 avril 1991. Même si l'échange de lettres contient la volonté d'annulation de la donation par la concluante, cette renonciation est inopérante à défaut de revêtir la même forme authentique que l'acceptation,
. les intimés seront déboutés de leur demande de responsabilité à l'égard de la concluante parce que, outre l'absence de précision sur la nature et le texte fondant cette responsabilité, ils invoquent une faute née du refus de la concluante d'appliquer un accord qu'elle conteste et lui reprochent de faire valoir ses droits issus du code civil et reconnus par la cour de cassation.

Par conséquent, l'appelante sollicite de :
. juger que l'acte de donation partage du 3 novembre 1974 produira son plein et entier effet,
. ordonner la liquidation et le partage de l'indivision successorale,
. condamner les intimés au paiement de 10. 000 € au titre de l'article 700 ncpc.

Les intimés, par leurs dernières conclusions signifiées le 3 mars 2008, sollicitent de :
. vu l'article 1131 cc, constater que par la lettre du 20 décembre 1988 elle a donné son accord pour considérer que l'acte de donation-partage était nul pour absence de cause,
. en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de donation-partage pour absence de cause et en ce qu'il a ordonné de procéder aux opérations de liquidation et de partage,
. à titre subsidiaire, juger que Marie-Hélène X... sera tenue de payer à l'ensemble des concluants, à l'exception de Nicole X..., le montant de leur quote-part dans la valeur du lot de partage qui lui sera attribué, en conséquence désigner un expert pour évaluer la propriété de Saint-Palais-sur-Mer,
. condamner Marie-Hélène X... à payer aux concluants, à l'exception de Nicole X..., 15. 000 € sauf à parfaire après expertise et à chacun 5. 000 € au titre de l'article 700 ncpc.

À cet effet ils font valoir :
. désireux de rétablir l'équilibre entre leurs enfants, suite à la perte de valeur des actions X..., les époux X...- E... se sont renseignés auprès de leur notaire lequel leur a indiqué que compte tenu de l'accord donné par les six enfants pour annuler la donation, il leur suffisait de substituer à cette donation un testament. Le courrier du 20 décembre 1988 matérialise l'accord,
. les intimés renoncent à leur argumentation fondée sur un accord pouvant constituer un acte d'annulation de la donation-partage,
. la disparition d'un des biens objet de la donation, avant la mort du dernier donateur, prive 4 des 6 héritiers de toute attribution et rompt avec le partage équitable recherché par l'acte. La disparition totale de toute valeur aux actions X..., et non leur simple diminution, prive de sa cause l'acte de donation-partage,
. dans le respect de la solution retenue par la cour de cassation que les intimés n'entendent pas contester, l'accord donné par l'appelante dans la lettre du 20 décembre 1988 ne peut être une renonciation à la donation. Cependant, cet accord est la reconnaissance par la concluante de la nullité de la donation et de la possibilité de l'annuler judiciairement pour absence de cause,
. après son accord, l'appelante se prévaut d'une règle de forme pour faire échec à son accord exprès. Cette faute engage sa responsabilité et justifie la demande de condamnation à leur payer le montant de leur quote-part dans la valeur du lot de partage qui leur sera attribué.

Sur quoi, la cour :

L'acte de donation-partage du 3 novembre 1974 expose que les époux X...- E... entendent partager leurs biens, une propriété immobilière sur un peu plus de quatre hectares dans la cité balnéaire de Saint-Palais-sur-Mer " villa les clairières ", et les 8. 000 actions de l'entreprise familiale " établissements X... ".

Leurs six enfants sont traités à égalité dans l'acte, qui précise que les lots sont considérés comme d'égale valeur et qu'en cas d'excédent de valeur constaté les parents font donation de cet excédent à titre de préciput et hors part, ce qui est expressément accepté par chacun des donataires. Les deux filles Nicole épouse Z... et Marie-Hélène épouse Y... reçoivent en indivision la nue-propriété de la maison de Saint-Palais tandis que les 4 autres enfants reçoivent chacun 2. 000 actions. Les parents se réservent l'usufruit sur le tout.

Les difficultés rencontrées par l'entreprise familiale ayant rendu nécessaire la réduction à zéro du capital social, la valeur des actions a totalement disparu.

Les parents ont, en mai 1988, proposé à leurs enfants un autre partage, égalitaire en tenant compte de la situation créée par la perte de valeur des actions. Leur notaire les ayant informés de la nécessité d'une renonciation de tous les enfants à leur donation, les parents les ont questionnés, leur proposant le partage de la propriété de Saint-Palais dont l'étendue permettait un fractionnement. Cela est prouvé par la production de leurs lettres, comportant un projet de plan de découpage du terrain.

Tous les enfants, et notamment Nicole épouse Z... et Marie-Hélène épouse Y..., qui avaient reçu en donation-partage la propriété de Saint-Palais, ont expressément accepté l'annulation de la donation-partage en vue d'un nouveau partage.

Les deux parents ont alors, chacun rédigé le 17 avril 1991 un testament par lequel il explique la nécessité d'annuler la donation-partage effectuée en 1974, annulation acceptée par chaque enfant, et la nécessité consécutive de procéder à un nouveau partage, auquel il est procédé par la suite. La propriété de Saint-Palais y est découpée en parts, un plan étant annexé pour indiquer les affectations des lots aux différents enfants.

Ce plan diffère quelque peu du projet effectué en 1988, la part attribuée à Marie-Hélène Y... étant notamment de 8. 000 m ² au lieu de 10. 000. Ses cohéritiers ont accepté d'augmenter sa part à 10. 000 m ² et ont confirmé cet accord par leurs dernières écritures.

Les différents héritiers, suite à l'arrêt de cassation du 7 juin 2006, admettent que l'acte de donation-partage, établi par acte authentique, n'aurait pu être annulé que par parallélisme des formes et que les écrits sous seings privés émanant des différents membres de la famille, même s'ils établissent la certitude de l'accord pour la révocation de la donation-partage, ne peuvent valoir annulation.

Les héritiers opposés à Marie-Hélène Y... soutiennent que l'acte de donation-partage du 3 novembre 1974 doit être annulé faute de cause parce que la perte totale de valeur des actions les prive de toute attribution.

En effectuant une donation-partage au lieu d'un testament, les époux X...- E... ont désiré transmettre à la date du 3 novembre 1974, jour de l'acte portant donation et acceptation, la nue-propriété d'une certaine quantité d'actif à leurs enfants. Cette transmission avait pour effet la transmission du risque attaché à la chose donnée. La cause de l'acte devait en être appréciée à cette date.

La perte de la chose donnée, plusieurs années après la donation, n'a pas supprimé la cause de l'acte notarié, qui n'a pas été révoqué avec acceptation dans les formes requises.

Cet événement ne peut donc justifier la nullité pour absence de cause de la donation-partage mais doit être traité au regard de la législation applicable aux donations-partages et successions.

En revanche il est établi par la chronologie qui précède, par les différents courriers des parents aux enfants et des enfants aux parents, par les consultations du notaire et du Cridon, ainsi que par les deux testaments, que les deux parents désiraient tout faire pour assurer une succession égale entre tous.

Il est établi qu'ils ont à cet effet questionné chaque enfant et que chacun, notamment Marie-Hélène Y..., a déclaré considérer que la donation-partage était nulle et de nul effet. Munis de cet accord général sur la révocation considérée par tous comme acquise, ils ont effectué leur testament dont, par la suite, Marie-Hélène Y..., arguant de l'absence de valeur formelle de son consentement, veut faire juger qu'il est sans effet.

La cour considère qu'en faisant croire à ses parents, par écrit, son engagement sur la révocation de la donation-partage, " je suis tout à fait d'accord avec vous... pour que la donation-partage soit annulée et que le partage soit fait à nouveau entre les 6 enfants ", alors qu'en fait elle la refusait, et en dissimulant ce refus à ses parents sous une acceptation de façade et sans valeur, elle les a induits en erreur, ainsi que cela ressort sans équivoque de leur testament " il est indispensable pour que les attributaires des 8. 000 actions ne soient pas lésés de rétablir l'égalité entre nos enfants... un accord est intervenu entre tous les bénéficiaires de la donation-partage qui ont donné leur accord pour l'annuler ", les conduisant à penser qu'une solution amiable avait été trouvée, alors qu'en fait elle ménageait son moyen de droit ultérieur qu'elle réservait pour le moment où, après leur mort, ils ne pourraient plus utiliser le parallélisme des formes ni chercher par un autre moyen de droit d'obtenir le but recherché.

Ce comportement, parce qu'il affirmait par écrit un fait inexact, doit être considéré comme une faute. Cette faute a déterminé les parents à ne pas rechercher la solution juridique de nature à obtenir le but recherché, l'égalité de traitement des enfants. Le préjudice en résultant pour les cohéritiers consiste en la perte de leur chance de voir leurs parents organiser le partage égal de leur succession qu'ils désiraient.

Ce préjudice ne peut être égal à la totalité de la différence de part résultant d'un partage égal ; il est nécessairement plus faible compte tenu de l'aléa.

La cour ne dispose pas d'un état déclaratif de la succession, ignorant quelle est son étendue et ignorant s'il existe d'autres biens partageables. L'acte du 3 novembre 1974 signale que les parents habitent à ..., adresse à laquelle leur notaire leur écrit le 4 mars 1981. Ils disposaient donc d'un autre logement. Même s'ils ont par la suite habité dans la villa " les clairières " dont ils s'étaient réservé l'usufruit, et où ils ont rédigé leur testament en 1991, cette adresse dans une cité balnéaire est susceptible de correspondre au choix de vie de personnes âgées, préférant cette ville à la région du Nord, et ne prouve pas l'absence d'une autre résidence. Par ailleurs, dans le corps du testament rédigé en 1991, il est indiqué que la villa " les clairières " correspond " à l'heure actuelle au seul actif réel ", mais cette évaluation est antérieure de plusieurs années à l'ouverture des successions, les parents étant décédés en 1993 et 1998.

Enfin, il paraît peu vraisemblable que les parents, dont il est établi par le dossier que l'état de fortune a été important avant la perte de leurs actions, n'aient possédé aucun bien meuble ni valeur mobilière au moment de leur décès.

Les intimés ne concluent pas au fond sur leur préjudice, demandent l'organisation d'une expertise destinée à permettre de chiffrer la villa de Saint-Palais, sollicitant dans l'attente une provision.

Cependant, la valeur de la propriété de Saint-Palais n'est qu'un des éléments permettant de connaître le montant de la succession, tandis que le montant de la part de chaque héritier dans la succession doit être connu pour en déduire la différence et évaluer le préjudice résultant de sa perte de chance.

Également, il est vraisemblable que Marie-Hélène Y... et Nicole Z... ne désireront pas rester ensemble dans l'indivision, et que l'une des deux saisira la justice comme l'avait fait Marie-Hélène Y... dans son assignation du 22 janvier 2001, conduisant à la vente de l'immeuble, permettant de connaître sa valeur vénale.

Par ailleurs, il est possible de penser que Marie-Hélène Y..., compte tenu de la présence décision portant condamnation à indemniser ses cohéritiers du préjudice subi par la perte de chance d'un partage égal, préférera aboutir directement à ce partage égal.

Enfin, la solution judiciaire du conflit successoral étant désormais connue, une transaction générale est envisageable, mettant un terme à la querelle familiale.

Tous ces éléments conduisent la cour à juger inopportun d'organiser une expertise et d'allouer une provision.

Il convient de constater l'ouverture de la succession des deux parents, ordonner la liquidation et le partage de l'indivision successorale, désigner à cette fin un notaire, et laisser les héritiers se retrouver devant lui, soit pour appliquer la donation-partage qui n'a pas été annulée, avec toutes ses conséquences, soit pour réaliser un partage amiable par transaction, notamment sur la base des testaments de 1991.

Ce n'est qu'en cas de succession par application de la donation-partage, le calcul étant connu de la part de chaque héritier, que l'action pourra être reprise pour demander la liquidation du préjudice subi par chacun à n'avoir pas bénéficié d'une part égale.

Cette querelle familiale a pour origine le revirement fautif de Marie-Hélène X... épouse Y..., elle en supportera les entiers dépens (sauf cassation).

Une somme de 2. 000 € sera allouée à chacun des enfants Nicole X... épouse Z..., Henri-Joël X... et France X... épouse A..., ainsi qu'à la succession de Francis X... représentée par Valérie X... épouse H..., Tanguy et Laëtitia X..., et ainsi qu'à la succession de Jean-Jacques X... représentée par Corinne, Henry et Ludovic X....

Par ces motifs :

Sur renvoi de cassation par arrêt du 7 juin 2006,

Infirmant la décision rendue le 22 février 2002 par le tribunal de grande instance de Saintes,

Dit n'y avoir lieu d'annuler judiciairement l'acte de donation-partage du 3 novembre 1974,

Ordonne la liquidation et le partage de la succession des défunts Henri X... et Suzanne E... épouse X...,

Désigne pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Charente-Maritime, avec possibilité de délégation,

Juge que Marie-Hélène X... épouse Y... a commis une faute ayant causé à ses cohéritiers le préjudice de la perte de leur chance de bénéficier d'un partage successoral égal entre tous les enfants des défunts Henri X... et Suzanne E... épouse X...,

La condamne à réparer ce préjudice,

Ordonne sursis à statuer sur la liquidation de ce préjudice après liquidation et partage de la succession en cas de parts inégales, ou pour désistement suite à transaction,

Dit que la procédure sera sortie du rôle par le greffe et inscrite à nouveau à la demande de la partie la plus diligente après exécution de la cause de sursis,

Condamne Marie-Hélène X... épouse Y... à payer au titre de l'article 700 cpc une somme de 2. 000 € (deux mille euros) à chacun des cohéritiers Nicole X... épouse Z..., Henri-Joël X... et France X... épouse A..., ainsi qu'à la succession de Francis X... représentée par Valérie X... épouse H..., Tanguy et Laëtitia X..., et ainsi qu'à la succession de Jean-Jacques X... représentée par Corinne, Henry et Ludovic X...,

La condamne aux entiers dépens (sauf cassation) avec distraction au profit de la SCP Casteja-Clermontel et Jaubert, avoué.

L'arrêt a été signé par le président Franck Lafossas et par Annick Boulvais, greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0552
Numéro d'arrêt : 06/03250
Date de la décision : 24/06/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-24;06.03250 ?
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