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19/06/2008 | FRANCE | N°06/05922

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0164, 19 juin 2008, 06/05922


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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PP

Le : 19 Juin 2008

QUATRIÈME CHAMBRE- SECTION B
No de rôle : 06 / 5922

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE prise en la personne de son représentant légal, c / S. A. NOUVELLE SAINTE MARIE prise en la personne de son représentant légal, SELARL DOCTEURS X..., Y... ET Z... prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT- EXPERTISE
Grosse délivrée le :
à : Prononcé publiquement par mise à disposit

ion au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au de...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
--------------------------
PP

Le : 19 Juin 2008

QUATRIÈME CHAMBRE- SECTION B
No de rôle : 06 / 5922

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE prise en la personne de son représentant légal, c / S. A. NOUVELLE SAINTE MARIE prise en la personne de son représentant légal, SELARL DOCTEURS X..., Y... ET Z... prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT- EXPERTISE
Grosse délivrée le :
à : Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le : 19 Juin 2008
Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, en présence de Madame Chantal TAMISIER, greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social 30 boulevard de Bury-16910 ANGOULÊME CEDEX 9,

Représentée par la SCP CASTEJA- CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de la SCP ROUXEL et HARMAND, avocats au barreau de BORDEAUX,
Appelante d'une ordonnance de référé (dossier no2006 / 320) rendue le 22 novembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULÊME suivant deux déclarations d'appel en date des 28 et 30 Novembre 2006, à :

1o) S. A. NOUVELLE SAINTE MARIE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social 42 Rue Chabernaud- Les Hauts de Lunesse-16340 L'ISLE D'ESPAGNAC,
Représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour, et assistée de Maître Yves LACHAUD, avocat au barreau de PARIS,

2o) SELARL DOCTEURS X... Y... ET Z..., prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social...

Représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour, et assistée de Maître Marie- Pierre MERIGUET, avocat au barreau de PARIS,
Intimées,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 02 Avril 2008, devant :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, Monsieur Jean- François GRAVIE- PLANDE, Conseiller, Patricia PUYO, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci- dessus désignés.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société nouvelle Sainte Marie, qui exploite à Angoulême le Centre clinical et la clinique Sainte Marie, dénommés Cliniques de la Mutualité (la clinique), a installé en 2006 un service de consultations non programmées et de soins d'urgence au Centre clinical, dont le fonctionnement a ensuite été contractuellement confié à la société des docteurs X...- Y...- Z... (la société de médecins). Alors qu'elle avait obtenu de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente (la Caisse), dès le 18 avril 2006, une autorisation de dispense d'avance des frais pour ces actes, la clinique a contesté le refus de délivrance de feuilles de soins opposé aux praticiens de la société de médecins à partir du 30 septembre 2006 et a sollicité du juge des référés la délivrance des feuilles de soins aux praticiens de la société de médecins sous astreinte, la poursuite de l'accord de dispense d'avance des frais à son bénéfice, dans les mêmes conditions et la condamnation de la Caisse à lui payer la somme de 15 000 euros à titre provisionnel à valoir sur la réparation de ses préjudices et celle de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La société de médecins a sollicité du même juge qu'il dise que la rupture de l'accord de tiers payant en date du 18 avril 2006 constitue un trouble manifestement illicite, qu'il ordonne la délivrance des feuilles de soins aux praticiens de la société de médecins sous astreinte, la poursuite de l'accord de dispense d'avance des frais à son bénéfice, dans les mêmes conditions et la condamnation de la Caisse à leur payer la somme de 44 000 euros à titre provisionnel en réparation de leurs préjudices et celle de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 22 novembre 2006, le président du Tribunal de grande instance d'Angoulême a ordonné la jonction des procédures, rejeté l'exception d'incompétence, ordonné à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente :- de poursuivre l'application de l'accord de dispense d'avance de frais en date du 18 avril 2006 dans le délai de 48 heures à compter de la présente décision, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai,

- de délivrer les feuilles de soins à la société des docteurs X...- Y...- Z... dans les 24 heures de la première demande, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ; il a rejeté les demandes d'indemnités provisionnelles et condamné la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente à payer, chacune, à la société des docteurs X...- Y...- Z... et à la société nouvelle Sainte Marie, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Caisse a régulièrement interjeté appel de cette décision le 28 novembre 2006, ainsi que le 30 novembre 2006. Ces deux procédures, respectivement inscrites sous les numéros 06 / 05922 et 06 / 05982, ont été jointes par mention au dossier et poursuivies sous le numéro 06 / 05922.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la Caisse sollicite de la Cour qu'elle infirme l'ordonnance de référé en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée au profit du président du Tribunal des affaires de sécurité sociale, statuant en référé, et, vu l'article 79 du nouveau Code de procédure civile, statuant au fond, qu'elle infirme la décision déférée en ce qu'elle lui a ordonné de poursuivre l'application de l'accord de dispense d'avance de frais en date du 18 avril 2006 et en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à chacune des demanderesses, qu'elle juge la société des docteurs X...- Y...- Z... mal fondée en son appel incident et le rejette et qu'elle condamne les intimées au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle précise qu'elle limite son appel à l'obligation de poursuivre l'application de l'accord de dispense d'avance de frais, excluant de cet appel l'obligation de délivrance de feuilles de soins à la société de médecins. Pour revenir sur son acceptation, elle fait valoir que :- que les médecins généralistes installés dans les locaux de la clinique, ne peuvent faire état d'un service de consultation externe et ne peuvent avoir plus de droits que leurs confrères, que le tiers payant dérogatoire n'a été accordé qu'à des médecins spécialistes accueillant à titre exceptionnel des patients en urgence et que la justification tirée de l'analogie avec les actes pratiqués par les médecins d'astreinte pendant la garde n'existe plus, puisqu'il n'y a aucun surcroît d'activité mais seulement l'exercice de l'activité habituelle de ces professionnels,- que ce service ainsi mis en place permet de contourner les règles de l'assurance maladie puisque les praticiens de la société de médecins exercent une activité exclusivement d'urgence malgré le refus de l'Agence régionale de l'hospitalisation du Poitou- Charente d'accepter l'ouverture

d'un service d'urgence, que l'accord donné sous forme d'une lettre le 18 avril 2006 va à l'encontre de la convention nationale du 3 février 2005 et n'a pas la forme requise pour les protocoles d'accord,- qu'en créant un service d'urgence non autorisé, la clinique a trompé la Caisse qui ignorait, lors de la signature de l'accord, l'installation de généralistes et que cet accord entraîne une concurrence déloyale des généralistes charentais alors que seul le centre hospitalier de Girac est doté d'un service d'urgence et que cet accord crée un surcoût pour l'assurance maladie.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société de médecins sollicite de la Cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à la Caisse, sous astreintes, la délivrance des feuilles de soins et le rétablissement de l'accord de tiers payant en date du 18 avril 2006 outre le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'elle donne acte à la Caisse de son acquiescement à l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné la délivrance sous astreinte des feuilles de soins à la société de médecins, qu'elle constate que la Caisse n'a pas respecté les termes de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné, sous astreinte distincte, la poursuite de l'accord de tiers payant en date du 18 avril 2006 avec les conséquences y attachées, à titre incident qu'elle réforme l'ordonnance entreprise seulement en ce qu'il n'a pas été octroyé à titre provisionnel de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, qu'elle condamne la Caisse à lui verser la somme globale en l'état de 135 500 euros à titre provisionnel et sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis toutes causes confondues, et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle estime que le juge des référés a justement retenu sa compétence. Soutenant que la résiliation unilatérale de l'accord de tiers payant est dénuée de tout fondement légal ou réglementaire, elle soutient que la convention de tiers payant a été passée dans un cadre conventionnel et réglementaire en pleine connaissance des circonstances de la cause, que la convention nationale du 12 janvier 2005 n'impose aucun formalisme particulier pour la mise en place de tels accords et que celui du 18 avril 2006 n'était pas limité aux seuls médecins spécialistes de l'établissement.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la clinique sollicite de la Cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, lui donne acte de ce qu'elle se réserve de solliciter réparation du préjudice subi du fait des manquements contractuels de la Caisse et de l'inexécution de l'ordonnance de référé et qu'elle condamne la Caisse à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Réfutant les divers moyens de la Caisse, elle constate que celle- ci n'a pas relevé appel de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à fournir des feuilles de soins, admettant ainsi la régularité de la situation de ces

praticiens, et que, l'activité des médecins généralistes au Centre clinical étant régulière, la rupture de l'accord de tiers payant est fautive et le service médical licite. Elle fait valoir que la dispense d'avance de frais est possible à titre dérogatoire dans le cadre d'accords locaux, notamment pour les actes d'urgence ou pour les cas médicaux non programmés, non limités aux spécialistes.

MOTIFS
La Caisse, déclarant ne pas faire appel de l'ordonnance en ce qu'elle lui a ordonné de délivrer les feuilles de soins à la société de médecins, accepte donc ce chef de prescription, y compris sur la compétence du juge saisi de cette question.
Sur la compétence de la juridiction saisie en ce qui concerne l'application de l'accord de dispense d'avance de frais Le président du Tribunal de grande instance d'Angoulême, pour admettre sa compétence en référé sur la question du tiers payant, a retenu que c'est en raison de la mise en place, qu'elle estimait irrégulière, d'un service d'urgence que la Caisse a pris deux décisions procédant du contrôle de l'activité de médecins, qui relèvent éventuellement du contentieux du contrôle technique, exclusif de la compétence du Tribunal des affaires de sécurité sociale en application de l'article L. 142-3, 2o du Code de la sécurité sociale, et qu'en l'absence de procédure d'urgence devant la juridiction spécialisée prévue par le Code de la santé publique, il se trouvait lui- même compétent.

La Caisse, contestant cette décision du juge en ce qu'il a retenu sa compétence sur la question du tiers payant, invoque devant la Cour l'article R. 142-21-1 du Code de la sécurité sociale selon lequel " dans tous les cas d'urgence, le président du Tribunal des affaires de sécurité sociale peut, dans les limites de la compétence dudit Tribunal, ordonner en référé... " diverses mesures et elle en déduit que le présent litige relève de la compétence de ce juge. Mais, elle ne précise pas si le Tribunal est compétent au fond sur le présent contentieux. Elle ne justifie donc pas la compétence du président du Tribunal des affaires de sécurité sociale.
Or, aux termes de l'article L. 142-1 du Code de la sécurité sociale, Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux.

Et, si l'article L. 142-2 du Code de la sécurité sociale dispose que le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale et que la cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale, selon l'article L. 142-3 de ce Code les dispositions de l'article L. 142-2 ne sont pas applicables au contrôle technique exercé à l'égard des praticiens, ce qui inclut la question du tiers payant. Puisque le tribunal des affaires de sécurité sociale n'est pas compétent sur la poursuite d'une convention de tiers payant, le Tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, détient cette compétence. Dès lors, le président du Tribunal de grande instance d'Angoulême était compétent en référé pour statuer sur la demande.

En conséquence, la Cour confirme l'ordonnance de ce chef.

Sur le fond Par lettre du 18 avril 2006, la Caisse, sous la signature de sa directrice, a écrit à la Clinique : Vous souhaitez pouvoir pratiquer la dispense d'avance des frais pour les actes dispensés en " urgence " en soins externes au motif que 20 à 25 % des patients ne règlent pas les actes qui leur sont dispensés avant de quitter l'établissement. La convention médicale, depuis le 1er janvier 2006, autorise les médecins d'astreinte à appliquer la dispense d'avance des frais pour les actes dispensés pendant leurs gardes. Considérant que les deux situations sont analogues, la Caisse primaire d'assurance maladie autorise les praticiens des cliniques de la mutualité à facturer en dispense d'avance des frais, sur le bordereau S 3404, les actes dispensés en soins externes. Cette dispense d'avance des frais est réalisée sur la part des remboursements correspondant à la prise en charge du régime général. De plus, le Centre clinical souhaite disposer d'un dépôt de matériel à destination des patients admis aux " urgences ", dépôt d'orthèses du chapitre 1 du titre II de la LPP et dispositifs médicaux de contention et d'immobilisation du titre I (dépôt géré par la clinique et non la pharmacie à usage intérieur). La Caisse primaire d'assurance maladie accepte de régler directement à l'établissement la facturation des orthèses et vous tiendra informé dès que possible du mode de facturation. De même que, pour les actes, le règlement direct à l'établissement ne porte que sur la part obligatoire à la charge du régime général.

Par cette lettre, la Caisse a autorisé les praticiens installés dans les locaux de la clinique à pratiquer la facturation des actes effectués en urgence en soins externes avec dispense d'avance de frais, en constatant
que la pratique de ces médecins était analogue à celle des médecins d'astreinte déjà autorisés, par convention depuis le 1er janvier 2006, à appliquer la dispense d'avance des frais pour les actes dispensés pendant leurs gardes. En accordant cette autorisation à ces médecins, elle prenait en considération le type de médecine pratiqué, sans distinction entre médecins généralistes et médecins spécialistes, et elle recherchait l'intérêt de mettre en place une structure adaptée à la clientèle. Alors qu'elle ne précise pas quel était l'objet exact de la demande dont elle était saisie, elle ne justifie pas que cette demande n'ait concerné que des médecins spécialistes et elle n'a apporté, à son autorisation, aucune réserve qui aurait pu la limiter. Elle ne peut aujourd'hui soutenir que, si elle avait été correctement informée, elle aurait " pris soin de préciser dans son accord qu'il n'était valable que pour des médecins spécialistes ".

La clinique et la société de médecins ne prétendent pas avoir ouvert un service d'urgence. Au vu des indications fournies à la Cour, rien ne permet d'admettre qu'un tel service ait été mis en place et la Caisse ne démontre pas que le service effectivement mis en place ait ensuite évolué vers un véritable service d'urgence. Dans sa lettre du 26 octobre 2006 qu'invoque pourtant la Caisse qui en était destinataire, l'Agence régionale de l'hospitalisation du Poitou- Charentes n'a pas indiqué qu'elle refusait l'ouverture d'un service d'urgences, elle a seulement rappelé la nécessité d'une autorisation pour faire fonctionner un tel service et s'est limitée à constater qu'aucun établissement privé de Charente ne possédait ce type d'autorisation. De même, dans la lettre du 6 décembre 2007 qu'elle lui a adressée, l'Agence régionale de l'hospitalisation a écrit que la clinique avait mis en place une organisation destinée à prendre en charge des soins non programmés, que ce dispositif spécifique destiné à améliorer l'accueil des patients adressés par les médecins libéraux ne valait pas autorisation d'exercer l'activité de soin de médecine d'urgence et qu'une telle demande de médecine d'urgence ne serait pas recevable ; ainsi, par cette lettre, l'Agence régionale de l'hospitalisation d'une part reconnaissait d'une part que le service mis en place n'était pas un service d'urgence mais un service de soins non programmés et de soins externes et, d'autre part, elle ne contestait pas la régularité de ce service. Dès lors, la Caisse ne peut soutenir qu'un véritable service d'urgence a été installé. Et, en raison du principe de liberté d'établissement, elle ne peut s'opposer à la mise à disposition des locaux de la clinique à la société de médecins.

Enfin, si elle soutient que les praticiens devaient être rattachés à l'établissement pour être autorisés à facturer en dispense d'absence de frais, et si elle fait état d'une impossibilité pour les médecins de la société de médecins parce qu'ils faisaient déposer leurs rétributions sur le compte de leur société, la Caisse, même si elle dit n'avoir pu leur appliquer à la lettre l'accord du 18 avril 2006, a cependant pu procéder au versement de leurs rétributions, comme elle le reconnaît dans sa lettre du 8 janvier 2007, en les reversant sur le compte de la société de médecins.

A défaut de justifier d'une irrégularité dans la mise en place du service médical dans les locaux de la clinique, la Caisse reproche à la société de médecins de l'avoir trompée, et, à l'appui de ce reproche, elle produit le " contrat d'exercice " signé le 1er juin 2006 entre la société nouvelle Sainte Marie et la société de médecins, qui stipulait que " la clinique entend mettre en place et développer un service de médecine d'urgence au sein de cet établissement " et organisait les modalités d'exercice de ce service. Cependant, lorsqu'elle a donné son accord le 18 avril 2006 à l'ouverture de ce " service de soins non programmés et de consultations externes ", motivé par le fait que la situation mise en place était analogue à celle des médecins d'astreinte, il n'était pas question d'ouvrir un service d'urgence. Elle ne démontre pas qu'à ce moment- là, pour obtenir son accord à l'ouverture de ce service de soins, la clinique ou la société de médecins lui auraient communiqué des informations fausses ou destinées à forcer son consentement. Et le fait qu'ultérieurement, les parties aient signé un contrat d'exercice en vue de la mise en place d'un service de médecine d'urgence- qui aurait été refusé par l'Agence régionale de l'hospitalisation- ne démontre pas qu'ils aient voulu antérieurement tromper sa vigilance.

En outre, la Caisse ne démontre ni des faits de concurrence déloyale, dont seules les victimes seraient en mesure de se plaindre. Et si, en revanche, comme l'a relevé le juge des référés, elle se trouve dans son rôle en recherchant éventuellement les anomalies susceptibles de générer des surcoûts indus ou excessifs au regard de l'intérêt général des assurés sociaux qu'elle est chargée de défendre, il apparaît que les actes des praticiens de la société de médecins sont tous facturés comme actes de médecine générale, secteur 1, et ce " service d'urgence " ne constitue qu'un transfert de l'activité assurée auparavant par les chirurgiens, avec difficulté, compte tenu de leurs plannings et retards pour la clientèle. Puisque c'est elle qui a donné son accord au système mis en place, elle est mal venue d'en critiquer aujourd'hui l'existence.
La Cour estime que le juge des référés a justement admis que la Caisse, en retirant ses autorisations, avait créé un trouble manifestement illicite et qu'il convenait de rétablir l'application de l'accord du 18 avril 2006.

Sur la demande de la société de médecins en versement d'une provision Le juge des référés, estimant que l'existence de l'obligation n'était pas sérieusement contestable, pouvait, en application de l'article 873 du Code de procédure civile, accorder une provision au créancier.

En l'espèce, la violation de cette obligation qui n'était pas sérieusement contestable a créé un préjudice à la société de médecins qui est donc bien fondée à obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice et une expertise.

PAR CES MOTIFS La cour

Confirme l'ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance d'Angoulême, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnités provisionnelles de la société des docteurs X...- Y...- Z...,
Avant dire droit, ordonne une expertise et Commet, pour y procéder, M. Jean- Jacques B...-...- tél ..., qui aura pour mission de : 1o) réunir tous les éléments permettant de déterminer le nombre d'actes médicaux que n'a pu effectuer la société de médecins X...- Y...- Z... du 29 septembre 2006 au 22 novembre 2006 du fait du refus, par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente, d'appliquer l'accord de dispense d'avance de frais et de délivrer les feuilles de soins, et du fait de la suspension de son activité pour les Cliniques de la Mutualité qui s'en est suivie, 2o) apporter tous les éléments permettant d'apprécier le préjudice subi par la société de médecins X...- Y...- Z... du fait de ces agissements de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente,

Dit que la société de médecins X...- Y...- Z... consignera la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert auprès de la régie d'avances et de recettes de la Cour, dans les quatre mois de la présente décision,
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, sauf prorogation du délai ou relevé de caducité,
Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la Cour avant le 31 mars 2009,
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du Président de la chambre sociale, chargé de suivre les opérations d'expertise,
Condamne la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la CHARENTE à payer à la société de médecins X...- Y...- Z... une provision de 5. 000 €,
Réserve les dépens.
Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. Tamisier B. Frizon de Lamotte


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0164
Numéro d'arrêt : 06/05922
Date de la décision : 19/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angoulème, 22 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-06-19;06.05922 ?
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