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13/05/2008 | FRANCE | N°02/09359

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 13 mai 2008, 02/09359


PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION B


--------------------------
CT




ARRÊT DU 13 MAI 2008,


(Rédacteur : Madame Marie- José GRAVIE- PLANDE, Conseiller)




No de rôle : 05 / 00219








LA S. A. R. L. PEYROT PSM




c /


LA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ET FORESTIERE SUD- ATLANTIQUE (C. A. F. S. A.)


LA S. E. L. A. R. L. LAURENT MAYON




Nature de la décision : AU FOND


Grosse délivrée le :


aux avoués
Décision déférÃ

©e à la Cour : jugement rendu le 21 octobre 2004 (R. G. 02 / 09359) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2005




APPELANTE :


LA S. A. R. L. PEYROT PS...

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION B

--------------------------
CT

ARRÊT DU 13 MAI 2008,

(Rédacteur : Madame Marie- José GRAVIE- PLANDE, Conseiller)

No de rôle : 05 / 00219

LA S. A. R. L. PEYROT PSM

c /

LA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ET FORESTIERE SUD- ATLANTIQUE (C. A. F. S. A.)

LA S. E. L. A. R. L. LAURENT MAYON

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 octobre 2004 (R. G. 02 / 09359) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2005

APPELANTE :

LA S. A. R. L. PEYROT PSM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Chateauneuf-33690 MARIONS actuellement en liquidation judiciaire,

Ayant été représentée par la S. C. P Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, Avoués Associés à la Cour,

INTIMÉE :

LA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ET FORESTIERE SUD- ATLANTIQUE (C. A. F. S. A.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 63, rue Ernest Renan-33000 BORDEAUX

Représentée par la S. C. P Marc- Jean GAUTIER et Pierre FONROUGE, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Christine FOURMENTIN- CRESCENCE substituant Maître François CHAMBOLLE, Avocat au barreau de Bordeaux

INTERVENANTE :

LA S. E. L. A. R. L. LAURENT MAYON, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, ès qualité de mandataire liquidateur à la Liquidation judiciaire de la S. A. R. L. PEYROT PSM, sis 54, Cours Georges Clémenceau-33000 BORDEAUX

Représentée par la S. C. P Luc BOYREAU et Raphaël MONROUX, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Barbara CANLORBE, Avocat au barreau de Mont de Marsan.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 mars 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis- Marie CHEMINADE, Président,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Madame Marie- José GRAVIE- PLANDE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Armelle FRITZ

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Vu l'assignation délivrée le 20 septembre 2002 par la société PEYROT PSM contre la société CAFSA sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code Civil ;

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX rendu le 21 octobre 2004, portant mention de l'intervention de Maître X..., administrateur au redressement judiciaire de la SARL PEYROT PSM ;

Vu la déclaration d'appel de la société PEYROT PSM en date du 11 janvier 2005 ;

Vu la constitution de la CAFSA du 10 février 2005 ;

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 2 février 2005, en ouverture de liquidation judiciaire, sur caducité du plan de redressement de la société PEYROT PSM ;

Vu les conclusions déposées et signifiées le 13 décembre 2006 par la SELARL MAYON, mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société appelante ;

Vu les conclusions déposées et signifiées le 14 mars 2007 par la CAFSA, valant appel incident ;

Vu l'ordonnance de clôture décernée le 18 février 2008.

FAITS ET PROCEDURE :

Par deux actes successifs des 26 janvier et 27 juillet 2000 la CAFSA et la SARL PEYROT PSM passaient une convention de prestation de service portant sur des travaux forestiers d'abattage mécanisé et de débardage, dans laquelle le prestataire faisait l'acquisition de matériel lourd afin d'exécuter de manière prioritaire sa mission et dans laquelle le bénéficiaire donnait sa garantie financière auprès de la société de leasing CATERPILLAR- finance et s'engageait à donner à traiter un volume minimum annuel de 45 000 stères ;

Le contrat était conclu pour une durée de 5 ans à compter du 15 février 2000 et devait s'exécuter sur une zone limitée à BAZAS- Est Gironde et Est Landes ;

Le contrat incluait trois clauses spécifiques :

- une clause 4 limitative dite de force majeure dégageant le bénéficiaire de ses obligations mais seulement en cas d'empêchement énumérés comme la tempête, l'inondation, la destruction de machine...,

- une clause 8 résolutoire, autorisant la rupture unilatérale par chaque partie (après envoi d'une mise en demeure), par le prestataire, en cas d'absence injustifiée de programme de travail mensuel, par la bénéficiaire, en cas de retard, d'insuffisance ou d'absence de prestations ;

- une clause 7 d'adaptation pour imprévision, mettant en question l'équilibre contractuel, justifiant de réunir les parties pour modifier l'économie du contrat sans le rompre ;

L'entreprise PEYROT PSM affectait spécialement à cette nouvelle activité une pelle d'abattage, équipé d'une tête H75, capable de traiter 4 000 stères par mois et un porteur- grumier, d'une capacité de 3 000 stères / mois, en s'imposant une charge financière lourde, avec la garantie de son cocontractant ;

La convention s'exécutait mais par une première lettre du 2 mars 2001, la CAFSA reconnaît que l'équipe mise à sa disposition se trouvait sans emploi depuis 7 semaines, invoquait le ralentissement de " l'exploitation tempête " et les intempéries et proposait au titre de la clause d'adaptation l'exploitation de feuillus en Dordogne et de résineux à SABRES ;

La CAFSA réitérait ses propositions en mars 2001, en expliquant vouloir gérer aux mieux les intérêts réciproques des parties ;

La société PEYROT PSM lui répondait que le travail fourni aux machines spécialement acquises pour répondre à la mission, ne permettait pas de couvrir leur charge financière, que le chantier de SABRES n'était pas adapté à l'abatteuse et que le chantier en Dordogne nécessitait un déplacement d'essai, générateur de nouveaux frais ;

En juillet 2001, la CAFSA apprenant que la grosse pelle avait brûlé, informait le prestataire de trois possibilités, soit d'effectuer un chantier en Sud- Charentes, en cas de nouvelle pelle, soit d'établir un avenant au contrat en cas de transformation de la pelle en simple pelle de nettoyage, soit de limiter l'utilisation au seul porteur, avec ou sans chauffeur, en cas de mise hors- service de la pelle ;

Dans ce courrier, la CAFSA reconnaissait la faiblesse de l'exploitation Gros- Bois rendant difficile l'utilisation d'une équipe lourde mais rappelait qu'elle avait toujours besoin d'une équipe légère sur BAZAS ;

Après avoir reçu lettre de rappel et nouveau programme de coupe et abattage en octobre 2001, la société PEYROT PSM informait son cocontractant en décembre 2001 qu'il avait remplacé le tête de la pelle d'abattage par une nouvelle tête de 65 et qu'il était en mesure d'assurer la mission prévue à la convention ;

La CAFSA faisait, en janvier 2002, de nouvelles propositions d'exploitation de feuillus, pendant un an à CHALONS pour le compte d'une société écossaise et dans la région de SAINTES, pour quelque mois ;

Par lettre du 28 janvier 2002 dans laquelle elle rappelait avoir fait des offres attractives, elle tirait les conséquences du silence de l'entrepreneur et considérait que la convention était résiliée ;

La société PEYROT PSM lui notifiait en retour l'ensemble des griefs qu'elle formait à son encontre à savoir, notamment :

- des chantiers hors secteur,
- des conditions de travail anormales,
- une absence de soutien financier.

Par courrier du 27 mai 2002, la CAFSA confirmait la résiliation mais proposait la signature d'une nouvelle convention, incluant des chantiers nationaux et internationaux, offre que la société PEYROT PSM déclinait, estimant ne pas posséder la structure pour y répondre ;

* * *

Considérant alors que la CAFSA n'avait pas mis en oeuvre les diligences nécessaires au respect de la convention et l'avait placée dans de grosses difficultés financières, la SARL PEYROT PSM a saisi le Tribunal de Grande Instance par exploit du 20 septembre 2002 pour se voir allouer, au visa des articles 1134 et 1147 du Code Civil, du fait du caractère abusif de la rupture, les sommes de 194 243 €, 169 530 €, 724 609 € avec intérêts de droit à compter de la demande, outre le bénéfice de l'exécution provisoire et une indemnité de procédure de 15 000 € ;

Par jugement du 21 octobre 2004, le Tribunal a constaté l'intervention volontaire de Maître X..., ès- qualité d'administrateur judiciaire de la société PEYROT PSM, a relevé que la CAFSA n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, avait abusivement rompu la convention et l'a condamnée à réparer l'entier préjudice subi, à raison de 90 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2002, avec rejet du surplus ;

Le Tribunal a encore débouté la CAFSA de sa demande reconventionnelle en allocation de dommages intérêts, ordonné l'exécution provisoire, à charge pour la Coopérative Agricole et Forestière de déposer le montant de la condamnation à la Caisse des Dépôts et Consignations, rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Le Tribunal a enfin condamné la CAFSA à une indemnité de procédure de 2 000 € ;

MOYENS DES PARTIES DEVANT LA COUR :

La société PEYROT PSM par la voie de son mandataire liquidateur demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a relevé la rupture abusive de la convention et condamné la CAFSA a réparer le préjudice subi ;

Elle rappelle que les premiers juges ont judicieusement analysé les comportements des intervenants, en ne retenant le motif de la force majeure qu'entre novembre 2000 et mars 2001, en relevant que les propositions ultérieures n'étaient pas conformes aux engagements, en écartant les griefs formulés par la CAFSA (défaut de prestation, désintérêt, travail pour d'autres clients, incendie d'une machine) ;

Elle discute le quantum de la réparation en précisant que l'ouverture d'une procédure collective l'a empêchée de réunir en première instance les éléments justifiant son préjudice, qu'aujourd'hui elle détient le calcul de son expert comptable qui chiffre son préjudice à 1 047 731 €.

Elle rappelle que la somme attribuée par le Tribunal ne prend en compte que le strict manque à gagner au titre du contrat alors que doit s'y ajouter le préjudice lié aux contrats de leasing, dont le lien direct est certain ;

Elle soutient qu'avant la signature de la convention, l'entreprise fonctionnait bien et ne s'est réorientée, en s'endettant, que pour répondre aux propositions alléchantes de la CAFSA ;

Elle réclame la réformation de ce seul chef indemnitaire, avec allocation de la somme de 1 047 731 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2002 ;

Elle demande en outre 15 000 € pour frais irrépétibles ;

* * *

La société CAFSA, pour sa part, soutient que si le Tribunal dans sa décision du 21 octobre 2004 a justement retenu l'existence d'une force majeure permettant la suspension de ses engagements, il a en revanche mal analysé les facteurs imprévisibles au sens de l'article 7 ;

La coopérative Agricole confirme qu'elle a bien résilié la convention en application de l'article 8 de la convention, ne pouvant plus compter sur la société PEYROT PSM dans le cadre de sa relation contractualisée, celle- ci n'ayant jamais déféré aux demandes de reprise d'exploitations, n'ayant jamais pris contact, contrairement à ses affirmations avec les responsables des chantiers proposés ;

La coopérative soutient encore que la convention n'était restrictive ni dans son exécution géographique ni dans le choix des bois et qu'il s'agissait globalement de parvenir à l'exploitation des bois de tempête sur des chantiers difficiles ;

Concernant l'emploi des machines, elle répond qu'elles ont toujours travaillé, surtout avec d'autres entreprises extérieures et qu'aucune indemnisation n'est envisageable sur ce point ;

Sur le somme de 1 047 000 € réclamée, la CAFSA répond à titre très subsidiaire que le document rédigé par l'expert comptable entretient volontairement une confusion entre l'activité exercée auprès d'elle et l'activité globale de l'entreprise (abattage monté à 339 836 stères en 2001 / 2002).

La CAFSA conclut en conséquence au rejet de l'appel principal, à l'accueil de son appel incident, avec réformation du jugement du 21 octobre 2004, en toutes ses dispositions, débouté de toutes les demandes formulées par la société PEYROT PSM, allocation de 3 000 € pour frais irrépétibles, condamnation de l'appelant aux entiers dépens ;

* * *

DISCUSSION :

Attendu que la convention signée entre les parties le 26 janvier 2000, avec simple réitération en juillet 2000, prend place dans le contexte très particulier de la tempête qui a soufflé sur le Sud- Ouest en Janvier 2000 et qui a généré l'obligation d'exploiter non plus un million de tonnes de bois chablis par an mais quatre millions (bulletin CAFSA 38- Avril 2001) ;

Attendu qu'il résulte de la signature en deux temps de la convention que la Coopérative Agricole Forestière n'a pris accord avec la SARL PEYROT PSM que parce que celle- ci acceptait d'acquérir un matériel lourd présentant une grosse capacité d'abattage et de débardage, la rendant susceptible de répondre à des chantiers important et difficiles ;

Attendu que la contrepartie de cet investissement coûteux a été pour la société PEYROT PSM que son donneur d'ordre lui accordait sa garantie financière, en se portant caution de deux contrats de leasing concernant une grosse pelle d'abattage et un gros porteur- grumier, et lui assurait un volume minimum de travail de 45 000 stères par an ;

Qu'il convient dans ce contexte et au regard des clauses particulières figurant au contrat de rechercher la cause de la rupture et son imputation :

Sur la rupture fautive

Attendu que la CAFSA reconnaît avoir résilié le contrat par lettre du 28 janvier 2002, confirmée quelques mois plus tard le 27 mai 2002 ;

Que selon elle, elle se trouvait en droit de prononcer cette résiliation en application de la clause 8 prévue au contrat,

Qu'elle s'exprime alors en ces termes " malgré de multiples relances, vous n'avez pas répondu à nos appels de travaux et nous considérons que la convention se trouve résiliée en vertu de l'article 8 " ;

Que dans le contrat, l'article 8 vise précisément le retard dans l'exécution des travaux, l'insuffisance ou l'absence de prestations de la part du prestataire ;

Que pourtant, à aucun moment de la relation contractuelle, la CAFSA ne rapporte la preuve d'un refus ou d'un désintérêt caractérisé de son cocontractant puisque c'est elle même qui invoque avoir été dans l'obligation de se placer dans le cadre de la clause 7 ADAPTATIONS et de proposer des programmes de travaux compensatoires ;

Que dans un tel cadre, son cocontractant était en droit, face au déséquilibre contractuel, de discuter les propositions, ce qu'il a fait au regard des charges nouvelles imposées ;

Qu'une telle attitude n'apparaît nullement fautive et témoigne au contraire de préoccupations réelles de la société PEYROT PSM, clairement exprimées dans une courrier du 27 mars 2002 en ces termes :

" vous classez nos machines (pelle, tête et porteur CATERPILLAR) en équipe lourde... vous proposez du travail pour une équipe légère, or notre équipe légère est déjà occupée à l'année... "

" vous proposez de prendre contact avec les agences de SABRE (avec laquelle nous étions déjà en contact) de Nord Dordogne (pour des chantiers de feuillus) de Sud Charentes... vu ces propositions, nous nous sommes organisés pour trouver des chantiers dans un rayon de 150 km "

" vous êtes satisfait que nous ayons visité les chantiers en Champagne... le chauffeur de débardage rencontré sur place nous a expliqué qu'il tournait un minimum de 14 heures par jour ; aucun de nos salariés ne réalisera de tels horaires, sans compter les coûts de déplacements et de vie quotidienne très importants... "

" le responsable de l'agence de SMARVES nous a contactés... il est lui même convaincu que pour faire de l'abattage de feuillus, il faut une machine conçue pour cette qualité de bois... "

" la CAFSA de MONT DE MARSAN nous a contactés ; il cherchait une abatteuse avec un porteur et n'était pas au courant du contrat que nous avions... "

" tous les chantiers que nous avons traité depuis 2001 sont le fruit de nos démarches internes... "

Attendu que ce long rappel de mise au point et de griefs, non sérieusement discutés par la CAFSA, démontre contrairement à ce qu'elle prétend, qu'elle n'a jamais été en mesure de fournir au prestataire le volume de travail contractuellement prévu, dans le secteur géographique défini, avec l'emploi de la mécanisation lourde acquise spécialement ;

Que les programmes de travaux compensatoires que la CAFSA a pu présenter comme attractifs n'ont jamais permis de répondre aux charges financières supportées par le prestataire de service et ont au contraire accentué le déséquilibre ;

Que dès lors c'est par de justes motifs que les premiers juges ont considéré que la CAFSA n'avait pas respecté ses obligations contractuelles et avait elle

même rompu abusivement la convention à durée déterminée qui la liait à l'entreprise PEYROT PSM ;

Sur le préjudice

Attendu que le Tribunal a analysé ce préjudice en distinguant :
- le dommage résultant de l'inexécution jusqu'à la résiliation du contrat, pour retenir à raison de 10 mois (après prise en compte d'une suspension pour cas de force majeure de novembre 2000 à mars 2001) une perte de chance à hauteur de 20 000 € HT ;
- le dommage résultant de l'inexécution à compter de la résiliation jusqu'au terme du contrat, pour admettre une perte de chance à hauteur de 70 000 € ;
- le dommage tenant au matériel financé, pour dire qu'il appartenait à la société d'appeler la CAFSA en qualité de caution et qu'elle reconnaissait l'usage du matériel pour le compte d'autres donneurs d'ordre ;
- le préjudice résultant du redressement judiciaire, pour constater que la société ne justifiait, en l'état de ses perspectives de redressement, ni de la réalité d'un préjudice, ni d'un lien de causalité avec la faute de la CAFSA ;

Attendu qu'aujourd'hui devant la Cour, la société PEYROT PSM se présente par le biais de la SELARL MAYON, ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 2 février 2005 ;

Qu'elle produit en outre, en date du 30 novembre 2004 un rapport d'évaluation de son préjudice rédigé par Bernard B..., expert comptable ;

Attendu que ce document vient spécialement répondre au grief des premiers juges relativement à l'absence de justificatifs ;

Qu'il convient de le prendre, comme tel, à simple titre de renseignement ;

Sur les pertes d'exercice 2000 / 2001 et 2001 / 2002

Attendu que la Cour ne peut suivre l'analyse comptable selon laquelle la société dotée d'une capacité globale mensuelle d'abattage de 11 200 stères et de débardage de 13 500 stères, a facturé des volumes à l'origine directe d'un manque de production, alors que le contrat visait un volume garanti de 45 000 stères par an et que le gros matériel acquis auprès de CATERPILLAR n'avait permis qu'une augmentation mensuelle de la capacité d'abattage de 4 500 stères et de celle de débardage de 6 000 stères ;

Attendu en effet que s'il est acquis que la société n'a pas intégralement couvert sa capacité globale de production, générant des manques à gagner de 159 360 € et de 131 512 € pour chaque exercice, elle ne peut démontrer un lien de causalité direct avec la faute contractuelle de la CAFSA ;

Attendu en revanche que le chiffre de 70 000 € retenue par les premiers juges correspond bien, à raison d'un prix moyen de 3 € environ la stère (21 francs en abattage et 18 francs en débardage) à la perte financière directement liée à l'absence de mise en production de la capacité supplémentaire acquise (24 700 stères annuelles) ;

Qu'il s'en déduit une perte de chance de 58 000 € sur premier exercice (en tenant compte de la suspension due aux intempéries non remise en cause par les parties) et de 70 000 € sur le second exercice ;

Sur les pertes postérieures, de 2002 à 2005, date de la liquidation ;

Attendu que si la société PEYROT PSM a subi la perte d'un contrat durable (5 ans), elle a également en 2002 retrouvé une totale liberté de contracter avec de nouveaux donneurs d'ordre ;

Attendu toutefois que son placement en redressement judiciaire ne lui a pas permis de retrouver une situation in bonis, puisqu'elle a été placée en 2005 en liquidation ;

Attendu que la Cour admettra un lien de causalité direct entre la rupture fautive du contrat et la déconfiture commerciale dans la mesure où aucune des parties ne vient contredire qu'avant 2000, la société était en bonne santé et qu'elle s'est endettée pour répondre aux impératifs du contrat passé avec la CAFSA ;

Que sur ce constat, la Cour appréciera le préjudice à 140 000 € (soit 70 000 x 2).

Sur les pertes financières et les contrats de leasing

Attendu qu'il est démontré que la garantie financière de la CAFSA a été mise en mouvement, par assignation de celle- ci en sa qualité de caution ;

Qu'il s'en suit qu'en l'absence du résultat de ce contentieux la société PEYROT PSM, ne démontre pas le préjudice qu'elle allègue, à propos du financement de son matériel ;

Attendu que si la réalité d'une facture restée impayée n'est pas discutée, il n'en demeure pas moins que le donneur d'ordre n'est pas responsable d'une créance douteuse, pour laquelle, au surplus, les organes de la procédure ne démontrent pas qu'elles ont agi vainement en recouvrement ;

Qu'il s'en suit que la société ne peut qu'être déboutée sur ce chef de demande ;

Sur le surplus

Attendu qu'il convient d'accorder à l'appelante une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Que succombant à nouveau, la CAFSA supportera intégralement les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Constate l'intervention de la SELARL MAYON, mandataire liquidateur de la société PEYROT PSM ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions mais l'émende sur le quantum des dommages intérêts alloués ;

Condamne en conséquence la CAFSA à payer à la société PEYROT PSM, entre les mains de son liquidateur, la somme de 268 000 €, avec intérêts de droit à compter du 20 septembre 2002, contre une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Rejette pour le surplus.

Condamne la CAFSA aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur Louis- Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 02/09359
Date de la décision : 13/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-13;02.09359 ?
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