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15/04/2008 | FRANCE | N°01/01880

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 15 avril 2008, 01/01880


COUR D'APPEL DE BORDEAUX


PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A


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FR




ARRÊT DU : 15 AVRIL 2008


(Rédacteur : Marie- Paule LAFON, Président)


No de rôle : 06 / 06315








Thierry X...





c /


Anne Y... épouse X...





















Nature de la décision : AU FOND






SUR RENVOI DE CASSATION













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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 janvier 2004 (RG 01 / 01880) par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, suivant déclaration de saisine en date du 14 décembre 2006, suite à un arrêt de la Première Cham...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------
FR

ARRÊT DU : 15 AVRIL 2008

(Rédacteur : Marie- Paule LAFON, Président)

No de rôle : 06 / 06315

Thierry X...

c /

Anne Y... épouse X...

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 janvier 2004 (RG 01 / 01880) par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, suivant déclaration de saisine en date du 14 décembre 2006, suite à un arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation du 20 juin 2006 cassant l'arrêt de la Sixième Chambre de la Cour d'Appel de BORDEAUX du 8 mars 2005 (RG 04 / 01241)

DEMANDEUR :

Thierry X...

né le 22 Mars 1957 à VILLEMONBLE (93250)
de nationalité Française
Profession : Médecin
demeurant ...

représenté par la SCP GAUTIER & FONROUGE, avoués à la Cour
assisté de Maître SIRGUE substituant Maître Scarlett BERREBI, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE :

Anne Y... épouse X...

née le 16 Octobre 1959 à BRIVE (19100)
de nationalité Française
Profession : Infirmière
demeurant ...

représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour
assistée de Maître Joëlle AUBERGER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 mars 2008 en audience publique et solennelle, devant la Cour composée de :

Bertrand LOUVEL, Premier Président,
Catherine MASSIEU, Président,
Marie- Paule LAFON, Président,
Jean- Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCEDURE :

Les époux Thierry X... et Anne Y... se sont mariés le 12 juillet 1986 à SALLES (47) après signature d'un contrat reçu le 11 juillet 1986.

Quatre enfants sont issus de cette union :

- Anne- Laure née le 19 août 1987
- Alison née le 6 septembre 1990
- David né le 3 juillet 1992
- Agathe née le 6 mai 1994.

Après une ordonnance de non- conciliation en date du 19 juin 2001, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a notamment par jugement en date du 5 janvier 2004 :

- prononcé le divorce entre les époux en application de l'article 233 du Code Civil

- reconduit à titre de mesures accessoires les mesures provisoires relatives aux enfants

- fixé à la charge du mari une prestation compensatoire au profit de l'épouse sous la forme d'un capital de 150 000 €.

Monsieur Thierry X... a régulièrement relevé appel de ce jugement, limité à la prestation compensatoire.

Par arrêt en date du 20 juin 2006 la Cour d'Appel de BORDEAUX a :

- réformé le jugement frappé d'appel

- dit que Monsieur Thierry X... serait tenu de verser à Madame Anne Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 35 000 €.

Sur le pourvoi formé par Madame Anne Y..., la Cour de Cassation par arrêt en date du 20 juin 2006 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX, en constatant que la Cour pour réduire de 150 000 € à 35 000 € la prestation compensatoire due par Monsieur X... à son épouse Madame Y... avait retenu, s'agissant de patrimoine immobilier du mari qu'il ne restait qu'un immeuble valant environ 75 000 € à vendre par le mari, sans prendre en compte comme cela lui était demandé, l'existence d'un immeuble situé à CHAMALIERES et la plus value dont bénéficiait l'immeuble situé à SAINT ETIENNE du fait d'importants travaux d'aménagements et qu'en se déterminant ainsi elle avait violé l'article 272 du Code Civil.

La Cour d'Appel de BORDEAU autrement composée désignée comme Cour de renvoi a été saisie par déclaration en date du 14 décembre 2006.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Dans le dernier état de ses écritures Monsieur X... soutient que :

- il n'a pas pu faire assurer sa défense devant la Cour de Cassation

- la Cour d'Appel de BORDEAUX n'a pu ignorer l'existence de l'immeuble de CHAMALIERES acquis par ses soins le 26 septembre 2002 au moyen d'un prêt relais en attendant la vente de l'immeuble de SAINT ETIENNE dès lors qu'il en faisait mention dans ses conclusions signifiées le 27 décembre 2004 puis le 14 janvier 2005

- il n'y a pas lieu de considérer qu'il possédait à l'époque du divorce deux immeubles puisque la vente de l'immeuble de SAINT ETIENNE devait financer celle de l'immeuble de CHAMALIERES

- c'est à bon droit que la Cour a retenu la valeur d'acquisition de l'immeuble de SAINT ETIENNE et non celle de sa cession intervenue le 24 juin 2004 postérieurement au prononcé du divorce après des aménagements modestes réalisés par lui- même ou des amis

- nommé praticien hospitalo- universitaire à temps plein à compter de l'année 2003, son revenu s'élevait à 63 305 € en 2004 en sa qualité de chef de service de médecine légale et ne connaîtra plus de progression à partir de 2007 (5 000 € par mois) dès lors qu'il ne peut envisager une activité privée

- la vente de ses biens propres réalisée antérieurement au divorce lors du départ du couple de NOUMEA lui a alors permis de bénéficier de sommes importantes au titre de la vente de ses biens (cabinet médical = 219 234, 80 €, villa = 417 955 €, voilier
76 245, 51 €, Porsche 200 000 x P F) mais ces dernières ont servi à solder un découvert bancaire, le solde de prêt d'acquisition de l'immeuble, l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 1999, un véhicule automobile pour son épouse, des frais de réinstallation pour toute la famille en métropole

- ses comptes bancaires détenus en France son régulièrement débiteurs depuis son retour, entraînant de multiples saisies et une interdiction bancaire et il a soldé son compte bancaire à MONACO en 2001

- il a été contraint de mettre en vente son immeuble de CHAMALIERES ne pouvant plus régler le prêt pour le prix de 318 000 € et a acheté une maison à GOUTTIERES qu'il a dû revendre en urgence pour régler la prestation compensatoire, opération qui a laissé subsister un reliquat limité à 21 000 €

- il connaît de graves ennuis de santé

- son ex- épouse infirmière bénéficiait au moment du divorce d'un salaire de
1 939 € par mois mais également d'une pension alimentaire de 1 600 € par mois pour les enfants, des allocations familiales de 538, 94 € et un supplément familial de 387, 71 €

- elle a cessé de travailler volontairement à NOUMEA et ne donne aucune information sur son patrimoine actuel.

Il sollicite donc :

- l'infirmation du jugement entrepris

- la fixation au profit de son épouse d'une prestation compensatoire de 35 000 €
déjà réglée par ses soins

- l'allocation d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame Anne Y... réplique que :

- de 1994 à 1999 alors qu'elle avait toujours exercé une activité rémunérée en qualité d'infirmière, elle a travaillé comme secrétaire médicale et infirmière au sein de la clinique dirigée par son mari mais n'a perçu aucun salaire

- de retour en France, elle a travaillé à nouveau en 2001 mais a perdu sept années de cotisations pour sa retraite

- son ex- mari après avoir exercé la profession de chirurgien orthopédiste et traumatologue à NOUMEA s'est installé à CLERMONT FERRAND où devenu professeur agrégé, il a été nommé directeur de l'Institut Régional de Médecine Légale du CHU de CLERMONT FERRAND et inscrit en qualité d'expert judiciaire

- les revenus de ce dernier se sont élevés à 63 305 en 2004

- il a acquis divers biens mobiliers et immobiliers durant la vie du couple à NOUMEA (voilier- véhicule Porsche- maison d'habitation- cabinet médical qu'il a revendus et dont le prix de vente excède les dettes invoquées notamment au titre des emprunts

- il dispose d'avoirs bancaires à MONACO

- il a acquis depuis son retour en métropole trois immeubles à SAINT ETIENNE, CHAMALIERES et GOUTTIERES qui ont été revendus avec plus value et sans justifier d'emprunts pour les acquisitions

- elle- même ne dispose d'aucun patrimoine personnel et ses droits à héritage potentiels sont réduits

- Monsieur X... qui n'a jamais cessé de travailler disposera d'une retraite conséquente alors que la sienne sera beaucoup moins conséquente.

Elle sollicite donc :

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué une prestation compensatoire de 150 000 €

- l'allocation d'une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS :

Le Juge pour apprécier la nécessité d'allouer une prestation compensatoire doit rechercher si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des parties.

Cette prestation a pour but de compenser, autant que possible, cette disparité en fonction des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce (soit au 5 janvier 2004) et de leur évolution prévisible.

Pour la détermination des besoins et ressources de chacune des parties il convient de relever les éléments suivants au regard des dispositions de l'article 271 du Code Civil en se plaçant à la date du divorce :

- le mari est né le 22 mars 1957, l'épouse le 16 octobre 1959

- le mariage a été célébré le 12 juillet 1986, la résidence séparée a été constatée par l'ordonnance de non conciliation du 19 juin 2001, soit une vie conjugale de dix- sept ans avec vie commune de quatorze ans

- ils ont eu quatre enfants.

Actuellement, Monsieur X... se prévaut certes d'ennuis de santé résultant d'une affection cardiaque ayant entraîné son hospitalisation en mars 2007. Néanmoins, il y a lieu de constater que fort heureusement il est en mesure de poursuivre son activité professionnelle.

Monsieur X... agrégé de médecine sera nommé à un poste de chef de service du CHU de CLERMONT FERRAND en septembre 2004, certes postérieurement au prononcé du divorce, mais après avoir été nommé praticien hospitalo- universitaire en 2002 dans ce même établissement et poursuivi des études contemporaines.

Il a déclaré en 2003 un revenu annuel imposable de 63 253 € équivalent à celui de 2004. En dépit de ses allégations, il n'établit pas que les revenus qu'il tire des expertises judiciaires soient reversés à l'Institut Médico Légal de CLERMONT FERRAND étant précisé que le justificatif unique qu'il produit aux débats ne concerne qu'une redevance annuelle qu'il verse à cette structure et qu'il se garde bien de produire la convention le liant à cette dernière.

Il est au surplus évident que l'obtention de l'agrégation à une époque contemporaine du divorce, lui ouvrira des perspectives de carrière plus attrayantes même s'il persiste dans son choix d'exercer dans le secteur public, ce dont il ne peut être blâmé.

Par ailleurs même s'il n'apparaît pas toujours facile à cerner en raison de ses caractéristiques particulièrement évolutives, il est établi qu'à l'époque du divorce Monsieur X... disposait d'un patrimoine immobilier constitué par un appartement situé à SAINT ETIENNE acheté en 2000 pour le prix de 79 273, 49 € et un immeuble à CHAMALIERES acquis le 26 septembre 2002 pour le prix de 240 412, 10 €. En dépit des allégations de Monsieur X..., il apparaît de la lecture des actes d'acquisition que ces biens immobiliers ont été achetés moyennant un prix payé comptant sans référence à un quelconque prêt. Leurs dates respectives de revente démontrent également que le prix de l'appartement de SAINT ETIENNE n'a pu servir à l'achat de l'immeuble de CHAMALIERES (revente le 24 juin 2004 et achat le 26 septembre 2002). Le seul prêt relais dont il est justifié n'a pu concerner que l'acquisition de l'immeuble de GOUTTIERES en 2004 postérieurement au divorce. Par ailleurs, il apparaît que ces immeubles ont été revendus avec des plus values importantes dont il y a lieu de tenir compte pour l'appartement de SAINT ETIENNE dont la cession à hauteur de 153 000 € est intervenue six mois après le prononcé du divorce à une époque qui doit être considérée comme contemporaine de ce dernier au regard du marché immobilier, soit pratiquement le double de son prix d'acquisition en 2000.

En revanche plus difficilement cernables apparaissent les avoirs mobiliers de Monsieur X... qui manifestement ont encore davantage fluctué à la suite de son départ de NOUMEA du fait notamment de la vente de son cabinet médical, de sa maison d'habitation, de son voilier, de son véhicule Porsche. Il n'en demeure pas moins qu'il a bénéficié d'une rentrée de fonds très importante supérieure à 950 000 € et dont il n'établit pas qu'elle ait été entièrement absorbée par le règlement de ses dettes de remboursement d'emprunts ou d'impôts. Par ailleurs, s'il justifie de la clôture d'un compte bancaire à MONACO, il se garde bien d'établir le sort qu'ont connu les actifs qui étaient nécessairement déposés sur ce dernier et leur montant.

En ce qui la concerne, Madame Y... démontre que ses revenus sont constitués par son salaire d'infirmière qui s'élevait à l'époque du divorce à 2 039 € par mois. Elle bénéficie certes en sus de ce salaire, du supplément familial, des allocations familiales et de la pension alimentaire versée par Monsieur X..., mais ces éléments de revenus étant destinés à l'entretien et l'éducation de ses enfants ne peuvent être comptabilisés dans ses ressources propres pour l'appréciation de sa situation.

Au titre de la déclaration sur l'honneur établie en application de l'article 272 du Code Civil elle ne justifie d'aucun patrimoine personnel à l'exception de sa voiture. Ses espérances successorales en l'état apparaissent potentielles et en tout état de cause réduites dès lors qu'elle est issue d'une fratrie de quatre enfants ; Elles ne sauraient être prises en compte.

Si chacun des époux percevra une retraite, il n'en demeure pas moins que celle du mari sera beaucoup plus conséquente compte tenu du montant de ses revenus professionnels et de la durée de cotisations, étant souligné que Madame Y... a interrompu son activité professionnelle pendant la période de 1994 à 2001 pour seconder son mari dans la clinique Magnin dont il avait pris la direction à NOUMEA puis pour l'attendre en France lors de son retour en métropole qui s'est soldé par leur rupture.

Enfin si Monsieur X... invoque ses charges actuelles d'entretien de sa nouvelle épouse il ne peut se prévaloir de celles de l'entretien de la fille de cette dernière. Celle de ses enfants nés de son union avec Madame Y... doit en revanche être prise en considération.

Ces éléments, dès lors au surplus que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, mettent en évidence une disparité dans les conditions de vie des époux résultant de la différence de leurs revenus, de leurs patrimoines et de leurs droits prévisibles à retraite, au détriment de Madame Y... et justifient donc l'allocation à son profit d'une prestation compensatoire qui prendra la forme d'un capital de 120 000 €.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur les bases précitées.

Par ailleurs l'équité commande d'allouer à Madame Y... la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur X... qui succombe sera tenu aux dépens d'appel.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris au titre des dispositions relatives à la prestation compensatoire.

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 120 000 €,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... une somme de
3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel et en accorde distraction à la SCP FOURNIER, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Bertrand LOUVEL, Premier Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 01/01880
Date de la décision : 15/04/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-15;01.01880 ?
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