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01/04/2008 | FRANCE | N°06/02318

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0552, 01 avril 2008, 06/02318


COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 1er AVRIL 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 02318

S. A. SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE

c /

SCI LE CUQUET
Jean dit Sylvaire X...
Franck Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mars 2006 (R. G. 05 / 01650) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d' a

ppel du 02 mai 2006

APPELANTE :

S. A. SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE, représentée par son Président Directeur Général domicilié en cette q...

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 1er AVRIL 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 02318

S. A. SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE

c /

SCI LE CUQUET
Jean dit Sylvaire X...
Franck Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mars 2006 (R. G. 05 / 01650) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d' appel du 02 mai 2006

APPELANTE :

S. A. SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE, représentée par son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis 18 Avenue Sallenave- BP 605- 64006 PAU CEDEX

représentée par la SCP LABORY- MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Thierry MIRIEU DE LABARRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

SCI LE CUQUET, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Le Cuquet- 33340 ST GERMAIN D' ESTEUIL

Franck Y..., pris en sa qualité de gérant ou de représentant de la SCI LE CUQUET
né le 09 Juin 1969 à SAINTE COLOMBE (69)
de nationalité Française
profession : gérant de société
demeurant...- 33340 ST GERMAIN D' ESTEUIL

représentés par la SCP CASTEJA- CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour, et assistés de Maître Patrick DUPERIE, avocat au barreau de BORDEAUX

Jean dit Sylvaire X...
né le 28 Juin 1937
retraité
demeurant...- 33340 ST GERMAIN D' ESTEUIL

non représenté, assigné à personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L' affaire a été débattue le 19 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean- Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire à l' égard de Franck Y... et de la SCI LE CUQUET

- réputé contradictoire à l' égard de Jean dit Sylvaire X...

- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par un acte sous seing privé du 19 août 2003 la SCI LE CUQUET, dont le gérant est Franck Y..., a vendu à Jean dit Sylvaire X... un ensemble de parcelles cadastrées :

Section E no388Le Cuquet96a 58ca
no389 " 16a 70ca
no390 " 19a 12ca
no391 " 64a 07ca
no398 " 34a 10ca
no399 " 45a 72ca
no400 " 17a 27ca
no401 " 75a 05ca
no403 " 63a 89ca
no404 " 20a 09ca
no560Lagune Sud21a 37ca
no733Le Cuquet Est30a 39ca
no738 " 31a 55ca
no742 " 31a 31ca
no756 " 31a 34ca
no760 " 15a 47ca
no761 " 9a 90ca
no1456Au Hugas40a 80ca
no1000Les Artigues69a 16ca

pour une contenance totale de 07 ha 33a 88ca
sur la commune de Saint Germain d' Esteuil pour le prix de 4. 753 euros.

Par un protocole séparé en date du 15 décembre 2003, le vendeur et l' acquéreur s' accordaient pour exclure de la vente la parcelle section E no999 pour 69a et 16ca " Les Artigues " (référencée no1000 dans l' acte de vente) le prix initial de 4. 573 euros restant inchangé.

Maître Philippe Z... notifiait l' offre de vente à la SAFER le 24 octobre 2005 en sa qualité de notaire chargé d' instrumenter.

Par courrier du 3 décembre 2003 et du 16 décembre 2003 le Commissaire Adjoint du Gouvernement auprès de la SAFER et la Direction des Affaires Foncières et Domaniales émettaient un avis favorable à l' exercice par la SAFER de son droit de préemption.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 décembre 2003, la SAFER notifiait à Maître Martine Z...- A... sa décision d' exercer son droit de préemption sur les parcelles visées dans l' acte de vente outre la parcelle no758 (non visée) et à l' exclusion de la parcelle no999, pour une surface totale de 6ha 86a 70ca à hauteur de 4. 753 euros. Elle motivait sa décision par la vocation d' élevage et de viticulture du secteur concerné, la possibilité d' améliorer les structures des exploitations agricoles et de promouvoir une meilleur répartition des surfaces entre agriculture et sylviculture locales.

Jean dit Sylvaire X..., acquéreur, était informé par lettre du 22 décembre 2003 et la notification de l' exercice du droit de préemption était publiée à la mairie de SAINT GERMAIN D' ESTEUIL le 24 décembre 2003.

Un procès- verbal de difficultés constatant le défaut de la SCI LE CUQUET était dressé le 19 mai 2004 suivant acte de Maître Philippe Z..., notaire à LESPARRE, le 19 mai 2004.

Les 26 et 28 octobre 2004, la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE assignait la SCI LE CUQUET, Franck Y... en sa qualité de gérant de ladite SCI, et Jean dit Sylvaire X... aux fins de voir ordonner la passation de l' acte.

Par jugement réputé contradictoire, Jean X... n' ayant pas comparu, en date du 20 mars 2006, la septième chambre du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX :

- en la forme, vu les dispositions des articles L143- 1, 2, 3 et L412- 8 alinéa 3 et 4, L412- 9 et R143- 6 du Code Rural, a déclaré régulière la décision de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE en date du 26 décembre 2003

- au fond, a débouté la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE de l' intégralité de ses demandes et l' a condamnée au paiement des dépens et d' une indemnité au titre des frais irrépétibles.

La SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE a interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité non contestées.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 juillet 2007, après que l' affaire, fixée à l' audience du 28 juin 2007, a fait l' objet d' un renvoi à la demande des parties, la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE demande à la Cour :

- statuant par décision déclarée commune et opposable à Jean X...

- d' ordonner, en application de l' article 138 du Nouveau Code de Procédure Civile à Maître Z..., notaire, de communiquer l' échange de courriers qu' il a eu avec la SCI LE CUQUET et, en particulier, la lettre de ladite SCI en date du 24 octobre 2003

- de déclarer Franck Y... et la SCI LE CUQUET irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions

- de condamner la SCI LE CUQUET à passer acte public de la propriété litigieuse, et ce dans le mois de la signification du jugement à intervenir

- de dire et juger que ladite vente portera sur les biens suivants :

Section E no388Le Cuquet96a 58ca
no389 " 16a 70ca
no390 " 19a 12ca
no391 " 64a 07ca
no398 " 34a 10ca
no399 " 45a 72ca
no400 " 17a 27ca
no401 " 75a 05ca
no403 " 63a 89ca
no404 " 20a 09ca
no560Lagune Sud21a 37ca
no733Le Cuquet Est30a 39ca
no738 " 31a 55ca
no742 " 31a 31ca
no756 " 31a 34ca
no758 " 21a 98ca
no760 " 15a 47ca
no761 " 9a 90ca
no1456Au Hugas40a 80ca

Contenance totale 6ha 86a 70ca

Prix : 4. 573 euros

- de dire et juger que ladite vente portera sur l' ensemble des biens visés ci- dessus

- subsidiairement que seule la parcelle E758 sera exclue de la vente, toutes les autres parcelles étant vendues et les autres conditions de la vente inchangées.

Origine de propriété :

Effet relatif : acquisition de Monsieur et Madame B..., suivant acte reçu par Maître C..., notaire à MONTPON- MENESTEROL (24) le 15 avril 2003, publié à LESPARRE le 20 mai 2003 volume 2003 no1299.

Biens libres de toute occupation.

- de dire et juger que faute par la SCI LE CUQUET d' avoir régularisé l' acte authentique dans le mois de la signification de l' arrêt à intervenir, la seule grosse dudit arrêt et sa publication vaudront acte authentique

- de condamner la SCI LE CUQUET au paiement à titre de dommages et intérêts de 5. 000 euros pour résistance abusive et injustifiée et de 1. 500 euros sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

- en cas de demande renconventionnelle quelconque de Jean dit Sylvaire X..., de dire et juger que la SCI LE CUQUET sera condamnée à relever la SAFER indemne de toute condamnation susceptible d' intervenir à son encontre en principal, intérêts, frais ou dépens

- de condamner la SCI LE CUQUET aux dépens de la mise en cause de Jean dit Sylvaire X...

- de dire et juger qu' il appartiendra, le cas échéant, à la SCI LE CUQUET d' exercer un recours indemnitaire contre son notaire

- subsidiairement et dans l' hypothèse où la Cour n' ordonnerait pas la passation d' acte public en raison de la discordance relative à la parcelle E758 (ou ne l' ordonnerait que partiellement), de donner acte à la SAFER de qu' elle se réserve d' exercer tel recours indemnitaire que de droit à l' encontre dutit notaire

- de condamner la SCI LE CUQUET aux entiers dépens.

Elle rappelle qu' aux termes des dispositions applicables du Code Rural, le droit de préemption de la SAFER s' exerce dans les mêmes conditions que celles prévues pour le preneur, qu' en application de ces dispositions, le notaire chargé d' instrumenter doit notifier le projet de vente à la SAFER pour permettre à cette dernière l' exercice éventuel de son droit de préemption, et que cette notification vaut offre de vente aux conditions qu' elle comporte, l' acceptation de l' offre ainsi faite par le notaire ayant pour effet de rendre la vente parfaite entre les parties, de sorte qu' en l' espèce, la vente a été rendue parfaite par la notification effectuée par la SAFER le 22 décembre 2003 de l' exercice de son droit de préemption, sans que la renonciation ultérieure du cédant, apparemment pour des raisons de convenance personnelle, soit susceptible de remettre en cause la dite vente.

En réponse aux arguments de la SCI LE CUQUET et de Franck Y..., elle fait valoir :

1. que son action est recevable dès lors que l' assignation a bien été publiée et enregistrée à la conservation des hypothèques de LESPARRE MEDOC

2. que la circonstance que Franck Y..., gérant de la SCI LE CUQUET, se soit trouvé en détention provisoire à compter du 8 novembre 2003, ne rend pas inopérantes les notifications adressées par la SAFER, qui l' ont été non à la maison d' arrêt, mais au domicile élu du notaire, dans la mesure où la SAFER ignorait cette incarcération, de même que le notaire, que le vendeur n' était pas Franck Y... à titre personnel mais la SCI LE CUQUET, dont il n' était que le gérant, qui n' était pas incarcérée et n' avait pas changé d' adresse ni de siège social

3. que le retrait éventuel de l' offre n' a pas été fait conformément aux exigences du Code Rural (article L412- 9), que le retrait de l' offre est intervenu postérieurement à la notification par la SAFER de l' exercice de son droit de préemption, de sorte que la vente était parfaite et irrévocable

4. que l' exercice du droit de préemption n' avait pas à être notifié à Franck Y... à la maison d' arrêt dès lors que cette notification n' a pas à être faite au vendeur mais simplement à son notaire, formalité exercée en l' espèce, que le notaire est considéré comme le mandataire à tout le moins apparent du vendeur, que le notaire instrumentaire était en l' espèce l' étude de Maître Z... et Maître Z...- A..., en l' étude desquels la SCI élisait domicile, que la circonstance que Maître C..., notaire, ait rédigé les statuts de la SCI n' en faisait pas le notaire de Franck Y... pour la vente litigieuse et qu' il appartient le cas échéant à Franck Y... d' engager tout recours contre Maître Z...

5. que le délai de deux mois ouvert à la SAFER pour exercer son droit de préemption n' a pas couru dès lors que le vendeur n' a pas mis en demeure la SAFER de passer acte public et que la SAFER n' avait à notifier l' exercice de son droit de préemption qu' au seul acquéreur évincé, Jean X..., ce qui a été fait par LRAR du 22 décembre 2003, que les indications soutenues dans l' acte sous seing privé passé entre la SCI LE CUQUET et Jean X... ne sont pas opposables à la SAFER dès lors que seuls lui sont opposables les éléments notifiés par le notaire le 24 octobre 2003

6. que le juge judiciaire n' est pas compétent pour juger de la régularité des avis des commissaires du gouvernement auprès de la SAFER, seule la juridiction administrative pouvant procéder à cet examen, et qu' en tout état de cause, les commissaires du gouvernement ont été régulièrement désignés

7. que le président de la SAFER était habilité à prendre la décision de préemption

8. que la notification de la vente ne comporte pas d' erreur dès lors que, s' il existe une discordance de superficie, cela correspond au retrait de la vente d' un commun accord de la vente par document daté du 15 décembre 2003 signé de Jean X... et de Franck Y... de retirer la parcelle E699 pour 69a 16ca, le prix global restant inchangé, et que ce document, étant antérieur à l' exercice du droit de préemption, explique la différence de superficie, la SAFER n' ayant préempté que sur la seule surface réellement vendue à l' exception de la parcelle E999, de sorte que l' accord sur la chose et sur le prix est parfait, que la SAFER s' est prononcée dans les deux mois de la notification qui lui a été faite, de sorte qu' il importe peu que cette notification ait été faite tardivement par rapport à la date initialement prévue de régularisation de l' acte authentique, et que les clauses du sous seing privé en ce qu' elles prévoyaient une élection de domicile des parties à leur demeure respective est inopposable à la SAFER dès lors que la notification prévoit une élection de domicile en l' étude du notaire Maître Z...

9. qu' il appartenait à la SCI de régulariser elle même en interne les actes nécessaires au respect de la promesse de vente si une assemblée générale était nécessaire pour autoriser la vente, ce qui au demeurant n' est pas mentionné en qualité de condition suspensive à l' acte sous seing privé

10. que Franck Y... est mal fondé à contester la motivation de l' exercice du droit de préemption, sa contestation étant irrecevable pour être intentée hors du délai de six mois prévu par l' article R143- 13 du Code Rural, sans qu' il y ait lieu à la mise en oeuvre de l' exception prévue par l' article L143- 13 du même code, relatif au non respect des objectifs définis à l' article L143- 2 et par ailleurs mal fondé dès lors que la décision est motivée de façon particulière et spécifique au regard de la préemption envisagée, que cette décision donne des éléments objectifs et concrets sur le projet sans commentaire sur l' acquéreur évincé

11. que la circonstance qu' il existe sur l' immeuble des inscriptions d' hypothèque ne rend pas la cession impossible dès lors qu' il y aurait lieu le cas échéant à application de la procédure de purge des hypothèques, qu' en l' espèce la preuve de l' inscription hypothécaire de la BPSO n' est pas rapportée, et que l' inscription de l' Administration des Douanes à la suite de la condamnation de Franck Y... pour trafic de stupéfiants ne pourrait viser que les parts de Franck Y... dans la SCI et non la SCI elle même qui n' a pas été pénalement condamnée

12. que la SAFER était parfaitement habilitée au cas d' espèce à exercer son droit de préemption au regard des seuils d' intervention applicables dans la zone concernée s' agissant d' une propriété de plus sept hectares dépassant donc le seuil de 25a.

Sur le problème particulier de la parcelle E758, qui n' était pas visée dans l' acte sous seing privé, mais était visée dans la notification faite par le notaire à la SAFER, la discordance entre l' acte sous seing privé et la notification étant à l' origine du rejet par le premier juge de la demande de la SAFER, celle- ci fait observer :

- en premier lieu, qu' à supposer que cette parcelle ait été à exclure de l' acquisition demandée par la SAFER, rien n' empêchait le tribunal d' ordonner la passation d' acte public pour l' ensemble des autres parcelles

- en deuxième lieu, que le tribunal semble avoir statué ultra petita en évoquant le sort de cette parcelle, alors que la SCI LE CUQUET n' en faisait pas expressément état dans ses conclusions, mentionnant cette discordance de manière générale sans en tirer de conclusions

- en troisième lieu, que l' existence d' une discordance entre le sous seing privé, excluant la parcelle E758, et la notification faite par le notaire à la SAFER, incluant la dite parcelle E758, est insusceptible de priver la SAFER du droit d' obtenir la passation d' acte public forcé dès lors qu' il s' agirait tout au plus d' un simple dépassement de son mandat commis par le notaire, que la SAFER est de bonne foi car se fondant sur l' apparence du mandat du dit notaire, que la SAFER ne connaissait pas le contenu de l' acte sous seing privé passé entre la SCI LE CUQUET et Jean X...

- qu' en tout état de cause, la SAFER rapporte la preuve du mensonge de Franck Y..., dès lors qu' il résulte de la lettre que le notaire instrumentaire a adressée à l' appelante le 19 juin 2006, soit postérieurement au jugement, que la parcelle E758 faisait bien partie de la vente, Franck Y... ès- qualité de gérant de la SCI LE CUQUET ayant fait part de son accord exprès pour cette vente

- qu' il demeure possible, si la Cour l' estimait nécessaire, d' ordonner la communication par le notaire, qui en fait la proposition dans la correspondance précitée du 19 juin 2006, de l' échange de lettres relaté par ce courrier.

La SAFER demande enfin que la décision à intervenir soit opposable à Jean X..., acquéreur évincé, à l' encontre duquel n' est formulée aucune demande directe.

Par leurs dernières conclusions en date du 11 mai 2007, la SCI LE CUQUET et Franck Y..., en sa qualité de gérant de ladite société, demandent à la Cour :

- à titre principal, de dire et juger irrecevable l' action introduite par la SAFER devant le Tribunal de Grande Instance pour défaut de publicité de l' assignation en violation des dispositions du décret du 4 janvier 1955 et de l' article R143- 18 du Code Rural

- à titre subsidiaire, de dire et juger mal fondée la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE en son appel du jugement du 20 mars 2006

- de confirmer la décision déférée en ce qu' elle a débouté la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE de l' intégralité de ses demandes au motif qu' elle n' est pas fondée à solliciter la passation forcée d' un acte public pour une propriété non visée dans l' acte de vente initial

- à titre infiniment subsidiaire, et faisant droit à leur appel incident

- de réformer la décision entreprise en ce qu' elle a déclaré régulière sur le fond la décision de préemption du 26 décembre 2003

- de prononcer la nullité de la décision de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE du 22 décembre 2003 sur le fondement de l' article 1134 du Code Civil et des articles L141- 9, L143- 1, L143- 3, L143- 3, L412- 8 alinéas 3 et 4, L412- 9 et R143- 4 et R143- 6 du Code Rural

- de s' entendre condamner la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE au paiement d' une somme de 3. 500 euros à chacun sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens.

Ils font notamment valoir :

1. à titre principal que l' assignation n' a pas été publiée en violation des exigences des articles 28, 30 et 34 du décret du 4 janvier 1955 et de l' article R143- 18 du Code Rural

2. à titre subsidiaire, que, dans le cadre du droit de préemption, la SAFER se trouve substituée à Jean X... et ne peut en conséquence détenir plus de droits que ce dernier n' en détenait au regard du contenu du compromis de vente du 19 août 2003, lequel n' englobait pas la parcelle cadastrée section E no758 pour une contenance de 21a 98ca, de sorte que c' est à tort que celle- ci a été englobée dans la notification du projet de vente faite le 24 octobre 2003 par le notaire, et que la différence de superficie entre l' acte sous seing privé et la notification du 24 octobre 2003 correspond très exactement à la superficie de la parcelle E758 et que cette argumentation était soulevée devant le tribunal qui n' a pas statué ultra petita

3. à titre infiniment subsidiaire, que la décision de préemption de la SAFER est irrégulière en ce que :

* Franck Y... a été incarcéré du 8 novembre 2003 au 1er octobre 2004 dans le cadre d' une mise en examen pour trafic de stupéfiants, à l' issue de laquelle il a été condamné à quatre ans d' emprisonnement par jugement du 20 avril 2005, et que durant toute cette période, la SAFER a adressé toute correspondance à l' adresse postale de la SCI LE CUQUET, alors que la SAFER avait été téléphoniquement informée de la situation carcérale de Franck Y..., de même que Maître Z... A...

* Franck Y... a renoncé à la vente par courrier du 8 juin 2004, souhaitant fixer la valeur des terrains à un prix supérieur, ayant été mal renseigné sur leur valeur réelle dès l' origine, et que l' article L412- 9 du Code Rural lui offre la possibilité de retirer son offre

* qu' en tout état de cause, l' acceptation de l' offre par la SAFER est affectée de plusieurs vices qui la rendent de facto nulle, tout comme la notification faite par le notaire à la SAFER

* que la SCP notariale Z...- Z...- A... n' est pas le notaire de Franck Y... ni de la SCI LE CUQUET, qui ont pour notaire Maître Marie Claude C..., notaire associé à MONTPON- MENESTEROL (Dordogne), qui a établi les statuts de la SCI et que le mandat donné dans l' acte sous seing privé du 19 août 2003 au notaire du vendeur l' était à Maître C... et non à la SCP Z...- Z...- A... qui était le notaire de l' acquéreur et non celui du vendeur, de sorte que la SAFER ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent

* que le compromis de vente du 19 août 2003 prévoyait que les parties faisaient élection de domicile en leur demeure respective sus- indiquée, et non en l' étude du notaire

* que la notification par le notaire n' est pas signée par le vendeur

4. que la SAFER n' avait ni pouvoir ni autorisation pour préempter, dès lors qu' elle n' apporte pas la preuve de la délégation conférée par son conseil d' administration au président de la SAFER et que les commissaires du gouvernement de la SAFER n' avaient pas qualité pour formuler les avis produits

5. que la notification faite à la SAFER le 24 octobre 2003 est entachée de trois vices :

* elle mentionne une superficie cadastrale de 7ha 55a 86ca au lieu de 7ha 33a 88ca figurant à l' acte sous seing privé

* l' aliénation envisagée n' a été notifiée que le 24 octobre 2003 alors que le compromis de vente est du 19 août 2003 et que l' acte authentique devait être réalisé le 31 octobre 2003 au plus tard, de sorte que le délai de deux mois prévu par l' article R143- 4 du Code Rural n' a pas été respecté

* que les parties n' ont pas fait élection de domicile chez le notaire mais à leur demeure respective dans l' acte du 19 août 2003

alors que l' acte sous seing privé du 19 août 2003 est opposable à la SAFER

6. que les dispositions combinées des articles L412- 8 alinéas 3 et 4 et R143- 6 du Code Rural relatifs au délai de deux mois pour réaliser l' acte de vente dans l' hypothèse d' une préemption n' a pas été respecté dès lors que la SAFER n' a informé le notaire instrumentaire et le preneur évincé que le 22 décembre 2003

7. que l' article L412- 8 alinéa 4 du Code Rural n' a pas été respecté dès lors que l' acte authentique de vente après préemption n' a pas été passé dans le délai de deux mois suivant la décision de préemption, laquelle n' a pas été portée à la connaissance du propriétaire vendeur, et que Franck Y... du fait de son incarcération n' a pu engager l' action en nullité prévue par cet article

8. que la décision de préemption est mal fondée et viole les dispositions des articles L143- 3 et R143- 6 du Code Rural, en ce qu' elle ne fait aucune référence au seuil de préemption et à la surface minimale, en ce que la motivation en l' espèce est vague et générale et dépourvue de données concrètes

9. que la SAFER a méconnu les dispositions des articles L143- 1 et L143- 2 du Code Rural dans la mesure où il résulte de la motivation de la SAFER qu' elle a exercé ses prérogatives dans l' intérêt particulier d' un agriculteur déterminé à l' avance et non dans l' intérêt général

10. à titre surabondant que différentes hypothèques ont été prises sur les parcelles appartenant à la SCI LE CUQUET, celles de la BPSO, au titre du privilège de prêteur de deniers, dans le cadre du financement consenti à la SCI le 7 février 2003 pour garantie à hauteur de 252. 200 euros d' une part et celles de la direction générale des douanes et des droits indirects à la suite de la condamnation pénale prononcée à l' encontre de Franck Y... pour garantie à hauteur de 346. 800 euros de pénalités douanières, de sorte que, du fait de l' existence de ces sûretés, il est peu probable que les droits de la SAFER à l' encontre de Franck Y... et de la SCI LE CUQUET soient sauvegardés, nonobstant la procédure de purge des hypothèques dont se prévaut l' appelante.

Jean dit Sylvaire X... a été assigné par la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE le 3 août 2006 avec signification de conclusions et n' a pas constitué avoué.

L' ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2008.

MOTIFS :

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire, Jean X..., assigné à l' étude de l' huissier n' ayant pas constitué avoué.

1 / Sur la publication de l' assignation aux hypothèques

Le moyen manque en fait dès lors que la SAFER justifie que son assignation a bien été publiée et enregistrée à la conservation des hypothèques de LESPARRE MEDOC volume 2004 P numéro 2651, conformément aux exigences du décret du 4 janvier 1955 et de l' article R143- 18 du Code Rural.

2 / Sur l' incidence de la détention de Franck Y...

Il convient de rappeler que le vendeur n' était pas Franck Y..., mais la SCI LE CUQUET, dont Franck Y... était le gérant, et que la domiciliation de la SCI à son siège social : Le Cuquet- 33340 SAINT GERMAIN D' ESTEUIL n' a pas été modifiée.

En tout état de cause, Franck Y... ne justifie pas qu' il ait informé ni la SAFER ni le notaire instrumentaire de sa " domiciliation " provisoire en maison d' arrêt de BORDEAUX puis d' ANGOULEME.

3 / Sur le retrait de l' offre de la SCI LE CUQUET

En premier lieu, il convient d' observer que les dispositions prévues par l' article L412- 9 sur le retrait de l' offre n' ont pas été respectées par Franck Y....

En tout état de cause, la SAFER a notifié l' exercice de son droit de préemption par LRAR, ce n' est que très postérieurement, le 8 juin 2004, que Franck Y... a fait connaître qu' il renonçait à la vente, alors même que l' acceptation de l' offre par la SAFER le 22 décembre 2003 avait pour effet de rendre la vente parfaite et l' offre irrévocable.

4 / Sur l' absence de notification de l' exercice du droit de préemption à Franck Y... à la maison d' arrêt
L' article R143- 6 du Code Rural prévoit que la SAFER qui exerce le droit de préemption notifie cet exercice au notaire chargé d' instrumenter par LRAR avec demande d' avis de réception et à l' acquéreur évincé.

Il résulte de ces textes que la notification n' a pas à être adressée au vendeur lui même, mais simplement à son notaire de sorte que ni Franck Y... ni la SCI LE CUQUET ne sont habilités à exiger la notification à eux mêmes.

Par ailleurs, la notification de la vente comporte la mention expresse suivante :

" Election de domicile en l' étude du notaire soussigné : OUI X ".

Il s' en évince que la SCI LE CUQUET a donc elle même élu domicile en l' étude de la SCP Z...- Z...- A... à laquelle toutes les notifications de la SAFER devaient être adressées.

En tout état de cause, le notaire a en l' espèce la qualité de mandataire apparent du vendeur et engage celui- ci par ses actes.

Par ailleurs, l' argument de Franck Y... selon lequel son notaire n' aurait pas été la SCP Z...- Z...- A... mais Maître C..., au motif que celle- ci aurait antérieurement rédigé les statuts de la SCI LE CUQUET est inopérant dès lors que pour la vente litigieuse, il apparaît que seule la SCP Z...- Z...- A... avait la qualité de mandataire du vendeur, lequel n' a jamais adressé quelconque correspondance à Maître C..., laquelle n' a pas davantage pris contact avec son confrère, Franck Y... ayant par ailleurs répondu en sa qualité de gérant de la SCI LE CUQUET à la SCP Z...- Z...- A... lorsque celle- ci l' interrogeait sur la parcelle E758, sans contester si peu que ce soit la qualité de notaire instrumentaire de la SCP Z...- Z...- A....

Il appartient le cas échéant à Franck Y... et à la SCI LE CUQUET d' exercer tout recours contre le notaire s' ils estiment que celui- ci a outrepassé son mandat, sans que, pour autant, il y ait lieu de faire droit à la demande de donner acte formée par la SAFER à cet égard.

Il s' ensuit que :

- Maître Z... était bien le notaire du vendeur, ayant lui même adressé à la SAFER et sous sa responsabilité de notaire l' offre de vente

- Maître Z... s' est présenté comme étant le mandataire sinon réel du moins apparent du cédant

- Maître Z... était le mandataire désigné par les parties elles mêmes pour effectuer les formalités de purge du droit de préemption de la SAFER

- la SCI LE CUQUET avait élu domicile chez le dit notaire

- la SAFER a de son côté légitimement pu croire en conséquence au mandat du notaire.

5 / Sur la réalisation de l' acte authentique dans les deux mois de la date d' exercice du droit de préemption par la SAFER

L' article L412- 8 du Code Rural prévoit qu' en cas de préemption, celui qui l' exerce bénéficie d' un délai de deux mois pour réaliser l' acte de vente, délai qui n' a pas été respecté en l' espèce, de sorte que les intimés en tirent la conséquence que l' exercice du droit de préemption serait nul.

Cependant, il résulte du libellé de l' article L412- 8 du Code Rural que le défaut de réalisation de l' acte authentique dans le délai de deux mois suivant la notification de l' exercice du droit de préemption n' entraîne la nullité de la déclaration de préemption qu' après mise en demeure faite à la SAFER par acte d' huissier de justice et resté sans effet.

Or, en l' espèce, il n' est pas allégué que cette notification ait été faite, Franck Y... ne pouvant en outre se prévaloir de sa propre turpitude dès lors qu' il a refusé de signer l' acte après avoir été mis en demeure par la SAFER de se présenter chez le notaire pour signature.

6 / Sur la régularité des avis des commissaires du gouvernement auprès de la SAFER

Il résulte de la décision du Tribunal des Conflits du 8 décembre 1969 que seule la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la régularité de l' avis des commissaires du gouvernement près la SAFER dans le cadre de l' exercice du droit de préemption, alors que toutes les autres contestations contre les décisions de la SAFER relèvent des seules juridictions de l' ordre judiciaire.

Il s' ensuit que le Tribunal de Grande Instance n' était pas compétent pour statuer sur la régularité de ces avis.

Au demeurant, et surabondamment, la SAFER produit :

- d' une part l' arrêté préfectoral du 18 juin 2003 désignant le directeur des services fiscaux des Pyrénées Atlantiques avec faculté de subdélégation au profit de diverses personnes dont Xavier D..., qui a signé l' avis favorable au titre de la présente préemption

- la décision du ministre de l' agriculture du 3 août 1999 désignant comme commissaire du gouvernement adjoint auprès de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE Pascal E..., signataire de l' avis favorable au titre du commissaire de la république agriculture,

de sorte que le moyen manque en fait.

7 / Sur l' irrégularité de la décision de préemption du président de la SAFER
L' article R143- 6 du Code Rural précise que lorsque la SAFER exerce son droit de préemption, elle doit le notifier par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle doit être " signée par le président de son conseil d' administration, ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet ".

En l' espèce, la lettre d' exercice du droit de préemption est signée par le directeur de la SAFER, Daniel F..., lequel avait reçu une délégation régulière à cette fin par le président de la SAFER ainsi qu' il en est justifié, par délibération du conseil d' administration du 19 juin 2002.

8 / Sur les erreurs de la notification de vente

Il convient à titre liminaire de remarquer que ces erreurs sont imputables au vendeur ou à son mandataire apparent de sorte que le vendeur n' est pas fondé à s' en prévaloir.

Pour autant, ces erreurs n' apparaissent pas réelles ou de nature à avoir une incidence sur la validité de la notification de la vente.

Concernant la superficie, l' acte sous seing privé du 19 août 2003 vise une superficie de 7ha 33a 90ca, alors que la notification à la SAFER du 24 octobre 2003 vise une superficie de 7ha 55a 86ca, soit une différence de 21a 96ca, qui correspond à la superficie de la parcelle E758, qui n' était pas visée par le sous seing privé, mais a été finalement incluse dans la vente, ainsi qu' il résulte des développements ci- dessous relatifs à cette parcelle.

Pour autant, la superficie notifiée par la SAFER correspond à la superficie effectivement vendue et la différence ne résulte pas d' une erreur du notaire qui en tout état de cause serait inopposable à la SAFER et dont le vendeur ne pourrait se prévaloir qu' en recherchant la responsabilité du notaire.

Concernant la date de notification, il est exact que le notaire n' a notifié le projet de vente à la SAFER que le 24 octobre 2003 alors que l' acte sous seing privé prévoyait une passation d' acte authentique au plus tard le 31 octobre 2003, alors même que la SAFER dispose d' un délai de deux mois pour préempter en application de l' article R143- 4 du Code Rural.

Pour autant, s' il appartient au notaire instrumentaire de faire connaître à la SAFER les conditions de la vente projetée deux mois avant la date envisagée pour l' aliénation, le délai de préemption ne court qu' à compter de la notification à la SAFER.

En l' espèce, le retard apporté par le notaire à la notification du projet de vente s' explique par le litige relatif à la parcelle E758, dont la certitude de la mise n' a été acquise que le 24 octobre 2003 ainsi qu' indiqué ci- dessous à propos de cette parcelle.

Le délai de signature de l' acte authentique au 31 octobre 2003 prévu par l' acte sous seing privé du 19 août 2003 ne peut en conséquence être opposé à la SAFER dès lors que son propre délai ne court qu' à compter de la notification qui lui a été faite et qu' il n' est pas contesté qu' elle a exercé son droit de préemption par LRAR du 22 décembre 2003, soit à l' intérieur du délai de deux mois.

Concernant l' élection de domicile, si l' acte sous seing privé du 19 août 2003 mentionnait effectivement que les parties faisaient élection de domicile en leur demeure respective, soit pour la SCI LE CUQUET, son siège social à SAINT GERMAIN D' ESTEUIL, il n' en demeure pas moins que, dans la notification de la vente le 24 octobre 2003, il est expressément mentionné que le vendeur fait élection de domicile en l' étude du notaire, de sorte que les clauses de l' acte sous seing privé sont à cet égard inopposables à la SAFER à laquelle cet acte sous seing privé n' a pas été notifié.

9 / Sur l' absence d' autorisation de la vente par la SCI LE CUQUET

Il est constant que la SCI a, par l' intermédiaire du notaire, notifié une vente qui en tant que telle vaut offre de vente et que c' est à elle qu' il appartenait, si cette formalité était nécessaire, de régulariser le procès verbal de l' assemblée générale permettant de ratifier la dite vente.

Or, ni dans l' acte sous seing privé, ni dans la notification à la SAFER, il n' est fait référence à la nécessité d' une telle délibération comme condition suspensive de la vente et il appartenait à la SCI, à supposer que cette formalité fût nécessaire au regard de ses statuts, d' y procéder en interne, sans pouvoir se prévaloir de sa propre carence à cet égard.

10 / Sur le bien fondé de l' exercice du droit de préemption

La contestation apparaît d' une part irrecevable dès lors que, en application de l' article R143- 13 du Code Rural, les actions en justice concernant les décisions de préemption prises par la SAFER doivent être intentées dans le délai de six mois suivant le jour où ses décisions motivées ont été rendues publiques, et ce, à peine d' irrecevabilité.

Or, en l' espèce, la décision de préemption a été rendue publique par la publication qui en a été faite à la Mairie de SAINT GERMAIN D' ESTEUIL le 24 décembre 2003, ainsi qu' en témoigne le visa du maire de cette commune, de sorte que l' action aurait dû être engagée au plus tard le 24 juin 2004, alors qu' elle ne l' a été que par conclusions du 7 septembre 2005, soit largement après l' expiration du délai.

Cependant, l' article R143- 13 du Code Rural énonce que les actions engagées au- delà du délai de six mois sont irrecevables " à moins que ne soit mis en cause le respect des objectifs définis à la l' article L143- 2. "

Pour autant, cette restriction au principe d' irrecevabilité doit s' entendre non de la motivation de la décision de préemption, mais de l' objectif de celle- ci, or en l' espèce, il n' est pas contesté que la SAFER a préempté dans le cadre d' un des objectifs prévus par la loi, en l' espèce l' agrandissement des exploitations voisines. L' opportunité de la décision fait l' objet d' une contestation distincte examinée ci- après.

La décision de préemption de la SAFER est ainsi motivée :

" Les biens vendus sont situés sur le territoire de la commune de SAINT GERMAIN D' ESTEUIL dans la PRA LANDES MEDOC.

Cet ensemble de parcelles est situé dans un secteur de la commune où l' agriculture à vocation d' élevage et viticole est un facteur économique important, se partageant le territoire avec un secteur forestier gravement endommagé par la tempête de 1999.

L' intervention de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE permettrait d' améliorer les structures des exploitations agricoles et promouvoir une meilleure répartition des surfaces entre agriculture et sylviculture locales.

Il existe en particulier une exploitation du secteur mise en valeur par une EARL familiale composée d' un jeune agriculteur et de ses parents mettant en valeur une exploitation de 50 hectares de terres et prés, et 14 ha de vignes AOC Médoc, représentant une SAUP de 1, 48 UR, susceptible d' être intéressée par cette opération.

Cette situation ne saurait en aucun cas préjuger d' une attribution définitive, d' autres candidatures pouvant se manifester à l' occasion des formalités réglementaires de publicité ".

En application de l' article L143- 3 du Code Rural et des articles L143- 2 et R143- 6 du même code, la SAFER doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l' un ou plusieurs des objectifs définis à l' article L143- 2 du Code Rural et préciser en quoi la préemption répond à un ou plusieurs de ces objectifs. La décision de préemption de la SAFER doit comporter des données concrètes permettant de vérifier la réalité de l' objectif allégué, et les rétrocessionnaires potentiels doivent être identifiables mais non pré- identifiés.

Il apparaît que la motivation de la décision de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE répond au double objectif consistant à ne pas se borner à une motivation purement générale et abstraite dès lors qu' elle permet d' apprécier in concreto les objectifs susceptibles d' être poursuivis au cas d' espèce et d' autre part de ne pas préjuger à l' avance de façon certaine et définitive du bénéficiaire éventuel de la rétrocession.

En effet, s' agissant de l' objectif, il est fait référence à une meilleure répartition des surfaces entre agriculteurs et sylviculteurs, alors que la surface vendue est constituée de friches endommagées par la tempête de 1999, et en second lieu, si une entreprise agricole est identifiable au regard du descriptif, il est expressément mentionné que toute autre candidature pourrait faire l' objet d' un examen, de sorte que, in concreto, la préemption répond à tout le moins à l' existence d' un bénéficiaire potentiel non nominativement désigné.

En effet, l' exigence selon laquelle concrètement la préemption doit répondre à une utilité locale oblige à faire état de l' existence d' exploitations auxquelles la préemption pourrait bénéficier, sans que pour autant, un seul destinataire potentiel soit désigné, dès lors que la préemption doit être activée dans un objectif d' intérêt général ; de plus la décision de préemption critiquée ne comporte aucun commentaire sur l' acquéreur évincé ou le ou les candidats ultérieurs à retenir ou à écarter d' office.

Il s' ensuit que la décision de préemption n' est pas irrégulière, ni en la forme ni au fond.

11 / Sur les inscriptions d' hypothèques

Il apparaît que les parcelles vendues font l' objet de deux inscriptions d' hypothèque, l' une de la BPSO au titre du privilège de prêteur de deniers en date du 20 mai 2003, et l' autre de la direction générale des douanes, à la suite de la condamnation pénale prononcée non contre la SCI, mais contre Franck Y....

Ces inscriptions portent pour la première sur un principal de 252. 000 euros et pour la seconde de 346. 800 euros, soit des sommes très largement supérieures au prix de vente de 4. 753 euros.

Pour autant, ces inscriptions d' hypothèque, qui sont connues tant de la SAFER que du rétrocessionnaire potentiel ne sont pas de nature à faire obstacle à la vente, dès lors qu' elles peuvent être levées par le biais de la procédure de purge des hypothèques après réalisation de la vente.

12 / Sur le seuil d' intervention

Il résulte du décret du 26 août 2003 autorisant pour une nouvelle période de cinq années la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE à exercer le droit de préemption, en son article 2, que la surface minimale à laquelle le droit de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE est susceptible de s' appliquer dans le département de la Gironde est fixée à 25 ares et à 10 ares dans les zones viticoles AOC et zones de montagne.

En l' espèce, la superficie des fonds vendus s' élevant à 7 hectares environ, ce seuil est à l' évidence dépassé de sorte que la décision n' est pas davantage entachée d' irrégularité de ce chef.

13 / Sur la parcelle E758

Cette parcelle ne figurait pas dans l' acte sous seing privé du 19 août 2003.

Elle figure en revanche dans la notification effectuée le 24 octobre 2003 par le notaire, et la décision de préemption fait référence à la totalité des parcelles proposées, y compris la parcelle E758.

Il résulte des explications des parties que cette parcelle avait en réalité été omise dans l' acte sous seing privé, de sorte que Jean X..., l' acquéreur potentiel, a indiqué à Maître Z...- A... qu' il convenait de rajouter cette parcelle.

Par lettre du 11 septembre 2003, Maître Z...- A... écrivait à Franck Y... SCI LE CUQUET pour lui demander de bien vouloir confirmer par écrit son accord pour cette vente, ainsi que la confirmation du caractère inchangé du prix, et ce par retour du courrier.

En l' absence de réponse, Maître Z...- A... écrivait à nouveau à Franck Y... le 21 octobre 2003, mentionnant manuscritement à la fin de son courrier que le fax non signé ne pouvait convenir dès lors qu' il n' indiquait pas que le prix était celui convenu dans le sous seing alors que cette parcelle n' y figurait pas.

Postérieurement au jugement déféré, la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE a été destinataire d' un courrier de Maître Z... relatant la chronologie des échanges de courriers relatifs à cette parcelle.

Cette lettre indique que, suite aux courriers des 11 septembre 2003 et 21 octobre 2003, le notaire a reçu le 24 octobre 2003 par télécopie un courrier émanant de la SCI LE CUQUET dont le texte est le suivant :

" Madame,

Suite à notre entretien téléphonique du 17 / 10 / 2003, nous vous confirmons que la parcelle numéro 758 E fait bien partie de la vente faite à Monsieur X..., et que le prix figurant dans l' acte reste inchangé.

Nous vous prions d' agréer, Madame, nos salutations distinguées.

Signé : Y.... "

Si ce dernier courrier n' est pas produit par le notaire, celui- ci, dans son courrier du 19 juin 2006, offre de le produire en justice si l' interdiction relative au secret professionnel était levée par la juridiction.

Il apparaît qu' il n' y a pas lieu d' envisager cette levée de secret professionnel pour enjoindre au notaire de produire l' original de ce courrier, dès lors que rien ne permet de suspecter la véracité de la lettre qui y est relatée, et que la lettre du 21 octobre 2003 faisant référence à une première réponse positive mais incomplète conforte la réponse du 24 octobre 2003, laquelle a été le jour même suivie de la notification de la vente à la SAFER.

Il résulte de ces éléments que la parcelle E758 était bien comprise dans la vente, d' un commun accord entre la SCI LE CUQUET et Jean X... et que par conséquence, la notification de vente et la décision de préemption étaient régulières en ce qu' elles visaient cette parcelle.

Il s' ensuit que le jugement, qui aurait pu en tout état de cause autoriser la vente en excluant la parcelle E758, sera réformé et qu' il sera fait droit à la demande d' autorisation de vente présentée par la SAFER sur la totalité des parcelles visées par le projet d' acte établi en mai 2004 par le notaire.

Il est en effet rappelé que les 1er et 15 décembre 2003 est intervenu entre Franck Y... et Jean X... un accord excluant de la vente la parcelle section E numéro 999 pour 69 ares 16 centiares, sans que le prix subisse un changement.

C' est ainsi que s' explique la différence de superficie et de parcelles entre la notification de la décision de préemption le 22 décembre 2003, date à laquelle cet accord n' était pas connu de la SAFER et du notaire, et le projet d' acte de vente qui porte sur une surface de 6 hectares 86 ares 70 centiares.

La décision autorisant la vente sera opposable à Jean X..., dont il est rappelé qu' il n' a pas constitué avoué.

Jean X... n' ayant présenté de ce fait aucune demande reconventionnelle, il n' y a pas lieu de faire droit à la demande de la SAFER tendant à voir dire que la SCI LE CUQUET sera condamnée à relever celle- ci indemne de toute condamnation prononcée à l' encontre de la SAFER.

Sur les autres demandes

S' agissant de la demande de dommages et intérêts de la SAFER, il apparaît que cet organisme n' apporte pas la preuve d' un préjudice qui résulterait d' une résistance abusive de la SCI LE CUQUET.

Il n' y a pas lieu de juger qu' il appartiendra le cas échéant à la SCI LE CUQUET d' exercer un recours indemnitaire contre son notaire dès lors que ce droit lui demeure ouvert en tout état de cause.

Les dépens tant de première instance que d' appel seront mis à la charge in solidum de la SCI LE CUQUET et de Franck Y... qui seront, en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, condamnés à verser à la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE une somme de 1. 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Reçoit la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE en son appel,

Constate que l' assignation délivrée par la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE à la SCI LE CUQUET a été régulièrement publiée aux hypothèques,

Dit que la décision de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE est régulière au fond et en la forme,

En conséquence,

Au fond, réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI LE CUQUET à passer acte public de vente de la propriété objet de la décision de préemption de la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE du 22 décembre 2003, et ce dans le mois de la signification de l' arrêt à intervenir,

Dit et juge que la vente portera sur les biens suivants :

Section E no388Le Cuquet96a 58ca
no389 " 16a 70ca
no390 " 19a 12ca
no391 " 64a 07ca
no398 " 34a 10ca
no399 " 45a 72ca
no400 " 17a 27ca
no401 " 75a 05ca
no403 " 63a 89ca
no404 " 20a 09ca
no560Lagune Sud21a 37ca
no733Le Cuquet Est30a 39ca
no738 " 31a 55ca
no742 " 31a 31ca
no756 " 31a 34ca
no758 " 21a 98ca
no760 " 15a 47ca
no761 " 9a 90ca
no1456Au Hugas40a 80ca

Contenance totale 6ha 86a 70ca

Prix : 4. 573 euros

Origine de propriété : acquisition de Monsieur et Madame B... suivant acte reçu par Maître C..., notaire à MONTPON- MENESTEROL (24), le 15 avril 2003, publié à LESPARRE le 20 mai 2003 volume 2003 numéro 1299,

Bien libre de toute occupation,

Dit que faute par la SCI LE CUQUET d' avoir régularisé l' acte authentique dans le mois de la signification de l' arrêt à intervenir, la grosse du dit arrêt et sa publication vaudront acte authentique sous réserve du paiement par la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE du prix de vente de 4. 753 euros,

Dit que la présente décision est opposable à Jean dit Sylvaire X...,

Déboute la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE de surplus de ses demandes,

Condamne solidairement à la SCI LE CUQUET et Franck Y... à verser à la SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE une somme de 1. 500 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne solidairement la SCI LE CUQUET et Franck Y... aux dépens tant de première instance que d' appel et en ordonne la distraction pour ceux d' appel au profit de la SCP LABORY- MOUSSIE et ANDOUARD, avoués, en application de l' article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0552
Numéro d'arrêt : 06/02318
Date de la décision : 01/04/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-01;06.02318 ?
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