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25/03/2008 | FRANCE | N°05/06273

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0063, 25 mars 2008, 05/06273


ARRET RENDU PAR LA

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le : 25 MARS 2008

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05 / 06273

Madame Anne- Marie X... épouse Y...

Madame Françoise Z... épouse A...

c /

Monsieur Philippe B...

Monsieur Philippe C...

LA S. E. L. A. R. L. ANALABO,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prév

ues à l' article 450- 2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 25 MARS 2008

Par Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
en présence de Mad...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le : 25 MARS 2008

PREMIERE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05 / 06273

Madame Anne- Marie X... épouse Y...

Madame Françoise Z... épouse A...

c /

Monsieur Philippe B...

Monsieur Philippe C...

LA S. E. L. A. R. L. ANALABO,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450- 2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 25 MARS 2008

Par Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,

La COUR d' APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l' affaire opposant :

1o / Madame Anne- Marie X... épouse Y..., demeurant... 33200 BORDEAUX CAUDERAN,

2o / Madame Françoise Z... épouse A..., demeurant... 33000 BORDEAUX,

Représentées par la S. C. P. Corine ARSENE- HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistées de Maître Daniel GAUTHIER, Avocat au barreau de BORDEAUX,

Appelantes d' un jugement rendu le 6 septembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d' appel en date du 16 Novembre 2005, et intimés,

à :

1o / Monsieur Philippe B..., né le 11 Avril 1954 à LE BOUSCAT (33), de nationalité française, demeurant... 33600 PESSAC,

2o / Monsieur Philippe C..., né le 22 Juillet 1958 à PONT DE L' ARCHE (27), de nationalité française, demeurant... 33000 BORDEAUX,

3o / LA S. E. L. A. R. L. ANALABO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 41, Chemin de Pacaris 33400 TALENCE,

Représentés par la S. C. P. Solange CASTEJA- CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Daniel RUMEAU, Avocat au barreau de BORDEAUX,

Intimés et appelants du même jugement suivant déclaration d' appel en date du 8 DECEMBRE 2005,

Rendu l' arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 23 Octobre 2007 devant :

Monsieur Louis- Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Pierre- Louis CRABOL, Conseiller,

Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,

Madame Armelle FRITZ, Greffier,

Et qu' il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

Par acte authentique du 28 novembre 1986, MM. Philippe C... et Philippe B..., pharmaciens biologistes, ont constitué la " SCP DE DIRECTEURS DE LABORATOIRES D' ANALYSES DE BIOLOGIE MEDICALE B... C... " dont le siège était fixé à TALENCE (33).

Par décision d' une assemblée générale extraordinaire du 18 juin 1998, les associés ont transformé la SCP en société d' exercice libéral à responsabilité limitée, qui a pris la dénomination de SELARL ANALABO.

Par acte sous seing privé du 1er septembre 1998, la SELARL ANALABO a acquis un laboratoire d' analyses de biologie médicale sis à BORDEAUX.

Le capital social fixé à 1. 829, 39 € était divisé en120 parts réparties à égalité entre MM. C... et B..., qui avaient la qualité de cogérants.

Suivant protocole du 6 août 2002, MM. C... et B... ont chacun cédé respectivement à Mmes Y... et A... une part de la SELARL pour le prix provisoire de 7. 717, 00 €, le prix définitif devant être déterminé par l' expert comptable de la société sur la base de la valeur de son actif net arrêtée au 31 août 2002.

La cession a eu lieu sous les conditions suspensives suivantes :

1)- que les cessionnaires et la SELARL soient inscrits au tableau de l' ordre des pharmaciens et des médecins dans les conditions prévues par le Code de la santé publique,

2)- que les cessionnaires et la SELARL obtiennent de la Préfecture de la Gironde l' arrêté préfectoral portant modification de l' exploitation du laboratoire sis à SAINT MEDARD EN JALLES (33)- 89 avenue Jean- Jacques Rousseau conformément aux dispositions du Code de la santé publique et modification de l' autorisation de fonctionnement concernant la SELARL ANALABO et inscription ordinale subséquente.

Les conditions suspensives s' étant réalisées, l' acte de cession des parts sociales a été signé le 26 novembre 2002.

Un procès- verbal de l' assemblée générale extraordinaire du même jour a constaté la réalisation définitive de la cession de parts et a confirmé la nomination de Mme Y... et de Mme A... en qualité de cogérantes de la SELARL ANALABO à compter du 2 décembre 2002.

A la même date du 26 novembre 2002 a été signé entre les quatre associés un protocole d' accord dans lequel il était convenu :

- que la SELARL ANALABO exploiterait à compter du 2 décembre 2002 les laboratoires d' analyses de TALENCE, BORDEAUX et SAINT MEDARD EN JALLES,

- que M. B... demeurait directeur du laboratoire de TALENCE,

- que M. C... demeurait directeur du laboratoire de BORDEAUX,

- que Mme Y... serait directrice du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES,

- que Mme A... serait directrice du laboratoire de BORDEAUX.

Ce protocole indiquait par ailleurs que la volonté commune des associés était de constituer une société de participation financière de profession libérale (SPFPL), dite plus communément " HOLDING ", en vue de détenir la majorité de la SELARL ANALABO.

Il était ainsi prévu que le nouveau capital de la SELARL ANALABO, après entrée en vigueur du décret d' application relatif aux SPFPL, serait réparti à proportion d' une part pour chaque associé personne physique et de 116 parts pour la SPFPL, dont le capital devait être réparti à égalité entre les quatre associés qui s' en voyaient attribuer chacun 25 %.

Il était rappelé que " cette possibilité prévue par les dispositions de la loi MURCEF du 11 décembre 2001 " ne pourrait être mise en oeuvre que lorsque son décret d' application relatif à la profession de biologie médicale serait pris.

Il était convenu qu' aucun décret n' étant paru à ce jour, " les parties se laissent un délai de 18 mois pour réaliser cette société holding. A l' issue de ce délai, si aucun décret n' est paru, les parties se réservent le droit de proroger ledit délai. "

Le protocole valorisait par ailleurs la SELARL ANALABO à la somme de 1. 007. 860, 00 €.

Le 4 novembre 2003, l' expert comptable de la SELARL a établi le prix définitif de la part sociale à la somme de 7. 840, 00 €, dans un document qu' il a remis à l' ensemble des associés.

Mmes Y... et A... n' ayant pas acquitté le prix de cession de leur part, MM. B... et C... les ont mises en demeure de le régler sous huitaine par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2004.

Par lettre du 19 janvier 2004, Mmes Y... et A... ont contesté le montant de la somme à acquitter et déclaré qu' elles restaient dans l' attente de sa modification après correction.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2004, MM. C... et B... ont pris acte du refus des cessionnaires de régler les parts acquises, et leur ont fait connaître qu' ils allaient en tirer les conséquences.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2004, Mmes Y... et A... ont annoncé la remise d' un chèque de 7. 840, 00 € pour le 10 février suivant à 13 heures.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2004, MM. B... et C... ont notifié à Mmes Y... et A... qu' ils n' acceptaient pas cette proposition tardive et qu' ils saisissaient le tribunal en résiliation de la vente.

Par actes du 5 février 2004, MM. B... et C... ont effectivement assigné Mmes Y... et A... devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX aux fins de voir prononcer la résolution de la cession sur le fondement de l' article 1184 du Code civil, déclarer caduc le protocole d' accord signé le même jour et condamner les défenderesses au paiement des sommes de 3. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts outre 2. 000, 00 € sur le fondement de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La SELARL ANALABO, présente dans la procédure, a pour sa part sollicité la condamnation in solidum de Mmes Y... et A... à lui payer la somme de 45. 000, 00 € de dommages et intérêts ainsi que celle de 3. 000, 00 € sur le fondement de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 6 septembre 2005, le tribunal de grande instance de BORDEAUX a :

- rejeté les moyens tirés de l' irrecevabilité de l' action, de l' acquiescement, de la nullité de l' acte de cession des parts et du sursis à statuer,

- ordonné la résiliation aux torts partagés de MM. B... et C... d' une part, Mmes Y... et A... d' autre part du contrat de cession de parts sociales et du protocole en date du 26 novembre 2002, avec effet au jour du jugement,

- débouté MM. B... et C... de leurs demandes de dommages et intérêts,

- accueilli la demande de dommages et intérêts de la SELARL ANALABO,

- condamné in solidum Mmes Y... et A... à verser à cette société la somme de 1. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,

- dit n' y avoir lieu à exécution provisoire ni à application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile en faveur de MM. B... et C... qui conserveraient la charge de leurs dépens,

- condamné in solidum Mmes Y... et A... à verser à la SELARL ANALABO une indemnité de 1. 000, 00 € au titre des dispositions de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile et à payer les dépens supportés par cette société.

Mmes Y... et A... d' une part, la SELARL ANALABO, M. B... et M. C... d' autre part ont relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées.

Ces deux appels ont été joints par ordonnance prise le 25 avril 2006 par le président de cette chambre, chargé de la mise en état.

Par conclusions signifiées le 21 septembre 2007, Mmes Y... et A... demandent à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu' il a prononcé la résolution judiciaire de la cession des parts sociales,

- prononcer la résolution judiciaire des actes de cession de parts avec effet à la date du 26 novembre 2002,

- subsidiairement, retenir la nullité des cessions,

- condamner, au titre des restitutions, selon la méthode retenue par la SELARL ANALABO, cette société à payer la somme de 70. 439, 00 € à Mme Y... et celle de 82. 544, 98 € à Mme A...,

- débouter M. B..., M. C... et la SELARL ANALABO de l' intégralité de leurs demandes,

- les condamner à payer à Mmes Y... et A... une somme de 3. 000, 00 € chacune sur le fondement de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 5 octobre 2007, la SELARL ANALABO, M. B... et M. C... demandent à la Cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris,

- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu' il a prononcé la résiliation du contrat de cession de parts sociales et du protocole d' accord emportant nomination de Mmes Y... et A... en qualité de cogérantes, directrices de laboratoire, en date du 26 novembre 2002 pour défaut de paiement du prix, avec effets au jour de son prononcé,

- à titre subsidiaire, dans l' hypothèse où la Cour constaterait l' effet rétroactif de la résolution du contrat :

* ordonner la restitution réciproque par équivalent des prestations respectives sur le fondement du paiement de l' indu,

* condamner Mme Y... à restituer à la SELARL ANALABO la somme de 798, 47 € perçue à titre de dividende ainsi qu' une somme de 24. 846, 43 € au titre du solde résultant des créances respectives,

* condamner Mme A... à restituer à la SELARL ANALABO la somme de 798, 47 € perçue à titre de dividende ainsi qu' une somme de 35. 823, 65 € au titre du solde résultant des créances respectives,

- en toute hypothèse,

* condamner Mme Y... à verser à M. C... une somme de 3. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,

* condamner Mme A... à verser à M. B... une somme de 3. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,

* dire et juger que Mmes Y... et A... ont engagé leur responsabilité contractuelle à l' égard de la SELARL ANALABO et les condamner in solidum à lui verser une somme de 45. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,

* les débouter de l' intégralité de leurs demandes,

* les condamner au paiement d' une somme de 3. 000, 00 € sur le fondement de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile,

* les condamner aux entiers dépens.

L' ordonnance de clôture a été prononcée le 9 octobre 2007.

MOTIFS :

- Sur la fin de non- recevoir tirée du prétendu acquiescement de Mme Y... et de Mme A... à la demande de résolution judiciaire de la cession des parts sociales :

Bien que ce moyen ne soit pas repris dans le dispositif des dernières écritures de Mmes Y... et A..., il figure dans le corps de leurs conclusions.

Mmes Y... et A... font valoir qu' elles se sont associées à la demande de leurs adversaires tendant à voir prononcer la résolution de l' acte de cession dans des conclusions qu' elles ont signifiées le 6 avril 2004 dans le cadre de la procédure de première instance.

Aux termes de l' article 408 du Code de procédure civile, " l' acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien fondé des prétentions de l' adversaire et renonciation à l' action. "

Tel n' est pas le cas en l' espèce, où les prétentions des parties diffèrent en ce que Mmes Y... et A... sollicitent le prononcé d' une résolution avec anéantissement rétroactif de la convention à la date où elle a été conclue, avec toutes les conséquences qui en résultent en ce qui concerne notamment les restitutions à opérer de part et d' autre, alors que MM. B... et C... concluent à une résiliation n' opérant que pour l' avenir et dont les effets ne courront qu' à compter de la décision qui la prononce.

Les conditions de l' acquiescement n' étant pas réunies, c' est à bon droit que le tribunal a écarté cette fin de non- recevoir déjà soutenue devant lui.

- Sur la demande de résolution ou de résiliation de la convention :

1)- Mmes Y... et A... soutiennent en premier lieu, en invoquant les dispositions de l' article 1184 du Code civil, que l' acte de cession de parts sociales est indissociable du protocole conclu le même jour, aux termes duquel les parties contractantes ont défini les conditions de création entre elles d' une SPFPL qui devait reprendre le capital de la SELARL ANALABO, la constitution de cette holding étant en quelque sorte érigée en une obligation dont la non satisfaction devait entraîner ipso facto la résolution du contrat de cession de parts.

La référence à l' article 1184 du Code civil n' est cependant pas pertinente en l' espèce, car son application sollicitée par Mmes Y... et A... supposerait que MM. B... et C... aient contracté envers elles l' obligation de créer la société holding.

Or, le protocole d' accord fait seulement état d' une " volonté commune des associés " de constituer une société de participation financière de profession libérale, dont les conditions de mise en oeuvre ne mettent aucune obligation particulière à la charge de MM. B... et C... au profit de Mmes Y... et A....

L' absence de constitution de cette société est donc indépendante de toute obligation contractée par MM. B... et C... dans le cadre d' un contrat synallagmatique et Mmes Y... et A... sont dès lors mal fondées à solliciter la résolution de la convention litigieuse sur ce fondement.

De surcroît, cette convention de cession de parts constitue un engagement autonome distinct du protocole par sa présentation matérielle et la nature des obligations réciproques qu' elle contient, lesquelles ne se réfèrent aucunement au protocole, dont la cause, contrairement à ce que soutenaient Mmes Y... et A... en première instance, ne se trouve pas dans la constitution future de la holding, mais dans les obligations réciproquement contractées dans l' acte litigieux, consistant pour les uns à délivrer les parts sociales et pour les autres à en acquitter le prix de cession.

2)- Il est constant que Mmes Y... et A... n' ont pas acquitté le prix d' acquisition des parts qui leur ont été cédées, et que l' inexécution de cette obligation est de nature à justifier la résolution de la convention.

Aux termes du protocole de cession de parts signé le 6 août 2002, Mmes Y... et A... ont pris l' engagement de payer le prix de cession provisoirement évalué à 7. 717, 00 € le jour de la signature de l' acte de cession constatant la réalisation des conditions suspensives.

Cet acte ayant été signé le 26 novembre 2002, c' est à cette date que les cessionnaires auraient dû payer le prix.

Or il est constant qu' elles n' en ont rien fait et qu' elles n' ont offert le règlement de ce qu' elles devaient que par lettre du 2 février 2004 après avoir été mises en demeure ; qu' elles ont contesté pour la première fois le prix définitif de la cession par lettre du 19 janvier 2004, alors d' une part qu' informées dès le 4 novembre 2003 du montant de ce prix par l' expert comptable de la SELARL ANALABO, elles n' ont pas jugé utile de le contester sur le moment, d' autre part que l' obligation de payer le prix provisoire était totalement indépendante de la fixation du prix définitif.

Dès lors et contrairement à ce qu' a jugé le tribunal qui sera réformé sur ce point, la résolution doit être prononcée aux torts exclusifs des cessionnaires.

3)- S' agissant de la date à laquelle la résolution doit produire effet, si en principe la résolution efface l' acte juridique tant pour ses conséquences passées que pour ses conséquences à venir, et si cet effet rétroactif impose de procéder à une remise des choses dans l' état où elles se trouvaient avant la conclusion de l' acte, il est apparu dans certaines situations et notamment en ce qui concerne les contrats à exécution successive, dont les prestations réciproques s' échelonnent dans le temps, qu' il était impossible d' effacer les prestations partiellement effectuées et de procéder à des restitutions en nature, autres que des sommes d' argent.

En l' espèce, la cession de parts litigieuses a eu pour effet de conférer à Mmes Y... et A... la qualité d' associées au sein de la SELARL ANALABO et de leur permettre de gérer pour l' une, le laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES et pour l' autre celui de BORDEAUX.

Dans la mesure où l' on admet que la résolution de l' acte de cession de parts sociales anéantit rétroactivement la convention, cela a pour conséquence de remettre en cause l' ensemble des actes que Mmes Y... et A... ont accomplis en leur qualité d' associées de la SELARL ANALABO et de gérantes des laboratoires exploités par cette société et que seule leur qualité d' associées de la SELARL, obtenue au moyen de la cession litigieuse, leur ont permis de diriger.

Ainsi, l' effet rétroactif d' une résolution aurait pour conséquence que tous les actes passés par les laboratoires gérés sous la direction de Mmes Y... et A... seraient irréguliers et invaliderait les analyses biologiques effectuées sous leur direction, sans préjudice des sanctions disciplinaires et pénales susceptibles d' être encourues par celles qui les ont pratiquées.

Si par ailleurs une restitution des parts sociales par les cessionnaires ne donnerait pas lieu à difficultés, la restitution en nature des prestations réciproques résultant de la nomination aux fonctions de cogérante, directrice de laboratoire se révélerait impossible.

Si l' acte de cession est distinct du protocole du même jour quant à l' objectif d' association qu' il énonce avec la constitution envisagée d' une SPFPL, objectif qui n' est source d' aucune obligation à la charge de l' une ou l' autre partie, il est en revanche indissociable des dispositions du protocole qui après avoir rappelé la qualité d' associés gérants des parties au sein de la SELARL ANALABO, ont décidé qu' à compter du 2 décembre 2002, Mme Y... exercerait les fonctions de directrice du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES et Mme A... celles de directrice du laboratoire de BORDEAUX.

Il en résulte que les actes successivement accomplis par Mmes Y... et A... en cette qualité sont la conséquence nécessaire de l' acte litigieux.

Il convient dans ces conditions de confirmer la décision du tribunal ayant prononcé la résiliation de cet acte avec effet au jour du jugement.

MM. B... et C... ne justifiant pas que les agissements de Mmes Y... et A... leur aient causé un préjudice à titre personnel, le jugement sera confirmé en ce qu' il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

- Sur la demande de nullité formée à titre subsidiaire :

Mmes Y... et A... reprennent à titre subsidiaire la demande de nullité de la cession pour absence de cause qu' elles avaient formée en première instance et dont elles ont été déboutées par le tribunal.

Il a toutefois été jugé que l' acte de cession n' était pas dépourvu de cause, celle- ci résidant pour les appelantes dans la délivrance par leurs cocontractants des parts sociales dont elles se sont portées acquéreurs, et dont la propriété leur a permis d' être associées au sein de la SELARL ANALABO, qualité qui leur a donné accès aux fonctions de cogérantes directrices de laboratoire avec tous les pouvoirs attachés à ces fonctions qu' elles ont effectivement exercées.

Il s' ensuit que la décision attaquée doit être confirmée en ce qu' elle a rejeté la demande de Mmes Y... et A... tendant à voir prononcer la nullité des actes de cession.

- Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SELARL ANALABO :

1)- Il ressort des pièces versées aux débats que Mme Y... a été révoquée de ses fonctions de gérante et de directrice de laboratoire de la SELARL ANALABO par décision prise par l' assemblée générale extraordinaire réunie le 29 mars 2004 en raison de divers manquements commis dans le cadre de ses attributions.

Il est ainsi avéré (lettre de M. GROSSE, expert comptable en date du 11 mars 2004) que Mme Y... a cessé d' adresser à son cabinet tous documents comptables ou bancaires du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES à partir du mois de novembre 2003, ce qui a empêché la tenue de la comptabilité de la SELARL ANALABO ;

qu' elle a transmis à une SCM D. E. M. P., au sein de laquelle la SELARL ANALABO s' était groupée avec d' autres laboratoires, un document comptable erroné concernant les analyses effectuées par la SELARL ANALABO pour le compte de cette SCM, erreur qu' elle a reconnue par lettre du 18 février 2004 ;

qu' elle a cessé de participer aux assemblées générales de la société ;

qu' elle a embauché en qualité de directrice adjointe du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES une personne qui n' était pas inscrite auprès du Conseil de l' Ordre (lettre du Conseil de l' Ordre du 17 juillet 2003) ;

qu' elle est intervenue à plusieurs reprises au sein du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES postérieurement à sa révocation ;

2)- Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que Mme A... n' a pas assuré la tenue des guides de bonne exécution des analyses (G. B. E. A.) des trois laboratoires de la société alors que cette tâche lui incombait, ce qu' elle a reconnu par courrier du 1er février 2004 tout en s' efforçant de minimiser sa responsabilité ; que la tenue de ces guides est essentielle dans la mesure où leur absence de présentation en cas de contrôle de la DDASS peut conduire à une fermeture administrative.

qu' alors qu' elle avait été nommée directrice du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES après la révocation de Mme Y..., elle a permis que cette dernière reste officiellement attachée au fonctionnement de ce laboratoire, les feuilles de résultat d' analyses comportant toujours le nom de Mme Y... de même que les pavés figurant sur les feuilles de sécurité sociale ;

qu' elle n' a plus participé aux assemblées générales à partir de novembre 2003 ;

que par fax du 5 juillet 2004, elle a annoncé aux laboratoires partenaires qu' elle ne serait plus en mesure d' effectuer les analyses du plateau technique pour leur compte " en raison d' une insuffisance de personnel ", alors que ses associés avaient refusé sa proposition de transférer provisoirement certaines analyses sur le site de TALENCE en lui indiquant qu' elle pouvait parfaitement proposer l' embauche de personnel pour la période d' été ou l' accomplissement d' heures supplémentaires pour les salariés en place ;

que par lettre du même jour, elle a dénoncé sa propre société auprès du Conseil de l' Ordre et de la DDASS, ce qui a conduit à l' interpellation de la SELARL ANALABO par un médecin inspecteur de la Santé Publique et a contraint M. C... à justifier que le laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES fonctionnait normalement, étant pourvu de deux techniciens à temps plein et d' une directrice ;

qu' au résultat de ce courrier et de différents entretiens, la DDASS n' a pas donné suite à cette dénonciation ;

que Mme A... a démissionné de ses fonctions de cogérante, directrice du laboratoire de SAINT MEDARD EN JALLES par lettre du 10 août 2004 avec effet au 16 août 2004, en violation des statuts dont l' article 7 imposait un préavis de six mois ;

que les conditions dans lesquelles cette démission est intervenue n' ont pas permis à la SELARL ANALABO de recruter immédiatement un remplaçant extérieur et l' ont contrainte à faire assurer le remplacement provisoire de Mme A... par une biologiste salariée de la société pour une durée de six mois.

3)- Les agissements ci- dessus exposés ont entraîné pour la SELARL ANALABO un dommage plus important que le seul préjudice moral retenu par le tribunal, en la désorganisant pendant plusieurs mois, en l' exposant à des coûts supplémentaires et en portant atteinte à son image tant auprès de ses partenaires que du Conseil de l' Ordre.

En l' état des éléments soumis à l' appréciation de la Cour, ce préjudice sera réparé par l' allocation d' une somme de 40. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts.

Mmes Y... et A... seront par ailleurs condamnées à payer la somme de 2. 000, 00 € in solidum sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare recevables les appels de Mme Y..., de Mme A..., de M. C..., de M. B... et de la SELARL ANALABO,

Réforme le jugement prononcé le 6 septembre 2005 par le tribunal de grande instance de BORDEAUX en ce que la résiliation de la cession de parts sociales a été prononcée aux torts partagés de MM. B... et C... d' une part, Mmes Y... et A... d' autre part,

Le réforme sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la SELARL ANALABO ainsi qu' en sa décision sur les dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs :

Prononce la résiliation de la cession de parts sociales aux torts exclusifs de Mme Y... et de Mme A...,

Condamne in solidum Mme Y... et Mme A... à payer à la SELARL ANALABO la somme de 40. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui ont causé leurs agissements,

Condamne Mmes Y... et A... aux entiers dépens de première instance,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant :

Condamne in solidum Mme Y... et Mme A... à payer à la SELARL ANALABO, M. C... et M. B... la somme de 2. 000, 00 € sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum Mmes Y... et A... aux dépens de l' instance d' appel, dont distraction au profit de la S. C. P. Solange CASTEJA- CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.

Signé par Monsieur Louis- Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : 05/06273
Date de la décision : 25/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-25;05.06273 ?
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