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20/03/2008 | FRANCE | N°04/00179

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 20 mars 2008, 04/00179


ARRET RENDU PAR LA


COUR D'APPEL DE BORDEAUX


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Le : 20 Mars 2008


CHAMBRE SOCIALE-SECTION B


PRUD'HOMMES


No de rôle : 07 / 4419














Monsieur Dominique X...



c /


La SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,
















Nature de la décision : AU FOND


Notifié par LRAR le :


LR

AR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :


La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)


Certifié par le Greffier en Chef


Grosse délivrée le :


à :






Prononcé publiquement p...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

----------------------------------------------

pp

Le : 20 Mars 2008

CHAMBRE SOCIALE-SECTION B

PRUD'HOMMES

No de rôle : 07 / 4419

Monsieur Dominique X...

c /

La SAS DE LAMA
prise en la personne de son représentant légal,

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)

Certifié par le Greffier en Chef

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 20 Mars 2008

Par Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,
en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Dominique X..., demeurant ...,

représenté par Maître BARAILLE loco Patrice REBOUL, avocats au barreau de PÉRIGUEUX,

Appelant d'un jugement (R. G. 04 / 00179) rendu le 17 janvier 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC, Section Industrie, suivant déclaration d'appel en date du 15 février 2005,

à :

La SAS DE LAMA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social Route de souillac-CARSAC AILLAC-24200 SARLAT LA CANEDA,

Représentée par Maître Maxence DUCELLIER, SELAFA BARHELEMY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX,

Intimée,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 31 Janvier 2008, devant :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,
Monsieur Eric VEYSSIERE, Conseiller,
Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,
Madame Nathalie BELINGHERI, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS DE LAMA (la SAS) a pour objet la production de liens de cerclage et sangles en textiles composites, de fils et câbles pour l'agriculture, pour lieu d'exploitation Sarlat, pour PDG Monsieur Z..., elle emploie moins de 50 salariés ;
jusqu'en septembre 2000 elle a appliqué la convention collective de l'industrie textile, et à partir de cette date celle de la plasturgie ;
l'article 14 de cette dernière convention prévoit le paiement d'une prime d'ancienneté qui n'a pas été réglée.

Par lettres recommandées du 03 mai 2004, 23 salariés ont réclamé le paiement de cette prime.

Par lettre du 10 mai 2004 la SAS a écrit à son comptable, la Société ECE chargée de l'établissement de la paie, pour lui demander les raisons techniques ou juridiques pour lesquelles la prime d'ancienneté ne figure pas sur les feuilles de paie. $gt; $gt;.

Par lettre du 17 mai 2004 ECE a répondu que la prime d'ancienneté était due, précisant le fait d'avoir un salaire supérieur à un salaire conventionnel majoré de la prime d'ancienneté n'est pas suffisant pour démontrer que la prime a bien été réglée... en cas de contentieux social il est raisonnable de penser que les salariés auront gain de cause $gt; $gt;,
ajoutant effectuer une déclaration de sinistre auprès de son propre assureur.

Le 26 mai 2004 la SAS a pourtant écrit aux salariés que selon la convention collective de la plasturgie les primes d'ancienneté peuvent être incluses dans le montant brut des salaires et que la présentation du bulletin de salaire du mois de mai serait seulement modifiée.

Le 21 juin 2004, selon le rapport du médiateur désigné par la suite, Monsieur A..., directeur commercial de la SAS, a lu aux salariés le communiqué de la direction suivant :
Il a été décidé que les salariés ne peuvent pas prétendre à la fois faire partie de l'équipe DE LAMA et en même temps faire un procès à la Société DE LAMA. Les deux positions sont antinomiques et incompatibles. Les salariés qui le désirent sont libres d'engager une procédure devant le Tribunal mais en ce qui nous concerne, nous ne conserverons pas ces personnes dans notre équipe. Donc des procédures individuelles de licenciement seront engagées car il n'est pas concevable de travailler normalement avec une personne qui vous fait un procès. $gt; $gt;.

Le 12 juillet 2004, de nombreux salariés se sont mis en grève.

Le 1er septembre 2004 les salariés en grève ont attesté que Monsieur Z... leur avait adressé les propos suivants le 16 juillet 2004 :

Vous êtes tous des cons, vous n'obtiendrez rien de moi, je vous dois rien, vous passerez sous ma toise et vous me demanderez à genoux du travail, je vous éliminerai tous un par un et trouverai un motif pour chacun. $gt; $gt;.

Le 16 juillet 2004, les salariés en grève ont écrit :
DE LAMA la grève continue, le grand ménage prend de l'ampleur,... en grève depuis lundi 12 juillet ils réclament l'ouverture de négociations pour le paiement de la prime d'ancienneté et la réintégration d'une collègue licenciée, pour s'être un peu trop impliquée dans le mouvement... toute tentative des salariés et de leur représentant syndical pour engager un réel dialogue a échoué... coup de théâtre... tous les grévistes ont eu la mauvaise surprise d'apprendre que chacun d'entre eux, 18 personnes, avait reçu une lettre recommandée, les invitant à un entretien préalable à un éventuel licenciement... les menaces sont donc mises à exécution. $gt; $gt;.

Par lettre du 29 juillet 2004 la SAS a informé ses salariés que les rappels de prime d'ancienneté seraient réglés ce qui fut fait sur le bulletin de salaire d'août 2004.

Par lettre du 29 juillet 2004 " l'union locale CGT " a écrit " malgré le courrier qui a été remis ce matin aux grévistes par le directeur commercial de la Société DE LAMA, les salariés reprendront le travail uniquement si Monsieur Z... signe le protocole de fin de conflit qui lui a été remis en main propre le lundi 26 juillet, qui sera déposé à la DDTE et au Conseil de prud'hommes ",
et précise que la SAS ne s'était pas engagée à appliquer la convention collective pour l'avenir, à payer les jours de grève, à organiser les élections des délégués du personnel, à arrêter les procédures engagées contre les salariés.

La SAS a fermé pour congés pendant le mois d'août.

Le 23 août 2004 " la section syndicale CGT DE LAMA " a écrit " Après trois semaines de congés payés la grève se poursuit ", dénonçant les méthodes de Monsieur Z..., le licenciement d'un nouveau salarié, ses propositions financières pour mettre fin aux contrats de certains des salariés.

Par lettre du 26 août 2004 la SAS a notifié à ses salariés qu'à compter du 1er janvier 2005 la convention collective applicable sera celle de l'industrie textile.

Le 30 août 2004 une grande partie des salariés a repris la grève, subordonnant la reprise du travail à :
la rectification des bulletins de paie,
l'organisation d'élection de délégués des personnels,
la signature d'un protocole de fin de conflit,
et protestant contre les licenciements en cours et à venir.

Le 10 septembre 2004, le Préfet de la Dordogne a désigné Monsieur B..., directeur de recherche au CNRS, directeur du centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale de l'Université MONTESQUIEU, Bordeaux IV en qualité de médiateur ;
il a établi des recommandations le 19 septembre 2004 puis un rapport le 20 septembre 2004,
il a constaté que Monsieur Z... s'opposait à toute conciliation et avait déclaré pour nous il n'est pas question de reprendre ces gens là mais il s'agit dorénavant de se séparer d'eux par des moyens légaux... $gt; $gt;,
il a effectué des propositions pour une solution au conflit.

Le 28 septembre 2004 Monsieur Z... a répondu à Monsieur B... : Quand on lit votre rapport on comprend pourquoi la CGT a demandé l'intervention d'un médiateur. Votre rapport ne présente pas l'objectivité requise par l'exercice et laisse apparaître un parti pris manifeste... votre culture ne vous permet pas de concevoir la liberté d'embaucher et de débaucher, principe fondamental de toutes les économies libérales... $gt; $gt;.

La grève a perduré,
les manifestations aussi jusqu'à février 2005,
beaucoup des salariés grévistes ont été licenciés.

Le 21 septembre 2004 Monsieur C..., délégué syndical CGT et le personnel gréviste de la Société DE LAMA ont écrit au médiateur, accepter ses propositions sauf à demander un rappel de prime d'ancienneté antérieurement à septembre 2000, à obtenir la rectification des bulletins de salaire, à préciser que la signature d'un protocole de fin de conflit par un membre de l'union locale CGT ne constituait pas une condition, que devait être élaboré un protocole électoral pour l'élection des délégués du personnel.

Ces événements ont donné lieu a plusieurs procédures.

Par arrêt du 27 juin 2005 la présente Cour, statuant sur la demande de la SAS tendant à voir déclarer la grève illicite, a confirmé les ordonnances de référé du Président du Tribunal de grande instance de Bergerac des 08 octobre et 05 novembre 2004 ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner la libération des accès au lieu de travail aux abords de l'entreprise de la SAS, et déclaré irrecevable la demande de cette dernière tendant à voir dire la grève illicite.

Par arrêts des 02 mars et 20 septembre 2006, la chambre correctionnelle de la présente Cour a condamné Monsieur Z... du chef d'entrave à la liberté de réunion et de manifestation rappelant : qu'il convient encore d'ajouter qu'il résulte de la procédure et notamment des déclarations de Sylvain et Jacques D... que c'est avec l'assentiment et le soutien de Z... que ceux-ci ont déversé le contenu d'une tonne de lisier d'une capacité de 2. 000 litres à proximité immédiate du portail d'entrée de l'usine lieu où se tenaient les grévistes de l'entreprise afin que l'odeur pestilentielle dégagée les incite à se déplacer.

Que de même l'intervention de Z... Gérard ayant consisté à renverser les tables et chaises utilisées par les grévistes, constitue au même titre que le déversement de purin, une voie de fait qui caractérise l'infraction reprochée. $gt; $gt;.
et déclaré bien fondées les constitutions de partie civile de l'UD CGT et des salariés grévistes.

Le 04 août 2004, Monsieur X... qui avait été engagé le 20 juin 1988 en qualité de gardien, a saisi le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC de demandes tendant à la condamnation de la S. A. S. à lui payer des rappels de salaire, une prime d'ancienneté.

Par lettre du 16 septembre 2004, la S. A. S. a notifié à Monsieur X... son licenciement dans les conditions suivantes :

Pour ces motifs, votre licenciement pour fautes lourdes interviendra à la date de première présentation du présent courrier à votre domicile. $gt; $gt;.

Monsieur X... a sollicité alors en outre sa réintégration.

Par jugement du 17 janvier 2005, le Conseil de Prud'hommes a statué ainsi :
Dit que la grève n'était pas licite au moment du licenciement de Monsieur X... Dominique.
Déboute Monsieur X... Dominique de sa demande de réintégration.
Ordonne à la S. A. S. DE LAMA de remettre à Monsieur X... Dominique les bulletins de salaire rectifiés depuis le 01 octobre 2000 dans un délai de 15 jours à partir de la notification de la présente décision et ce sous astreinte de 10 € par jour de retard au delà du 15ème jour.
Le Conseil de Prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte.
Condamne la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur X... Dominique au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 2000 €... $gt; $gt;.

Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision ;
cet appel enrôlé sous le no 05 / 995 a été radié puis ré-enrôlé sous le no 07 / 4419.

Par conclusions écrites et développées à l'audience, Monsieur X... demande à la cour de :
Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur Dominique X... à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC le 17 janvier 2005.
Constater que les salariés grévistes de la société DE LAMA n'ont pas abusé du droit de grève.
En conséquence, dire nul et de nul effet le licenciement pour faute lourde intervenu à l'encontre de Monsieur Dominique X... le 22 septembre 2004 puisque contraire aux dispositions combinées des articles L. 122-45 et L 521-1 du Code du Travail.
En conséquence et compte tenu de l'impossibilité d'une poursuite de la relation contractuelle de travail entre Monsieur Dominique X... et la société DE LAMA, condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... une indemnité de 54. 403, 20 € correspondant à 36 mois de salaire pris sur la base des 12 derniers mois de salaire (1. 511, 20 €) au titre de l'article L122-14-4 du Code du Travail.
Condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... une indemnité de 4. 130, 61 € au titre de l'indemnité conventionnelle.
Condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... les sommes de 3. 022, 40 € et 302, 24 € au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, en application des dispositions combinées des articles L122-6 et L122-8 du Code du Travail.

Dire et juger que les salariés gréviste ont été contraints, de part l'attitude de refus de leur employeur de leur verser la prime d'ancienneté de faire grève pour se voir reconnaître leurs droits professionnels essentiels.
En conséquence, condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... des dommages et intérêts correspondant au montant des salaires pour les jours de grève sur la période du 12 juillet 2004 au 08 novembre 2004, soit une somme de 5. 249, 24 €.
Constater que la Convention Collective de la plasturgie avait vocation à s'appliquer à la S. A. S. DE LAMA dès 1998.
En conséquence, condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... les arriérés de prime d'ancienneté pour la période d'août 1999 à août 2000, soit 960, 21 €.
Dire et juger que Monsieur Dominique X... devait bénéficier de la prime de panier de nuit en application de la Convention Collective de la plasturgie depuis 1998.
En conséquence, condamner la S. A. S. DE LAMA à lui verser les rappels de prime de panier de nuit dans le respect de la prescription quinquennale à compter du mois d'août 1999 jusqu'à la saisine du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC le 04 août 2004, soit une somme de 3. 235, 95 €.
Dire et juger que les bulletins de salaire de Monsieur Dominique X... à compter du 1er janvier 1998 sont erronés.
En conséquence, ordonner la remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés depuis le 1er janvier 1998 sous astreinte de 10 € par bulletins de paie et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
En conséquence, réformer en son intégralité le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BERGERAC le 17 janvier 2005.
Condamner la S. A. S. DE LAMA à verser à Monsieur Dominique X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dire que les sommes mises à la charge de la S. A. S. DE LAMA seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC (04 août 2004)... $gt; $gt;.

De son côté, la S. A. S., par conclusions écrites et développées à l'audience, demande à la cour :
De confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BERGERAC en date du 17 janvier 2005,
De dire que seule la Convention Collective de l'Industrie textile trouvait à s'appliquer à la société DE LAMA entre les années 2000 et 2005,
Confirmer le caractère illicite du mouvement de grève à compter du 29 juillet 2004.
De dire le licenciement de Monsieur X... fondé sur une faute lourde.
A titre principal, de débouter Monsieur X... de :
- sa demande de paiement des jours de grève du 12 juillet au 08 novembre 2004,
- de sa demande au titre d'un licenciement abusif :
* paiement d'un préavis,
* paiement de congés payés sur préavis,
* paiement de 54. 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- de sa demande de paiement de prime d'ancienneté entre août 1999 et août 2000,
- de sa demande de prime de panier de nuit,
- de sa demande de remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés depuis le 1er janvier 1998.
...
De débouter Monsieur X... de toutes ses autres demandes.
Sur les demandes reconventionnelles..., de condamner Monsieur X... au remboursement du rappel de prime d'ancienneté payée au mois d'août 2004 pour une valeur nette de 3. 823, 12 €,
De le condamner au paiement de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
De le condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, en ce qui concerne la demande en paiement des jours de grève, il plaira à la cour de débouter Monsieur X... de sa demande à compter du 29 juillet 2004, date de l'annonce du paiement des primes d'ancienneté à l'ensemble du personnel ou du 22 septembre 2004, date de son licenciement.
De dire que..... l'indemnité de licenciement ne peut être calculée que selon les dispositions de la Convention Collective de l'industrie textile, soit pour un montant de 2. 580, 37 €. $gt; $gt;.

DISCUSSION

Sur le licenciement

Par application de l'article L. 521-1 du Code du travail la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde du salarié $gt; $gt; ;
la faute lourde est définie comme celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur ;
il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde énoncée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l'espèce le licenciement s'inscrit dans le cadre d'une grève dont le caractère licite est discuté.

Sur le caractère licite ou abusif de la grève et de sa poursuite

Le conflit est né de la revendication par un grand nombre de salariés de l'application des dispositions de la convention collective de la plasturgie relatives à la prime d'ancienneté,
cette prime était due en l'état du droit alors applicable antérieurement aux arrêts de la cour de Cassation du 15 novembre 2007,
et l'employeur en a très tardivement convenu après le déclenchement de la grève le 12 juillet 2004 seulement par son courrier du 29 juillet 2004, avant la prise des congés en août et la fermeture de l'entreprise,
jusqu'au 29 juillet 2004 la grève était manifestement licite.

A la réouverture de l'entreprise malgré l'octroi de la prime d'ancienneté payée selon le bulletin de salaire du mois d'août, la grève s'est poursuivie.
Il ressort de l'exposé des faits plus haut reproduit que le comportement de l'employeur avait exacerbé les passions,
et les salariés étaient fondés à demander :
- la rectification des bulletins de salaire, conséquence du paiement de la prime d'ancienneté qui n'a été tardivement réalisée qu'en 2005,
- l'organisation d'élections de délégués du personnel, aucun processus électoral n'ayant été engagé depuis plus de 10 ans,
- l'établissement d'un protocole de sortie de grève, les licenciements se poursuivant dans le cadre de la politique décidée par la S. A. S. de se séparer, par tous les moyens, des salariés âgés et / ou grévistes,
le médiateur ayant noté à cet égard dans son rapport : Aux revendications de départ et de fin de conflit est venue s'ajouter centralement celle du respect non pas du droit formel de grève, mais de l'exercice effectif d'un droit constitutionnellement reconnu à tout salarié ; la question est tout simplement celle de la continuation des contrats de travail des deux tiers des salariés grévistes ; au 15 septembre et au 34ème jour de grève, il y avait 5 personnes licenciées et 7 autres convoquées à un entretien préalable de licenciement.
Nous sommes de ce point de vue devant un cas de figure aussi exceptionnel qu'évident, Monsieur Z... a, parmi ses qualités, celle d'affirmer aussi bien par écrit qu'à l'oral, ses objectifs et singulièrement son projet d'exclusion de la majorité en grève de son personnel dont l'ancienneté se situe entre 8 et 25 ans et qui, pour la première fois dans son entreprise, participe à une grève $gt; $gt;.
il s'ensuit que la poursuite de la grève était licite.

Reste donc à examiner le bien fondé des autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Sur la distribution de tracts mensongers et diffamatoires à l'égard du fondateur de la S. A. S.

La SAS vise dans ses écritures et à l'audience les tracts des 15, 23 juillet et 23 août 2004.

Elle reproche au tract du 15 juillet de préciser pas de nouvelles du PDG $gt; $gt;, le bateau coule et le capitaine a déserté $gt; $gt;,
celui du 23 juillet mentionne, selon l'employeur, à tort qu'une salariée, secrétaire trilingue, ne perçoit qu'un salaire net de 6. 400 frs par mois, alors qu'elle perçoit plus ;
aucun élément n'établit que le salarié ait été personnellement auteur de ces deux tracts ;
au demeurant les faits allégués, à les supposer même imputables au salarié, ne caractérisent pas la faute lourde au sens de la définition plus haut retenue.

La SAS fait enfin valoir que le tract du 23 août 2004 est particulièrement outrageant en ce qu'il emploie les termes " son argent sale " ;
elle justifie que par jugement du 28 juin 2005 le Tribunal correctionnel de Bergerac a condamné les salariés grévistes, dont Monsieur X..., à ce titre pour injure publique ;
si effectivement les termes litigieux sont caractéristiques d'une faute, il convient de les resituer dans leur contexte,
en effet le contenu du tract révèle que les grévistes ont utilisé les termes litigieux non pas pour faire état de revenus occultes ou illicites, mais pour reprocher à l'employeur d'avoir proposé à un salarié qu'il envisageait de licencier, une transaction, de façon, à diviser les grévistes,
ce fait ne caractérise pas non plus une faute lourde.

Sur le fait de bloquer, par périodes de 15 à 60 minutes, l'entrée et la sortie du personnel

Le salarié invoque l'ordonnance de référé du 05 novembre 2004, confirmée par l'arrêt de la présente cour du 27 novembre 2005 qui a dit n'y avoir lieu d'ordonner la libération de l'accès au lieu de travail de l'entreprise à défaut de la preuve de voie de fait et de trouble manifestement illicite.

Il résulte des attestations précises et concordantes de Monsieur E..., F..., G..., A..., que le salarié avec d'autres grévistes avaient antérieurement à son licenciement à l'occasion de la grève ralenti l'entrée des salariés chacun 10 mn, ce qui occasionnait des retards dans le travail ;
reste que l'accès au de travail n'a pas été bloqué,
qu'il n'est pas établi que ces quelques retards aient désorganisé la production et entravé la liberté de travail des autres salariés,
que ce comportement s'inscrit aussi dans une situation dans laquelle l'employeur avait, dès le 16 juillet 2004 4 jours après le début de la grève, exacerbé les salariés en déversant du lisier à proximité immédiate des lieux où se trouvaient à l'extérieur de l'usine les grévistes, et avait renversé les tables et les chaises utilisées par les grévistes, faits pour lesquels il a été pénalement condamné,
et avait fait valoir dans ses lettres des 13 et 23 juillet sa décision arrêtée de se séparer de tous les salariés grévistes, alors que la grève était parfaitement légitime ;
la preuve d'une faute lourde n'est donc pas rapportée.

Sur les heures de présence

La S. A. S. ne reprend pas précisément ce grief dans ses écritures développées à l'audience ;
elle ne justifie de celui-ci par aucune pièce ;
au demeurant, à le supposer réel, il apparaît, dans le contexte de la grève, être invoqué pour les besoins de la cause et est dépourvu de sérieux.

Le licenciement est donc nul et le salarié est fondé en sa demande de réparation du préjudice qui en a découlé et qui ne peut être inférieure à l'indemnité de l'article L122-14-4 du Code du Travail et qui sera appréciée comme il suit dans le dispositif, en l'absence de justification particulière de la situation après le licenciement.

Sur les dommages et intérêts sollicités par le salarié en réparation du préjudice causé par le non paiement des salariés pendant les jours de grève

Le salarié invoque le manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations,
toutefois, ce manquement, essentiellement le non paiement des primes, n'est pas suffisamment caractérisé par la violation d'un droit essentiel susceptible de justifier l'allocation de l'indemnité sollicitée.

Sur la demande en répétition de l'indu présentée par la S. A. S. et la Convention Collective applicable entre septembre 2000 et décembre 2004

La S. A. S. poursuit à ce titre le remboursement du rappel de prime d'ancienneté payée au mois d'août 2004 faisant valoir :
- que c'est à tort que la cour de cassation estimait, avant son arrêt du 15 novembre 2007, que la mention d'une Convention Collective sur les bulletins de paie valait reconnaissance de l'application de la convention à l'entreprise,
- que la S. A. S. a payé cette prime, cédant aux pressions des salariés, d'autant qu'en l'état de la jurisprudence de l'époque, ces derniers pouvaient prendre acte de la rupture de leurs contrats de travail en cas de non paiement,
- que la S. A. S. n'a jamais appliqué volontairement la Convention Collective de la plasturgie, celle-ci ayant été mentionnée par l'erreur de son comptable chargé de l'édition des bulletins de paie,
- qu'en fait, elle n'a jamais appliqué aucune des dispositions de la Convention Collective, ne versant pas la prime d'ancienneté, les primes de panier de nuit, n'accordant pas les jours de congés supplémentaires à ses cadres,...,
- que personne n'a contesté la dénonciation de la Convention Collective de la plasturgie,
- que son activité principale entre, depuis le début de son activité, dans le cadre de la Convention Collective des textiles à nouveau appliqué sans discussion.

Toutefois, il doit être constaté :
- que la Convention Collective de la plasturgie a été appliquée par la S. A. S. volontairement ainsi qu'en font foi les mentions des bulletins de salaire,

- qu'un des indices du champ d'application d'une Convention Collective est l'activité de l'entreprise telle qu'elle résulte du code APE définissant celle-ci,
- que pendant tout le temps de l'application de la Convention Collective de la plasturgie, la S. A. S. a volontairement choisi un code APE entrant dans le champ d'application de la plasturgie,
- qu'en fait, pendant tout le temps de cette application, il est reconnu et établi que la S. A. S. avait une telle activité, l'enrobage par polyéthilène de sangles d'arrimage,
- qu'il n'est pas démontré, pendant la période litigieuse, que cette activité ait été accessoire, bien au contraire,
- qu'en effet, la S. A. S. a écrit le 26 mai 2004 à un salarié : A partir de 1998 notre société s'est orientée vers la fabrication de bandes de renforcement pour l'industrie plastique, avec notamment la fabrication des bandes pour le renforcement des tubes en PEHD, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de changer de code APE et ce changement a été fait début septembre 2000 donc jusqu'à septembre 2000, ce sont les Convention Collective de l'industrie textile qui s'imposent à tous $gt; $gt;,
- que dans ces conditions, les salariés sont fondés à revendiquer la Convention Collective de la plasturgie pendant tout le temps de son application et il n'y a donc pas lieu à répétition de l'indu.

Il s'ensuit que le salarié est fondé en sa demande en paiement des indemnités complémentaires de préavis et de licenciement prévues par la Convention Collective de la plasturgie.

Sur la demande en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté pour la période d'août 1999 à août 2000

Cette demande est fondée sur la reconnaissance faite par la lettre adressée aux salariés le 26 mai 2004 plus haut reproduite.

Sur la prime de panier de nuit

La Convention Collective de la plasturgie étant applicable,
la prime prévue par les articles 5 et 6 est due.

PAR CES MOTIFS
La cour

Infirme le jugement,

Dit que le licenciement de Monsieur X... est nul et que ce dernier est fondé à réclamer l'application de la Convention Collective nationale de la plasturgie,

Condamne la S. A. S. DE LAMA à payer à Monsieur X... les sommes de :
* 18. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
* 4. 130, 61 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 3. 022, 40 € et 302, 24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 960, 21 € au titre du solde de la prime d'ancienneté,
* 3. 235, 95 € au titre des primes de nuit,
ces différentes sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de leur demande en justice,
* 1. 500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'appel,

Invite, sans astreinte, la S. A. S. DE LAMA à adresser à Monsieur X... dans les 3 mois, un bulletin de salaire rectificatif récapitulatif,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la S. A. S. DE LAMA aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier B. Frizon de Lamotte


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 04/00179
Date de la décision : 20/03/2008

Références :

Décision attaquée : conseil de prud'hommes de Bergerac


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-20;04.00179 ?
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