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18/03/2008 | FRANCE | N°07/00172

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0552, 18 mars 2008, 07/00172


COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MARS 2008

(Rédacteur : Jean- Claude SABRON, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 00172

G. F. A. DOMAINE D' ORPHEE

c /

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU GERS

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 janvier 2003 (RG : 02 / 00046) par le Tribunal de Grande Instance d' AUCH, suivant

déclaration de saisine en date du 9 janvier 2007, suite à un arrêt de la Chambre Commerciale, Financière et Economique de la Cour de Cas...

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MARS 2008

(Rédacteur : Jean- Claude SABRON, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 00172

G. F. A. DOMAINE D' ORPHEE

c /

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU GERS

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 janvier 2003 (RG : 02 / 00046) par le Tribunal de Grande Instance d' AUCH, suivant déclaration de saisine en date du 9 janvier 2007, suite à un arrêt de la Chambre Commerciale, Financière et Economique de la Cour de Cassation du 28 novembre 2006 cassant l' arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour d' Appel d' AGEN du 10 mai 2004.

DEMANDEUR :

G. F. A. DOMAINE D' ORPHEE, représenté en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis Poussignan- 32220 ST LOUBE

représenté par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour, et assisté de la SCP ALAIN NONNON- CHRISTINE FAIVRE, avocats au barreau du GERS

DEFENDEUR :

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU GERS domicilié en cette qualité 2 Place de l' Ancien Foirail- 32000 AUCH, agissant sous l' autorité de MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS

représenté par la SCP ARSENE- HENRY ET LANCON, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L' affaire a été débattue le 05 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean- Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte reçu le 6 décembre 1996 par Maître X..., notaire à Castelnau d' Estrefonds, le GFA Domaine d' Orphée, représentée par sa gérante, Madame Marguerite Y..., de nationalité française et résidente en Andorre, a acquis au prix de 4 785 000 F par rétrocession de la SAFER GHL qui l' avait achetée le même jour à une indivision Z... une propriété rurale et d' exploitation comprenant maison de maître, dépendances et terres attenantes, le tout d' une superficie de 124 hectares 83 ares 24 ca, située sur les communes de MONTBLANC et SAINT LOUBES AMADE (Gers).

Le GFA Domaine d' Orphée, acquéreur, a pris l' engagement dans cet acte de conserver pour une durée de dix ans à compter du 6 décembre 1996 la destination agricole du bien vendu qui, par application des dispositions de l' article 1028 ter du code général des impôts, bénéficiait d' une réduction du taux des droits d' enregistrement.

Selon un acte notarié en date du 4 juillet 1997 le GFA du Domaine d' Orphée dont les parts sont détenues par Madame Y... et son fils a donné à bail à long terme la totalité de la propriété sus décrite à une EARL dite de Poussignan dont Madame Y... était également la gérante et l' unique associée.

Par notification de redressement en date du 18 octobre 1999 les services fiscaux ont remis en cause le bénéfice du taux réduit de 0, 60 % prévu aux articles 1020 et 1028 du Code Général des Impôts sur la partie du prix correspondant à la maison de maître, dite Château de Poussignan.

Un avis de mise en recouvrement a été émis le 27 avril 2000 après confirmation du redressement pour un montant de 425 000 F à titre de rappel de droits et de 123 652 F en pénalités.

Une réclamation du 2 juin 2000 a fait l' objet d' une décision de rejet du 17 octobre 2002, notifiée le 7 novembre 2001.

Par acte du 28 décembre 2001 le GFA Domaine d' Orphée a fait assigner l' administration des impôts devant le tribunal de grande instance d' AUCH aux fins de dégrèvement et de remboursement des droits et des pénalités recouvrés.

Par jugement du 15 janvier 2003 le tribunal a débouté le GFA de l' intégralité de ses demandes en retenant, notamment, que la maison de maître dite Château de Poussignan dont la surface habitable était de 600 m2 et qui était situé dans un parc arboré équipé d' une piscine et d' un tennis, était un immeuble autonome de l' exploitation qui bénéficiait de structures propres, dans lequel Madame Y..., gérante du GFA et de l' EARL dont elle était l' unique associée n' avait pas sa résidence habituelle.

Un arrêt de la cour d' appel d' AGEN en date du 10 mai 2004 a infirmé ce jugement et prononcé la décharge des droits d' enregistrement.

Sur pourvoi de l' administration fiscale du Directeur Général des Impôts, la cour de cassation a par arrêt du 28 novembre 2006 cassé l' arrêt de la cour d' appel d' Agen en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la cour de BORDEAUX.

*

Devant la cour de renvoi, le GFA DOMAINE D' ORPHEE fait valoir dans des conclusions du 19 novembre 2007 :

. qu' il résulte des dispositions des articles 1028 du code général des impôts et de L 141- 1 du code rural, relatif aux rétrocessions de biens ruraux opérées par les SAFER, que les seuls critères de la réduction des droits résident dans la nature des biens et dans l' engagement de l' acquéreur de leur conserver pendant dix ans leur destination agricole ;

. que la maison de maître qui a été restaurée par l' ancien exploitant, Monsieur Z..., est partie intégrante de l' exploitation puisqu' elle se trouve au milieu des terres et qu' elle a toujours servi d' habitation à l' exploitant ;

. qu' en l' occurrence l' exploitant est l' EARL de Poussignan auquel la propriété a été louée selon bail à long terme du 4 juillet 1998 et que c' est relativement à cette EARL qui est inscrite à la MSA, assujettie à l' impôt sur les sociétés français et dont les salariés sont affiliés au régime des salariés agricoles français, que doit être appréciée la condition d' affectation à un usage agricole, tout comme l' affectation de la maison faisant partie du domaine ;

. qu' il est indifférent que la gérante qui exerce effectivement cette fonction n' ait pas sa résidence fiscale en France dés lors qu' elle utilise habituellement la maison où se trouvent les locaux administratifs de l' EARL dans le cadre de sa gestion ;

. que la maison de maître dont l' affectation n' a pas été modifiée depuis la rétrocession de la SAFER est bien, par conséquent, un accessoire de l' exploitation agricole servant à l' habitation de l' exploitant.

L' appelant relève par ailleurs que l' administration fiscale qui a donné un avis favorable à la rétrocession par la SAFER ne peut pas, en l' absence de modification apportée à la destination du bien, contester la réduction des droits sans méconnaître le principe de loyauté qui s' impose à elle en vertu de l' article 6 de la convention européenne des droits de l' homme.

Il demande à la cour d' infirmer le jugement entrepris, de prononcer la décharge des droits d' enregistrements mis en recouvrement et de condamner le Directeur des Services Fiscaux du Gers à lui payer une indemnité de 7 500 Euros au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Directeur des Services Fiscaux du Gers a conclu le 20 août 2007 à la confirmation du jugement entrepris en relevant :

. que s' agissant des bâtiments servant à l' habitation de l' exploitant, le maintien du bénéfice du régime de faveur de l' article 1028 ter du code général des impôts est subordonné au fait qu' ils constituent l' accessoire de l' exploitation agricole ;

. qu' en l' espèce la remise en cause du caractère agricole de la maison de maître découle d' un ensemble d' éléments de fait qui contribuent à démontrer que cette dernière ne peut pas constituer l' accessoire indispensable à la mise en valeur de l' exploitation agricole ;

. que ces éléments consistent tout d' abord dans les caractéristiques physiques de la maison de maître qui possède douze pièces dont cinq salles de bain et un parc d' agrément avec piscine et tennis et qui, desservie par une allée la reliant directement à la route et séparée de l' exploitation qui possède ses propres bâtiments, est par rapport à celle- ci un immeuble autonome ;

. qu' outre ce détachement physique de la maison par rapport au domaine agricole, il convient de prendre en considération la situation de la gérante de l' EARL qui n' est pas un chef d' exploitation au sens des dispositions de l' article L 411- 59 du code rural dés lors qu' elle ne participe pas effectivement aux travaux agricoles et ne demeure pas en permanence sur l' exploitation ;

. qu' en effet celle- ci ayant sa résidence fiscale en Andorre où elle se trouve la plupart du temps puisqu' elle gère un hôtel, la maison de maître et ses dépendances ne sont pas affectées à son habitation principale, raison pour laquelle la maison de maître est considérée, pour le calcul de la taxe d' habitation, comme une résidence secondaire ;

. qu' enfin l' argument tiré de l' avis conforme du directeur des services fiscaux est inopérant des lors que cet avis qui vise seulement les conditions financières de l' opération n' est donné que pour l' acquisition par la SAFER et non lors de la rétrocession qui est le fait générateur de l' impôt.

LES MOTIFS DE LA DECISION

L' exonération prévue par l' article 1028 ter du code général des impôts suppose, en premier lieu, que la cession opérée par une SAFER ait pour objet le maintien, la création ou l' agrandissement d' exploitations agricoles.

Cette condition existe en l' espèce puisque le domaine sur lequel se trouve une maison de maître selon la description de l' acte de vente est une exploitation agricole et que cette affectation a été maintenue.

Il faut, en second lieu, que l' acquéreur ait pris l' engagement, pour lui et pour ses ayants cause, de conserver la destination des immeubles acquis pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété, à défaut de quoi, selon les dispositions de l' article 1840 G octies du même code, il est tenu d' acquitter à première réquisition les droits et taxes dont l' acquisition avait été exonérée, outre un droit supplémentaire de 1 %.

En l' espèce l' affectation du domaine n' a pas été modifiée, pas plus que celle de la maison de maître et de son parc qui ont été aménagés par le précédent exploitant, l' indivision Z... dont la SAFER a rétrocédé la propriété au GFA DOMAINE D' ORPHEE constitué par Madame Y... et son fils.

La maison de maître est attachée à l' exploitation, les parcelles sur lesquelles elle est implantée formant un seul tenant ; il est indifférent que la partie habitation soit séparée par une clôture du reste du domaine où se trouve la partie exploitation est ses bâtiments spécifiques, tout comme est indifférent le nombre de pièces de la maison, ou le fait qu' elle soit agrémentée d' un tennis et d' une piscine.

Une maison dépendant d' une exploitation est nécessairement distincte par sa destination qui est l' habitation la distinction de son affectation n' empêche pas qu' elle puisse être l' accessoire de l' exploitation.

Au regard de ses caractéristiques purement physique, la maison de maître qui est implantée sur le domaine agricole auquel elle donne son nom de château de Poussignan est objectivement un accessoire, affecté à l' habitation, de l' exploitation agricole.

L' acquéreur, c' est- à- dire le GFA DOMAINE D' ORPHEE, n' a apporté aucune modification à cette configuration de l' ensemble pas plus qu' à l' affectation des terres ou de la maison de maître qui y est implantée.

Madame Y... qui est la gérante du GFA et de l' EARL n' occupait pas autrement la maison qu' elle ne le fait depuis la constitution de l' EARL à laquelle le GFA a loué les immeubles dans le cadre d' un bail à long terme.

Ces entités n' ont rien de fictif, contrairement à ce qu' a relevé le premier juge, puisque le GFA est réellement propriétaire d' une exploitation agricole avec maison de maître et que l' EARL exploite réellement les terres agricoles en même temps qu' il occupe la maison, de manière permanente en sa qualité d' exploitant.

Il est légal que des personnes physiques puissent créer des personnes morales afin de séparer leurs activités dés lors que ces personnes morales recouvrent une réalité, en l' espèce la propriété foncière pour le GFA et une activité d' exploitant agricole pour l' EARL ; l' appelant relève à juste titre que ces entités sont régies par le droit français, emploient du personnel affilié au régime des salariés agricoles et paient des impôts en France.

Le fait que l' exploitation du domaine soit assurée depuis juillet 1998, non plus directement par le GFA, mais sous la forme d' une EARL liée au premier par un bail à long terme ne peut pas être considéré comme une modification de la destination agricole des immeubles acquis en décembre 1996 de la SAFER GHL.

L' appelant fait valoir à bon droit que la destination du domaine et celle de la maison de maître qui lui est rattachée doit être appréciée relativement à l' EARL qui est locataire de l' ensemble et non relativement à la situation personnelle de sa gérante qui n' a pas changé puisqu' avant la constitution de l' EARL celle- ci cumulait deux activités, celle de gérant du GFA et celle de gérante salariée d' un hôtel situé en Andorre.

La maison de maître dans laquelle se trouvent le siège et les bureaux de l' EARL est toujours un immeuble d' habitation affecté à l' exploitation agricole dans laquelle Madame Y... qui est gérante du GFA propriétaire et de l' EARL exploitante réside régulièrement pour les besoins de cette exploitation.

Il est indifférent que cette résidence ne soit pas permanente et qu' elle se déroule en alternance avec l' autre partie de la semaine que Madame Y... consacre à sa seconde activité de gérante salariée d' un hôtel en Andorre.

La maison de maître occupée par la gérante de l' EARL qui exploite le domaine n' est pas une résidence secondaire puisque cette occupation, à défaut d' être permanente, a lieu de manière habituelle en fonction des besoins de l' exploitation, ou de sa gestion, tout au long de l' année ; il ne s' agit pas d' une occupation occasionnelle ou saisonnière, uniquement affectée aux loisirs ou au temps libre.

La circonstance que, Madame Y... ayant sa résidence fiscale en Andorre, l' administration française l' ait soumise pour la taxe d' habitation au régime plus pénalisant des occupants d' une résidence secondaire n' est pas un argument pertinent au regard des éléments de fait sus analysés.

Enfin, Madame Y... exploite le domaine agricole du Château de Poussignan par l' EARL dont elle est l' unique associée et la gérante et par le personnel que cette EARL emploie ; il est indifférent qu' elle ne participe pas personnellement aux travaux agricoles.

L' administration n' est pas fondée, en conséquence, à remettre en cause l' exonération accordée pour l' ensemble des immeubles, maison de maître comprise, lors de la rétrocession de la propriété par la SAFER au GFA DOMAINE D' ORPHEE.

Il y a lieu d' infirmer le jugement entrepris et de prononcer la décharge des droits rappelés.

Le GFA est en droit de réclamer sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais exposés en appel qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité que la cour fixe à 3 000 Euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement prononcé le 15 janvier 2003 par le tribunal de grande instance d' AUCH.

Statuant à nouveau, prononce la décharge des droits d' enregistrements rappelés au nom du GFA DOMAINE D' ORPHEE.

Dit qu' il y a lieu à restitution des droits indûment recouvrés.

Condamne l' administration fiscale, représentée par le Directeur des Services Fiscaux du Gers, à payer au GFA DOMAINE D' ORPHEE une indemnité de 3 000 Euros sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.

La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP RIVEL- COMBEAUD, avoué, conformément aux dispositions de l' article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0552
Numéro d'arrêt : 07/00172
Date de la décision : 18/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-18;07.00172 ?
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