COUR D'APPEL DE BORDEAUX
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
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cp
ARRÊT DU : 11 MARS 2008
(Rédacteur : Marie- Paule LAFON, Président,)
No de rôle : 07 / 02353
Nicole Marie Jacqueline X...
c /
Daniel Jacques Y...
Nature de la décision : RECOURS EN REVISION
Grosse délivrée le :
aux avoués
Décision déférée à la Cour : arrêt rendu le 26 septembre 2006 par la sixième Chambre de la Cour d'Appel de BORDEAUX (RG : 04 / 01243) suivant assignation aux fins de recours en révision du 03 mai 2007
APPELANTE :
Nicole Marie Jacqueline X...
née le 13 Mars 1944 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
demeurant...
33000 BORDEAUX
représentée par la SCP GAUTIER et FONROUGE, avoué à la Cour et assistée de Maître Manuel DUCASSE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Daniel Jacques Y...
né le 21 Novembre 1940 à PARIS (75012)
demeurant...
...
33950 LEGE CAP FERRET
représenté par la SCP FOURNIER, avoué à la Cour et assisté de la SCP DUCOS- ADER, ROBEDAT, OLHAGARAY, TOSI, FRAGO, avocats au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 janvier 2008 hors la présence du public, devant la Cour composée de :
Marie- Paule LAFON, Président,
Philippe GUENARD, Conseiller
Bruno CHOLLET, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Josette DELLA GIUSTINA
Ministère Public : l'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCEDURE ANTERIEURE :
Les époux Daniel Y... et Nicole X... ont contracté mariage le 24 juillet 1967 à Artigues. Leur union ayant été précédée d'un contrat de mariage ayant opté pour la communauté de biens réduite aux acquêts.
Le divorce a été prononcé entre les époux Y...- X... par jugement en date du 3 février 1997 devenu définitif.
La communauté ayant existé entre les époux a donné lieu à la signature d'un acte de partage en date du 27 novembre 1997 signé en l'étude de Maître B..., notaire à Ambarès qui avait été précédé du dépôt d'un rapport d'expertise qui faisait figurer dans la masse active de la communauté divers comptes bancaires dont chacun des époux était titulaire selon les indications données par chacun d'entre eux.
Arguant de fait que lors d'un contrôle fiscal dont elle a fait l'objet ultérieurement au cours de l'année 1997, elle avait appris que Monsieur Daniel Y... disposait de capitaux considérables dont l'origine était antérieure à l'acte de partage et qui n'avait pas été mentionné dans ce cadre, Madame Nicole X... a fait assigner Monsieur Daniel Y... devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX afin de voir ordonner une expertise pour vérifier leur origine et leur existence.
Par ordonnance en date du 14 mai 2001 elle était déboutée de sa demande.
Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2002, Madame Nicole X... a fait assigner Monsieur Daniel Y... devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX afin de voir juger qu'il s'est rendu coupable d'un recel sanctionné par les dispositions de l'article 1477 du Code Civil en dissimulant des sommes et valeurs lors du partage de communauté et obtenir par la suite la condamnation de ce dernier à payer l'intégralité des sommes recelées majorées de la plus value éventuelle prise par celle- ci à raison de leur emploi postérieurement à l'acte de partage de novembre 1997. Avant- dire droit elle sollicitait la désignation d'un expert comptable aux fins de recueillir tous éléments comptables sur les somme recelées. A titre subsidiaire elle sollicitait, si le recel n'était pas considéré comme acquis, qu'il soit jugé qu'elle avait été victime d'un dol lors des opération de liquidation et de partage de la communauté, et elle demandait que soit prononcée sur le fondement des articles 887 et 1116 du Code Civil la rescision pour lésion de l'acte de partage du 27 novembre 1997 et la nullité de la convention notariée du 5 décembre 1996.
Par jugement en date du 29 janvier 1994, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX la déboutait de l'ensemble de ses demandes et la condamnait au paiement d'une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par arrêt en date du 26 septembre 2006, la Cour d'Appel de BORDEAUX a débouté Madame Nicole X... de son appel et l'a condamnée au paiement d'une somme de
2 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Arguant de fait qu'elle avait appris postérieurement à la signature de l'acte de partage et à la procédure précitée l'existence du compte ouvert auprès de la société Smith Bartney dont elle ignorait les modalités d'approvisionnement antérieures à l'acte de partage dès lors qu'à cette époque son ex- mari ne bénéficiait pas de la partie du prix de vente à la société SOVI d'une parcelle de terrain située à Artigues qui a été prise en compte par cet acte à concurrence de 1328 000 Francs, Madame Nicole X... a, par acte d'huissier en date du 3 mai 2007, fait assigner Monsieur Daniel Y... devant la Cour d'Appel de BORDEAUX précité sur le fondement de l'article 595 du Code Civil.
A l'appui de son recours, elle soutient que :
- le délai de recours n'ayant couru qu'à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque c'est- à- dire la déclaration par l'expert chargé de la préparation de la liquidation de la communauté de la dissimulation de l'existence d'un compte ouvert par son ex- mari dans les livres de la Banque antérieure Smith § Barney, son recours a été introduit dans le délai légal de deux mois conformément à l'article 596 du Code Civil puisque cette information n'a été connue par ses soins que le 4 mars 2007 postérieurement à l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX.
- elle a du obtenir une attestation de Monsieur D... pour établir l'existence de la dissimulation du compte dès lors que l'expertise en dépit de la motivation de l'arrêt du 26 septembre 2006 n'en faisait pas mention et qu'en outre le bénéfice d'une nouvelle expertise comptable pour établir celle- ci lui a été refusée.
- elle fonde son recours en dépit des allégations de son adversaire sur l'existence d'une fraude résultant du mensonge de ce dernier qui a indiqué qu'elle avait eu connaissance du compte bancaire litigieux.
- à aucun moment les experts judiciaires commis au titre des opérations de partage de la communauté n'ont eu connaissance du compte Smith § Barney ainsi que confirmé par l'attestation de Monsieur D... ;
- aucune des pièces communiquées n'établit l'origine des fonds qui ont pu avant le partage alimenter ce compte à hauteur de 2. 936 000 Francs dès lors que la seule source de capitaux dont justifie son ex- mari pourrait résulter de la vente de biens immobiliers qui lui ont été attribués à l'occasion du partage par acte du 7 juillet 1999.
- Monsieur Daniel Y... ne disposait à la date d'ouverture du compte antérieure au partage d'aucun bien propre lui permettant d'approvisionner le compte de près de 500 000 Dollars capital qui n'a pu être constitué en quelques mois après la signature du 5 décembre 1996.
- il ne justifie nullement du prêt qu'il prétend avoir souscrit pour acquérir des actions SOLECTCOM.
- il ne démontre pas l'origine de la somme de 19 756 544 Francs apparaissant sur son avis d'imposition un an et demi plus tard non pas à la rubrique titres du capital mais revenus.
- les mécanismes de l'agiotage ne peuvent expliquer ce revenu.
- la dissimulation précitée a vicié son consentement et doit entraîner la nullité de l'acte de liquidation de communauté en application des articles 896 et 1116 du Code Civil.
- la réouverture de la liquidation de communauté devra être ordonnée et avant- dire droit il sera procédé à une expertise comptable pour établir les mouvements ayant affecté le compte bancaire litigieux.
- il devra lui être allouée une somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur Daniel Y... réplique que :
- Madame Nicole X... a invoqué depuis l'origine du litige les opposant la dissimulation frauduleuse du compte litigieux dans les livres de la Banque Smith § Barney.
- elle est évoquée dans le jugement du Tribunal de Grande Instance
- le délai de recours donc commencé à courir à compter du jour où Madame Nicole X... a développé son argumentation de dissimulation dolosive devant les premiers juges, c'est- à- dire en 2001
- elle est donc irrecevable à agir en révision, le délai prévu par l'article 596 du Nouveau Code de Procédure Civile étant expiré ;
- il appartenait à Madame Nicole X... pendant la précédente procédure au fond de s'assurer que son expert avait disposé de tous les éléments invoqués.
- les écritures échangées par les parties devant la Cour dans la procédure antérieure font état d'une discussion relativement à ce compte.
- l'attestation de Monsieur D... établie plus de dix ans après l'expertise sans que soient énumérés les documents qui lui ont été fournis par Madame Nicole X..., ne saurait établir le défaut d'information de l'expert sur l'existence du compte Smith Barney qui à l'époque était appelé Solectron et a seul pu permettre l'évaluation des 334 actions Solectron qui y étaient déposées et qui ont été prises en compte dans l'expertise pour une valeur de 57 915, 47 Frs
- Madame Nicole X... ne vise pas l'une des quatre causes de révision prévues par l'article 593 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- lors de la liquidation de communauté, Madame Nicole X... était assistée de con oncle avocat honoraire et d'un deuxième conseil
- il justifie du versement par ses soins au travers du compte litigieux d'une somme de 481 315, 63 € correspondant à l'acquisition de nouvelles actions SOLECTRON en octobre 1997.
- Madame Nicole X... a dilapidé la part importante de communauté dont elle a bénéficié.
- elle devra être déboutée de son recours et condamnée au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts outre 2 000 e sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Le Ministère Public auquel le dossier a été communiqué a indiqué s'en rapporter.
Motifs :
Pour fonder un recours en révision, Madame X... se prévaut de l'ignorance de l'existence d'un compte ouvert au nom de Monsieur Daniel Y... dans les livres de la Banque Smith § Barney que ce dernier aurait selon elle frauduleusement favorisé dans le cadre de la liquidation de communauté en cachant son existence aux deux experts mandatés par leur soins pour opérer l'arrêté des comptes de communauté.
Elle prétend pour établir que conformément aux dispositions de l'article 596 du Nouveau Code de Procédure Civile, le délai de recours en révision n'excède pas deux mois à compter du jour où elle en a eu connaissance qu'elle n'a été informée du fait que ce compte bancaire n'avait pas été intégré dans l'arrêté de compte de communauté établi par les deux experts que par une lettre de Monsieur D... expert qu'elle avait personnellement mandaté dans ce cadre et qui lui a confirmé qu'il en avait ignoré l'existence lors de l'exécution de sa mission.
Cependant sa thèse ne peut être retenue sur ce point dès lors que l'examen du rapport d'arrêté de compte de communauté établi par les deux experts missionnés démontre que l'existence du compte Smith § Barney a nécessairement été appréhendée par leurs soins dès lors qu'ils ont pris en considération les actions Solectron au sein duquel elles étaient déposées et ce même s'ils l'ont intitulé de ce fait compte Solectron. La référence à la Banque Smith § Barney ne pouvait être ignorée dès lors que l'étude du compte intervenait sur des bordereaux établis au nom de ladite banque tels qu'annexés au rapport d'expertise.
Cette analyse a d'ailleurs été expressément admise par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX dans son jugement du 29 janvier 2004 (page 5) et par l'arrêt confirmatif du 26 septembre 2006 (page 5) de la Cour d'Appel de BORDEAUX.
La Cour souligne dans cet arrêt que l'enrichissement du mari jugé suspect par l'épouse, ainsi qu'établi par la preuve qu'il verse aux débats résulte de l'acquisition de nouvelles actions qui se sont fortement valorisées.
Dès lors l'ensemble de ces éléments démontre que Madame Nicole X... connaissait à tout le moins l'existence du compte bancaire Smith Barney depuis le dépôt du rapport d'expertise des experts mandatés par les époux Y...- X... intervenu le 23 décembre 1996.
En conséquence Madame Nicole X... qui introduit le présent recours en révision plus de dix années après avoir été informée de l'existence du compte bancaire Smith § Barney par le rapport d'expertise précité est manifestement irrecevable à agir au regard du délai de deux mois prévu par l'article 596 du Nouveau Code de Procédure Civile, largement expiré à la date de délivrance de l'acte introductif d'instance du 3 mai 2007.
Dès lors Madame Nicole X... sera déboutée de son recours en révision comme irrecevable étant souligné que cette voie de rétractation ne saurait être considérée comme une ultime voie de réformation ainsi que le souhaiterait son auteur qui soumet une nouvelle fois à la Cour une argumentation déjà appréciée dans le cadre de décisions définitives ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
L'équité commande d'allouer à Monsieur Daniel Y... la somme de 1500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En revanche Monsieur Daniel Y... qui sollicite des dommages et intérêts n'invoque et n'établit aucun préjudice précis. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Enfin Madame Nicole X... qui succombe sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare Madame Nicole X... irrecevable en son recours en révision au regard des dispositions de l'article 596 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne Madame Nicole X... à payer à Monsieur Daniel Y... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Rejette la demande présentée par Monsieur Daniel Y... à titre de dommages et intérêts.
Condamne Madame Nicole X... aux dépens et en accorde distraction au profit de la SCP FOURNIER sur le fondement de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'arrêt a été signé par la Présidente Marie- Paule LAFON, et par Josette della GIUSTINA, Greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,