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12/02/2008 | FRANCE | N°06/01254

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0146, 12 février 2008, 06/01254


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 FEVRIER 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 01254

Abdelkader X...
Stéphanie Yvette Marguerite Z... divorcée X...

c /

S. A. R. L. FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 janvier 2006 (RG : 04 / 09390) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suiv

ant déclaration d'appel du 07 mars 2006

APPELANTS :

Abdelkader X...
né le 12 Septembre 1952 à NOVI (ALGERIE)
de nationalité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 FEVRIER 2008

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 01254

Abdelkader X...
Stéphanie Yvette Marguerite Z... divorcée X...

c /

S. A. R. L. FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 janvier 2006 (RG : 04 / 09390) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 mars 2006

APPELANTS :

Abdelkader X...
né le 12 Septembre 1952 à NOVI (ALGERIE)
de nationalité Française
profession : employé à la CAF du PUY-DE-DOME
demeurant ...
63000 CLERMONT FERRAND

Stéphanie Yvette Marguerite Z... divorcée X...
née le 31 Janvier 1974 à THIAIS (94320)
de nationalité Française
profession : esthéticienne
demeurant Chez Mademoiselle Sandrine A...-...-33610 CANEJAN

représentés par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour, et assistés de Maître Daniel THEVENET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE :

S. A. R. L. FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS venant aux lieu et place de la S. C. I. LES CORMORANS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis 436 Avenue de Verdun-33700 MERIGNAC

représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Pascale MAYSOUNABE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 décembre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

-contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Abdelkader X... et Stéphanie Z..., alors mariés mais depuis divorcés, ont acquis de la SCI LES CORMORANS, par actes des 24 et 25 septembre 2001, en l'état futur d'achèvement, un appartement dans un ensemble immobilier sis 33 rue du Maréchal JOFFRE, résidence Les Cormorans, 33 GUJEAN-MESTRAS, moyennant le prix de 109. 001, 05 euros réglé au moyen d'un prêt consenti par la Société Financière pour l'Habitat d'Aquitaine.

Le dit appartement a été vendu à la requête de la société de crédit, suivant commandement signifié le 4 septembre 2003, à l'audience des saisies immobilières du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 12 février 2004, au prix de 85. 000 euros ; préalablement à cette adjudication, les saisis avaient déposé un dire le 18 décembre 2003 aux termes duquel ils déclaraient que la présence de termites dans le bâtiment avait été constatée par expert.

Le 17 septembre 2004, les consorts Adelkader X...-Stéphanie Z... ont assigné devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX la SCI LES CORMORANS, sur le fondement de l'action en garantie des vices cachés, afin d'obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement du 9 janvier 2006, la septième chambre de ce tribunal a déclaré les époux X... irrecevables en leur action fondée sur les dispositions de l'article 1646-1 du Code Civil et les a condamnés au paiement des dépens et d'une indemnité de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déboutant la SCI LES CORMORANS de sa demande de dommages et intérêts.

Le tribunal a considéré que l'action en garantie décennale en principe attachée à la protection de l'immeuble avait été cédée avec la propriété de celui-ci, de sorte que l'intérêt à agir des époux X... n'était pas caractérisé puisqu'ils n'avaient pas introduit cette action antérieurement à la vente forcée de l'immeuble et avaient ainsi perdu la faculté de l'exercer.

Adelkader X... et Stéphanie Z... divorcée X... ont interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité non contestées.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives du 22 mars 2007, ils demandent à la Cour, vu les articles 1646-1, 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du Code Civil, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et

-de dire et juger leur action recevable et bien fondée

-de condamner la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS venant aux droits de la SCI LES CORMORANS à leur payer la somme totale de 27. 860, 36 euros au titre de leur préjudice, cette somme se décomposant en 24. 001 ; 05 euros au titre de la réduction du prix de vente et 3. 859, 31 euros au titre des intérêts versés avant la saisie

-de condamner la société intimée au paiement des dépens et d'une somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils font valoir :

-sur la recevabilité de leur action, que, en dépit de la vente, le propriétaire intermédiaire ne perd pas qualité pour exercer l'action en responsabilité décennale s'il a conservé un intérêt à agir, ce qui est le cas puisque l'immeuble a été vendu plus de 24. 000 euros de moins que son prix d'achat, et ce en raison de la présence de termites, ce qui relève de la responsabilité de la SCI LES CORMORANS, et que ladite présence de termites est établie par un rapport d'expertise du 1er septembre 2003

-que le Code Civil n'édite aucune forclusion en matière d'action en garantie décennale

-sur le bien fondé de l'action, que l'article 1792 du Code Civil, visé dans l'article 1646-1, instaure la responsabilité du constructeur si les dommages compromettent la solidité de l'ouvrage, ce qui est le cas en l'espèce, que les locataires ont cédé leur place aux insectes et que les copropriétaires sont dans l'incapacité de louer et a fortiori d'habiter cet immeuble

-s'agissant des préjudices subis, qu'ils sont de deux ordres, soit la perte de valeur de l'immeuble et le paiement des intérêts du prêt contracté pour l'acquisition de celui-ci, considérant que l'immeuble aurait été vendu plus cher s'il n'avait pas présenté le vice relatif aux termites et qu'eux-mêmes ne pouvaient pas ne pas en faire état en annexe au cahier des charges à l'égard des acquéreurs potentiels sauf à engager leur responsabilité.

Aux termes de ses conclusions du 3 novembre 2006, la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS demande à la Cour :

-de constater que l'action des consorts X...-Z... est irrecevable et mal fondée

-de constater l'absence de tout préjudice personnel de ceux-ci

-en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

-de dire et juger que l'action des appelants est irrecevable

-à défaut de les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions

-de constater leur mauvaise foi manifeste lors de la procédure d'adjudication et de la présente instance

-en conséquence de les condamner au paiement d'une indemnité de 1. 500 euros en réparation du préjudice subi par la société intimée

-de les condamner au paiement des dépens et d'une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS agissant en sa qualité de liquidateur amiable de la SCI LES CORMORANS fait valoir :

-que l'action des appelants est irrecevable au motif qu'il leur était parfaitement loisible entre la connaissance de l'atteinte par les insectes xylophages résultant du rapport d'expertise du 1er septembre 2003 à eux transmis par courrier du 11 septembre 2003 du syndic de copropriété, et le commandement de saisie publié le 5 novembre 2003 d'engager l'action

-que les appelants ne peuvent justifier d'aucun préjudice direct résultant de la dépréciation de l'immeuble, dès lors que le désordre allégué avait un caractère bénin ne justifiant qu'un simple traitement, si bien que le prix d'adjudication ne s'est pas trouvé minoré par la communication de ces informations

-qu'en tout état de cause, il convient d'ajouter au prix d'adjudication de 85. 000 euros environ 18 % de frais à la charge de l'acquéreur et de déduire du prix d'acquisition par les consorts X...-Z... le montant de la TVA, de sorte que ces deux sommes étant ainsi rectifiées, elles sont suffisamment proches pour que l'on ne puisse considérer que l'existence de termites constituait une dépréciation

-que les appelants sont de mauvaise foi à raison des conditions dans lesquelles ils ont communiqué l'information relative à la présence de termites de façon à décourager les acquéreurs potentiels alors que seul un traitement avait été recommandé par l'expert, et qu'après traitement, le problème n'existe plus.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2007 en vue de l'audience du 29 mai 2007, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande des parties.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'action

Si en principe, l'action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs avec la propriété de l'immeuble, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer dans la mesure où elle présente pour lui un intérêt direct et certain.

En l'espèce, il apparaît que bien que l'action n'ait pas été introduite par les consorts X...-Z... avant la vente forcée de l'immeuble, cette action n'a pas pour autant fait l'objet d'une cession et n'a pas été exercée par les adjudicataires.

Il apparaît en outre que les appelants peuvent invoquer un préjudice personnel résidant dans la dépréciation de l'immeuble qui a été vendu à moindre prix, étant rappelé que l'immeuble avait été acquis en 2001 pour 109. 000 euros et a été revendu en février 2004 pour 85. 000 euros, soit 24. 000 euros de moins et qu'en l'hypothèse le préjudice peut résulter de la dépréciation, dont le bien fondé sera examiné ci-dessous.

De plus, ce préjudice s'est révélé qu'après détermination du prix d'adjudication, de sorte que l'action ne pouvait être engagée sur le seul fondement de la connaissance de l'infestation de l'immeuble.

Le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a déclaré les époux X... irrecevables en leur action.

Sur le bien fondé de l'action

Ainsi qu'indiqué ci-dessus, le bien acquis 109. 000 euros en septembre 2001 a été revendu un peu plus de deux ans plus tard 85. 000 euros soit avec une dépréciation importante de 24. 000 euros.

Au regard du fait qu'il s'agissait d'un immeuble neuf, la vente ayant été conclue en l'état futur d'achèvement, il apparaît que la dépréciation peut s'expliquer pour partie par la présence de termites dans le bâti.

La société intimée est à cet égard mal venue à reprocher au créancier saisi d'avoir produit un dire en annexe au cahier des charges, dès lors que l'absence d'information des acquéreurs potentiels sur ce vice qui était parfaitement connu des propriétaires aurait été de nature à engager leur responsabilité, indépendamment des dispositions de l'article 1649 du Code Civil qui porte exception au principe de la garantie des vices cachés en disposant que celle-ci n'a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.

En outre, il importe de mentionner que le dire a été produit par les consorts X...-Z... le 18 décembre 2003, et que le rapport d'état parasitaire est du 1er septembre 2003, de sorte que trois mois et demi s'étaient écoulés sans que la SCI LES CORMORANS, pourtant vivement actionnée à cet effet par l'administrateur de la copropriété, ait jugé bon d'engager les travaux nécessaires préconisés par l'expert.

Par ailleurs, la société intimée ne saurait davantage reprocher aux consorts X...-Z... d'avoir voulu donner une vision péjorative de la situation dès lors que le rapport d'état parasitaire était annexé à leur dire et que celui-ci mentionne la présence de termites dans la cloison d'une chambre et dans le coffre de volet roulant de l'autre, et préconise un traitement, sans faire état d'une impropriété du bien à sa destination, de sorte que les acquéreurs potentiels, s'il était dans l'ordre des choses qu'ils soient informés de la présence de termites, étaient tout aussi informés du caractère relativement bénin de cette infestation.

De plus, il demeurait loisible à la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS après le dépôt de ce dire, et alors que l'adjudication n'a eu lieu que le 12 février 2004, soit deux mois plus tard, d'effectuer les travaux nécessaires de façon à pouvoir opposer cette correction du désordre aux acquéreurs potentiels lors de l'adjudication, ce qu'elle n'a pas davantage fait.

Pour autant, il apparaît que la différence entre le prix d'acquisition et le prix d'adjudication peut s'expliquer par d'autres facteurs que la présence modérée de termites, et notamment par les aléas de la procédure de saisie immobilière, étant à cet égard précisé que les consorts X...-Z... n'indiquent pas la mise à prix de l'immeuble.

Ils sont donc mal fondés à solliciter l'intégralité de la différence de prix, ainsi que le montant des intérêts, dès lors qu'il apparaît que le bien a été intégralement financé par un emprunt, de sorte qu'il est sans incidence notable que celui-ci ait été contracté pour une valeur de 85. 000 euros ou de 109. 000 euros, d'autant qu'il n'est pas établi que le bien ne valait que 85. 000 euros à son acquisition.

Au regard de ces éléments, la Cour estime devoir fixer l'indemnisation des consorts X...-Z... à la somme de 10. 000 euros, au paiement de laquelle sera condamnée la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS.

Sur la demande de dommages et intérêts

La SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS étant condamnée à indemniser les consorts X...-Z..., elle ne saurait valablement solliciter de dommages et intérêts au motif du préjudice qui résulterait de l'action de ceux-ci.

Sur les dépens et l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Les dépens tant de première instance que d'appel seront mis à la charge de la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS, le bien fondé de l'action des consorts X...-Z... étant retenu.

Tenue aux dépens, la société intimée devra verser aux consorts X...-Z... une somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Reçoit les consorts Abdelkader X...-Stéphanie Z... en leur appel,

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit recevable l'action des consorts Abdelkader X...-Stéphanie Z...,

Condamne la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS, intervenant aux lieu et place de la SCI LES CORMORANS en sa qualité de liquidateur à verser aux consorts Abdelkader X...-Stéphanie Z... une somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS à verser aux consorts Abdelkader X...-Stéphanie Z... une somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la SARL FONCIERE D'AQUITAINE D'INVESTISSEMENTS aux dépens tant de première instance que d'appel et en ordonne la distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP BOYREAU-MONROUX, avoués, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 06/01254
Date de la décision : 12/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 09 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-02-12;06.01254 ?
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