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22/01/2008 | FRANCE | N°05/02995

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0063, 22 janvier 2008, 05/02995


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le 22 janvier 2008,

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05/02995

LA S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

LA S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, (nouvelle dénomination sociale de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISE DE L'ATLANTIQUE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Monsieur Edouard X...

MUT

UELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

---------------------------

Le 22 janvier 2008,

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

No de rôle : 05/02995

LA S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

c/

LA S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, (nouvelle dénomination sociale de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISE DE L'ATLANTIQUE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Monsieur Edouard X...

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 22 janvier 2008,

Par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président

en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

LA S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

Représentée par la S.C.P Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Xavier Y..., Avocat au barreau de Bordeaux,

Appelante d'un jugement au fond rendu le 05 avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 18 Mai 2005,

à :

1/ LA S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, (nouvelle dénomination sociale de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISE DE L'ATLANTIQUE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

Représentée par la S.C.P Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Yann Z... substituant Maître Noëlle A..., Avocats au barreau de Bordeaux,

2/ Monsieur Edouard X..., architecte, demeurant ...

3/ MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

Représentés par la S.C.P Sophie LABORY-MOUSSIE et Eric ANDOUARD, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Pierre B..., Avocat au barreau de Bordeaux,

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 08 Octobre 2007 devant :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,

Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,

Madame Armelle FRITZ, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

* * *

Vu le jugement rendu le 05 avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire du 15 janvier 2001 réalisé par Claude C..., qui a débouté la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE de ses demandes et qui l'a condamnée à payer à la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE d'une part, à Edouard X... et à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS d'autre part, une somme de 1.500,00 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

Vu la déclaration d'appel de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE du 18 mai 2005 ;

Vu les conclusions de l'appelante, signifiées et déposées le 19 septembre 2005 ;

Vu les conclusions de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) et d'Edouard X..., signifiées et déposées le 07 octobre 2005 ;

Vu les conclusions de la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, signifiées et déposées le 20 janvier 2006 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 24 septembre 2007 ;

DISCUSSION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des constatations et conclusions de l'expert judiciaire, ainsi que des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré, qui en contient une relation précise et exacte ;

1o) Sur l'action principale dirigée contre la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE :

a) sur la fin de non-recevoir :

Attendu qu'à titre subsidiaire, au cas où la Cour ne confirmerait pas le jugement, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE conclut à l'irrecevabilité de la demande de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE pour la première tranche des travaux, comprenant la construction de quinze maisons individuelles, au motif que l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 25 février 2003, soit plus de dix ans après la réception des ouvrages, prononcée selon procès-verbal du 15 mai 1992 ; que bien que soulevée à titre subsidiaire, cette fin de non-recevoir constitue un moyen préalable ; qu'il y a donc lieu de l'examiner en premier ;

Attendu qu'en 1997, à une date non précisée, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a fait assigner en référé, devant le président du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, la Compagnie AXA ASSURANCES IARD, prise en sa qualité d'assureur "dommages-ouvrage", pour obtenir la désignation d'un expert ; qu'à une date également non précisée, la Compagnie AXA ASSURANCES IARD a fait assigner en déclaration d'ordonnance commune devant le même magistrat différents intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs, notamment la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, aux droits de laquelle vient la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE ; que par ordonnance du 10 septembre 1997, le juge des référés a joint ces instances et a ordonné une expertise, confiée à Claude C... ;

Attendu que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; que tel est le cas en l'espèce de l'action de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE, maître de l'ouvrage, et de celle de la Compagnie AXA ASSURANCES IARD, assureur "dommages-ouvrage", qui, bien que procédant de contrats distincts, tendaient à la mise en oeuvre d'une même expertise judiciaire relative aux mêmes travaux, en vue de la détermination des dommages subis et des responsabilités encourues ; que l'assignation délivrée par l'assureur "dommages-ouvrage" à la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE a donc interrompu la prescription décennale au profit de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE jusqu'au prononcé de l'ordonnance de référé du 10 septembre 1997 ; qu'à compter de cette date, une nouvelle prescription de dix ans a commencé à courir ; qu'il s'ensuit que l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée à la requête de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE le 25 février 2003 à la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, l'action au fond a été engagée avant l'expiration de la prescription décennale ; que la fin de non-recevoir n'est pas fondée ; qu'il y a donc lieu de la rejeter et de déclarer la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE recevable en son action ;

b) sur la responsabilité :

Attendu que de 1991 à 1993, la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, agissant en qualité d'entreprise générale de construction, a construit, pour le compte et sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE, trente et une maisons individuelles sur la commune de BASSENS (33), Cité du Moura, destinées à loger des familles maghrébines ; qu'une réception sans réserve a été prononcée le 15 mai 1992 pour la première tranche des travaux (15 maisons) et le 30 avril 1993 pour la seconde (16 maisons) ; que dès le premier hiver d'occupation (1992-93), de légères moisissures ont commencé à apparaître sur le plafond de certaines habitations ; qu'elles se sont fortement développées durant l'hiver suivant ; qu'aucune solution n'ayant pu être trouvée entre le maître de l'ouvrage et l'assureur "dommages-ouvrage", une expertise judiciaire a été ordonnée le 10 septembre 1997, ainsi qu'il a été dit ; que dans son rapport, daté du 15 janvier 2001, l'expert a indiqué que ces désordres était dus à des condensations se produisant en sous-face des bacs en acier assurant la couverture des pavillons (toitures dites "froides") ; qu'il a précisé que s'agissant de logements à forte densité d'occupation, construits dans un lotissement situé à proximité de la Garonne, c'est-à-dire à degré d'hygrométrie élevé, le seul remède de nature à éviter les désordres consistait à remplacer les "toits froids" par des "toits chauds", pour un montant qu'il a déterminé ;

1 - Attendu que pour conclure à la confirmation du jugement, qui a débouté la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE de ses demandes à son encontre, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE soutient d'abord que, comme l'a estimé le tribunal, le vice affectant les immeubles était apparent lors de la réception des deux tranches de travaux, ce qui exclut la garantie décennale de l'entrepreneur ; que toutefois, il résulte des énonciations contenues dans le rapport de l'expert judiciaire, qui ne font l'objet d'aucune contestation, que les désordres, à savoir des moisissures, ne sont apparus progressivement qu'après les réceptions et de manière inégale selon les logements (page 6) ;

Attendu cependant qu'il est vrai qu'à la page 51 de son rapport, le technicien a indiqué que "les condensations, retenues comme cause des désordres, étaient apparentes à la date des réceptions" ; que le fondement de cette affirmation, qui n'est pas autrement explicitée, doit être recherché dans une lettre du 24 février 1992 adressée à la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE par la S.A. SOCOTEC, qui avait été chargée d'une mission de contrôle technique (annexe 12 au rapport d'expertise) ; que dans ce courrier, le contrôleur technique indique au maître de l'ouvrage que "lors de nos dernières visites sur le chantier (...), nous avons constaté la présence de condensations extrêmement importantes en sous face des bacs de couverture des pavillons. Nous craignons qu'à terme, ces condensations aient un effet nuisible aussi bien sur le flocage, des bacs que sur les poutres en bois support de couverture et surtout sur les plafonds et la laine de verre posée sur ces derniers" ; que par ailleurs, il relève une insuffisance des sections retenues pour la ventilation de la sous-face des couvertures, émet des doutes sur l'efficacité de la barrière de vapeur en sous-face de l'isolant, et attire l'attention de son cocontractant "sur les risques présentés par cette partie de l'ouvrage" ;

Attendu qu'à la suite de la réception de cette lettre, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a conclu avec la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE un avenant du 30 avril 1992 (annexe 23 du rapport de l'expert), prévoyant notamment le "remplacement de la ventilation statique, par un groupe de ventilation mécanique pour les salles d'eau, w.c, avec groupe installé dans le faux-plafond de l'étage des pavillons", ainsi qu'un "habillage des gaines de VMC", le tout, ainsi qu'elle l'indique dans ses conclusions sans être contredite par la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, pour remédier aux insuffisances de la ventilation relevées par le contrôleur technique et empêcher la formation de condensations en sous-face des bacs de couverture ;

Attendu que les travaux objet de l'avenant ayant été exécutés, puisqu'il est constant que les pavillons visités par l'expert judiciaire étaient équipés de ventilation mécanique contrôlée (VMC), il n'est pas démontré qu'à la date des deux réceptions, la cause des désordres ait été apparente pour le maître de l'ouvrage, même s'il avait la qualité de maître d'oeuvre d'exécution, alors que postérieurement à la mise en garde du contrôleur technique, il avait fait réaliser des travaux de nature à porter remède aux risques signalés ; que dans la mesure où les désordres eux-mêmes n'étaient pas encore apparus, ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de l'existence d'un vice apparent n'est pas fondé ;

2 - Attendu que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE soutient ensuite qu'elle s'exonère en toute hypothèse de la présomption de responsabilité pesant sur elle, en raison du fait du maître de l'ouvrage, qui était également maître d'oeuvre d'exécution ;

Attendu en premier lieu, que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE fait valoir que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a commis une faute de négligence en ne lui indiquant pas que les maisons à construire étaient "destinées à recevoir des locataires pouvant vivre dans des conditions spéciales" ; que toutefois, d'abord, il incombait à l'entreprise de construction de se renseigner elle-même sur les contraintes spécifiques que les logements qu'elle s'était engagée à édifier pouvaient avoir à supporter ; qu'ensuite, en toute hypothèse, il ressort des énonciations de l'expert judiciaire qu' "en 1988, la Société d' H.L.M. L'HABITATION ECONOMIQUE, désirant faire construire à BASSENS, des maisons individuelles pour loger des familles maghrébines, a fait étudier les conditions d'utilisation de ces logements" et que "la conclusion a été que ces familles ayant en général de nombreux enfants, la mère reste à la maison pour faire la cuisine et la lessive, c'est-à-dire qu'une forte production de vapeur d'eau était à prévoir" (page 5 du rapport d'expertise) ; que dans ces conditions, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir eu connaissance de la destination particulière des habitations ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE reproche ensuite au maître de l'ouvrage d'avoir consciemment et délibérément accepté des risques dont il avait pourtant été très précisément averti par le contrôleur technique, cette faute ayant été aggravée par le fait qu'il avait la qualité de maître d'oeuvre d'exécution ; que toutefois, après avoir été avisée des risques par lettre de la S.A. SOCOTEC du 24 février 1992, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a fait réaliser des travaux supplémentaires de nature à remédier à ces risques, ainsi qu'il a été dit ; que le grief n'est donc pas fondé ;

Attendu que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE invoque enfin une immixtion fautive du maître de l'ouvrage qui, bien qu'ayant assuré la maîtrise d'oeuvre d'exécution, n'a pas refusé les "toits froids", malgré un avis défavorable émis le 18 décembre 1990 par la S.A. SOCOTEC, et n'a pas veillé à ce que les prescriptions de cette société, destinée à éviter au maximum les condensations, soient suivies scrupuleusement ; que toutefois, l'avis défavorable initialement émis par le contrôleur technique le 18 décembre 1990 (annexe 11 du rapport d'expertise judiciaire) n'a pas été ultérieurement maintenu, après exécution des travaux destinés à remédier aux risques signalés dans la lettre du 24 février 1992 ; que par ailleurs, le fait que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE ait conclu le 30 avril 1992 un avenant avec la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE pour faire exécuter des travaux supplémentaires, destinés à remédier aux fautes d'exécution qui avaient été relevées dans la lettre précitée, démontre qu'elle a assuré sa mission de surveillance des travaux ; qu'enfin, de manière plus générale, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE ne prétend ni ne démontre que le maître de l'ouvrage lui ait imposé des choix erronés contre lesquels elle l'aurait vainement mis en garde ; qu'il s'ensuit que le moyen pris d'un prétendue immixtion fautive n'est pas fondé ;

3 - Attendu, pour le surplus, qu'il résulte des constatations et conclusions de l'expert judiciaire, qui ne font l'objet d'aucune contestation, que les moisissures apparues dans les maisons, par leur ampleur, leur généralité et leur caractère évolutif, ont rendu ces ouvrages impropres à leur destination dès les premières années ayant suivi les réceptions ; qu'il s'ensuit que par application de l'article 1792 du Code civil, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, venant aux droits de la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, est présumée responsable de ces dommages ;

c) sur le préjudice :

Attendu que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE justifie de ce qu'elle a fait réaliser des travaux de réfection pour un coût total de 1.195.824,00 F (182.302,19 €), sur lequel la Compagnie AXA ASSURANCES IARD, agissant en qualité d'assureur "dommages-ouvrage", lui a remboursé une somme de 193.745,24 F (29.536,27 €) ; qu'elle est donc fondée à obtenir le solde, s'élevant à la somme de 1.002.078,80 F (152.765,92 €) ; que toutefois, elle ne sollicite qu'une indemnité de 152.565,92 € ; que le juge ne pouvant accorder plus qu'il n'est réclamé, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a débouté le maître de l'ouvrage de ses demandes formées contre la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE et de condamner cette société au paiement de la somme précitée ; que les intérêts au taux légal seront dus à compter de l'assignation du 25 février 2003 valant mise en demeure, conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, ainsi qu'il est demandé ;

2o) Sur l'action principale dirigée contre Edouard X... et la MAF :

Attendu que selon acte sous seing privé du 07 septembre 1989, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a conclu avec Edouard X..., architecte, un marché d'ingenierie et d'architecture en vue de la réalisation de trente et une maisons commune de BASSENS ; qu'en exécution de ce contrat, Edouard X... a établi l'avant-projet définitif, a obtenu un permis de construire et a procédé à un appel d'offres qui est demeuré infructueux ; que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a alors mis fin à sa mission, par avenant du 31 mai 1991, pour confier ultérieurement la réalisation des travaux à la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE ;

Attendu que dans la mesure où Edouard X... a conçu le projet de construction en exécution d'un contrat conclu avec le maître de l'ouvrage, il a la qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1-1o du Code civil, même s'il n'a pas assuré la direction des travaux ; que par application de l'article 1792 du même code, il est donc présumé responsable des désordres apparus après les réceptions et qui rendent les ouvrages impropres à leur destination ;

Attendu qu'Edouard X... et la MAF concluent à la confirmation du jugement, qui a rejeté les demandes formées à leur encontre, au motif que les désordres étaient apparents lors des réceptions et que l'architecte n'a commis aucune faute ; que toutefois, il a déjà été indiqué que les désordres, de même que leur cause, n'étaient pas apparents lors des réceptions ; que par ailleurs, la preuve d'une absence de faute ne constitue pas une cause d'exonération de la présomption de responsabilité édictée par l'article 1792 du Code civil ; qu'en outre, il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'Edouard X... a choisi un mode de couverture certes autorisé par les DTU, mais dont l'expert a souligné qu'il était "connu pour provoquer souvent des condensations" (page 53 de son rapport), en précisant que certaines des prescriptions nécessaires pour éviter ce phénomène étaient "pratiquement impossibles à respecter" (idem, page 54) ; que s'agissant d'immeubles situés à proximité de la Garonne et destinés à recevoir des familles nombreuses, c'est-à-dire présentant des risques d'hygrométrie élevée, il apparaît que le choix de conception de l'architecte n'était pas approprié à l'ouvrage à réaliser et qu'il a directement concouru à la survenance des désordres ; que de surcroît, le technicien a relevé une autre erreur de conception, relative au fait que les gaines d'extraction et les caissons du ventilateur des VMC n'étaient pas calorifugés, alors qu'ils étaient placés dans des combles froids (idem, page 52, paragraphe 1) ; que la preuve de fautes de l'architecte, en relation avec les dommages, se trouve donc rapportée ;

Attendu en conséquence qu'il convient de réformer le jugement en ce qu'il a débouté la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE de ses demandes formées contre Edouard X... et la MAF, et de condamner ces parties, in solidum avec la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, à payer au maître de l'ouvrage la somme de 152.565,92 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, valant mise en demeure (26 février 2003 pour la MAF et 03 mars 2003 pour Edouard X...) ;

3o) Sur l'action récursoire d'Edouard X... et de la MAF :

Attendu qu'à titre subsidiaire, Edouard X... et la MAF demandent à la Cour de condamner la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE à les relever indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre eux ; que toutefois, dans la mesure où Edouard X... a commis des fautes de conception ayant concouru à la réalisation du dommage, ainsi qu'il a été dit, cette action récursoire ne peut aboutir en totalité ; que cependant, il résulte du rapport d'expertise que la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE a elle-même commis des fautes d'exécution qui ont contribué aux désordres, en exécutant les travaux "de façon normale" (page 53 du rapport), alors qu'elle ne pouvait ignorer la destination des ouvrages ; qu'il y a donc lieu de condamner cette société à garantir Edouard X... et la MAF à concurrence de moitié des condamnations prononcées contre eux ;

4o) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que les intimés succombant en toutes leurs prétentions, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel ; que par ailleurs, il serait inéquitable que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle à l'occasion de cette affaire ; qu'il convient de faire droit à sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE en son appel ;

Infirme le jugement rendu le 05 avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX ;

Statuant à nouveau :

Déboute la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE de sa fin de non-recevoir et déclare la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE recevable en son action ;

Vu l'article 1792 du Code civil ;

Condamne in solidum la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, Edouard X... et la MAF à payer à la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE :

1o) une somme de 152.565,92 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance (25 février 2003 pour la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, 26 février 2003 pour la MAF et 03 mars 2003 pour Edouard X...) ;

2o) une somme de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Condamne in solidum la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, Edouard X... et la MAF aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;

Condamne la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE à garantir Edouard X... et la MAF à concurrence de moitié de toutes les condamnations qui précèdent ;

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : 05/02995
Date de la décision : 22/01/2008

Références :

ARRET du 18 novembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 novembre 2009, 08-13.642 08-13.673, Publié au bul...

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-01-22;05.02995 ?
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