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16/10/2007 | FRANCE | N°06/04674

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0552, 16 octobre 2007, 06/04674


COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

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FR

ARRÊT DU : 16 OCTOBRE 2007

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 04674

Dominique X...
(bénéficie d' une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 017979 du 07 / 12 / 2006 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

L' AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : juge

ment rendu le 05 septembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (05 / 02272) suivant déclaration d' appel du 18 septembre 200...

COUR D' APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE- SECTION A

--------------------------

FR

ARRÊT DU : 16 OCTOBRE 2007

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Conseiller,)

No de rôle : 06 / 04674

Dominique X...
(bénéficie d' une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 017979 du 07 / 12 / 2006 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c /

L' AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 septembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (05 / 02272) suivant déclaration d' appel du 18 septembre 2006

APPELANT :

Dominique X...
demeurant...- 24320 VERTEILLAC

représenté par la SCP ANNIE TAILLARD et VALERIE JANOUEIX, avoués à la Cour, assisté de Maître Fabien MARSAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur L' AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
demeurant bâtiment Condorcet- TELEDOC 353
6 rue Louise Weiss- 75703 PARIS CEDEX 13

représenté par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour
assisté de Maître Pierre GAILLARD, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L' affaire a été débattue le 18 septembre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :

Franck LAFOSSAS, Président,
Jean- Claude SABRON, Conseiller,
Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Dominique X... a interjeté appel, dans des conditions de régularité non contestées, d' un jugement rendu le 5 septembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX qui le déboute de son action en responsabilité du service public de la justice engagée par assignation du 3 novembre 2005.

Dominique X..., né le 28 mai 1967, s' est manifesté à l' âge de vingt quatre ans, le 13 décembre 1991, auprès de la gendarmerie de MAISONS LAFFITTE (Yvelines), indiquant lui- même qu' il intervenait tardivement mais sur les conseils d' un médecin, et dénonçant des attouchements sexuels (caresses et fellations) pratiquées par Jacques Y..., son beau- père, situant les faits comme ayant été commis à PALMA DE MAJORQUE (Baléares- Espagne) entre 1976 et 1983 alors qu' il avait entre neuf ans et seize ans.

Cette procédure a été transmise par la Brigade Territoriale de MAISONS LAFFITTE au Parquet de VERSAILLES et a fait l' objet d' un classement sans suite notifié à Dominique X... le 28 décembre 1998 par le Procureur de la République de VERSAILLES, après que des recherches aient été effectuées, la plainte de 1991 ayant été égarée.

Le 28 octobre 1998, alors qu' il avait trente et un ans, Dominique X... a déposé une deuxième plainte à la Brigade Territoriale de RIBERAC (Dordogne), lieu de son domicile.

Il reprenait les faits dénoncés en 1991 à la brigade Territoriale de MAISONS LAFFITTE, mais en dénonçait alors de plus anciens, commis à ANTIBES, avant son départ pour les Baléares, et décrivait alors des faits de viols.

Une information a été ouverte au Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX par le Parquet et a provoqué une ordonnance de dessaisissement du Juge d' Instruction de PERIGUEUX pour cause d' incompétence territoriale au profit du Tribunal de Grande Instance de GRASSE.

Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, territorialement compétent pour les faits d' ANTIBES, n' a cependant pas requis l' ouverture d' une information, de sorte que le dossier a été retourné au Procureur de la République de PERIGUEUX le 12 juillet 2000.

Après divers courriers pour connaître la suite de la procédure, émanant tant de sa mère que de lui- même, Dominique X... a été informé par le Juge d' Instruction de PERIGUEUX le 30 mars 2005 que sa plainte avait été classée sans suite par le Procureur de la République de PERIGUEUX le 21 septembre 2000, sans qu' il en ait été alors avisé.

Aux termes de ses conclusions du 27 septembre 2006, Dominique X... demande à la Cour, vu l' article L 781- 1 du Code de l' Organisation Judiciaire et des articles 42 et 46 du Nouveau Code de Procédure Civile, de réformer le jugement entrepris et :

- de constater l' existence d' une faute lourde et d' un déni de justice

- par conséquent de lui accorder une indemnité de un million d' euros, et une indemnité de 1 000 € en vertu de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

- de condamner l' Etat aux dépens.

Il expose que le déroulement des faits précités caractérise une inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, en l' espèce, le traitement de la plainte déposée par Dominique X..., que la plainte déposée le 13 décembre 1991 n' a reçu aucun traitement, l' original ayant été égaré, de sorte qu' il a dû déposer une nouvelle plainte en 1998 sur la suite de laquelle il n' a jamais été informé, qu' il s' agit de faits de nature criminelle sur lesquels aucune enquête n' a été menée, que l' agent judiciaire du Trésor Public ne saurait se fonder sur la prescription des faits dénoncés en 1991 aux motifs qu' il s' agirait de délits et de ceux dénoncés en 1998 de nature criminelle, qu' il ignore les motifs du classement sans suite dont il a finalement été informé le 30 mars 2005 ; Dominique X... fait finalement grief de ce qu' aucune autorité judiciaire ne l' ait avisé clairement de la situation, considérant qu' une bonne administration de la justice commandait que l' instruction se solde par une ordonnance retenant la prescription des faits, ce qui n' a jamais été fait ; il évalue son préjudice à un million d' euros.

Aux termes de ses conclusions du 9 mars 2007, l' Agent judiciaire du Trésor demande à la Cour de confirmer la décision déférée et, faisant droit à son appel incident, de condamner l' appelant au paiement d' une somme de 1 000 € au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir que la plainte de 1991 ne portait que sur des faits délictuels d' attentat à la pudeur d' ores et déjà prescrits lors du dépôt de plainte, que des faits de nature criminelle, viols, n' ont été dénoncés qu' en 1998, et étaient également déjà prescrits en application des règles en vigueur à cette date, les modifications législatives postérieures portant la prescription à vingt ans n' étant pas applicables aux prescriptions déjà acquises, de sorte que le classement en vertu de la prescription par le Parquet était inéluctable et ne saurait en conséquence engager la responsabilité du service public de la justice, l' omission d' aviser le plaignant ne pouvant constituer une faute lourde au sens de l' article L 141- 1 du Code de l' Organisation Judiciaire.

L' agent judiciaire expose par ailleurs que le requérant ne justifie aucunement du préjudice de un million d' euros qu' il réclame.

L' ordonnance de clôture est intervenue le 12 juillet 2007.

MOTIFS

L' article L 141- 1 du Code de l' Organisation Judiciaire dispose :

" L' état est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n' est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice. "

La faute lourde s' entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l' inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

S' agissant de la première plainte déposée en 1991 par Dominique X... auprès de la gendarmerie de MAISONS LAFFITTE, il s' avère à la lecture de cette plainte que Dominique X... n' a alors dénoncé que des faits de nature délictuelle.

Il se plaignait d' attouchements effectués par Jacques Y..., mari de sa mère, et des fellations que celui- ci lui faisait subir, Jacques Y... étant l' agresseur et Dominique X... la victime. Ces actes ne peuvent en l' absence de pénétration de Jacques Y... sur Dominique X... s' analyser comme des faits de viol de nature criminelle, mais comme des attentats à la pudeur de nature délictuelle.

Ils étaient par conséquent passibles d' une prescription triennale qui courait à compter de la majorité de la victime.

Dominique X..., né le 28 mai 1967, est devenu majeur le 28 mai 1985, de sorte que le délai de prescription triennale était expiré depuis le 28 mai 1988, soit très largement avant sa plainte de 1991.

Il n' a pas été informé du traitement donné par le Parquet de VERSAILLES à sa plainte, vraisemblablement égarée, sans que l' on sache si c' est le cas échéant à l' occasion d' un envoi aux Baléares pour enquête auprès de Jacques Y....

Cependant, les faits étant d' ores et déjà prescrits à la date de la plainte, celle- ci apparaissait vouée à l' échec, quand bien même la notification du classement pour cause de prescription, qui peut être faite par le Parquet et ne nécessite pas nécessairement une ordonnance d' un juge, aurait été notifiée à Dominique X..., avec l' information pour lui de la possibilité de se constituer partie civile.

Après les recherches effectuées pour le traitement de cette plainte en 1998 à l' initiative de son avocat, Maître LANDON DE GOITI, le Parquet de VERSAILLES a notifié le 28 décembre 1998 à Dominique X... le classement sans suite au motif que l' examen de cette affaire n' avait pas permis de caractériser suffisamment l' infraction pour permettre d' engager la responsabilité pénale du mis en cause ; cette notification informait Dominique X... de la possibilité de se constituer partie civile, ce qu' il n' a alors pas fait.

S' agissant des faits dénoncés auprès de la Brigade Territoriale de gendarmerie de RIBERAC le 20 janvier 1999, suite à son courrier au Procureur de la République de PERIGUEUX du 11 septembre 1998, Dominique X... y dénonce des faits pouvant revêtir la qualification de viols commis par personne ayant autorité ; ces faits auraient été commis de septembre 1975 à juin 1984.

Pour autant, il apparaît que les faits étaient également atteints par la prescription à cette date.

En effet, il résulte des dispositions de l' article 7 de l' alinéa 3 du Code de Procédure Pénale dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1989 que " lorsque la victime est mineure et que le crime a été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription est réouvert ou court à nouveau à son profit, pour la même durée, à partir de sa majorité. "

Cependant, les lois relatives à la réouverture de la prescription sont sans effet sur les prescriptions qui étaient déjà acquises lors de leur rentrée en vigueur.

Le dernier des faits dénoncés fin 1998- début 1999 par Dominique X... remontant à 1984, soit plus de dix ans avant l' entrée en vigueur de cette loi, le délai courant en application de la loi en vigueur lors de ces faits à compter de la commission de ceux- ci et non de la majorité de la victime, il apparaît que les faits de viols étaient également prescrits.

Par ailleurs, ayant été informé du classement de sa première plainte avec la possibilité de se constituer partie civile, Dominique X... était en mesure d' envisager de se constituer partie civile en ce qui concerne sa deuxième plainte portant sur des faits de nature différente, et commis pour partie en territoire français à ANTIBES avant son départ pour les Baléares pour vivre avec le mari de sa mère, alors même qu' il était à l' époque assisté d' un conseil.

Le Parquet de GRASSE n' a pas cru utile d' ouvrir une information pour les faits alors que le Juge d' instruction de GRASSE avait fait part de son accord à son collègue de PERIGUEUX pour s' en saisir et n' a pas notifié sa décision à Dominique X..., de même que le Parquet de PERIGUEUX, à la suite du retour de la procédure par le Parquet de GRASSE, lorsqu' il a décidé de classer celle- ci au motif de la prescription le 21 septembre 2000. La rubrique de la décision de classement " victime avisée par lettre " a été précisément renseignée par une réponse non, de sorte qu' il s' agit d' une décision et non d' une négligence ou d' un non dit.

Aucun élément ne permet de connaître la raison de cette absence volontaire ou notification écrite (avis verbal ? avis à son avocat ?). Cette absence de notification écrite ne revêt pas le caractère de faute lourde exigé par l' article 141- 1 du Code de l' Organisation Judiciaire pour engager la responsabilité du service public de la justice.

En effet l' action de Dominique X... se heurte en réalité aux dispositions légales relatives à l' extinction de l' action publique par l' effet de la prescription, puisque les faits ont été révélés trop tardivement et, ainsi qu' il résulte du contexte du dossier, à des fins thérapeutiques plus que judiciaires selon la présentation qui en est faite.

Il s' ensuit que le jugement sera confirmé.

Les dépens seront mis à la charge de Dominique X....

L' équité ne commande pas de faire droit à la demande formée au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile par l' Agent Judiciaire du Trésor.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

Reçoit Dominique X... en son appel,

Au fond,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Dit n' y avoir lieu à application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Dominique X... aux dépens et dit qu' ils seront recouvrés conformément à la législation sur l' aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Franck LAFOSSAS, Président, et par Annick BOULVAIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0552
Numéro d'arrêt : 06/04674
Date de la décision : 16/10/2007

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-10-16;06.04674 ?
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