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21/12/2006 | FRANCE | N°04/005614

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0075, 21 décembre 2006, 04/005614


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 21 Décembre 2006

CHAMBRE SOCIALE - SECTION C

PRUD'HOMMES

No de rôle : 04/05614

SARL DIPROMAG, représentée par son mandataire liquidateur

c/

Mademoiselle Anne Dominique X...

Maître Christophe Y..., ès qualités de mandataire-liquidateur de la S.A.R.L. DIPROMAG

Les A.G.S. - C.G.E.A. DE BORDEAUX

Nature de la décision : SURSIS A STATUER

RENVOI A L'AUDIENCE DU 30 MARS 2007 A 9 HEURES

Notifié par LRAR le :

LRAR n

on parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder

par voie de signification (acte ...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 21 Décembre 2006

CHAMBRE SOCIALE - SECTION C

PRUD'HOMMES

No de rôle : 04/05614

SARL DIPROMAG, représentée par son mandataire liquidateur

c/

Mademoiselle Anne Dominique X...

Maître Christophe Y..., ès qualités de mandataire-liquidateur de la S.A.R.L. DIPROMAG

Les A.G.S. - C.G.E.A. DE BORDEAUX

Nature de la décision : SURSIS A STATUER

RENVOI A L'AUDIENCE DU 30 MARS 2007 A 9 HEURES

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder

par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;

Le 21 décembre 2006

Par Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,

assisté de Mademoiselle France GALLO, Greffier

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION C, a, dans l'affaire opposant :

SARL DIPROMAG, représentée par son mandataire liquidateur

Appelante d'un décision (R.G. 03/00301) rendu le 05 octobre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, Section Commerce, suivant déclaration d'appel en date du 26 octobre 2004,

à :

Mademoiselle Anne Dominique X..., née le 13 Juillet 1973 à BAYONNE, de nationalité Française, demeurant ...

Comparant en personne et assistée de Maître Béatrice LEDERMANN (avocat au barreau de BORDEAUX)

Intimée,

Maître Christophe Y..., ès qualités de mandataire-liquidateur de la S.A.R.L. DIPROMAG, demeurant ...

Représentée par Maître Elsa MATTHESS (avocat au barreau de BORDEAUX) loco Maître Christophe BIAIS (avocat au barreau de BORDEAUX)

Les A.G.S. - C.G.E.A. DE BORDEAUX, dont le siège social est Les Bureaux du Parc - rue Jean-Gabriel Domergue - 33049 BORDEAUX CEDEX

Représenté par Maître Elsa MATTHESS (avocat au barreau de BORDEAUX) loco Maître Christophe BIAIS (avocat au barreau de BORDEAUX)

Intervenants

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 10 Novembre 2006, devant :

Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame BLAZEVIC, Greffier,

Monsieur le Président en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,

Celle-ci étant composée de :

Monsieur Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président,

Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Madame Caroline BARET, Vice-Présidente placée.

***********

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par contrat écrit du 6 janvier 1997, la SARL DIPROMAG, qui a pour objet le négoce de matériel d'occasion pour les arts graphiques (presses OFFSET...), a engagé Mademoiselle X... en qualité "d'assistante de direction", pour une durée indéterminée, avec un salaire brut mensuel de 7.500 francs, étant fait référence à la "convention collective de gros de machines de bureau et de matériel informatique".

Par avenant des 2 janvier 1999 et 29 février 2000, il a été convenu entre les parties que Mademoiselle X... se voyait confier le poste de "responsable export" avec un salaire brut mensuel de 10.000 francs, outre une prime trimestrielle de 12.000 francs, une prime annuelle de 25.000 francs, primes calculés sur "la marge commerciale annuelle sur le chiffre d'affaires" réalisé par elle avec un seuil de 1.595.000 francs.

Par contrat écrit du 3 septembre 2001, la société DIPROMAG a engagé Madame C... en qualité de secrétaire commerciale avec un salaire brut mensuel de 8.000 francs ;

par avenant du 7 janvier 2002, Mademoiselle C... s'est vue confier la fonction "d'attachée commerciale export", au salaire brut mensuel de 1.372,04 €, une prime trimestrielle de 457.34 €, une prime annuelle commerciale sur le chiffre d'affaires traité par elle avec un seuil de 91.469,41 €, un secteur constitué par le Portugal, l'Italie, la Grande Bretagne, l'Amérique du Nord et au Sud, une partie des pays d'Afrique.

Mademoiselle X... de son côté n'a pas signé un avenant daté du même jour le 7 janvier 2002 limitant son secteur à l'Espagne, l'Allemagne, l'Europe de l'Est et du Nord et d'autres pays.

Mademoiselle X... a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie du 13 février au 3 mars 2002,

au retour de son congé le bureau de Mademoiselle X... a été déménagé, l'entreprise devant être réorganisée, selon l'employeur, l'ancien bureau de Mademoiselle X... étant attribué à la standardiste qui venait d'être embauchée.

Le 5 mars 2002, DIPROMAG a convoqué Mademoiselle X... à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave le 12 mars 2002 et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Le 12 mars 2002, DIPROMAG a à nouveau convoqué Mademoiselle X... pour un entretien préalable à un licenciement le 19 mars 2002 "suite à votre abandon de poste le 5 mars 2002" ;

cet entretien n'a pas eu lieu, Mademoiselle X... étant absente pour maladie ;

par lettre du 19 mars 2002 DIPROMAG a écrit à Mademoiselle X... pour qu'elle puisse "s'exprimer" sur les griefs qui lui étaient faits : abandon de poste le 5 mars 2002 d'une manière intempestive et insultante, utilisation abusive à des fins personnelles du téléphone portable.... ;

le 21 mars 2002, Mademoiselle X... a répondu par écrit contester les griefs, précisant "vous avez profité de mon absence pour cause de maladie entre le 13 février et le 3 mars 2002 pour modifier unilatéralement et sans raison mes conditions de travail et le contenu de mon activité".

Par lettre du 2 avril 2002, DIPROMAG a notifié à Mademoiselle X... son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

"Vous avez abandonné votre poste le 5 mars 2002 d'une manière intempestive et insultante envers votre direction et vos collègues, en public, devant de nombreux témoins tant "intérieurs qu'extérieurs" à l'entreprise.

Vous avez à notre insu, utilisé la ligne de téléphone mobile SFR, que la société avait mises à votre disposition pour vos déplacements professionnels, pour un usage quasi-personnel, ce qui a représenté une dépense importante que nous estimons à plus de 1.500 € par an. L'examen des factures détaillées montre par ailleurs, que l'usage personnel de cette ligne se faisait essentiellement pendant vos heures de travail.

Nous avons constaté dans le disque dur de votre ordinateur, des pratiques commerciales particulièrement douteuses et absolument prohibées dans notre entreprise. En effet, vous proposiez à certains prospects de signer un contrat d'achat (facture proforma) pour passer commande d'une machine tout en leur précisant que si la machine ne leurs convenait plus lors de leur visite, vous vous engagiez à déchirer le contrat et à déclarer la vente nulle. Nous avons même trouvé le cas d'un client, la société STRAG, qui, ayant signé un contrat avec versement d'un acompte de 10 %, nous réclame le remboursement de cet acompte au motif qu'il avait convenu avec vous de cette possibilité après inspection du matériel.

Nous constatons à postériori, de nombreuses négligences dans votre travail. Aussi en ce qui concerne nos campagnes publicitaires en Espagne, dont vous étiez entièrement responsable, il apparaît qu'à la lecture des dernières revues qui nous sont parvenues, vous n'avez jamais procédé au changement de nos coordonnées suite à notre déménagement en mai 2002. De ce fait, les dépenses de publicité ont été stérélisées."

Le 24 juillet 2002, Mademoiselle X... a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la société DIPROMAG à lui verser diverses indemnités en suite de son licenciement ;

par la suite elle a sollicité des dommages et intérêts pour harcèlement moral, et préjudice moral distinct.

Par jugement du 5 octobre 2004, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

"Juge le licenciement de Mademoiselle Anne Dominique X... sans cause réelle et sérieuse,

condamne la SARL DIPROMAG à payer à Mademoiselle X... les sommes de :

- 2.655,12 € à titre de rappel de salaires correspond à la mise à pied,

- 265,51 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

- 7.965,36 € à titre d'indemnité de préavis,

- 796,53 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 5.090,84 € à titre d'indemnité de licenciement,

rappelle que l'exécution provisoire est de droit, conformément à l'article R 516-37 du Code du Travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, la moyenne étant de 2.455,12 € ;

14.120 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamne la SARL DIPROMAG à rembourser à Mademoiselle Anne Dominique X... la somme de 1.785,60 € retenue irrégulièrement sur le solde de tout compte de la salariée demanderesse,

déboute Mademoiselle X... du surplus de ses demandes."

La société DIPROMAG a régulièrement interjeté appel de cette décision ;

elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

La SELARL Y..., ès- qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société DIPROMAG, par conclusions écrites, développées à l'audience, forme les demandes suivantes :

"Dire et juger qu'aucun harcèlement moral ne peut être constaté au cas d'espèce,

dire et juger qu'aucune circonstance vexatoire n'a entouré le licenciement,

par conséquent,

confirmer le jugement prud'homal du 5 octobre 2004,

en toute hypothèse,

la débouter de ses demandes indemnitaires à cet égard,

dire et juger que le licenciement pour fautes graves est parfaitement fondé,

par conséquent,

infirmer le jugement prud'homal du 5 octobre 2004,

en toute hypothèse,

la débouter de ses demandes inhérentes à la rupture du lien contractuel,

dire et juger qu'il n'y a pas lieu à lui accorder le statut de cadre,

par conséquent,

confirmer le jugement prud'homal à cet égard,

la débouter de sa demande à cet égard,

dire et juger qu'il n'y a pas lieu intégrer la prime pour frais professionnels dans le salaire,

par conséquent,

confirmer le jugement prud'homal à cet égard,

en toute hypothèse,

la débouter de cette demande,

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à rembourser à Mademoiselle X... la somme de 1.785,60 € retenue irrégulièrement sur le solde de tout compte de la salariée,

la débouter du surplus de ses demandes,

reconventionnellement et en tout état de cause,

condamner Mademoiselle X... à verser au mandataire liquidateur, la SELARL Y..., la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution,

ordonner à Mademoiselle X... de restituer les sommes d'ores et déjà perçues au titre de l'exécution provisoire (20.641€)."

Mademoiselle X... de son côté, par conclusions écrites, développées à l'audience, forme les demandes suivantes :

"Condamner l'employeur à la somme de 7.000 € en raison du préjudice moral subi par la salariée du fait de l'imprécision des bulletins de paie,

dire et juger que les remboursements mensuels des frais professionnels de 2.000 francs (304,90 €) ont un caractère de salaire (somme totale 10.976,33 €) et fixer la créance au paiement de la somme nette de 1.097,63 € au titre de l'indemnité de congés payés,

dire et juger les sommes versées par la SARL DIPROMAG prise en la personne de représentant légal du 16 octobre 2000 au 5 septembre 2001 ont un caractère de salaire (7.454,75 €) et fixer la créance à la somme de 745,47 € au titre de l'indemnité de congés payés,

dire et juger la réintégration des sommes sur son salaire de référence et ordonner la rectification sous astreinte de 75 € par jour de retard et par document, à compter de l'arrêt rendu, les documents erronés (bulletins de paie, attestation ASSEDIC, attestation maladie, certificat de travail),

dire et juger que le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse,

confirmer le jugement rendu en première instance et fixer la créance du paiement de la mise à pied conservatoire (somme de 1.405,91 € nets) et congés payés sur mise à pied conservatoire (somme nette de 140,05 €),

fixer la créance du paiement de l'indemnité compensatrice de préavis à 4.421,04 € et congés payés sur indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 442,10 €,

fixer la créance du paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit la somme nette de 1.696,94 €,

fixer la créance du paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 45.000 €,

dire et juger à titre principal que Madame X... a fait l'objet d'un harcèlement moral et fixer en conséquence la créance à la somme de 37.000 € au titre de dommages et intérêts afférents,

si par extraordinaire, la Cour considérait que le harcèlement n'est pas suffisamment caractérisé, fixer la créance à la somme de 20.000 € de dommages et intérêts en raison des circonstances particulièrement vexatoires entraînant un préjudice distinct subi par la salariée,

fixer la créance à hauteur de la somme brute de 1.785,60 € au titre du remboursement de la retenue abusive,

fixer la créance à hauteur de 90 % du salaire brut, déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale, pour la période du 12 février au 4 mars 2002,

débouter purement et simplement la SARL DIPROMAG de sa demande reconventionnelle,

condamner la SARL DIPROMAG prise en la personne de son représentant légal ainsi que la CGEA, au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile."

Le CGEA- AGS de Bordeaux, enfin, par conclusions écrites, développées à l'audience, forme les demandes suivantes :

"Sur le fond,

donner acte au CGEA de Bordeaux de ce qu'il se réfère aux arguments et conclusions du mandataire-liquidateur,

réformer le jugement du conseil de prud'hommes,

débouter Madame X... de ses demandes,

à titre subsidiaire et en absence de faute grave,

dire et juger que la rémunération à prendre en compte de Madame X... est de 1.676,48 € bruts,

fixer l'indemnité compensatrice de préavis à 3.352,96 €,

fixer en conséquence les congés payés afférents,

fixer l'indemnité de licenciement de Madame X... à 1.696,94 €,

en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

réduire les dommages et intérêts demandés au titre du licenciement abusif,

débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de harcèlement moral ou du préjudice moral subi et du surplus de ses demandes,

reconventionnellement,

vu l'article 1166 du code civil,

condamner Madame X... à rembourser à la liquidation judiciaire la somme de 1.318,28 € au titre des avances faites par la société DIPROMAG,

sur la garantie de l'AGS,

vu les articles l 143-11-1 et suivants du code du travail,

dire et juger que le CGEA n'a pas à garantir les sommes éventuelles dues à la salariée en raison de la reconnaissance d'un harcèlement moral et de circonstances vexatoires à indemniser distinctement de la rupture du contrat,

dire et juger que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite légale de la garantie, laquelle exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et l'astreinte".

DISCUSSION

Sur la demande en paiement de la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts "en raison du préjudice moral subi par la salariée du fait de l'imprécision des bulletins de paie".

Madame X... justifie que ces bulletins de paie ne portent pas, contrairement aux exigences de l'article 143-2 du Code du TRAVAIL, la mention de la convention collective applicable et ne précisent pas son niveau ou sa catégorie professionnelle,

toutefois elle reconnaît dans ses écritures que son contrat de travail mentionne exactement la convention collective applicable,

elle n'invoque pas une position précise dans la classification conventionnelle,

elle ne justifie d'aucun préjudice ;

la demande doit être rejetée.

Sur la demande tendant à la requalification en salaire des frais professionnels de 2.000 francs (204,90 €)

Madame X... sollicite à ce titre pour la période de janvier 1999 à décembre 2001 10.976,33 € et 1.097,63 € au motif que ces frais correspondent à des salaires déguisés, l'employeur lui ayant précisé que sa décision de lui accorder de telles sommes à ce titre était dictée par son souhait de ne pas payer de charges sociales ;

toutefois :

ces frais n'ont pas un caractère occulte puisqu'ils sont précisés dans le contrat de travail,

il est allégué que ces frais couvraient les dépenses effectuées par la salariée avec son véhicule personnel, pour aller chercher des clients à l'aéroport, chercher des fournitures, se rendre à la poste centrale,

sans contestation précise sur ce point,

preuve n'est donc pas rapportée de ce que ces frais dissimulaient des salaires ;

la demande est rejetée.

Sur la demande tendant à ce qu'il soit jugé que les sommes versées par la SARL DIPROMAG du 16 octobre 2000 au 5 septembre 2001 ont un caractère de salaire et tiré les conséquences sur le plan des congés payés

Madame X... sollicite à ce titre 745,75 €, sans aucune autre justification, elle ne verse pas les bulletins de salaire correspondant à cette période ;

cette demande doit être rejetée.

Sur le paiement d'un complément de salaire pendant la période d'arrêt maladie du 12 février 2002 jusqu'au licenciement

Madame X... fait valoir :

"Attendu que Madame X... était en arrêt maladie depuis le 12 février 2002 et ce jusqu'à son licenciement (elle n'a en effet pu reprendre son emploi qu'un seul jour au mois de mars compte tenu des circonstances déjà exposées devant la Cour...).

Qu'au vu des dispositions conventionnelles applicables, Madame X... est en droit de solliciter la condamnation de son employeur au paiement d'une créance correspondant au maintien à hauteur de 90 % de son salaire, déduction faite des indemnités journalières perçues pour la période en cause."

A l'appui de sa demande, Madame X... invoque les dispositions de la convention collective,

et ne chiffre pas sa demande.

Reste qu'ayant été mise à pied dès le 5 mars 2005,

et que cette mesure étant justifiée,

sa demande doit être rejetée.

Sur le harcèlement moral et la rupture

Par application de l'article L 122.49 du Code du Travail :

"Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel..." ;

par application de l'article L 122-52 du même code :

"En cas de litige relatif à l'application des articles L 122-46 et L 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement..."

Par ailleurs, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave énoncée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la faute grave étant définie comme celle qui ne permet pas la poursuite des relations de travail pendant la durée limitée du préavis.

A l'appui de son appel, Mademoiselle X... fait valoir qu'elle établit les faits suivants justifiant l'existence d'un harcèlement moral :

- en septembre 2001 il lui a été demandé par son employeur de former Mademoiselle C..., sans expérience dans le domaine de l'export,

- son employeur a divisé unilatéralement par moitié son portefeuille de clientèle attribué en partie à Mademoiselle C...,

- en janvier 2002 tout le personnel de l'entreprise a été augmenté, sauf elle ;

elle ajoute :

- que ces agissements ont eu une répercussion sur son état de santé, la contraignant à s'arrêter pour maladie à compter du 12 février jusqu'au 3 mars 2002,

- qu'au 4 mars 2002 son bureau a été aménagé dans une ancienne remise très exiguë ne lui permettant pas de recevoir des clients, son ancien bureau étant attribué, sans explication, à Mademoiselle D...,

- qu'elle a refusé la modification unilatérale de son contrat de travail,

- que le 5 mars 2002 sa boîte e-mail a été effacée sur ordre de la direction par Madame C..., et elle a été avisée que toutes ses fonctions étaient attribuées à Mesdemoiselles C... et D...,

- qu'ayant manifesté le désir de reprendre ses fonctions, son employeur l'a injuriée et lui a ordonné de partir sur le champ,

- que contrainte de s'exécuter, elle s'est effondrée et a du se rendre chez son médecin traitant qui n'a pu que constater son état de santé de choc et sa dépression réactionnelle,

- que c'est dans ces circonstances qu'elle a été licenciée,

- que les faits de harcèlement se sont poursuivis, son employeur lui réclamant le remboursement d'un prêt qu'il avait cautionné et qui avait été consenti par la SBCIC en faveur d'une société animée par son concubin ;

elle produit pour établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral des attestations de membres de sa famille, ou d'amis qui n'ont été témoin d'aucun fait d'harcèlement particulier.

De son côté, la SELARL Y..., ès qualités fait valoir :

- que preuve n'est pas rapportée d'élément laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral,

- qu'au contraire Mademoiselle X... est l'auteur d'harcèlement moral et de pression sur le personnel ainsi qu'il résulte notamment du témoignage circonstancié de Mademoiselle AZIZA E..., engagée en 1999 comme responsable export pour un autre secteur,

- que Mademoiselle C... n'a pas été recrutée sur le même secteur que celui de Mademoiselle X...,

- que Mademoiselle X... rencontrait de graves difficultés financières, et que son employeur lui a prêté la somme de 48.900 francs entre octobre 2000 et septembre 2001,

- que Mademoiselle X... a signé le 1er avril 2003 un contrat de prestation de services avec la société PASCAL HAMMOUR, cette société ayant porté plainte contre elle pour abus de confiance dès le 28 avril 2001,

- que Mademoiselle D... était seulement comptable et non responsable de la zone export,

- que Mademoiselle X... n'a pas été insultée le 5 mars 2002, ni n'a été contrainte de quitter les lieux, mais a fait preuve bien au contraire, elle-même, d'un comportement extrêmement grossier à l'encontre de son employeur, selon les attestations de Mademoiselle C..., D... et de Monsieur F...,

- que l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont justifiés,

- qu'en particulier pendant son arrêt maladie du 12 février au 3 mars 2002 Mademoiselle X... a passé 195 appels téléphoniques avec son portable professionnel.

Force est tout d'abord de constater qu'antérieurement à l'engagement de Mademoiselle C... en septembre 2001 les relations entre Mademoiselle X... et son employeur étaient des meilleurs puisque celle-ci avait obtenu des avancements successifs, reconnaissant ses mérites professionnels et des avantages incontestables (prêts personnels importants, caution de son concubin),

et qu'antérieurement à cette date aucun harcèlement ne peut être allégué.

Reste à déterminer les circonstances de la dégradation des rapports entre les parties à partir de septembre 2001.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut décider d'organiser ou de réorganiser son service-export, et dans ce cadre de la nouvelle répartition des différents secteurs d'exportation et des locaux dans l'entreprise entre les salariés, à la condition que ces nouvelles répartitions ne se traduisent pas par une modification portant sur un élément essentiel du contrat de travail, ne caractérisent pas un élément permettant de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il n'est pas discuté de la nécessité de renforcer ou de réorganiser le service exportation, qui ressortit d'ailleurs du pouvoir de direction de l'employeur,

et aucun élément du dossier ne vient établir que les décisions prises à cet égard avaient pas pour objet ou pour effet d'évincer Madame X... de ses responsabilités, même si son secteur devait être limité ;

il n'est pas allégué, ni même établi, que la modification du secteur de Madame X... qui n'avait la qualité de cadre devait se traduire par une baisse de sa rémunération et la perte de ses primes selon les modalités contractuellement définies ;

n'est donc justifiée aucune modification d'un élément essentiel de contrat de travail de Madame X...,

il n'est établi par aucun élément du dossier que l'affectation d'un nouveau bureau à Madame X... ait présenté un caractère discriminatoire ; bien plus l'attestation de Mademoiselle D... établit le contraire.

Il résulte de l'exposé des faits plus haut effectué et des explications des parties :

- que Madame X... a dès septembre 2001 été chargée d'assurer la formation de Madame C... à l'exportation,

- que c'est à partir du début de l'année 2002 quand il a été question de confier un secteur à l'export à Madame C... que le conflit s'est noué, Madame X... n'acceptant pas cette modification des conditions de travail ainsi qu'il résulte des attestations circonstanciées de :

Madame C... qui a précisément décrit les circonstances du climat allant se dégradant,

Madame D... dans sa première attestation du 24 février 2003, qui n'est pas formellement en contradiction avec la seconde, qui confirme le témoignage de Madame C...,

étant ajouté que le caractère violent et le comportement exclusif de Madame X... sont attestés par Madame AZIZA E... qui dans une très longue attestation détaille les "brimades en tout genre" dont elle a été victime de la part de Madame X... qui l'accusait de "vouloir prendre sa place", ayant été jusqu'à tenter de la frapper physiquement si Madame D... n'était pas intervenue, qui l'ont conduite à quitter l'entreprise en 1999 alors qu'elle avait été recrutée comme responsable à l'export sur le secteur de l'Italie, les pays de l'Est et l'Europe du Nord,

- que l'arrêt de travail du 13 février au 3 mars 2002 s'inscrit dans ce cadre,

- qu'aucun élément du dossier ne vient établir que l'employeur se soit monté grossier et insultant envers Madame X... à son retour au travail,

Dans ces conditions ne sont pas établis les faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Les conditions du départ de l'entreprise de Madame X... sont ainsi décrites par :

Madame C...

"A son retour d'arrêt maladie, le lundi 4 mars 2002, Mademoiselle X... s'est enfermée dans son nouveau bureau et nous a (Mademoiselle D... et moi-même) à peine adressé la parole. Mademoiselle X... a mal accepté qu'on la change de bureau, il était pourtant très clair avec une grande fenêtre, des toilettes personnelles.. en somme très agréable.

Le lendemain matin à son arrivée, elle m'a dit que dorénavant je devais m'occuper de l'Espagne (secteur qu'elle avait en charge depuis ses débuts et qui était en tant que chiffre d'affaires, le secteur le plus important pour l'entreprise). Puis elle s'est comme la veille enfermée dans son bureau, a refusé de prendre toutes les communications qui lui étaient destinées et n'a pas réceptionné ses mails, première tâche que nous effectuons dès notre embauche.

A l'arrivée de Monsieur G... et au vu de l'ambiance qui régnait, il a demandé ce qu'il se passait et nous (Mademoiselle D... et moi-même) lui avons expliqué que Mademoiselle X..., enfermée dans son bureau, refusait, en somme de travailler !!! Il s'est alors rendu dans son bureau pour avoir des explications.

Après un petit moment, j'ai vu Mademoiselle X... sortir de son bureau avec son sac à main (on était qu'en milieu de matinée) et crier : "de toute façon, je me casse de cette boîte de merde, avec des gens et un boulot de merde !"

Monsieur G... lui a alors dit : "Dominique, vous êtes consciente que cela s'appelle un abandon de poste?"

Elle a répondu "j'en ai rien à foutre" et elle est partie en cliquant la porte"

Monsieur F...

"Le mardi 5 mars 2002, alors que je venais remettre des accessoires d'imprimerie que Monsieur G... m'avait prêtés, je suis arrivée devant la porte d'entrée de la société qui était ouverte. J'ai entendu des éclats de voix venant de Mademoiselle X... Dominique. Elle disait qu'elle n'en avait rien à foutre et qu'elle se cassait",

Dès lors, les circonstances dans lesquelles Madame X... a quitté son travail, précisément énoncées dans la lettre de licenciement, justifient à elles seules le licenciement pour faute grave privative des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, et fondent la mise à pied conservatoire préalablement prononcée.

Sur les retenues sur salaire

Les deux bulletins de salaire établis pour la période du 1er au 5 mars 2002 et portant les numéros 020022 et 020073, comportent l'indication de 10 ou 16 heures de travail, 162,50 et 164 heures de congés payés, d'une retenue de 1.318,28 € ou 1.463,42 € au titre du remboursement de prêt ;

DIPROMAG fait état de prêts d'un montant total de 7.454,75 €, dont seulement 1.318,28 € ont été payés

Madame X... a sollicité et obtenu du conseil de prud'hommes le remboursement de la somme de 1.758,60 € "retenue irrégulièrement sur le solde de tout compte",

les juges ayant seulement indiqué dans les motifs que la somme correspondait au remboursement d'un prêt ;

elle prétend que la somme de 7.454,75 € correspond à un salaire.

Il est fait état d'un jugement du tribunal d'instance d'Arcachon du 7 octobre 2002 qui n'est pas produit.

Des explications complémentaires s'imposent.

Sur les frais irrépétibles

Il est équitable de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile dans les conditions qui suivent.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions rejetant les demandes

de Madame X...,

- en dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- en requalification des frais professionnels,

Sursoit à statuer sur l'appel des dispositions du jugement condamnant la société DIPROMAG à rembourser à Madame X... la somme de 1.785,60 € et la demande de Madame X... tendant à ce qu'il soit jugé que la somme de 7.454,75 € est un salaire, qu'elle est en droit de réclamer la somme de 747,47 € au titre des congés payés,

Invite les parties dans les deux mois à :

1o) produire le jugement du tribunal d'instance d'Arcachon du 7 octobre 2002,

2o) préciser le compte de sommes versées, prélevées, leur nature,

3o) conclure sur l'éventuelle application de l'article L 144-2 du Code du Travail,

Renvoie la cause et les parties à l'audience du vendredi 30 mars 2007 à 9 heures,

Réforme pour le surplus,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave privative des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement et justifiant la mise à pied conservatoire,

Déboute Madame X... de toutes les demandes formées à ce titre, et à titre de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles,

Condamne Madame X... aux dépens à ce jour exposés.

Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président et par France GALLO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0075
Numéro d'arrêt : 04/005614
Date de la décision : 21/12/2006

Références :

Décision attaquée : Conseil des prud'hommes de Bordeaux, 05 octobre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-12-21;04.005614 ?
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