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31/08/2006 | FRANCE | N°05/000074

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0075, 31 août 2006, 05/000074


ARRÊT RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 31 AOÛT 2006

CHAMBRE SOCIALE-SECTION C

PRUD'HOMMES
No de rôle : 05 / 00074
Monsieur Didier X...
c /
Monsieur Didier Y... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 014302 du 08 / 09 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND
PG / PH
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de proc

éder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :

...

ARRÊT RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
--------------------------

Le : 31 AOÛT 2006

CHAMBRE SOCIALE-SECTION C

PRUD'HOMMES
No de rôle : 05 / 00074
Monsieur Didier X...
c /
Monsieur Didier Y... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 014302 du 08 / 09 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND
PG / PH
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile

Le 31 AOÛT 2006

Par Monsieur Pierre GUILLOUT, Vice-Président placé, assisté de Madame Annie BLAZEVIC, Greffier,

La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION C, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur Didier X..., de nationalité Française
...
Comparant en personne et assisté de Maître Isabelle LENGER loco Maître Janine CANAC-BAYLE, avocats au barreau de BORDEAUX,
Appelant d'un jugement rendu le 10 décembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de Libourne, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel en date du 23 décembre 2004,

à :

Monsieur Didier Y..., né le 19 mars 1960 à BRAUD ET SAINT LOUIS (33), de nationalité Française

...
Comparant en personne et assisté de Maître Marjorie RODRIGUEZ, avocat au barreau de LIBOURNE,
Intimé,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 22 juin 2006, devant :
Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président, Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller, Monsieur Pierre GUILLOUT, Vice Président placé, Madame Annie BLAZEVIC, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***** *** *

Exposé du litige

Monsieur Y..., engagé à temps partiel par Monsieur X..., directeur de la maison de retraite Maeva, comme " agent d'entretien-gardien ", selon contrat à durée indéterminée du 10 mars 1999, complété par deux avenants concernant la durée du temps de travail, a été licencié par lettre recommandée du 18 juillet 2002 rédigée en ces termes :
" Ma décision s'appuie sur le fait que les relations tant avec la clientèle qu'au sein de l'entreprise n'étaient plus compatibles au bon fonctionnement de cette dernière. Une mésentente s'étant installée, cause réelle et sérieuse motivant ma décision ", avec dispense d'effectuer le préavis de 2 mois à compter du 19 juillet 2002.
Le 19 juillet 2002, les parties ont signé une transaction, confor-mément aux articles 2044 et suivants du Code Civil.
Monsieur Y... a saisi la juridiction prud'homale le 24 octobre 2002 pour faire annuler cette transaction et obtenir diverses sommes dues en raison de la rupture de son contrat de travail, soutenant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et au titre d'heures supplémentaires pour travail dissimulé s'agissant de ses fonctions de gardien de nuit.
Par jugement du 24 novembre 2004, le Conseil de Prud'hommes de Libourne a annulé la transaction précitée et ordonné la réouverture des débats sur l'ensemble des autres chefs de demande.

Le 23 décembre 2004, Monsieur X... a régulièrement formé appel de ce jugement.

Par arrêt du 1er décembre 2005, la Cour a ordonné le sursis à statuer jusqu'aux résultats de la procédure pénale en cours, engagée du chef de fausses attestations.
L'instance d'appel s'est poursuivie à la suite du jugement rendu le 31 janvier 2006 par le Tribunal Correctionnel de Libourne.
Au soutient de son appel, Monsieur X..., par conclusions écrites développées à l'audience, prétend que la transaction signée entre les parties le 19 juillet 2002 est valable ou, subsidiairement, que son licenciement est justifié et que Monsieur Y... a été réglé de l'intégralité de ses salaires, heures supplémentaires et primes d'ancienneté. Il sollicite le paiement d'une somme de 3. 000 € en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En réponse, Monsieur Y..., par conclusions écrites, développées à l'audience, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la transaction et réclamé la paiement des sommes suivantes :
~ 26. 292,88 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
~ 1. 034,22 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,
~ 8. 432 € à titre de rappel sur préavis,
~ 118. 617,30 € à titre de rappels de salaire, pour les heures de gardiennage, pour les années 1999-2002,
~ 26. 292,88 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
~ 3. 000 € pour des frais irrépétibles en appel,
avec remise des documents conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Discussion

-Sur le rappel de salaire et le travail dissimulé
Monsieur Y... réclame une somme globale de 118. 617,30 € correspondant aux rappels de salaire sur les années 1999 à 2002, dont des heures supplémentaires, pour son emploi de gardien à raison de 12 heures la nuit (de 20 heures à 8 heures) et de 3 heures le jour (14 heures à 17 heures), dès lors que son employeur ne peut invoquer une contrepartie de la valeur du logement qu'il a occupé (1. 500 F par mois) s'agissant non d'une astreinte mais d'un travail effectif, et qu'à compter du 1er janvier 2001, une répartition des heures a fait l'objet d'un avenant entre ses fonctions d'homme d'entretien et de gardien. En outre, il réclame l'indemnité précitée en cas de travail dissimulé.
Pour s'opposer à ces demandes, Monsieur X... lui objecte que sa fonction de gardien correspondait à des heures d'astreinte et non à un travail effectif, compensée par la mise à disposition d'un logement de fonction, agrandi en novembre 1999 à l'arrivée de sa concubine, Madame D..., aux frais de l'employeur, avec la seule participation de Monsieur Y... pour des travaux de finition sur son temps de travail.
L'examen des pièces produites permet de contester que Monsieur Y... a été embauché par un contrat à temps partiel du 10 mai 1999 comme agent d'entretien gardien à raison de 80 heures par mois soit 18 heures par semaine (41 F l'heure) avec possibilité d'effectuer des heures supplémen-taires dans la limite de 8 heures par mois.
Par un avenant du même jour, il est précisé que le contrat précité correspond à un horaire de 14 heures à 17 heures comme agent d'entretien (18 heures par semaine) et à un horaire de 20 heures-8 heures pour le contrat de gardien la nuit, Monsieur Y... bénéficiant d'un logement dans l'appartement de la maison de retraite, avec établissement d'un bulletin de salaire faisant mention du temps de travail et des avantages en nature, avenant auquel est arrêté un descriptif de l'état des lieux du logement de 35 m ² avec terrasse.
Le 1er novembre 1999 est signé entre les parties un nouvel avenant ayant pour objet la durée du temps de travail portée à 100 heures mensuelles soit 23 heures hebdomadaires.
Le 1er janvier 2001, un troisième avenant a pour objet de modifier à nouveau la durée du temps de travail avec un horaire fixé à 136 heures mensuelles, réparti en 78 heures comme agent d'entretien, l'après-midi, et 58 heures comme gardien, en astreintes de nuit avec l'avantage en nature (logement), soit un salaire mensuel de 7. 174 € brut.
L'annexe jointe à cet avenant décrit la répartition des horaires entre les fonctions d'entretien (14 heures à 17 heures soit 18 heures hebdomadaires) et les fonctions de gardiennage (de 20 heures à 8 heures du lundi au samedi) avec mention d'une valeur de l'avantage en nature fixée à la somme de 1. 500 F de valeur locative.
Un dernier avenant est signé le 12 juin 2002 selon lequel le contrat de gardiennage avec mise à disposition du logement de fonction a pris fin à compter du 1er février 2002, suite au déménagement de Monsieur Y... pour raisons familiales avec maintien de la durée du temps de travail soit 136 heures par mois à raison de 52 mensuelles comme agent d'entretien et 84 heures mensuelles comme gardien de nuit.
Constitue un travail effectif, au sens de l'article L 212-4 du Code du Travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
Constitue au contraire une astreinte et non un travail effectif, une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
Les heures d'astreinte, doivent obligatoirement être rémunérées, indépendamment des heures d'intervention, dans le cadre de la liberté contrac-tuelle s'agissant des modalités et du montant de la compensation, en l'absence de convention collective applicable, dès lors que c'est à juste titre que Monsieur X... soutient que la convention collective de la CCR du 24 décembre 1993 n'a été étendue, pour les faits de la cause, qu'à compter du 29 octobre 2003, postérieurement à la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, la ventilation du nombre d'heures de travail effectuées comme agent d'entretien et comme gardien ne permet pas de conclure à l'existence d'un travail effectif pour la deuxième fonction mais a été le moyen pour l'employeur d'établir mensuellement le document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées par le salarié au cours du mois écoulé et la compensation correspondante, comme en l'espèce le logement évalué à 1. 500 F.
Monsieur Y... prétend que la porte de la cuisine de son logement donnait directement dans le couloir des pensionnaires, qu'il répondait à leurs appels et devait être présent dans le cas où une urgence pouvait se présenter, réalisant une ronde à 20 heures 30, qu'une chambre de pensionnaire était pourvue d'un interphone qui donnait directement dans son logement du gardien, qu'il était par ailleurs seul la nuit dans les locaux.
Il reste toutefois que Monsieur Y... ne démontre pas, d'une part, qu'il travaillait, dans l'exercice de ses fonctions de gardien, dans un établissement accueillant des personnes nécessitant une surveillance constante, alors qu'une seule chambre était munie d'un interphone, et, d'autre part, qu'il était contraint de rester en permanence sur son lieu de travail n'ayant pas contesté qu'il disposait d'un logement indépendant avec une entrée privative, de sorte qu'il ne peut revendiquer le paiement d'heures pour un travail effectif sur toute la durée de ses fonctions de gardien, dès lors qu'il a été rémunéré forfaitairement pour les heures d'astreinte par la compensation sous la forme de la mise à disposition de son logement.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de Monsieur Y... au titre du rappel de salaire et par voie de conséquence celle au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
-Sur la validité de la transaction
La transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive par la réception par le salarié de la lettre de licenciement dans les conditions requises à l'article L 122-14 du Code du Travail.
En l'espèce, la transaction a été signée le 19 juillet 2002 et la lettre de licenciement a été adressée à Monsieur Y... par lettre recommandée du 18 juillet, mais réceptionnée le 19 juillet selon mention sur l'avis de réception, de sorte qu'à défaut de précision sur l'heure des signatures de la transaction, Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de la validité de cette dernière par sa conclusion postérieure à la rupture du contrat de travail de Monsieur Y....

Au surplus, l'absence de concessions réciproques, autre condition de validité d'une transaction, est manifeste dès lors que Monsieur X... ne peut soutenir que la concession qu'il a consentie résulte du paiement de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés alors que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'un licenciement pour faute grave.

Dès lors, le jugement nécessite confirmation en ce qu'il a prononcé la nullité de la transaction signée le 19 juillet 2002.
-Sur le bien fondé du licenciement
Par lettre manuscrite du 5 juillet 2002, signée des deux parties, Monsieur X... a notifié à Monsieur Y... sa mise à pied conservatoire, après avoir constaté " qu'il est impossible de le laisser prendre son travail ou alors l'état d'excitation dans lequel il se trouvait ", mesure décidée " pour la bonne marche de la maison de retraite et la sécurité des pensionnaires, jusqu'à nouvel ordre ".
Le 10 juillet 2002, Monsieur Y... a été convoqué suite à la mise à pied conservatoire, à un entretien préalable en vue de son licen-ciement, fixé au 16 juillet à 10 heures, suivi de la lettre de notification de licen-ciment dans les termes rappelés ci-dessus.
A l'appui de son appel, Monsieur Y... prétend que la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée dès lors que son employeur invoque une mésentente, sans grief matériellement vérifiable, outre l'absence de valeur probante des pièces produites comme l'attestation du maire pour les faits du 6 juillet.
Pour justifier le licenciement, Monsieur X... fait valoir que la lettre est suffisamment motivée et que les attestations produites confirment le comportement inacceptable de Monsieur Y... tant à l'égard des pensionnaires que du personnel de la direction.
Selon l'article L 122-14-2 du Code du Travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article 122-14-1, dont le défaut rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte de la lettre de licenciement que Monsieur X... invoque la mésentente comme cause réelle et sérieuse de licenciement avec Monsieur Y... après avoir fait référence aux relations tant avec la clientèle qu'au sein de l'entreprise qui n'étaient plus compatibles avec le bon fonctionnement de cette dernière.
Toutefois, cette référence, en raison de son caractère imprécis et général, ne constitue pas un élément objectif de nature à satisfaire aux exigences posées par l'article précité, de sorte que le licenciement de Monsieur Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dès lors, il y a lieu de lui allouer, à titre de dommages-intérêts et par application de l'article L 122-14-5 du Code du Travail, une somme de 6. 540 € correspondant à six mois de salaire (1. 089,82 €), outre la somme de 359,70 € à titre d'indemnité de licenciement et celle de 943,70 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
-Confirme le jugement en ce qu'il a annulé la transaction du 19 juillet 2002.
Y ajoutant.
-Dit que le licenciement de Monsieur Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
-Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... les sommes de :
~ 359,55 € à titre d'indemnité de licenciement,
~ 943,70 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
~ 6. 540 € à titre de dommages-intérêts.
-Dit que les sommes payées par Monsieur X... au titre de la transaction resteront acquises par Monsieur Y....
-Déboute Monsieur Y... de ses autres chefs de demande.
-Vu l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, rejette la demande de Monsieur X....
-Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... une somme de 1. 000 €.
-Condamne Monsieur X... aux dépens de l'appel.
Signé par Benoît FRIZON DE LAMOTTE, Président et par Mme Annie BLAZEVIC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0075
Numéro d'arrêt : 05/000074
Date de la décision : 31/08/2006

Références :

Décision attaquée : Conseil de Prud'hommes de Libourne, 10 décembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-08-31;05.000074 ?
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