La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950083

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0052, 28 mars 2006, JURITEXT000006950083


RÉPARATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE ------------------------------------ Christine X... épouse Y... ------------------------------------ R.G. no04/06797 ------------------------------------ DU 28 MARS 2006 ------------------------------------ D E C I S I O N --------------- Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. Le 28 mars 2006

Robert MIORI, Président de chambre à la Cour d'appel de BORDEAUX désigné en l'empê

chement légitime du Premier Président par ordonnance en date du 20 déc...

RÉPARATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE ------------------------------------ Christine X... épouse Y... ------------------------------------ R.G. no04/06797 ------------------------------------ DU 28 MARS 2006 ------------------------------------ D E C I S I O N --------------- Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. Le 28 mars 2006

Robert MIORI, Président de chambre à la Cour d'appel de BORDEAUX désigné en l'empêchement légitime du Premier Président par ordonnance en date du 20 décembre 2005, assisté de Martine MASSÉ, Greffier,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Madame Christine X... épouse Y... née le 06 Juillet 1957 à SAINT MANDE (94160) de nationalité Française Profession : Fonctionnaire, demeurant 2, Chaussée de l'Etang - 94160 SAINT MANDE

Demanderesse,

présente, assistée de Maître Eric BARATEAU, avocat au barreau de PERIGUEUX,

D'une part,

ET :

Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, Direction affaires juridiques, bureau 2A, Bâtiment Condorcet, 6, rue Louise Weiss - 75703 PARIS CEDEX 13,

Défendeur,

Représenté par la S.C.P. RUSTMANN-JOLY-WICKERS-LASSERRE-MAYSOUNABE, avocats au barreau de BORDEAUX (Gironde),

D'autre part,

En présence de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de BORDEAUX (Gironde), pris en la personne de Martine CAZABAN, Vice-procureur placé,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats aient eu lieu devant nous, assisté de Martine MASSÉ, Greffier, en audience publique, le 31 Janvier 2006, conformément aux dispositions de l'article R37 du code de procédure pénale.

Procédure

Vu les articles 149 et suivants et R.26 et suivants du Code de Procédure Pénale .

Vu la requête présentée par Madame Christine X... épouse Y..., les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor et celles du Ministère Public.

Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale.

Vu la notification de la date de l'audience par lettres recommandées

en date du 02 décembre 2005 adressées au demandeur et à l'Agent Judiciaire du Trésor.

Les débats ont eu lieu à l'audience publique du 31 janvier 2006, ni le demandeur ni son avocat ne s'y étant opposés.

Objet du litige

Dans le cadre de poursuites pénales dont elle a fait l'objet du chef de trafic d'influence passif, Madame X... épouse Y... a été détenue du 10 avril au 30 mai 1997.

Par jugement du Tribunal Correctionnel de Périgueux en date du 11 mars 2002 confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux du 29 juin 2004 devenu définitif, elle a été relaxée des fins de la poursuite diligentée à son encontre.

Le 30 décembre 2004, Madame X... a, sur le fondement des dispositions des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale déposé une requête ayant pour objet la réparation du préjudice qu'elle a subi.

Dans sa requête et dans ses dernières écritures du 26 janvier 2006, elle a demandé que lui soit attribuée une indemnité de 77.900 ç en réparation de son préjudice matériel et une indemnité de 50.000 ç en réparation de son préjudice moral.

L'Agent Judiciaire du Trésor a, dans ses écritures déposées le 16 mai 2005 et le 31 janvier 2006, sollicité que la somme revenant à Madame X... au titre de son préjudice moral soit fixée à 2.500 ç et que l'intéressée soit déboutée du surplus de ses demandes.

Dans ses conclusions déposées le 05 septembre 2005, le Procureur Général a requis que la requête soit déclarée recevable et que la somme accordée à Madame X... soit limitée à 6.000 ç à parfaire du montant du préjudice matériel dont elle justifiera.

Motifs de la décision

Madame X... qui a été détenue a fait l'objet d'une relaxe devenue définitive.

La requête qu'elle a déposée dans les forme et délai prévus par la loi sur le fondement de l'article 149 du Code de Procédure Pénale doit dès lors être déclarée recevable.

Sur le préjudice matériel

Madame X... réclame à ce titre les sommes suivantes :

- perte de traitement durant

la détention provisoire..............................................3.713,00 ç

- perte de prime durant

la détention............................................................ .......600,00 ç

- gêne dans les actes de la vie

courante pendant la détention

(1.200) et pendant le contrôle

judiciaire (7.350 ç)....................................................8.550,00 ç

- perte d'une chance d'évolution

de carrière............................................................. ...50.000,00 ç

- perte d'un voyage programmé

en Egypte............................................................... ....6.000,00 ç

- frais d'avocat...........................................................9. 037,77 ç

Total : ..........77.900,77 ç.

Il convient d'examiner chacun de ces chefs de demande.

Sur les pertes de traitement et de prime

Madame X... fait valoir à ce titre que la décision de suspension dont elle a fait l'objet de la part du Garde des Sceaux le 14 avril 1997, était directement motivée par les poursuites pénales et par la décision de détention prise à son encontre, que devant la juridiction administrative elle se verra opposer la règle dite de "service fait" en l'espèce "non fait" et que c'est aux juridictions de l'ordre judiciaire qu'il appartient d'ordonner la réparation.

L'Agent Judiciaire du Trésor et le Procureur Général maintiennent pour leur part que l'arrêté du Garde des Sceaux suspendant Madame X... de ses fonctions s'impose au Juge Judiciaire lequel ne dispose d'aucun pouvoir d'interprétation, qu'il appartient à Madame X... de former un recours en annulation devant la juridiction compétente et que l'intéressée a été suspendue du fait de sa mise en examen et non en raison de sa détention.

Dans le cadre de la présente procédure d'indemnisation mise en oeuvre par Madame X..., celle-ci ne peut réclamer la réparation que du préjudice directement lié à la détention.

L'arrêté ministériel du 14 avril 1997 qui s'impose aux parties et à toutes les juridictions ne précise pas le motif exact pour lequel la suspension de Madame X... est ordonnée.

Madame X... sur laquelle repose la charge de la preuve ne produit aucune pièce démontrant que la décision ainsi prise à son encontre résulterait, non pas de sa seule mise en examen, mais de son placement en détention.

Les demandes qu'elle a formulées au titre des pertes de traitement et de primes sont dès lors irrecevables.

Sur la gêne dans les actes de la vie courante

Seul le préjudice résultant directement de la détention étant indemnisable c'est à bon droit que l'Agent Judiciaire du Trésor et le Procureur Général soutiennent que Madame X... est irrecevable à solliciter, sur le fondement des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale, l'indemnisation du préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante pendant la période où s'est poursuivie le contrôle judiciaire.

Durant son incarcération Madame X... a par contre nécessairement subi une limitation dans ses déplacements et dans sa liberté d'aller et de venir.

Il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 1.000 ç en réparation de son préjudice.

Sur le préjudice professionnel

Madame X... n'établit pas que la détention qu'elle a subie ait porté atteinte à l'évolution de sa carrière professionnelle.

Aucune des pièces produites ne vient en effet démontrer que les mesures prises par son administration résultent de son incarcération, laquelle doit être directement la cause du préjudice subi.

La demanderesse est par conséquent irrecevable à demander, dans le cadre de la présente instance, la réparation du dommage qu'elle affirme avoir subi sur le plan professionnel.

Sur la perte d'un voyage en Egypte

Il ne résulte pas des pièces produites par Madame X... qu'elle ait avancé les frais d'un voyage en Egypte devant être effectué, en totalité ou en partie, pendant sa période de détention, ni qu'elle n'ait pu se faire rembourser les sommes correspondantes par l'organisateur du voyage.

Aucun document contractuel, aucun relevé de compte, aucun justificatif des démarches accomplies pour récupérer les fonds, ne viennent en effet établir qu'elle est en droit de réclamer une quelconque somme de ce chef.

En l'absence de pièces justificatives, la demande qu'elle a formulée à ce titre ne peut dès lors qu'être rejetée ainsi que le sollicitent l'Agent Judiciaire du Trésor et le Procureur Général.

Sur les frais d'avocat

Seuls ouvrent droit à réparation les frais exposés et les honoraires d'avocat relatifs à la détention.

Madame X... peut donc uniquement prétendre au remboursement des honoraires qu'elle a payés à son avocat résultant d'une facture détaillée, correspondant aux exigences de l'article 245 du décret du 27 novembre 1991, faisant ressortir que les diligences facturées correspondent à des prestations accomplies au titre de la détention dont elle faisait l'objet.

En l'espèce, la seule facture détaillée produite, laquelle n'est de surcroît pas une facture définitive, est celle datée du 04 juin 1997. Elle concerne uniquement des diligences accomplies le 04 juin 1997, c'est à dire après la libération de Madame X... intervenue le 30 mai 1997.

C'est dès lors à juste titre que l'Agent Judiciaire du Trésor et le Procureur Général s'opposent à la demande de Madame X...

Seule une indemnité de 1.000 ç sera en définitive accordée à Madame X... en réparation de son préjudice matériel.

Sur le préjudice moral

Madame X..., qui réclame 50.000 ç à ce titre, expose que le bruit qui a inutilement été fait autour de cette affaire a accéléré le "départ" de son père qui est décédé sans la voir innocentée, que sa fille a

été en proie aux moqueries de ses camarades de classe, et que sa mère a aussi souffert de cette situation.

Elle ajoute qu'elle a elle-même très mal vécu son incarcération, qu'elle a subi une perte de poids, et qu'elle a sombré dans une très grave et longue dépression.

L'Agent Judiciaire du Trésor et le Procureur Général font néanmoins justement valoir que la médiatisation de la procédure, le traumatisme occasionné aux proches du requérant, et le préjudice pouvant avoir été occasionné par les obligations résultant du contrôle judiciaire, n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 149 du Code de Procédure Pénale sur le fondement duquel agit Madame X...

Il s'avère cependant que pendant la durée de la détention qui s'est poursuivie pendant 50 jours, Madame X... a été privée de la présence de ses proches et que les conditions de son incarcération ont été éprouvantes, notamment en raison de sa qualité de fonctionnaire du Ministère de la Justice.

Dans un certificat médical du 15 novembre 2004, le médecin traitant de Madame X... relève par ailleurs que l'emprisonnement a provoqué chez l'intéressée une dépression intense et une perte de poids, et que l'incarcération a rompu le lien familial fort qu'elle avait avec sa fille dont elle a perdu la confiance.

Ces circonstances justifient qu'une indemnité de 9.000 ç soit attribuée à Madame X... en réparation de son préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en premier ressort

Déclarons recevable la requête présentée par Madame X... épouse Y...

Fixons à 1.000 ç l'indemnité lui revenant en réparation de son préjudice matériel et à 9.000 ç celle qui lui est due au titre de son

préjudice moral.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente ordonnance est signée par Robert MIORI, Président et par Martine MASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0052
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950083
Date de la décision : 28/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-03-28;juritext000006950083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award