BJC DU 11 JANVIER 2006 No DU PARQUET : 05/ 00756 No D'ORDRE : M. P. C/ X... Christian
LE ONZE JANVIER DEUX MILLE SIX LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX
En l'audience publique de la Troisième Chambre Correctionnelle tenue par :
Monsieur BOUGON, Président,
Monsieur MINVIELLE, Conseiller,
Madame CHAMAYOU-DUPUY, Conseiller,
En présence de Monsieur WEIBEL, Substitut de Monsieur le Procureur Général
Et avec l'assistance de Madame JUNGBLUT-CATZARAS, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de BORDEAUX
ET : X... Christian âgé de 56 ans demeurant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 33320 EYSINES né le 26 Octobre 1948 à NICE (06) de nationalité française, Cuisinier, Déjà condamné
PRÉVENU, intimé, cité, libre, présent, assisté de Maître LALANNE Daniel, avocat au barreau de BORDEAUX.
ET : C... Martine, demeurant ...-33700 MERIGNAC, partie civile, appelante, citée, présente, assistée de Maître LACASSAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX,
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par actes reçus au Secrétariat-Greffe du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, la partie civile Madame C... Martine, le 15 février 2005 et le Ministère Public, le 17 février 2005 ont relevé appel d'un jugement Contradictoire, rendu par ledit Tribunal le 10 Février 2005, à l'encontre de X... Christian poursuivi comme prévenu d'avoir à EYSINES sur notre ressort juridictionnel, courant 2002 et jusqu'au 30. 09. 2002, harcelé Madame Martine C..., dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, en l'espèce en tentant à plusieurs reprises de l'embrasser sur la bouche et dans le cou, en se livrant sur elle à des gestes impudiques et en lui tenant des propos à connotation sexuelle du genre " si j'étais nue, si j'étais dans mon bain, si je me touchais ".
Infraction prévue par l'article 222-33 du Code pénal et réprimée par les articles 222-33, 222-44, 222-45 du Code pénal
LE TRIBUNAL
A prononcé la relaxe de Christian X... et sur l'action civile a déclaré la constitution de partie civile de C... Martine régulière en la forme mais irrecevable ;
Sur ces appels et selon citations de Monsieur le Procureur Général, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 09 Novembre 2005, la Cour étant composée de Monsieur BOUGON, Président, Monsieur MINVIELLE et Madame CHAMAYOU-DUPUY, Conseillers, assistée de Madame JUNGBLUT-CATZARAS, Greffier,
A ladite audience, le prévenu a comparu et son identité a été constatée ;
Madame le Conseiller CHAMAYOU-DUPUY a fait le rapport oral de l'affaire ;
Le prévenu a été interrogé ;
Maître LACASSAGNE, avocat, a développé les conclusions de la partie civile.
Monsieur le Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendu en ses réquisitions ;
Maître LALANNE Daniel a présenté les moyens de défense du prévenu lequel a eu la parole en dernier ;
SUR QUOI,
Le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 11 janvier 2006.
A ladite audience, Monsieur Le Président a donné lecture de la décision suivante :
Les appels successivement interjetés par la partie civile et le ministère public sont recevables pour avoir été déclarés dans les formes et délais de la loi ;
La partie civile demande que sa constitution au soutien de l'action publique soit déclarée recevable. Elle maintient qu'elle a fait l'objet d'attouchements sexuels répétés et imposés par Monsieur X..., concubin de Madame E..., son employeur, et qui se comportait comme le dirigeant de l'entreprise en l'absence de celle-ci ;
Elle ajoute que ce comportement a eu des répercussions sur son état de santé et que lorsqu'elle résistait à ses avances, il lui faisait subir des représailles dans le cadre du travail aggravant ses taches, désorganisant son service, à telle enseigne qu'elle finissait par se faire réprimander.
Elle précise que cependant il ne lui a jamais demandé de lui consentir des faveurs de nature sexuelles, se contentant des privautés qu'il s'autorisait sur sa personne.
Le ministère public requiert la condamnation du prévenu à la peine de 1000 euros d'amende et trois mois d'emprisonnement avec sursis après requalification des faits poursuivis en infraction de harcèlement moral à connotation sexuelle.
Le prévenu a déposé des conclusions développées à l'audience, au terme desquelles, il réclame la confirmation de la décision entreprise au motif que les faits poursuivis n'entrent pas dans les prévisions de l'article 222-33 du Code Pénal, car ils n'ont pas été accomplis dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelles.
Invité à s'expliquer sur la requalification requise par le ministère public, il a ajouté oralement que les faits reprochés ne recouvraient pas d'avantage les éléments constitutifs de harcèlement moral.
MOTIFS DE LA DECISION
Le 9 août 2001 Martine C... a été embauchée comme serveuse par Madame Jocelyne D... E... exploitante d'une brasserie l'AMARYLLIS située à EYSINES.
Le 8 octobre 2002, elle a déposé plainte contre Christian X... concubin de madame D... E... et chef cuisinier de l'établissement, pour des faits de harcèlement moral et sexuel.
Elle a déclaré qu'au début de la relation de travail tout se passait à peu près bien, exception faite des sautes d'humeur du prévenu.
L'enquête réalisée par les services de police a mis en évidence la permanence du comportement de Monsieur Christian X... envers les salariés de la brasserie et spécialement le personnel féminin. Les employées ont de façon quasi unanime indiqué que le prévenu avait l'habitude d'être grossier, désagréable et de leur tenir des propos insultants et indécents.
Après six ou sept mois de présence, le comportement de Christian X... s'était modifié et il avait eu envers elle une attitude inconvenante et licencieuse.
Ainsi elle affirmait que dès que sa concubine était absente, et qu'il n'y avait pas de témoin, il en profitait pour lui passer la main sur les fesses, la prendre par la taille et essayer de l'embrasser dans le cou. Elle subissait également des assauts de langage particulièrement graveleux.
Durant les derniers mois passés dans l'entreprise, elle faisait attention à ne pas se trouver seule avec lui, car le prévenu avait réussi à la surprendre et avait tenté de l'embrasser sur la bouche.
Comme elle l'avait rabroué et repoussé, il s'était mis à adopter un comportement odieux à son égard en s'arrangeant pour la déstabiliser dans son service et la pousser à la faute.
La répétition systématique de ces agissements et ce travail de sape ont fini par avoir raison de sa résistance. Elle a dû bénéficier d'un traitement médical à partir du mois de janvier 2002 pour une dépression nerveuse réactionnelle. Malgré les difficultés à retrouver un travail aussi bien rémunéré dont elle avait impérativement besoin, car elle était séparée du père de ses deux enfants, elle avait finalement préféré démissionner le 30 septembre 2002.
Confrontée dans le cadre d'un supplément d'information au prévenu qui niait toute participation aux faits dénoncés, elle s'est retrouvée en présence de deux autres anciennes employées de l'établissement Madame F... et Madame G... Fatiha qui ont indiqué qu'elles aussi avaient fait l'objet dans le courant de l'année 1998 de faits similaires, décrits dans des termes identiques et ont dans les mêmes conditions été contraintes de démissionner, car elles ne pouvaient plus supporter d'être ainsi harcelées.
Madame G... avait déjà dénoncé de tels agissements aux services de police en 1998 et elle a réitéré ses déclarations devant le juge d'instruction dans le cadre de la présente procédure, se rappelant que dès qu'elle lui opposait une résistance il devenait menaçant.
Le récit des faits dont la partie civile dit avoir été la victime est conforme aux déclarations de ces deux anciennes employées qui ne la connaissaient pas et n'ont jamais travaillé avec elle. Sa crédibilité s'en trouve renforcée.
L'enquête réalisée par les services de police a mis à jour la permanence du comportement de Monsieur Christian X... envers les salariés de la brasserie et spécialement le personnel féminin. Les employées ont en effet de façon quasi unanime indiqué que le prévenu avait l'habitude d'être grossier, désagréable et de leur tenir des propos insultants et indécents.
Ainsi Bérengère I..., Marina J..., Patricia K..., Céline L..., Valérie M... ont dénoncé la grossièreté et la brutalité de langage et ses manières blessantes.
Le prévenu lui-même a reconnu lors de son audition du 17 février 2003 par les services de gendarmerie d'ILLAC qu'il lui arrivait d'avoir un comportement irrascible envers les salariées de l'établissement et ainsi qu'il avait pu répondre à une plongeuse " toi va te faire enculer " qu'il avait pu dire à certain client que Madame Christine N... était " une fille à coucher ".
Madame C... a été considérée par l'expert qui l'a examinée dans le cadre de la procédure de supplément d'information, Monsieur O... P... comme parfaitement crédible et présentant un état de réel souffrance à l'évocation des faits.
Toutefois bien qu'il soit établi que Christian X... lui a fait subir une forme de harcèlement moral à connotation sexuelle, il ne lui a jamais demandé directement de lui accorder des faveurs de nature sexuelles.
Dès lors les faits poursuivis revêtent la qualification de harcèlement moral, infraction prévue et réprimée par l'article 222-32-2 du code pénal et dont monsieur X... sera déclaré coupable.
L'expertise psychologique du prévenu le décrit comme quelqu'un qui présente un mode de fonctionnement rigide et une grande méfiance dans le cadre de ses relations interpersonnelles.
A l'audience, il a légitimé son comportement despotique et méprisant envers ses salariés par les contraintes et nécessités du métier de la restauration.
Il était parfaitement conscient du fait que son comportement était de nature à entraîner cette dégradation tant des conditions de travail que de l'état de santé de Martine C..., puisqu'il l'avait sciemment adopté afin de sanctionner son refus de cautionner ses entreprises de séduction.
Il avait agi de même avec d'autres salariés et notamment avec madame F... et madame G... également contraintes de démissionner pour des raisons similaires.
Dès lors Christian X... sera condamné au regard de la nature des faits reprochés et de sa personnalité à la peine de trois mois d'emprisonnement assortis du sursis simple et à 1000 euros d'amende. La constitution de partie civile de Martine C... au soutien de l'action publique sera déclarée recevable ; le prévenu étant directement responsable du préjudice qu'elle a subi consécutivement à ses agissements.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels recevables,
Infirmant le jugement déféré,
Dit que les faits poursuivis sous la qualification de harcèlements sexuels recouvrent les éléments constitutifs de l'infraction de harcèlement moral prévue et réprimée par l'article 222-32-2 du Code Pénal,
Déclare Christian X... coupable de cette infraction,
En répression le condamne à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 1000 euros d'amende,
Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a pu être donné au prévenu sent lors du prononcé de l'arrêt.
Avis a pu être donné au prévenu sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
Déclare recevable et bien fondée la constitution de partie civile de Madame Martine C... au soutien de l'action publique,
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt Euros dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code Général des Impôts.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur BOUGON, Président, et Madame JUNGBLUT-CATZARAS Greffier présent lors du prononcé.