La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2001 | FRANCE | N°98/03635

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 26 juin 2001, 98/03635


EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... Y... a saisi la présente Cour de l'appel d'un jugement rendu le 11 juin 1998 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE qui a déclaré irrecevables ses demandes tendant à voir consacrer la responsabilité de la S.A. PRESTI AQUITAINE suite à un défaut d'implantation de l'ouvrage construit pour son compte, à obtenir la démolition du dit ouvrage, le paiement d'une provision et la réalisation d'une expertise ainsi que des dommages et intérêts à l'encontre de l'assureur de la société la S.M.A.B.T.P.

Vu les articles 455 et 954 du Code d

e Procédure Civile (rédaction applicable à partir du 1er mars 1999),

Vu ...

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... Y... a saisi la présente Cour de l'appel d'un jugement rendu le 11 juin 1998 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE qui a déclaré irrecevables ses demandes tendant à voir consacrer la responsabilité de la S.A. PRESTI AQUITAINE suite à un défaut d'implantation de l'ouvrage construit pour son compte, à obtenir la démolition du dit ouvrage, le paiement d'une provision et la réalisation d'une expertise ainsi que des dommages et intérêts à l'encontre de l'assureur de la société la S.M.A.B.T.P.

Vu les articles 455 et 954 du Code de Procédure Civile (rédaction applicable à partir du 1er mars 1999),

Vu les conclusions de Monsieur X... signifiées et déposées le 29 septembre 1998 et le 05 octobre 1998,

Vu les conclusions de Maître Louis HIROU es qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A. PRESTI AQUITAINE signifiées et déposées le 18 janvier 1999,

Vu les dernières écritures de la S.M.A.B.T.P. signifiées et déposées le 05 septembre 2000,

Vu les dernières écritures de la M.A.A.F, assignée en appel provoqué par la S.M.A.B.T.P, signifiées et déposées le 14 février 2001,

Vu l'exploit d'assignation d'appel provoqué délivré le 11 septembre 2000 par la S.M.A.B.T.P. à la S.C.P. MAYON es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. LE CALVEZ (délivré à personne habilitée),

Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction du 23 avril 2001.

MOTIFS

I. EN PROCEDURE

En application des articles 15, 16 et 783 du Nouveau Code de Procédure Civile, et comme le demande la S.M.A.B.T.P. par conclusions

du 20 avril 2001 et la M.A.A.F. par conclusions du 30 avril 2001, il convient de rejeter des débats les dernières écritures signifiées et déposées par Monsieur X... le même jour, soit trois jours dont deux non ouvrés avant la date de l'ordonnance de clôture de l'instruction annoncée aux parties le 12 octobre 2000, un tel délai interdisant aux autres parties d'y répliquer utilement.

II. AU FOND

A. Sur la demande de Monsieur X... tendant à la jonction d'instances

Monsieur X... a relevé appel des ordonnances du juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 30 septembre 1997 ayant statué sur la contestation par la S.M.A.B.T.P. de la saisie-attribution qu'il a fait pratiquer sur le fondement des condamnations prononcées à son profit par la présente Cour dans son arrêt du 2 juillet 1996. La Première Chambre Civile section C de la Cour a rendu son arrêt sur cet appel le 22 novembre 2000. Il n'y a donc plus lieu d'examiner la demande de Monsieur X... tendant à la jonction de cet appel et de la présente instance ;

B. Sur la fin de non- recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée 1. L'article 1351 du Code Civil énonce : L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

2. Il est constant que, se plaignant d'un empiétement de la construction de Monsieur X... sur son fonds, Monsieur Z... a assigné ce dernier et le constructeur, société PRESTI AQUITAINE le 1er juin 1988 en démolition sur le fondement des articles 545 et 1382 et 1383 du Code Civil, et en réparation de son préjudice (10.000

Francs de dommages et intérêts) ; que les défendeurs, soulignant la mauvaise foi de Monsieur Z... qui, ayant constaté l'erreur d'implantation en cours de travaux, avait laissé faire, ont proposé à celui-ci, en contrepartie de la valeur de la surface d'empiétement (2,53 m2) une somme de 88,55 Francs ; que le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE, par jugement du 8 décembre 1989 a fait droit à la demande de Monsieur Z... en démolition de la partie d'immeuble construite en empiétement sous astreinte sur le fondement de l'article 545 du Code Civil, a débouté le demandeur de sa demande en réparation (dirigée contre la seule société PRESTI AQUITAINE ) et a refusé de donner acte aux défendeurs de leurs réserves à agir contre le géomètre (Monsieur A...) et contre l'entreprise chargé de l'implantation ; que Monsieur X..., qui ayant interjeté appel, a assigné alors en intervention forcée la S.M.A.B.T.P, assureur de la société PRESTI AQUITAINE et la C.G.I.F.N.B. comme caution de cette dernière, a réclamé réparation à la Société PRESTI AQUITAINE (en liquidation judiciaire, représentée par Maître HIROU, mandataire liquidateur) ainsi qu'à la S.M.A.B.T.P. et à la C.G.I.F.N.B ; que par arrêt définitif du 25 octobre 1993, la présente Cour à confirmé le jugement déféré quant à l'action principale de Monsieur Z... (démolition partielle sous astreinte) et dans le cadre de l'action en garantie de Monsieur X..., a débouté ce dernier de ses demandes dirigées contre la C.G.I.F.N.B et, ayant déclaré la S.M.A.B.T.P. tenue de garantir l'erreur d'implantation imputable à son assurée, société PRESTI AQUITAINE, a sursis a statué sur les demandes de Monsieur X... en fixation de créances indemnitaires à savoir le remboursement des frais de démolition et de reconstruction et la réparation de ses préjudices personnels à l'encontre de la société PRESTI AQUITAINE et en garantie de l'assureur, et a ordonné une expertise, confiée à Monsieur B..., aux frais avancés de la

S.M.A.B.T.P, aux fins de chiffrer le coût des travaux de démolition partielle et de reconstruction partielle de l'ouvrage de Monsieur X..., après avoir constaté que Monsieur X... a déclaré à la liquidation judiciaire de la société PRESTI AQUITAINE sa "créance contractuelle résultant des conséquences dommageables du défaut d'implantation" ; que, sur le vu du rapport de l'expert, Monsieur X... a repris l'instance d'appel au cours de laquelle Monsieur Z... lui a derechef réclamé la remise en conformité des lieux ainsi qu'une indemnité de 50.000 Francs, tandis que Monsieur X... a réclamé, aux titres de ses créances à fixer à la liquidation judiciaire de la société PRESTI AQUITAINE et à la S.M.A.B.T.P, assureur, une indemnité de 200.000 Francs "forfaitaire" au titre des travaux de démolition partielle et de reconstruction partielle pour le cas où plusieurs corps d'état devaient intervenir, une indemnité de 50.000 Francs en réparation du trouble de jouissance consécutif à l'exécution de ces travaux (d'une durée évaluée à 2 mois par l'expert), une indemnité de 150.000 Francs en réparation de la moins-value apportée à son immeuble d'habitation à la suite des travaux de démolition et de reconstruction partiels, enfin une indemnité de 200.000 Francs en réparation du trouble à la jouissance de l'immeuble dans l'état où il se présenterait à l'issue des travaux de reconstruction (réduction d'habitabilité et d'agencement intérieur des pièces affectées par ces travaux); que par arrêt définitif du 2 juillet 1996 la présente Cour a fixé les indemnités de Monsieur X... à l'encontre de la société PRESTI AQUITAINE (Maître HIROU es-qualités) et payables par la S.M.A.B.T.P. à 147.578,72 Francs TTC valeur juillet 1994, suivant la proposition de l'expert, pour les travaux de démolition et de reconstruction partiels, en ce y compris la remise en état d'une clôture, d'une fosse septique et de canalisations, à 25.000 Francs pour le trouble de jouissance durant

travaux, à 100.000 Francs au titre de la moins-value de l'immeuble (diminution de surface habitable de 2,33 m2) et à 150.000 Francs le trouble de jouissance après reconstruction à raison de la réduction d'habitabilité de deux chambres ;

Il est par ailleurs constant que par acte sous-seing privé du 4 mars 1997, la S.M.A.B.T.P. a conclu avec Monsieur Z... une transaction aux termes de laquelle ce dernier a expressément renoncé à poursuivre l'exécution des dispositions de l'arrêt du 25 octobre 1993 contre Monsieur X... et la société PRESTI AQUITAINE en contrepartie d'une indemnité de 90.000 Francs versée par la S.M.A.B.T.P, à qui Monsieur Z... a cédé à titre gratuit la partie de son fonds (2,53 m2) objet de l'empiétement, avec faculté pour l'assureur de se substituer comme cessionnaire Monsieur X..., ou de permettre la cession gratuite directe entre Monsieur Z... et Monsieur X... si ce dernier l'accepte ; que Monsieur X... n'a pas accepté cette proposition (refus exprimé le 10 décembre 1997 d'une proposition de donations sans frais du "bout de terrain" litigieux) ;

3. Dans ces circonstances, et comme le soutient la S.M.A.B.T.P, l'autorité de la chose jugée s'oppose à la recevabilité de la nouvelle action introduite par Monsieur X... contre la société PRESTI AQUITAINE et contre son assureur aux fins de démolition totale, reconstruction totale et réparation des dommages personnels ; Il en ressort, en effet :

1° que Monsieur X... agit en la même qualité (maître de l'ouvrage implanté partiellement sur le fonds d'autrui), contre les parties défenderesses en la même qualité que dans l'instance précédente ( constructeur de maison individuelle et son assureur de responsabilité civile professionnelle) ;

2° que la demande nouvelle de Monsieur X... a le même objet que la précédente, à savoir la démolition et la reconstruction de son ouvrage, qu'il exige cette fois-ci totale après l'avoir demandée - à la suite de son voisin -, partielle ; qu'à cet égard cette extension du partiel au général n'a pas pour effet de modifier l'identité d'objet, alors qu'aucun fait ou élément nouveau ayant pu modifier à son détriment la situation des parties, et alors que, de surcroît, il résulte de la transaction intervenue entre le propriétaire du fonds victime de l'empiétement et la S.M.A.B.T.P. qu'aucun obstacle de fait ou de droit ne s'oppose, désormais, au maintien des lieux en l'état, en sorte que Monsieur X... n'a même plus à craindre, pour l'avenir, d'être contraint à démolir et à reconstruire partiellement son immeuble ; qu'au surplus, Monsieur X..., qui avait dans le cadre de l'action en garantie primitive, le libre choix d'éxiger du constructeur et de son assureur, sans être lié par la propre action principale de son voisin fondée sur l'article 545 du Code Civil, la démolition et la reconstruction totale de l'ouvrage en application de l'article 1143 du Code Civil qui, par dérogation au principe indemnitaire de l'article précédent, autorise le créancier à demander la destruction "de ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement", a expressément choisi d'agir en réparation contre eux en application de l'article 1142 du Code Civil suivant lequel "toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution par le débiteur", et de présenter de ce chef des demandes indemnitaires fondées non seulement sur la réparation des dommages directs et immédiats résultant de l'obligation de démolir et reconstruire partiellement l'ouvrage, mais encore sur l'indemnisation des dommages définitifs résultant de ces opérations (moins-value de l'immeuble et trouble de jouissance après reconstruction) ; que son action présente, qualifiée artificiellement

de "demande personnelle", ne saurait donc être justifiée par un objet nouveau ; qu'en réalité, Monsieur X... ayant alors opté pour la réparation pécuniaire limitée aux conséquences dommageables de la démolition et reconstruction partielles de son ouvrage, a épuisé son intérêt à agir du chef de l'objet du litige, en ce y compris du chef des démolition et reconstruction totales qu'il était alors tout comme aujourd'hui légitimement fondé à réclamer à son cocontractant et à l'assureur de celui-ci ;

3° qu'enfin, à l'évidence, l'action nouvelle de Monsieur X... est bien fondée sur les mêmes causes que l'action en garantie ou "récursoire "antérieure ; qu'il invoque en effet la responsabilité contractuelle du constructeur, comme devant, qu'elle soit fondée sur le droit commun (responsabilité pour faute prouvée, au titre de laquelle il réclame à titre de "provision" le montant des condamnations fixées par l'arrêt du 2 juillet 1996 contre la société PRESTI AQUITAINE) ou fondée sur la loi (responsabilité contractuelle de plein droit de l'article 1792 du Code Civil) en contradiction flagrante, de surcroît, de ce qui a été déjà définitivement jugé entre Monsieur X... et la société PRESTI AQUITAINE en application des articles 1142 et 1146 et suivants du Code Civil ; qu'il invoque, par ailleurs la garantie de la S.M.A.B.T.P., assureur du constructeur, au titre du contrat d'assurance de responsabilité professionnelle, au titre de la réalisation du sinistre garanti, soit l'erreur d'implantation, que ce soit en application de l'article L 124-1 du Code des Assurances comme devant, ou en application de l'article L 124-3 du même code (action directe), étant ici observé que dans l'instance précédente, l'action de Monsieur X... contre le constructeur et contre son assureur relevait déjà de la qualification d'action directe du tiers lésé, et non de l'action en garantie de l'assuré contre son propre assureur ;

4° Il convient par voie de conséquence, de déclarer l'appel mal fondé et par substitution partielle de motifs, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a statué sur les dépens ;

5° Les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par Monsieur X..., à l'exception de ceux exposés du chef de l'appel en garantie de la S.M.A.B.T.P. dirigé contre la M.A.A.F, qui resteront à la charge de la S.M.A.B.T.P, cet assureur ne pouvant ignorer l'autorité de la chose jugée du jugement définitif du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX du 26 novembre 1997 qui, statuant sur sa propre action récursoire contre différents intervenants à la construction de l'ouvrage de Monsieur X..., a rejeté sa demande en garantie dirigée contre la M.A.A.F., assureur de la S.A.R.L. CALVEZ ;

6° En revanche, la M.A.A.F, qui ne justifie pas d'un préjudice distinct de la charge des frais de procès non taxables, doit être déboutée de sa demande incidente en réparation fondée sur l'exercice abusif du droit d'agir en justice commis par la S.M.A.B.T.P ;

7° L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doit être appliqué, en équité, au seul bénéfice de la S.M.A.B.T.P. et de la M.A.A.F, comme précisé ci-après ;

PAR CES MOTIFS

Et ceux....

LA COUR :

Recevant en la forme l'appel de Monsieur Y... X...,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur l'application des articles 367 et 368 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Vu les articles 15, 16 et 783 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette des débats les conclusions déposées et signifiées par

Monsieur X... le 20 avril 2001,

Vu l'article 1351 du Code Civil et les articles 30, 31, 32 et 122 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déclare l'appel mal fondé,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a statué sur les dépens,

L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau,

Vu l'article 695 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Monsieur Y... X... aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des dépens exposés du chef de la mise en cause de la M.A.A.F, lesquels restent à la charge de la S.M.A.B.T.P,

Déboute la M.A.A.F. de sa demande incidente en réparation dirigée contre la S.M.A.B.T.P. du chef de l'exercice abusif du droit d'agir en justice,

Condamne en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Monsieur Y... X... à payer à la S.M.A.B.T.P. la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 Francs ), et la S.M.A.B.T.P. à payer la M.A.A.F la somme de SIX MILLE FRANCS (6.000 Francs ), et déboute Monsieur X... de sa pareille demande, Autorise .....


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 98/03635
Date de la décision : 26/06/2001

Analyses

CHOSE JUGEE - Identité d'objet

Selon l'article 1351 du Code civil, "l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même..." Une partie, condamnée dans une première instance à la démolition partielle d'une construction et indemnisée pour les conséquences dommageables de cette démolition partielle par l'assureur de son constructeur, a épuisé son intérêt à agir du chef de l'objet du litige, et ne peut engager une nouvelle action contre les mêmes défendeurs du chef de la démolition totale de l'immeuble et de sa reconstruction


Références :

Code civil, article 1351

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2001-06-26;98.03635 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award