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18/07/2024 | FRANCE | N°24/00062

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre des étrangers, 18 juillet 2024, 24/00062


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 2]









N° de rôle : N° RG 24/00062 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZJK



Ordonnance N° 24/

du 18 Juillet 2024



La première présidente, statuant en matière de procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3211-12-12 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique ;





ORDONNANCE



A l'audience publique du 18 Juillet 2024 sise au Palais de Justice de BESANÇON

,

Florence DOMENEGO, Magistrat, délégataire de Madame la Première Présidente par ordonnance en date du 8 janvier 2024, assistée de Leila ZAIT, Greffier, a rendu l'or...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 2]

N° de rôle : N° RG 24/00062 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZJK

Ordonnance N° 24/

du 18 Juillet 2024

La première présidente, statuant en matière de procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3211-12-12 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique ;

ORDONNANCE

A l'audience publique du 18 Juillet 2024 sise au Palais de Justice de BESANÇON,

Florence DOMENEGO, Magistrat, délégataire de Madame la Première Présidente par ordonnance en date du 8 janvier 2024, assistée de Leila ZAIT, Greffier, a rendu l'ordonnance dont la teneur suit, après débats à l'audience du même jour, concernant :

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [G] [N]

né le 26 Novembre 1974 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Assisté par Me Sviatoslav FOREST, avocat au barreau de BESANCON

APPELANT

ET :

MADAME LE PROCUREUR GENERAL

Cour d'appel de Besançon

[Adresse 1]

[Localité 2]

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CHS DE [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 7]

INTIMES

*

****

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Sur décision du directeur d'établissement en date du 29 juin 2024, M. [G] [N] a été admis en soins psychiatriques au Centre hospitalier spécialisé (CHS) de [Localité 7] sous la forme d'une hospitalisation complète selon le procédure de péril imminent, au regard d'un certificat médical établi le même jour émanant de M. [V], psychiatre au CHU [6] de [Localité 2].

Cette mesure a été reconduite pour un mois par décision en date du 2 juillet 2024, au regard des certificats médicaux dits des 24 heures et 72 heures des docteurs [O] et [Z], psychiatres, en date des 30 juin et 2 juillet 2024.

Par requête du 3 juillet 2024, M. [N] a sollicité la main-levée de la mesure de protection.

Par requête du 4 juillet 2024, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Besançon pour voir statuer sur le maintien de la mesure de soins psychiatriques en hospitalisation complète en se fondant sur l'avis motivé du docteur [Z] du même jour.

Par ordonnance du 9 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention de Besançon a joint les deux requêtes, a rejeté la demande de main-levée formée au titre de l'irrégularité de la procédure et a autorisé la poursuite des soins psychiatriques en hospitalisation complète sans consentement de M. [N].

Par déclaration transmise par RPVA du 11 juillet 2024, M. [N] a relevé appel de cette décision.

Dans son avis écrit du 16 juillet 2024 et communiqué à l'appelant, le ministère public a requis la confirmation de l'ordonnance querellée, soutenant que le groupement hospitalier [4] n'était pas doté de la personnalité morale et que le CHU [6] et le CHS de [Localité 7] constituaient dès lors, par application des dispositions de l'article L 6132-1-1 du code de la santé publique, deux entités juridiques autonomes de sorte que la condition d'extériorité avait bien été respectée.

Le 16 juillet 2024, M. [I], psychiatre, a adressé son avis motivé aux fins depoursuite de la mesure d'hospitalisation complète.

A l'audience du 18 juillet 2024, M. [N] a rappelé partiellement les conditions de son hospitalisation et a maintenu sa demande de main-levée de la mesure, estimant sa place en dehors de l'établissement de soins.

Le conseil de M. [N] a quant à lui soulevé l'irrégularité de la procédure, à défaut pour le docteur [V], médecin ayant établi le certificat médical initial, d'être extérieur à l'établissement accueillant le malade. Subsidiairement, il a contesté les conditions dans lesquelles le patient avait été hospitalisé, soutenant que le péril aiment n'avait pas été caractérisé par le médecin. Il a sollicité en conséquence l'infirmation de l'ordonnance et la main-levée de la mesure.

SUR CE,

I - Sur la régularité de la procédure :

- sur le certificat médical initial :

Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, le directeur d'un établissement peut prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques d'une personne malade à la condition que ses troubles mentaux rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L3211-2-1.

Lorsqu'il s'avère impossible pour lui d'obtenir une demande d'admission en soins psychiatriques par un membre de la famille ou une personne justifiant de l'existence de relations antérieures avec le malade, et qu'il existe à la date d'admission un péril imminent pour la santé de la personne, le directeur d'établissement peut prononcer la décision d'admission au regard d'un seul certificat médical établi par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade.

L'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical initial en matière de péril imminent constitue une garantie du droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté. (Cass civ 1ère 5 décembre 2019 n° 19-22.930)

Au cas présent, M. [N] fait grief au premier juge d'avoir déclaré régulière la procédure d'admission en soins contraints, alors que le certificat médical initial a été établi par le docteur [V], exerçant au CHU [6] de [Localité 2], lequel est intégré au sein du même groupement hospitalier que le CHS de [Localité 7], et que la condition d'extériorité n'est en conséquence pas respectée.

Pour en justifier, l'appelant se prévaut du projet d'établissement du CHS de [Localité 7] lequel confirme que le CHS de [Localité 7] a rejoint à compter du 1er janvier 2020 le groupement hospitalier de territoire (GHT) [4], dans lequel est également intégré le CHU [6].

Pour autant, contrairement à ce qu'invoque l'appelant, ce document n'établit pas que le CHS de [Localité 7] disposerait d'une direction commune avec le CHU [6]. Seule est en effet mentionnée la direction commune entre le CHS de [Localité 7] et le CHS de [Localité 9], à l'exclusion de tout autre établissement.

Ce projet d'établissement ne démontre pas plus que le CHS de [Localité 7] relèverait, à la même enseigne que les quatre établissements, d'une direction exercée par le groupement lui-même, quand bien même ce dernier serait composé d'un comité stratégique et d'un collège médical, comprenant les chefs de services des cinq structures composant le GHT.

Le ministère public rappelle en effet à raison qu'en application de l'article L 6132-1 du code de la santé publique, le GHT, auquel chaque établissement de santé public doit être partie sauf dérogation tenant à la spécificité de l'offre de soins territoriale, ne dispose pas de la personnalité juridique de sorte qu'il ne peut assurer la direction des établissements le composant.

Le GHT n'a par ailleurs vocation qu'à 'mettre en oeuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient dans le but d'assurer une égalité d'accès aux soins sécurisés et de qualité', qui, si elle peut conduire à une 'rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d'activité entre établissements', tels que cela a pu être le cas pour les urgences psychiatriques de [Localité 7], n'affecte cependant pas la gouvernance de chaque établissement et maintient leur indépendance financière et fonctionnelle et leur autonomie quant à la nature des soins psychiatriques dispensés.

Le fait que le certificat médical initial porte le tampon du CHU [6] et du CHS de [Localité 7], dans une présentation portant certes à confusion, ne confirme enfin que la disparition de tout service d'urgence sur le site même du CHS de [Localité 7], sans pour autant caractériser un lien de dépendance entre les deux établissements et la mutualisation de leurs équipes médicales et de la connaissance des patients, comme l'allègue sans en justifier l'appelant.

L'exigence d'extériorité du médecin auteur du certificat médical initial imposée en matière de péril imminent est en conséquence établie, de sorte que c'est à raison que le premier juge a écarté ce moyen.

- sur le péril imminent :

Au cas présent, M. [N] fait grief au premier juge d'avoir validé la procédure alors que le péril imminent n'a pas été caractérisé par le docteur [V] dans son certificat médical initial.

Si effectivement le certificat médical initial ne détaille pas le péril imminent subi par la personne, la présence de ce risque pour la santé de la personne est cependant expressément mentionné par le docteur [V] et se déduit des éléments médicaux précisément constatés par le médecin tels que 'décompensation psychotique franche, désorganisation majeure, perte d'unité psychique, tension interne importante- anosognosie des troubles et opposition aux soins'.

La mention générale ' son état de santé présente un péril imminent pour la santé de la personne' n'affecte en effet pas la légalité de la décision d'hospitalisation d'office dans la mesure où le médecin a procédé au préalable, de manière individualisée et circonstanciée, à la description des symptômes présentés par le patient et justifiant la mise en oeuvre d'une telle procédure. (Cass civ 1ère- 18 décembre 2014 n° 13-24.924)

Le certificat médical initial n'est en conséquence pas insuffisamment motivé.

Le péril imminent n'a au surplus à être caractérisé qu'à la date d'admission et non au moment du maintien de la mesure, de sorte que son absence de mention dans les certificats médicaux ultérieurs est sans conséquence. (Cass civ 1ère- 6 décembre 2023 n° 22-17.091)

La procédure n'est donc entachée d'aucune irrégularité, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de main-levée présentée de ce chef.

II - Sur le bien-fondé de la mesure :

Au cas présent, M. [N] a fait l'objet d'une hospitalisation complète le 29 juin 2024 au regard du certificat médical de M. [V] lors de son admission et des certificats dits des 24 heures et 72 heures des docteurs [O] et [Z], desquels il ressort que M. [N], souffrant d'un trouble bipolaire de l'humeur, a présenté un épisode de décompensation psychique franche, avec agitation psychomotrice, tension psychique, tachypsychie, logorrhée, coqs à l'âne, labilité de l'humeur, nécessitant son hospitalisation, en l'absence de toute adhésion aux soins.

Si M. [N] fait grief au juge des libertés et de la détention d'avoir maintenu la mesure d'hospitalisation dans le cadre du contrôle obligatoire de cette dernière, il ne justifie cependant ni des irrégularités de forme pouvant justifier de voir procéder à la mainlevée de l'hospitalisation complète ni de l'absence de bien-fondé de ladite hospitalisation.

Les développements ci-dessus permettent en effet d'écarter toute irrégularité de la procédure.

Quant au fond, l'hospitalisation complète a été maintenue par le juge des libertés et de la détention au regard de l'avis motivé du docteur [Z] du 4 juillet 2024 constatant, outre la persistance de la symptomatologie d'arrivée, l'imprévisibilité comportementale, à risque de trouble du comportement, soustendue par des angoisses de persécution et une tendance procédurière, et une absence de toute adhésion à l'hospitalisation.

Par ailleurs, l'avis motivé du docteur [I] du 16 juillet 2024 confirme l'épisode aigu de décompensation du trouble psychotique, la persistance d'un discours diffluent, délirant ( éléments de mégalomanie, sentiment de capacité de diffusion d'émotion) une humeur euphorique, une tachypsychie et une instabilité psychomotrice, rendant impérative la poursuite de l'hospitalisation sous forme complète compte-tenu de la perception partielle par le patient de sa symptomatologie et le risque de rupture thérapeutique et de résurgence des troubles du comportement.

Enfin, les débats à l'audience mettent en exergue la minimisation par M. [N] de ses troubles psychiatriques alors même qu'il sort d'une période d'hospitalisation de deux mois, l'incohérence de certains de ses propos et l'incompréhension des soins mis en place, lesquels nécessitent encore un encadrement strict.

Les conditions prescrites par l'article L 3212-1 du code de la santé publique pour qu'une personne atteinte de troubles mentaux puisse faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L 3222-1 sont ainsi réunies.

C'est donc à bon droit que le premier juge a maintenu la mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat délégataire de Mme la première présidente, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire rendue en dernier ressort,

- Confirme la décision rendue le 9 juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Besançon en toutes ses dispositions

- Laisse la charge des dépens à l'Etat

- Dit que la présente décision sera notifiée au requérant, à son conseil, à la procureure générale, au directeur de l'établissement d'hospitalisation et au représentant de l'Etat.

Le Greffier, Le Premier Président,

par délégation,

Leila ZAIT Florence DOMENEGO, Magistrat


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre des étrangers
Numéro d'arrêt : 24/00062
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;24.00062 ?
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