COUR D'APPEL DE BESANÇON
1 rue Mégevand
25000 BESANÇON
N° de rôle : N° RG 24/00060 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZDD
Ordonnance N° 24/
du 05 Juillet 2024
La première présidente, statuant en matière de procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3211-12-12 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique ;
ORDONNANCE
A l'audience publique du 05 Juillet 2024 sise au Palais de Justice de BESANÇON,
Cécile CUENIN, Conseillère, délégataire de Madame la Première Présidente par ordonnance en date du 8 janvier 2024, assistée de Leila ZAIT , a rendu l'ordonnance dont la teneur suit, après débats à l'audience du même jour, concernant :
PARTIES EN CAUSE :
Madame [N] [D]
née le 11 Septembre 1980 à [Localité 6] - ALGÉRIE
Centre hospitalier de [Localité 5] - [Localité 2]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Assistée par Me Passebois, avocat au barreau de BESANCON
APPELANT
ET :
PROCUREUR GENERAL
COUR D'APPEL
1 rue Mégevand
25000 BESANCON
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CHS DE [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 2]
INTIMES
En l'absence du ministère public qui a fait connaître son avis le 2 juillet 2024, lequel a été notifié le jour même aux parties par fax.
Madame [N] [D] a été admise le 15 mai 2024 en soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent au centre hospitalier de [Localité 5], au vu d'un certificat médical établi le même jour à 11h29 par le Dr [K], constatant un état d'agitation et d'agressivité majeure, des idées délirantes, des éléments tymiques francs sur un versant maniaque, avec propos délirants, une opposition majeure aux soins et une anosognosie des troubles.
L'hospitalisation complète a été maintenue par décision du directeur de l'établissement en date du 17 mai à 9h55 qui, par requête du 21 mai 2024, a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Besançon d'une demande d'autorisation de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 23 mai 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète sans consentement, eu égard à la persistance d'une exaltation thymique, d'une logorrhée et une bizzarerie de contact, outre une imprévisibilité comportementale et une adhésion aux soins fluctuante. L'état mental de la patiente n'étant pas stabilisé la levée de la mesure était jugée prématurée.
Par requête en date du 14 juin 2024, [N] [D] a sollicité la mainlevée de la mesure.
Par ordonnance du 24 juin 2024 le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête en relevant d'une part la régularité de la procédure et en particulier l'absence de grief pour la patiente liée au caractère prématuré du certificat médical mensuel prévu à l'article L3212-7 du code de la santé publique et d'autre part eu égard à l'aggravation de la symptomatologie d'entrée depuis son admission avec notamment des comportements incendiaires à l'hôpital, l'absence d'adhésion aux soins et de stabilisation de son état qui justifiaient la poursuite des soins sous la même forme.
Madame [D] a relevé appel de cette décision par courrier reçu le 25 juin 2024 au greffe de la cour d'appel.
Par réquisitions écrites du 2 juillet 2024 le ministère public a sollicité la confirmation de l'ordonnance.
Dans un certificat médical actualisé du 2 juillet 2024, le docteur [B] a conclu au maintien de l'hospitalisation sous contrainte eu égard aux comportements hétéro-agressifs de la patiente et menaces envers les soignants et les patients accueillis qui ont justifié un signalement au procureur de la République et nécessité un placement en chambre d'isolement jusqu'au 24 juin. Il est relevé depuis cette date une amélioration progressive de son comportement mais il persiste selon le praticien une impulsivité, une imprévisibilité, une tachypsychie, des propos ambivalents, et une adhésion en voie d'acquisition mais qui reste trop précaire pour lever le dispositif.
A l'audience du 4 juillet, madame [D] a déclaré être sevrée des stupéfiants et vouloir s'occuper de sa fille de 18 ans qui vit chez sa mère. Elle envisage de quitter [Localité 3] pour s'éloigner de ses mauvaises fréquentations. Elle a indiqué être bipolaire et avoir besoin d'un traitement, outre un suivi addictologique. Elle a précisé vouloir suivre ses soins librement, tout en restant hospitalisée afin de préparer sa sortie. Interrogée sur les conditions de son admission initiale au centre hospitalier, elle a expliqué fumer alors du crack, elle ne pensait qu'à la drogue et avait laissé tout le reste, y compris le traitement médicamenteux.
Son conseil a fait valoir l'irrégularité de la mesure tenant au caractère prématuré du certificat mensuel qui a été rédigé le 12 juin alors qu'il aurait dû l'être entre le 16 et le 18 juin en vertu de l'article L 3212-7 du code de la santé publique. Il produit un arrêt de la cour de cassation du 20 mars 2024 qui précise que le délais de trois jours doit être calculé en jours calendaires et non ouvrés. Sur le fond, il précise que la patiente reconnnaît le bénéfice de la mesure, et souhaite les gérer étant en accord avec ses soins.
La décision a été mise en délibéré au 5 juillet.
MOTIFS
L'article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète (...)
Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un tiers et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.
L'article L 3212-7 du même code prévoit en outre qu'à l'issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l'article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l'établissement pour des périodes d'un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.
Dans les trois derniers jours de chacune des périodes mentionnées au premier alinéa, un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l'article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de la personne malade, le psychiatre de l'établissement d'accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical.
[...]
Le défaut de production d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.[...]
Ensuite, en application de l'article L3216-1 du même code, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
Enfin, l'autorité judiciaire ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du corps médical, s'agissant de l'état de santé du patient, mais il lui appartient de vérifier la légalité de la mesure et de s'assurer qu'aucune irrégularité n'a été commise lors et au cours de la procédure d'hospitalisation de madame [D].
En l'espèce, [N] [D] a été admise hospitalisation complète sans consentement par décision du 15 mai prise par le directeur de l'établissement hospitalier de [Localité 5] en raison d'un péril imminent. Celui-ci a renouvelé la mesure par décision du 17 mai pour une durée d'un mois. Il a ensuite été rédigé un certificat mensuel le 12 juin 2024, soit cinq jours avant l'expiration du délai prévu à l'article précité.
Si le certificat mensuel a été établi hors du délai prévu à l'article L3212-7, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a constaté l'absence de grief inhérent au caractère prématuré du certificat litigieux, la patiente ayant alors fait l'objet d'un examen d'un praticien à l'issue duquel il a été décrit de façon circonstanciée son état de santé et les motifs du maintien de la mesure. La cour relève en outre que ces éléments ont été ensuite corroborés dans un certificat postérieur rédigé le 18 juin qui au surplus a fait état d'une aggravation de la symptomatologie de madame [D] avec répétition des actes hétéro aggressifs et dangereux, la permanence d'une l'impulsivité et imprévisibilité de l'intéressée, outre une adhésion aux soins non acquise. Aussi ce nouveau certificat démontre-t-il à tout le moins la permanence des constats effectués le 12 juin et des troubles mentaux de celle-ci et partant des motifs du maintien de son hospitalisation sous contrainte.
En conséquence, l'irrugularité soulevée n'affecte pas la validité de la mesure d'hospitalisation.
La procédure a donc été suivie conformément aux dispositions légales.
Sur le fond, la nécessité de poursuivre ces soins est établie par les divers certificats médicaux figurant au dossier précis, circonstanciés, concordants et actualisés et en dernier lieu par le certificat de situation daté du 2 juillet 2024. Ce dernier, s'il fait état d'un amendement des troubles du comportement depuis sa sortie de chambre d'isolement le 24 juin, souligne la persistance d'une impulsivité, une imprévisibilité, une tachypsychie, des propos ambivalents, une adhésion en voie d'acquisition mais qui reste trop précaire pour lever le dispositif.
Les déclarations à l'audience de l'appelante selon lesquelles elle adhère aux soins tendent à démontrer une évolution sur ce point mais qui demeure toutefois fragile eu égard au caractère fluctuant de son comportement et de sa compliance aux soins jusqu'alors.
Eu égard à la persitance des troubles mais également des comportements hétéro-agressifs et dangereux adoptés récemment par la patiente avant son placement à l'isolement (agressivité envers les patients (coups de pieds), tentative d'incendie à l'hôpital) et qui ont alors gravement mis en danger autrui, la mainlevée de la mesure apparaît prématurée.
Ces différents éléments démontrent que les conditions légales posées pour la poursuite de l'hospitalisation sans consentement restent réunies, cette mesure étant en l'état le seul moyen permettant d'administrer efficacement à l'intéressée les soins qu'imposent à ce jour sa pathologie.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel, statuant par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,
Confirme l'ordonnance rendue le 24 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BESANCON.
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait et jugé à BESANÇON, le 5 juillet 2024.
Le Greffier, Le Premier Président,
par délégation