COUR D'APPEL DE BESANÇON
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° de rôle : N° RG 23/00029 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ET54
Ordonnance N° 23/
du 27 Avril 2023
La première présidente, statuant en matière de procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, conformément aux articles L. 3211-12-12 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique ;
ORDONNANCE
A l'audience publique du 27 Avril 2023 sise au Palais de Justice de BESANÇON,
Dominique RUBEY, vice-président placé, faisant fonction de conseiller, délégataire de Madame la Première Présidente par ordonnance en date du 6 janvier 2023, assisté de Leila ZAIT, Greffier, a rendu l'ordonnance dont la teneur suit, après débats à l'audience du même jour, concernant :
PARTIES EN CAUSE :
Madame [K] [D]
née le 26 Janvier 2005 à [Localité 7]
Centre [5] - [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assisté par Me Baptiste MONNOT, avocat au barreau de BESANCON
APPELANT
ET :
Monsieur le Directeur du CHS [5]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Madame la Procureure Générale
Cour d'appel
[Adresse 1]
[Localité 3]
ARS DE FRANCHE-COMTE
INTIMES
En l'absence du ministère public qui a fait connaître son avis le 24 avril 2023, lequel a été notifié le jour même aux parties par fax.
**************
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [K] [D] est hospitalisée depuis le 16 décembre 2022 aux CHS de [8]
[8], site de [Localité 6]. Elle a été admise en suite d'un transfert de l'unité
de réhabilitation psycho-sociale du Centre de Psychiatrie Générale d'[Localité 4], aux fins de prise en charge d'une grande instabilité psycho-comportementale avec auto et hétéro-agressivité.
Sur le fondement des articles L 3211-12-1 et L 3212-1,II,2 du code de la santé publique, le docteur [O] [V] a rendu le 7 avril 2023, un avis motivé aux fins de saisine du juge
de la liberté et de la détention au vu de soins psychiatriques en cas de péril imminent et ce, en
suite de l'admission de Mme [K] [D] le 3 avril 2023.
Par ordonnance en date du 11 avril 2023, le juge de libertés et de la détention a maintenu cette
hospitalisation complète sans consentement.
Par courrier simple réceptionné au greffe de la cour le 16 avril 2023, Mme [K] [D] a interjeté appel de cette décision.
Dans son avis écrit du 24 avril 2023, le ministère public a soulevé l'irrecevabilité du recours
à défaut pour ce dernier d'être motivé, et en tout état de cause, a sollicité la confirmation de
l'ordonnance entreprise et le maintien des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, au vu de la persistence des troubles mentaux.
Le 24 avril 2023, le docteur [O] [V], psychiatre, a adressé son avis médical actualisé, au vu de soins psychiatriques en cas de péril imminent et aux fins de poursuite de
la mesure d'hospitalisation complète sans consentement.
A l'audience du 27 avril 2023, Mme [K] [D] a indiqué être en meilleure santé, considérant que le traitement lui est bénéfique, qu'elle n'a pas réitéré de comportement auto-
agressif et enfin, qu'elle a un projet de sortie et souhaite vivre chez son petit ami à la ZUP de
Montbéliard, étant néanmoins précisé qu'elle ne nomme pas l'intéressé.
Le conseil de Mme [K] [D] a soutenu, eu égard à l'irrecevabilité de son recours évoquée
par Madame la Procureure Générale en son avis, qu'au vu de l'état de santé déjà précaire de
Mme [K] [D], il convenait de ne pas la priver d'un accès à une juridiction. Par ailleurs,
le conseil de Mme [K] [D] s'en est rapporté sur le plan médical, soulignant toutefois qu'au regard de la procédure de péril imminent, un certificat médical datant de 72 heures était
dépourvu d'un caractère actualisé suffisant et qu'aucune référence à l'adhésion aux soins n'était évoquée dans les certificats produits dans le cadre de la présente procédure.
SUR CE,
- Sur la recevabilité de l'appel :
Aux termes de l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, l'ordonnance du juge des
libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L.3222-5-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué.
Conformément à l'article R 3211-19 du code de la santé publique, le premier président ou son
délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la
cour d'appel.
Si l'acte d'appel de Mme [K] [D] ne satisfait pas aux exigences de forme susvisées à défaut de comporter les moyens en droit et en fait le motivant, une telle irrégularité n'est cependant de nature à en entraîner la nullité qu'à la condition pour la partie qui l'invoque de
justifier d'un grief en application de l'article 114 du code de procédure civile.
Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque Madame la Procureure Générale, en son avis, a pu déduire de l'acte d'appel l'opposition que formait Mme [K] [D] à l'encontre de la mesure d'hospitalisation complète et y répondre de manière circonstanciée en son avis du 24
avril 2023.
L'appel de Mme [K] [D] est en conséquence recevable.
- Sur le bien-fondé de l'appel :
Aux termes de l'article L 3212-1 du code de la santé publique,
I.- Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur
la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux
conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière
justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
II.- Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :
1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade
ou par une personne justifiant de l'existence de relations, avec le malade, antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des
personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade.
Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un
majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de
soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant
de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique
les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par
un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade.
Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce ladécision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ;
2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1°
du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui
établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne
peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur
de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas
échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission
en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.
Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux
psychiatres distincts.
En l'espèce, Mme [K] [D] a fait l'objet d'une nouvelle hospitalisation complète le 3 avril 2023, au regard du certificat médical du docteur [L], ainsi que celui du docteur [Y], duquel il ressort que cette patiente a souffert d'une agitation caractérielle au sein de l'unité de réinsertion du service d'[Localité 4] avec mise en danger, tant pour elle-même que pour autrui, nécessitant la reprise de soins en milieu hospitalier.
Si Mme [K] [D] fait grief au juge des libertés et de la détention d'avoir maintenu la mesure d'hospitalisation, il ne justifie cependant ni des irrégularités de forme pouvant justifier de voir procéder à la mainlevée de l'hospitalisation complète ni de l'absence de bienfondé de ladite hospitalisation.
Aucune irrégularité de forme n'est ainsi soulevée.
Il sera également précisé qu'il ne peut être retenu que l'avis motivé du docteur [O] [V], en date du 24 avril 2023, soit insuffisant, au regard d'une ancienneté de 72 heures,
à caractériser et maintenir le caractère imminent du péril ayant conduit à l'hospitalisation. Quant au fond, l'hospitalisation complète a été maintenue par le juge des libertés et de la détention.
Par ailleurs, et depuis la décision déféréeau regard de l'avis motivé du docteur [O] [V], en date du 24 avril 2023, il apparaît qu'il s'agit d'une patiente de 18 ans, suivie depuis son enfance pour des troubles du comportement dans un contexte familial nettement
dysfonctionnel, avec carences affectives, abus physiques, sexuels, psychologiques, et négligences par les figures d'attachement.
La crise à l'origine de son admission s'inscrit dans une problématique ancienne de dysrégulation émotionnelle avec tolérance faible aux émotions négatives et particulièrement
à la frustration, en lien avec un trouble de l'attachement.
Son état psychique reste caractérisé par une grande impulsivité, avec comportements auto- agressifs en cas de réactivation d'un sentiment d'abandon ; ainsi, il est relevé l'ingestion récente, à deux reprises, de composants de sa cigarette électronique, ayant motivé un passage
au services d'accueil des urgences de l'HNFC.
La patiente se débat avec son vécu abandonnique, mais se montre peu adaptée dans la relation
familière, en attente de réponses immédiates, en quête constante, affective et de réassurance.
Il est relevé enfin l'absence de point de chute si elle est amenée à sortir de l'hôpital ; un projet
social restant à construire.
Devant la persistance de l'instabilité psychique, du risque auto-agressif, et la problématique
sociale, la mesure de soins sans consentement reste indiquée, selon le docteur [O] [V].
Enfin, les débats à l'audience mettent en exergue un certain appaisement de Mme [K] [D] bénéfiant d'un traitement médicamenteux amorcé et des efforts certains de l'intéressée
pour se présenter sous son meilleur jour. Néanmoins, au vu des constatations médicales, actualisées 72 heures avant la comparution de Mme [K] [D] devant la présente cour et
la relative anosognosie dont-elle fait preuve en minimisant la portée de ses troubles et a minima les conséquences de l'absorption récente des composants de sa cigarette électronique
nécessitant une hospitalisation au service des urgences, il apparaît que dans l'attente d'une stabilisation plus pérenne de son état psychiatrique, le maintien de l'hospitalisation complète, aux fins d'approfondir son traitement et stabiliser son état psychique, est pleinement justifié. En effet, malgré l'évolution soulignée, Mme [K] [D] apparaît encore bien fragile sur le plan psychique.
C'est donc à bon droit que le premier juge a maintenu la mesure de soins sous la forme d'une
hospitalisation complète ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire de Mme la première présidente, statuant publiquement, par
ordonnance réputée contradictoire rendue en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l'appel de Mme [K] [D] ;
CONFIRME la décision rendue le 11 avril 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montbéliard en toutes ses dispositions ;
LAISSE la charge des dépens à l'ETAT ;
DIT que la présente décision sera notifiée à la requérante, à son conseil, à la procureure
générale, au directeur de l'établissement d'hospitalisation et au représentant de l'Etat.
Ainsi fait et jugé à Besançon le 27 avril 2023.
La Greffière, La Première Présidente,
par délégation,
Leila ZAIT Dominique RUBEY, Magistrat