La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/09/2021 | FRANCE | N°19/007301

France | France, Cour d'appel de Besançon, 01, 07 septembre 2021, 19/007301


ARRÊT No

BUL/CM

COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2021

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire
Audience publique
du 15 Juin 2021
No de rôle : No RG 19/00730 - No Portalis DBVG-V-B7D-EC4Y

S/appel d'une décision
du Tribunal de Grande Instance de LONS LE SAUNIER
en date du 23 janvier 2019 [RG No 11/01481]
Code affaire : 74Z
Demande relative à d'autres servitudes

[H] [G] C/ [E] [N], [P] [T] VEUVE [I], [Z] [I], [A] [I] EPOUSE [C], [K] [I], [J] [I], [L] [I], [D] éps [N]

[X]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [H] [G]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Estelle BRO...

ARRÊT No

BUL/CM

COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2021

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire
Audience publique
du 15 Juin 2021
No de rôle : No RG 19/00730 - No Portalis DBVG-V-B7D-EC4Y

S/appel d'une décision
du Tribunal de Grande Instance de LONS LE SAUNIER
en date du 23 janvier 2019 [RG No 11/01481]
Code affaire : 74Z
Demande relative à d'autres servitudes

[H] [G] C/ [E] [N], [P] [T] VEUVE [I], [Z] [I], [A] [I] EPOUSE [C], [K] [I], [J] [I], [L] [I], [D] éps [N] [X]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [H] [G]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Estelle BROCARD de la SCP CGBG, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [E] [N]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1]
de nationalité française, retraité, demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Marie-Laure LE GOFF, avocat au barreau de JURA

Madame [P] [T] VEUVE [I]
de nationalité française, retraitée, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA, avocat postulant,
Représentée par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant,

Monsieur [Z] [I]
de nationalité française, médecin, demeuant [Adresse 1]

Représenté par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA, avocat postulant
Représenté par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Madame [A] [I] EPOUSE [C]
de nationalité française, chargée de recherches au CNRS, demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA, avocat postulant,
Représentée par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON

Monsieur [K] [I]
de nationalité française, informaticien, demeurant [Adresse 7]

Représenté par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA
Représenté par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Madame [J] [I]
de nationalité française, infirmière, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA, avocat postulant,

Représentée par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Monsieur [L] [I]
de nationalité française, chargé de recherches, demeurant [Adresse 8]

Représenté par Me Carole LOMBARDOT, avocat au barreau de JURA, avocat postulant,
Représenté par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMÉS

Madame [D] [X] éps [N]
de nationalité française, retraitée, demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Marie-Laure LE GOFF, avocat au barreau de JURA

INTERVENANTE VOLONTAIRE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRATS RAPPORTEURS : Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre, et Madame Bénédicte UGUEN LAITHIER conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Madame B. UGUEN LAITHIER, magistrat rédacteur et Monsieur L. MARCEL, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 15 juin 2021 a été mise en délibéré au 07 septembre 2021. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************
Faits, moyens et prétentions des parties

[F] [I], décédé le [Date décès 1] 2015, était propriétaire d'une parcelle jouxtant celles de M. [E] [N] et de Mme [H] [G], situées sur la commune de [Localité 1], cadastrées section [Cadastre 4], [Cadastre 2] et [Cadastre 5], les deux dernières étant enclavées et bénéficiant d'un droit de passage grevant trois parcelles dont celle de [F] [I] ([Cadastre 4]).

Par exploit d'huissier délivré le 5 septembre 2011, [F] [I] a fait assigner Mme [H] [G] à titre préventif devant le tribunal de grande instance de Lons le Saunier afin qu'il lui soit fait interdiction de modifier le tracé de la servitude de passage instaurée au profit du fonds appartenant à M. [E] [N].

Suivant jugement du 13 mars 2013, ce tribunal a confié à M. [S] [O], expert, le soin de déterminer si la parcelle [Cadastre 2] (M. [N]) peut être desservie en empruntant exclusivement la parcelle [Cadastre 4] (U. [I]) ou s'il est nécessaire d'empiéter sur le fonds de Mme [G].

Par jugement du 6 avril 2016 et ordonnance du 27 octobre 2016, les époux [N] ont été attraits à la cause et Mme [P] [T] veuve [I], M. [Z] [I], Mme [A] [I] épouse [C], M. [K] [I], Mme [J] [I] et M. [L] [I] (les consorts [I]) sont intervenus volontairement ensuite du décès de [F] [I].

L'expert a déposé son rapport le 10 novembre 2016 et conclu à l'impossibilité d'accéder à la parcelle [Cadastre 2] (M. [N]) en empruntant exclusivement la parcelle [Cadastre 4] (consorts [I]) en cas de mise en place de la clôture envisagée par Mme [G] et qu'il sera nécessaire d'empiéter sur le fonds de cette dernière.

Par jugement du 23 janvier 2019 soumis à la cour ce tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- dit que l'assiette de la servitude de passage au profit de la parcelle enclavée [Cadastre 2] propriété des époux [N] s'exerce au départ de cette parcelle sur la parcelle [Cadastre 5] appartenant à Mme [H] [G] puis sur la parcelle [Cadastre 4] appartenant aux consorts [I], venant aux droits de [F] [I],
- dit que le jugement sera publié à l'initiative des époux [N] mais aux frais de Mme [H] [G] au service de la publicité foncière,
- débouté les consorts [I] de leur demande tendant à obtenir sous astreinte l'interdiction pour Mme [H] [G] de modifier l'assiette de la servitude de passage et le rétablissement de leur accès au puits,
- débouté Mme [H] [G] de sa demande de condamnation solidaire à des dommages-intérêts formée à l'encontre de ses contradicteurs pour préjudice moral et de jouissance,
- débouté les consorts [I] de leur demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [H] [G] en réparation du préjudice moral subi par leur auteur et par eux-mêmes du fait du trouble causé à leur droit de propriété,
- condamné Mme [H] [G] à payer, au titre des frais irrépétibles, 6 000 euros aux consorts [I] et 2 000 euros aux époux [N] ainsi qu'aux entiers dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire, avec droit pour Maître [V] [M] de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel reçue le 11 avril 2019, Mme [G] a relevé appel de cette décision et aux termes de ses derniers écrits transmis le 17 septembre 2020 elle conclut à son infirmation demande à la cour de :
- condamner solidairement les consorts [I] à démolir le muret sur leur parcelle [Cadastre 4],
- condamner solidairement les époux [N] à démolir sur leur parcelle [Cadastre 2] les constructions et éléments qui empêchent l'exercice de la servitude de passage sur la seule parcelle des consorts [I], à savoir les coffrets et le poteau électriques ainsi que la haie végétale,
- débouter les consorts [I] et les époux [N] de leurs entières demandes,
- condamner solidairement les consorts [I] et les époux [N] à lui payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance et 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens incluant les frais d'expertise, avec droit pour la SCP Chatillon Grillon Brocard Gire de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions déposées le 8 octobre 2019, les consorts [I] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté leurs demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'atteinte à leur droit de propriété et tendant à interdire sous astreinte Mme [G] de modifier l'assiette de la servitude et le rétablissement de leur accès au puits,
- condamner Mme [G] à leur payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- la condamner à leur laisser le passage pour accéder au puits et au mur de pierres sèches dont ils sont propriétaires, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
- la condamner à leur payer 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre frais de constat et remboursement de la moitié des frais de bornage, en sus des dépens.

Par leurs dernières conclusions déposées le 8 octobre 2019, les époux [N] demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à réparer l'erreur matérielle en mentionnant Mme [D] [X] épouse [N], propriétaire indivise de la parcelle [Cadastre 2], comme partie défenderesse et lui donner acte de son intervention volontaire à hauteur d'appel,
- condamner l'appelante à leur verser une indemnité de procédure de 3 000 euros en sus des dépens avec droit pour Maître [Y] de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2021.

Discussion

* Sur la rectification d'erreur matérielle et l'intervention volontaire,

Attendu que conformément aux dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ;

Que les époux [N] demandent à la cour de rectifier l'omission matérielle commise dans le jugement déféré en ce qu'il n'est pas mentionné sur la page de garde le nom de Mme [D] [X] épouse [N] en qualité de partie au litige alors que, n'ayant pas été assignée par [F] [I], elle est intervenue volontairement à la cause par voie de conclusions ;

Que la demande étant justifiée, il convient d'y faire droit ;

Attendu par ailleurs que Mme [D] [X] épouse [N] n'ayant pas été intimée par Mme [G], la cour constate son intervention volontaire à hauteur d'appel ;

* Sur l'état d'enclave de la parcelles et la détermination de l'assiette de la servitude,

Attendu que Mme [G] prétend que la parcelle des époux [N] n'est pas enclavée puisque leur titre de propriété du 5 mars 1983 mentionne qu'elle bénéficiait d'un droit de passage dans la cour des immeubles no 113, 114 et 115 et que dès lors que la servitude est conventionnelle, son assiette ne peut être modifiée que d'un commun accord entre les parties et prive le bénéficiaire du droit de se prévaloir d'une autre assiette de passage, notamment acquise par prescription ;

Qu'elle en déduit par conséquent que son fonds n'est pas débiteur d'une servitude au profit de celui des époux [N], qu'elle n'a jamais autorisée, l'usage du passage litigieux même trentenaire constituant tout au plus une simple tolérance ;

Qu'elle conteste que la servitude de passage rappelée dans le titre de propriété des époux [N] fasse référence à une servitude légale pour cause d'enclave, laquelle ne peut selon elle qu'être revendiquée en justice ;

Attendu que les époux [N] exposent que l'état d'enclave avéré de leur parcelle n'est pas incompatible avec le fait qu'elle soit rappelée ou précisée dans leur titre de propriété quant à son assiette mais qu'en tout état de cause aucune servitude conventionnelle n'est démontrée en l'espèce par Mme [G] ;

Qu'ils soutiennent en outre que l'assiette de leur servitude légale grevant notamment le fonds de Mme [G] a été acquise par prescription trentenaire et qu'il ne s'agit pas d'une simple tolérance ;

Qu'ils rappellent enfin que l'assiette du passage est conforme à l'article 683 du code civil, puisqu'elle emprunte le tracé le plus court jusqu'à la voie publique alors qu'un passage grevant exclusivement le fonds [I] exigerait de déplacer un poteau et un compteur EDF, de détruire un mur en pierres sèches et l'aire de stationnement de ses propriétaires alors que le passage actuel est libre et que la parcelle est bâtie mais inhabitée ;

Attendu que les consorts [I] exposent que la servitude due par leur fonds et celui de Mme [G] au fonds des époux [N] naît de la situation d'enclave, laquelle n'est pas contestable, et perdure depuis plus de trente ans, de sorte que ces derniers sont bien fondés à revendiquer l'acquisition de l'assiette actuelle par prescription trentenaire ;

Attendu qu'en vertu de l'article 682 du code civil "Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a, sur la voie publique, aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ;

Que la servitude de passage qui résulte d'une situation d'enclave est une servitude légale et non conventionnelle et ne ressort pas nécessairement de la lecture des titres de propriété ; que les arguments tirés par Mme [G] du postulat selon lequel les époux [N] bénéficieraient d'une servitude conventionnelle telle que définie à leur titre ont donc été écartés à juste titre par les premiers juges ;

Qu'eu égard au caractère exorbitant du droit de passage reconnu par la loi au propriétaire enclavé, l'état d'enclave doit néanmoins s'apprécier strictement ;

Que si l'état d'enclave de la parcelle cadastrée [Cadastre 2] appartenant aux époux [N] est établie par l'ensemble des pièces communiquées aux débats, notamment l'expertise de M. [O], et admise par les consorts [I], dont le fonds ([Cadastre 4]) est débiteur de la servitude de passage au profit du fonds enclavé, ce dont ils ne disconviennent pas, Mme [G] soutient pour sa part, que le fonds n'est pas enclavé au motif qu'il bénéficierait d'une servitude conventionnelle grevant les fonds cadastrés [Cadastre 3], [Cadastre 1] et [Cadastre 4], telle qu'elle ressort de l'acte d'adjudication du 5 mars 1983, constituant le titre de propriété des époux [N], à l'exclusion de sa parcelle cadastrée [Cadastre 2] ;

Que s'il est exact que le propriétaire d'un fonds enclavé ne peut se prévaloir de la reconnaissance d'une servitude de passage sur le fondement de l'article 682 précité s'il dispose d'une tolérance de passage lui donnant sans restriction un accès suffisant à la voie publique encore faut il que ce passage ainsi défini perdure ;

Qu'en l'espèce, s'il résulte de nombreuses attestations communiquées tant par les époux [N] que par les consorts [I] que le fonds des époux [N] a, de longue date et jusqu'au présent litige, été desservi en empruntant l'assiette revendiquée par ceux-ci, à savoir les fonds cadastrés [Cadastre 4] et [Cadastre 5], force est de constater que ce passage est désormais remis en cause par Mme [G] qui s'oppose à ce qu'il s'exerce sur son fonds ;

Qu'au soutien de sa contestation elle déplore que les consorts [I] aient édifié un muret sur l'assiette du droit de passage des époux [N] contraignant ceux ci à emprunter sa parcelle [Cadastre 5] et estime critiquables les conclusions de l'expert, lequel n'a pas répondu à ses dires, notamment lorsqu'il tient compte d'une construction érigée par les époux [N] qui en limite les possibilités d'accès et qu'il juge insuffisant un accès de 3,07 mètres de large sur toute la largeur du passage sauf à procéder à quelques aménagements non disproportionnés (suppression du compteur et poteau EDF dont les époux [N] ont accepté l'implantation en 1983, d'une haie et d'un muret) ;

Mais attendu que c'est à raison que les époux [N] se prévalent à ce titre du rapport d'expertise judiciaire pour soutenir qu'une assiette grevant le seul fonds des consorts [I] assurerait à leur fonds un passage insuffisant pour accéder à la voie publique, notamment pour les véhicules de secours, puisque l'expert a retenu qu'à certains endroits sa largeur est de 2,58 mètres seulement, en tenant compte du débord de toit ;

Qu'il en résulte que, privé d'un accès suffisant à la voie publique, ainsi que le décrit l'expert [O] et le confirme l'examen des clichés photographiques et plans versés aux débats, le fonds des époux [N] est incontestablement enclavé ;

Attendu que selon l'article 685 du code civil l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu ;

Que c'est avec raison et par des motifs adoptés que les premiers juges ont considéré que la preuve de trente ans d'usage de l'assiette et du mode d'exercice de la servitude était suffisamment rapportée en l'espèce sur les fonds [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ;

Que dans ces conditions l'acquisition de l'assiette et des modalités d'usage de la prescription par un usage continu de trente ans au moins fait obstacle à la demande de Mme [G] tendant à l'application des dispositions de l'article 683 alinéa 1er précité, excluant toute emprise sur sa parcelle [Cadastre 5] et favorisant un tracé plus court pour accéder à la parcelle des époux [N], étant observé surabondamment qu'en tout état de cause, l'accès ainsi proposé se heurterait à l'alinéa 2 de ce même texte en ce qu'il aggraverait l'assiette de la servitude sur le fonds [Cadastre 4] et nécessiterait la destruction d'un muret ancien, d'une haie végétale et le déplacement d'ouvrages électriques (poteaux et compteur EDF) ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la parcelle cadastrées [Cadastre 2] des époux [N] était enclavée et en ce qu'il a fixé les modalités d'exercice de cette servitude et statué sur les modalités de publicité foncière ;

Qu'il se déduit des développements qui précèdent que l'assiette du droit de passage étant désormais fixée conformément à son usage trentenaire, la cour, ajoutant au jugement déféré, ne peut que débouter Mme [G] de sa demande de destruction du muret et des poteaux et coffret électriques ;

* Sur les demandes de condamnations sous astreinte,

Attendu que les consorts [I] s'estiment légitimes à solliciter sous astreinte le rétablissement par Mme [G] de leur accès au puits, dont ils se disent propriétaires pour un quart et expliquent qu'il deviendrait impossible si Mme [G] clôturait sa parcelle ;

Que Mme [G] souligne que le jugement déféré a estimé que la demande d'accès au puits sous astreinte était sans objet faute de clôture érigée par ses soins qui y ferait obstacle ;

Attendu qu'ainsi que l'ont en effet pertinemment retenu les premiers juges les consorts [I], qui n'établissent nullement la réalité d'une entrave à l'accès revendiqué par ceux-ci au puits, en l'absence d'une clôture simplement évoquée par Mme [G], qui est à l'origine du présent contentieux, la demande de condamnation sous astreinte de cette dernière, non justifiée faute de démonstration d'une atteinte au droit de propriété, ne peut qu'être rejetée ;

Que de ce chef le jugement querellé sera confirmé ;

* Sur les demandes indemnitaires,

Attendu que si les époux [N] opposent à Mme [G] les moyens tirés de la prescription et de l'irrecevabilité fondée sur l'article 564 du code de procédure civile pour s'opposer à sa demande d'indemnité formée sur le fondement de l'article 682 du code civil, l'appelante leur objecte qu'elle ne formule pas une demande d'indemnité sur le fondement qu'ils invoquent mais de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance né des passages sans droit ni titre sur son fonds et de la présente procédure abusive ;

Que cependant la demande indemnitaire de l'intéressée ne saurait être accueillie dans la mesure où elle a elle-même assigné M. [E] [N], aux côtés duquel est intervenue son épouse, et que ces derniers obtiennent intégralement gain de cause à l'issue du présent litige ; qu'en outre il n'est pas démontré que [F] [I], aux droits duquel viennent les consorts [I], bien qu'ayant agi à titre préventif après que Mme [G] a prévenu l'ensemble de ses contradicteurs de son intention de clôturer sa parcelle et de s'opposer au passage sur son fonds, aurait agi abusivement, l'appelante n'apportant pas la démonstration d'une intention malveillante de sa part ;

Que par ailleurs, dans la mesure où le fonds des époux [N] est enclavé et qu'il a été précédemment démontré qu'un accès suffisant à la voie publique exigeait le passage non seulement sur le fonds appartenant aux consorts [I] mais également sur celui, propriété de Mme [G], aucun préjudice de jouissance ne peut être sérieusement retenu au bénéfice de l'intéressée, qui a fait le choix de ne formuler aucune prétention par le biais de la procédure spécifique de l'article 682 du code civil, applicable en la matière ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande indemnitaire ;

Attendu que les consorts [I] réitèrent à hauteur d'appel leur demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [G] en réparation du dommage subi du fait de l'inaccessibilité au puits ;

Qu'il a néanmoins été précédemment retenu que les intéressés échouaient à faire la démonstration d'une entrave imputable à Mme [G] leur interdisant l'accès à cet ouvrage ; que le jugement déféré qui les a déboutés de cette prétention sera confirmé sur ce point ;

Que les consorts [I] sollicitent en outre et pour la première fois à hauteur d'appel, sur le fondement de l'article 646 du code de procédure civile, la condamnation de Mme [G] à leur payer la somme de 480,19 euros correspondant à la moitié des frais de bornage ; que cette dernière n'a pas répliqué sur ce point ;

Attendu que selon le texte susvisé tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, le bornage se faisant à frais communs ;

Que par application de ce texte il y a lieu de faire droit à la demande, dûment justifiée en la cause ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Réparant l'omission matérielle affectant le jugement rendu le 23 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Lons le Saunier, dit que Mme [D] [X] épouse [N] doit apparaître en qualité d'intervenante volontaire sur la page de garde du jugement déféré.

Constate l'intervention volontaire de Mme [D] [X] épouse [N] devant la cour.

Rejette les moyens tirés de la prescription et de l'irrecevabilité fondée sur l'article 564 du code de procédure civile.

Confirme ledit jugement ainsi rectifié, sauf en ce qu'il a statué sur la demande d'indemnité de procédure au profit des consorts [I].

L'infirme de ce seul chef et statuant à nouveau,

Condamne Mme [H] [G] à verser à Mme [P] [T] veuve [I], M. [Z] [I], Mme [A] [I] épouse [C], M. [K] [I], Mme [J] [I] et M. [L] [I], ensemble, une indemnité de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La condamne à payer à M. [E] [N] et Mme [D] [X], son épouse, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La condamne à payer à M. [E] [N] et à Mme [D] [X], son épouse, la somme de 480,19 euros au titre de sa part des frais de bornage suivant facture de M. [W] [U], géomètre-expert du 24 mars 2011.

Déboute Mme [H] [G] de ses demandes tendant à la condamnation solidaire de ses contradicteurs à procéder à la destruction du muret en pierres sèches et des poteau et coffret électriques.

La condamne aux dépens d'appel et autorise la SCP Chatillon - Grillon - Brocard - Gire et M. Arnaud Lemaître, avocats, à recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 19/007301
Date de la décision : 07/09/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2021-09-07;19.007301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award