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05/05/2010 | FRANCE | N°08/00084

France | France, Cour d'appel de Besançon, PremiÈre chambre civile, 05 mai 2010, 08/00084


ARRÊT No

BP/ AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 5 MAI 2010

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire
Audience publique
du 24 février 2010
No de rôle : 08/ 00084

S/ appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Dole
en date du 21 novembre 2007 RG No 06/ 196
Code affaire : 54A
Demande en nullité d'un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

SA MAAF, Jean-Philippe X..., Fanny X... C/ Yves Y..., MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,

Jean Z...
Mots clés : construction immobilière-marché résilié-travaux inachevés-procès-verbal de réception-réserves-intention du ...

ARRÊT No

BP/ AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 5 MAI 2010

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire
Audience publique
du 24 février 2010
No de rôle : 08/ 00084

S/ appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Dole
en date du 21 novembre 2007 RG No 06/ 196
Code affaire : 54A
Demande en nullité d'un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

SA MAAF, Jean-Philippe X..., Fanny X... C/ Yves Y..., MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, Jean Z...
Mots clés : construction immobilière-marché résilié-travaux inachevés-procès-verbal de réception-réserves-intention du maître de l'ouvrage d'accepter l'ouvrage en l'état (oui)- ampleur et conséquences des désordres révélées postérieurement-garantie décennale (oui)- entrepreneur et maître d'oeuvre tenus in solidum-recours entre eux-faute du maître d'oeuvre-manquement dans la surveillance des travaux (oui)- immeuble vendu-clause de non-cession de la garantie décennale à l'acquéreur-qualité pour agir du vendeur (oui)- préjudice

PARTIES EN CAUSE :

SA MAAF
ayant siège CHAURAY-79036 NIORT CEDEX 9

APPELANTE

ayant Me Benjamin LEVY pour avoué
et Me Jean-Paul LORACH pour avocat

Monsieur Jean-Philippe X...
ès qualités d'usufruitier
né le 29 avril 1951 à DIJON
e nationalité française, demeurant...

APPELANT

ayant la SCP LEROUX pour avoué
et la SCPA MAGDELAINE et SIMARD pour avocat

Mademoiselle Fanny X...
ès qualités de nue-propriétaire
née le 04 avril 1991
de nationalité française, demeurant...

INTERVENANTE VOLONTAIRE

ayant la SCP LEROUX pour avoué
et la SCPA MAGDELAINE et SIMARD pour avocat

ET :

Monsieur Yves Y...
de nationalité française, demeurant...-21121 FONTAINE-LES-DIJON

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
ayant siège 9, rue Hamelin-75116 PARIS

INTIMÉS

ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avoué
et Me Patrick PORTALIS pour avocat

Maître Jean Z...
ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de André B...
de nationalité française, demeurant...

INTIMÉ

n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

GREFFIER : Madame M. ANDRE, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 24 février 2010 a été mise en délibéré au 07 avril 2010. A cette date, le délibéré a été prorogé à ce jour. Les parties ont été avisées que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat d'architecte en date du 12 septembre 2002, Jean-Philippe X..., agissant tant à titre personnel, en qualité d'usufruitier d'un terrain sis à MEUILLEY (21), qu'au nom de sa fille mineure Fanny X..., nue-propriétaire de ce terrain, a confié à Yves Y..., assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), une mission complète de maîtrise d'oeuvre en vue de l'édification, sur ledit terrain, d'une maison d'habitation.

Les travaux de gros oeuvre ont été réalisés par André B..., assuré auprès de la Mutuelle d'Assurance Artisanale de France (MAAF), suivant marché en date du 13 février 2003.

Alors que le gros oeuvre n'était pas entièrement terminé, Jean-Philippe X..., insatisfait des prestations réalisées par André B..., lui a notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 mai 2003, la résiliation du marché de travaux conclu entre eux.

André B... a été déclaré en redressement judiciaire par jugement du 20 mai 2003, puis, ultérieurement, en liquidation judiciaire.

Un procès-verbal de réception des travaux réalisés par André B... a été établi le 17 juin 2003, assorti de réserves.

Compte tenu de l'importance des malfaçons affectant le gros oeuvre, le chantier est demeuré interrompu.

Par ordonnance de référé en date du 6 novembre 2003, une expertise judiciaire a été instaurée. L'expert commis, Roland MOULIN, a établi son rapport en date du 27 octobre 2005.

Statuant au vu de ce rapport d'expertise, le tribunal de grande instance de DOLE a, par jugement en date du 21 novembre 2007 assorti de l'exécution provisoire, notamment :

- condamné la MAAF à payer à Jean-Philippe X..., agissant tant en son nom personnel d'usufruitier qu'en sa qualité d'administrateur légal de sa fille mineure Fanny X..., la somme de 103 142, 09 €,

- fixé la créance de Jean-Philippe X..., agissant tant en son nom personnel d'usufruitier qu'en sa qualité d'administrateur légal de sa fille mineure Fanny X..., à l'encontre d'André B..., représenté par Maître Jean Z..., mandataire judiciaire, à la somme de 109 177, 09 €,

- débouté Jean-Philippe X... de sa demande de condamnation de Yves Y...et de la MAF,

- débouté la MAAF de sa demande de condamnation de Yves Y...et de la MAF à la garantir.

*

Par déclaration en date du 11 janvier 2008, la MAAF a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

A titre principal, elle sollicite le rejet des demandes formées contre elle par Jean-Philippe X... et la condamnation de celui-ci à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, outre intérêts de droit à compter de la date du versement, ainsi qu'à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son recours, la MAAF soutient, principalement, qu'elle n'est pas tenue de garantir son assuré, André B..., dès lors que la responsabilité de celui-ci n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement de la garantie décennale. Elle fait en effet valoir, pour l'essentiel :

- que, nonobstant l'établissement d'un procès-verbal de réception, les travaux exécutés par André B... n'ont pu être valablement réceptionnés, du fait que l'ouvrage n'était pas achevé et que le maître de l'ouvrage avait manifesté son refus d'accepter les travaux en l'état,

- que les désordres étaient apparents et qu'ils avaient du reste fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception,

- que les désordres ne portent pas atteinte à la destination de l'ouvrage ni à sa solidité.

Subsidiairement, la MAAF conteste le préjudice du maître de l'ouvrage, aux motifs, notamment, que, celui-ci ayant vendu l'immeuble par acte du 26 février 2008, il n'a plus qualité pour solliciter une indemnisation au titre des travaux de réparation, et qu'il ne justifie pas des autres chefs de préjudice qu'il allègue.

A titre subsidiaire, la MAAF demande à être garantie de toute condamnation par Yves Y...et par son assureur, la MAF.

*

Egalement appelants du jugement du 21 novembre 2007 par déclaration du 25 mars 2008, Jean-Philippe X... ainsi que sa fille, Fanny X..., devenue majeure et intervenant volontairement à l'instance, demandent à la Cour :

- de déclarer André B... et Yves Y...responsables, in solidum, des malfaçons,

- en conséquence, de condamner Yves Y..., la MAF et la MAAF à payer :

* aux consorts X... :
au titre des travaux de remise en état,
outre indexation depuis octobre 2005 59 618, 00 €
au titre de la dépréciation de l'immeuble : 23 751, 00 €

* à Jean-Philippe X... seul :
au titre des pertes de loyers au 30 novembre 2007 : 42 300, 00 €
au titre des pertes de loyers
du 1er décembre 2007 au 29 février 2008 : 2 700, 00 €
au titre des pertes de revenus
du 1er mars 2008 jusqu'à l'arrêt à intervenir : par mois : 540 €
au titre du préjudice financier : 13 304, 08 €
à titre de dommages-intérêts complémentaires : 8 000, 00 €

- de constater que la liquidation judiciaire d'André B... a été clôturée par jugement du 18 septembre 2007 et que, Maître Z... n'ayant plus la qualité de liquidateur, il ne peut être procédé à la fixation de la créance à l'égard d'André B...,

Jean-Philippe X... et Fanny X... sollicitent une somme de 10 000 € au titre de leurs frais irrépétibles.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, à titre principal :

- que l'inachèvement des travaux ne faisait pas obstacle à leur réception, et que les désordres relèvent de la garantie décennale dès lors que, d'une part, visibles pour certains d'entre eux lors de la réception, ils ne se sont révélés dans toute leur ampleur et leurs conséquences que postérieurement, et que, d'autre part, selon l'expert judiciaire, ils mettent en cause la stabilité de l'immeuble une fois celui-ci mis en charge et habité,

- que, sur le fondement de la garantie décennale, André B..., Yves Y...et leurs assureurs respectifs sont tenus in solidum à indemnisation.

A titre subsidiaire, Jean-Philippe X... et Fanny X... entendent rechercher la responsabilité de la MAAF et de Yves Y...pour fautes. Ils reprochent en effet :

- à la MAAF, d'avoir délivré à André B..., son assuré, une attestation d'assurance pour l'activité de maçon béton armé alors qu'il était incompétent en cette matière,

- à l'architecte Yves Y..., d'avoir manqué à son obligation de surveillance des travaux.

*

Yves Y...et la MAF concluent, à titre principal, à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il les a mis hors de cause.

A cet effet, ils font valoir :

- que les désordres relevés par l'expert judiciaire sont ceux-là mêmes qui ont fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception et que, par conséquent, ils ne relèvent pas de la garantie décennale,

- que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, aucune faute ne peut-être reprochée à l'architecte.

A titre subsidiaire, Yves Y...et son assureur soutiennent que, pour la cas où la responsabilité du maître d'oeuvre serait retenue au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, la clause du contrat de maîtrise d'oeuvre excluant la solidarité de l'architecte avec l'entreprise ayant réalisé les travaux défectueux devrait recevoir application.

A titre plus subsidiaire, ils discutent l'importance du préjudice des maîtres de l'ouvrage, et demandent à être relevés et garantis par la MAAF.

*

Bien que régulièrement assigné à sa personne par acte d'huissier en date du 21 mai 2008, Maître Z..., liquidateur à la liquidation judiciaire de André B..., n'a pas constitué avoué. En application des dispositions de l'article 474, alinéa premier, du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions de la MAAF déposées le 2 décembre 2009, à celles de Jean-Philippe X... et de Fanny X... déposées le 5 février 2010 et à celles de Yves Y...et de la MAF déposées le 10 février 2009.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les responsabilités

Sur la garantie décennale

Sur la réception de l'ouvrage

Attendu que la garantie décennale des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil ne couvre que les dommages apparus après la réception de l'ouvrage ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserves ;

Attendu qu'en l'espèce, les travaux litigieux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception avec réserves établi le 17 juin 2003 ;

Attendu que, selon la MAAF, le maître de l'ouvrage, en procédant notamment à la résiliation du marché le 19 mai 2003, avait manifesté son intention de ne pas accepter les travaux, qui ne lui donnaient pas satisfaction, le procès-verbal du 17 juin 2003 ayant dès lors été dressé dans le but frauduleux de faire jouer la garantie décennale, afin de pallier l'absence de souscription d'une police d'assurance dommages-ouvrage ;

Mais attendu, tout d'abord, que le fait que le maître de l'ouvrage ait des protestations à faire sur les travaux réalisés n'empêche pas leur réception, puisque celle-ci peut avoir lieu avec réserves, comme cela a été le cas en l'espèce ;

Attendu, ensuite, qu'il n'est pas nécessaire, pour que les travaux puissent être réceptionnés, qu'ils soient achevés ; qu'ainsi, la réception de travaux inachevés peut être effectuée lorsque le marché a été résilié en cours de chantier ;

Attendu au surplus qu'en l'espèce, les travaux de gros oeuvre étaient en grande partie réalisés lors de la réception, la maison étant hors d'eau ;

Attendu enfin que l'absence d'assurance dommages-ouvrage est sans incidence sur la validité de la réception de l'ouvrage ;

Attendu qu'il convient donc de considérer que le procès-verbal du 17 juin 2003 est valable en ce qu'il reflète la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter, avec réserves, les travaux réalisés, en l'état, par André B... ;

Sur le caractère apparent des désordres

Attendu que, si la garantie décennale n'a pas vocation à couvrir les désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage, elle est applicable aux désordres qui, signalés à la réception, ne se sont révélés qu'ensuite dans toute leur ampleur et dans leurs conséquences ;

Attendu qu'en l'espèce, les désordres relevés par l'expert judiciaire affectent essentiellement les éléments de béton armé, qui n'ont pas été réalisés par André B... conformément aux plans du bureau d'études, tant en ce qui concerne les implantations que les sections d'acier mis en oeuvre :
- ancrages insuffisants des linteaux,
- absence de certains chaînages et poteaux dans les pignons,
- absence de renforts sous les pieds de charpente,
- fissures d'éléments en blocs de béton d'agglomérés ;

Attendu que, selon l'expert, ces désordres étaient pour partie visibles lors de la réception ; qu'il ont, au demeurant fait l'objet des réserves suivantes, consignées dans le procès-verbal de réception :
- " aspect linteaux ",
- " ferraillages apparents en façade ",
- " remplissage béton poteau d'angle " ;

Mais attendu que ces réserves ont été formulées sur la base des seules constatations visuelles, nécessairement superficielles, qui pouvaient être faites lors de la réception ;

Que, si le maître de l'ouvrage, inquiet quant aux conséquences des malfaçons, avait requis l'avis d'un bureau d'études, il n'a eu connaissance de cet avis que le 23 juin 2003, postérieurement à la réception ;

Que, pour avoir confirmation de la gravité des désordres, il a fallu procéder à une expertise judiciaire ; que l'expert lui-même n'a pu se prononcer qu'après avoir fait réaliser des sondages et une étude par un bureau d'études spécialisé en béton armé ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que les désordres, extérieurement visibles lors de la réception, n'ont été connus du maître de l'ouvrage, quant à leurs causes et leurs conséquences dommageables, que postérieurement à la réception ;

Sur la gravité des désordres

Attendu que, pour être couverts par la garantie décennale, les désordres doivent, selon l'article 1792 du code civil, compromettre la solidité de l'ouvrage ou, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendre impropre à sa destination ;

Attendu qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a considéré que tous les désordres, à la seule exception de la non-conformité des façades par rapport aux plans de l'architecte, étaient de nature à nuire à la solidité de l'ouvrage ; qu'il a ajouté que, si la construction était restée stable au jour de l'expertise, c'est parce qu'elle était demeurée inachevée, et qu'aucune garantie ne pouvait être donnée sur son évolution une fois la structure chargée et la maison habitée ;

Attendu qu'il s'ensuit que la condition de gravité des désordres requise pour qu'ils relèvent de la garantie décennale est bien remplie en l'espèce ;

Attendu que le jugement déféré mérite donc confirmation en ce qu'il a considéré que la garantie décennale d'André B... est engagée et que, par suite, son assureur, la MAAF, est tenu à réparation envers les maîtres de l'ouvrage ;

Sur la solidarité entre l'entrepreneur et l'architecte

Attendu qu'il résulte de l'article 1792-1 du code civil, qu'est réputé constructeur, soumis à la garantie décennale, non seulement l'entrepreneur ayant réalisé les travaux affectés de malfaçons, mais aussi l'architecte, dès lors qu'il a été chargé d'une mission complète ;

Attendu que c'est par conséquent à tort que les premiers juges, après avoir retenu que la responsabilité de l'entrepreneur était engagée sur le fondement de la garantie décennale, ont considéré que la responsabilité de l'architecte ne pouvait pas être engagée sur le même fondement ;

Attendu par ailleurs que la clause du contrat de maîtrise d'oeuvre écartant toute solidarité avec l'entrepreneur au titre de la responsabilité des désordres doit, par application de l'article 1792-4 du code civil, être réputée non écrite, en ce qu'elle a pour effet de limiter la portée de l'obligation de l'architecte au titre des dispositions d'ordre public afférentes à la garantie décennale ;

Attendu qu'il s'ensuit que Yves Y...et son assureur, la MAF, sont tenus à réparation in solidum avec la MAAF, l'assureur d'André B... ; qu'il convient, sur ce point, de réformer le jugement déféré ;

Sur la répartition des responsabilités entre l'entrepreneur et l'architecte

Attendu que la MAAF d'une part, Yves Y...et la MAF d'autre part, forment l'une contre les autres des recours en garantie réciproques ; qu'il convient dès lors de statuer sur la répartition des responsabilités, dans les rapports entre eux ;

Attendu que l'expert a clairement imputé les désordres à un non-respect, par André B..., des plans de béton armé, et à une exécution défectueuse de sa part ; qu'André B... apparaît ainsi responsable en plus grande part des malfaçons ;

Attendu toutefois que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, Yves Y..., dont la mission comportait la surveillance des travaux, n'est pas exempt de toute faute dans l'accomplissement de cette mission ;

Attendu en effet que, selon l'expert, si certains éléments de construction, notamment les coffrages et ferraillages, peuvent échapper à la vigilance du maître d'oeuvre puisqu'ils peuvent être réalisés entre deux rendez-vous de chantier, le maître d'oeuvre peut, au décoffrage, constater la qualité des réalisations ;

Or attendu qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier, en particulier des compte-rendus de chantier, que, si l'architecte est bien intervenu auprès d'André B... pour tenter de lui faire respecter le planning des travaux, il n'a pas décelé en cours de chantier la plupart des importantes malfaçons affectant les éléments de béton armé ;

Attendu qu'eu égard à la gravité respective des fautes commises par l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, il convient, dans les rapports entre eux, de partager les responsabilité dans les proportions de quatre cinquièmes pour le premier et d'un cinquième pour le second ;

Sur le préjudice

Sur l'incidence de la vente de la maison

Attendu qu'en cas de vente de l'immeuble, le bénéfice de la garantie décennale est en principe transmis à l'acquéreur à titre d'accessoire de la chose vendue ;

Attendu toutefois qu'en l'espèce, il résulte des stipulations claires et précises de l'acte notarié du 26 février 2008 par lequel Jean-Philippe X... a vendu, en l'état, l'immeuble affecté des malfaçons, que, selon l'accord des parties, le bénéfice éventuel de la garantie décennale demeurerait acquis au vendeur, celui-ci faisant son affaire personnelle, pour son seul profit ou sa seule perte selon ce qui serait jugé, du procès en cours contre André B..., Yves Y...et leurs assureurs respectifs ;

Attendu qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par la MAAF, Jean-Philippe X... et Fanny X... ont bien qualité pour agir ;

Attendu toutefois qu'ils ne peuvent réclamer réparation que du préjudice qu'ils ont personnellement subi, antérieurement à la vente de l'immeuble ou à l'occasion de cette vente ;

Sur la somme réclamée au titre des travaux de remise en état

Attendu qu'ayant vendu l'immeuble, Jean-Philippe X... et Fanny X... n'auront pas à faire réaliser les travaux de remise en état, mis à la charge de l'acquéreur selon l'acte de vente du 26 février 2008 ;

Attendu cependant que le prix de vente a été négocié en connaissance, par les deux parties, de l'existence des malfaçons affectant l'immeuble vendu, et du coût des travaux de reprise chiffré par l'expert judiciaire dans son rapport du 27 octobre 2005 ;

Attendu que les vendeurs ont donc subi, lors de la vente, une moins-value qui peut raisonnablement être fixée au montant du coût des travaux de réfection tel qu'il ressort du rapport d'expertise ;

Attendu que l'expert a chiffré à 47 538, 70 € TTC les travaux de reprise de la maison et à 12 079, 30 € ceux afférents à la reprise en sous-oeuvre du garage ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu par la MAAF, par Yves Y...et par la MAF, l'expert a bien considéré comme nécessaires la reprise des fondations du garage, afin d'atteindre la profondeur pour qu'elles soient hors gel ;

Attendu que Jean-Philippe X... et Fanny X... sont donc fondés à réclamer la somme de :
47 538, 70 + 12 079, 30 = 59 618 € ;

Attendu qu'il y a lieu de prévoir l'indexation de cette somme sur l'indice BT 01 du bâtiment entre la date du rapport d'expertise et celle de la vente de l'immeuble ;

Sur la somme réclamée au titre de la dépréciation de l'immeuble

Attendu que Jean-Philippe X... et Fanny X... sollicitent une somme de 23 751 € ainsi calculée :

- valeur de l'immeuble s'il avait été achevé sans malfaçons : 260 000, 00 €
- coût des travaux qui auraient dû être réalisés
pour achever l'immeuble :-80 431, 00 €
- coût de reprise des malfaçons :-59 618, 00 €

" valeur rectifiée " : 119 951, 00 €
- prix de vente effectif de l'immeuble :-96 200, 00 €

dépréciation : 23 751, 00 €

Mais attendu que, dès lors que le coût de reprise des malfaçons est indemnisé en tant que tel, il ne peut l'être une seconde fois au titre de la dépréciation de l'immeuble ;

Attendu en outre qu'il n'apparaît nullement certain que l'immeuble achevé sans malfaçons aurait pu être vendu au prix de 260 000 €, l'attestation produite par les maîtres de l'ouvrage, émanant d'une agence immobilière, ne constituant pas une preuve suffisante ;

Attendu qu'il convient donc de rejeter la demande formée au titre de la dépréciation de l'immeuble ;

Sur la perte de loyers

Attendu que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu :

- qu'au vu des mentions de l'acte de prêt souscrit pour financer la construction, Jean-Philippe X... rapporte la preuve que la maison était destinée à la location,

- que, par ailleurs, selon le planning établi par l'architecte, la construction devait être achevée le 1er novembre 2003,

- qu'enfin, en considération des attestations produites, le loyer aurait pu être fixé à 900 € par mois ;

Attendu toutefois qu'il existe un aléa inhérent à toute location, consistant à trouver un locataire solvable ; que le préjudice s'analyse en une perte de chance qu'il convient de fixer aux deux tiers des revenus escomptés ;

Attendu par ailleurs que la perte de loyers doit être arrêtée à la date de la vente de l'immeuble, soit le 26 février 2008 ; qu'ainsi le préjudice doit être fixé sur une durée de 51 mois ;

Attendu qu'il convient donc d'allouer à Jean-Philippe X..., au titre des pertes de loyers, la somme de :
900 x 2/ 3 x 51 = 30 600 € ;

Sur le préjudice financier

Attendu que la Cour adopte les motifs du jugement déféré selon lesquels ce poste de préjudice n'est pas établi ;

Sur les dommages-intérêts complémentaires

Attendu que Jean-Philippe X... sollicite une somme de 8 000 € au titre d'une part d'un préjudice moral, d'autre part des frais exposés pour recueillir l'avis d'un technicien ;

Mais attendu que la preuve d'un préjudice moral n'est pas rapportée ;

Que les frais allégués doivent être pris en compte dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la fixation de la créance de Jean-Philippe X... et Fanny X... à l'égard de André B...

Attendu que, la liquidation judiciaire de André B... ayant été clôturée, le liquidateur n'est plus en fonction et n'a plus qualité pour représenter André B... ; qu'il ne peut, par conséquent, être procédé à la fixation de la créance des maîtres de l'ouvrage à l'égard de André B... ;

Sur les frais et dépens

Attendu que la MAAF, Yves Y...et la MAF, qui succombent, seront condamnés, in solidum, aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Jean-Philippe X... et Fanny X... en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet des demandes des parties condamnées tendant à être indemnisées de leurs frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré ;

CONSTATE l'intervention volontaire à l'instance de Fanny X..., devenue majeure ;

DÉCLARE l'appel de la MAAF et celui de Jean-Philippe X... et Fanny X... recevables et partiellement fondés ;

REFORME le jugement rendu, le 21 novembre 2007, par le tribunal de grande instance de DOLE, sauf en ses dispositions afférentes aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau pour le surplus ;

CONDAMNE la MAAF, Yves Y...et la MAF, in solidum, à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :

- à Jean-Philippe X... et Fanny X... : la somme de 59 618 € (CINQUANTE-NEUF MILLE SIX CENT DIX-HUIT EUROS), à réévaluer en fonction de la variation de l'indice BT 01 du bâtiment entre le 27 octobre 2005 et le 26 février 2008,

- à Jean-Philippe X... : la somme de 30 600 € (TRENTE MILLE SIX CENTS EUROS) ;

DIT que, le cas échéant, les sommes excédant les condamnations ci-dessus, versées par la MAAF à Jean-Philippe X... au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, devront être remboursées, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

DIT que, dans les rapports entre la MAAF d'une part, Yves Y...et son assureur, la MAF, d'autre part, toutes les condamnations en principal, frais et dépens, prononcées par le jugement déféré et par le présent arrêt, devront être supportées dans les proportions de quatre cinquièmes par la MAAF, et d'un cinquième par Yves Y...et la MAF ;

DIT n'y avoir lieu à fixation de la créance de Jean-Philippe X... et Fanny X... à l'encontre de André B... ;

CONDAMNE la MAAF, Yves Y...et la MAF, in solidum, à payer à Jean-Philippe X... et Fanny X... la somme globale de 3 000 € (TROIS MILLE EUROS) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

REJETTE les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la MAAF, Yves Y...et la MAF, in solidum, aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été signé par Monsieur B. Y..., Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle F. LEPRINCE, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : PremiÈre chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/00084
Date de la décision : 05/05/2010
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONSTRUCTION IMMOBILIERE

En matière de construction immobilière, la réception des travaux se définit, selon l'article 1792-6 du Code civil, comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Ne font pas obstacle à cette réception, ni les protestations du maître de l'ouvrage sur les travaux réalisés, celle-ci pouvant avoir lieu avec réserves, ni l'inachèvement des travaux du fait de la résiliation du marché en cours de chantier. Ainsi, l'absence d'assurance dommage-ouvrage étant sans incidence sur la validité de la réception, il s'ensuit que le procès-verbal de réception des travaux est valable en ce qu'il reflète la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter avec réserves ces derniers.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2010-05-05;08.00084 ?
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