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23/03/2010 | FRANCE | N°08/01394

France | France, Cour d'appel de Besançon, PremiÈre chambre civile section a, 23 mars 2010, 08/01394


COUR D'APPEL DE BESANÇON- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 23 MARS 2010
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
SECTION A

ContradictoireAudience publiquedu 27 janvier 2010 No de rôle : 08/01394
S/appel d'une décisiondu tribunal de grande instance de BESANCONen date du 29 avril 2008 RG No 06/01670 Code affaire : 54GDemande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
SA LEON GROSSE C/ SA ACTE IARD, SA CORNU SA FONTAIN

Mots clés : Construction imm

obilière - Entrepreneur - Responsabilité contractuelle de droit commun - Action du maît...

COUR D'APPEL DE BESANÇON- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 23 MARS 2010
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
SECTION A

ContradictoireAudience publiquedu 27 janvier 2010 No de rôle : 08/01394
S/appel d'une décisiondu tribunal de grande instance de BESANCONen date du 29 avril 2008 RG No 06/01670 Code affaire : 54GDemande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
SA LEON GROSSE C/ SA ACTE IARD, SA CORNU SA FONTAIN

Mots clés : Construction immobilière - Entrepreneur - Responsabilité contractuelle de droit commun - Action du maître de l'ouvrage - Prescription - Délai - Interruption - Citation en justice - Désordres visés - Nouveaux désordres - Cause identique mais siège situé dans une autre partie du bâtiment

PARTIES EN CAUSE :
SA LEON GROSSEayant son siège rue de l'Avenir - BP 605 - 73106 AIX-LES-BAINS CEDEX

APPELANTE
Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour Avouéet Me Jérôme ROY pour Avocat

ET :
SA ACTE IARDayant son siège 6, rue Niederbronn - BP 230 - 67006 STRASBOURG CEDEX

INTIMÉE
Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avouéet Me Sophie NICOLIER pour Avocat

SA CORNU SA FONTAINayant son siège route de Pugey - 25660 FONTAIN

INTIMÉE
Ayant Me GRACIANO pour Avouéet la SCP CADROT-MASSON-PILATI-BRAILLARD pour Avocat

COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.
GREFFIER : Mademoiselle F. LEPRINCE, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 27 janvier 2010 a été mise en délibéré au 10 mars 2010. Le 10 mars, le délibéré a été prorogé au 23 mars 2010. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 1991, un bâtiment destiné à abriter une boulangerie industrielle a été édifié à Fontain (Doubs).
La SA BATIFRANC, propriétaire du bâtiment, a donné celui-ci en crédit-bail à la société CORNU SA FONTAIN.
La réalisation des travaux d'isolation a été confiée à la société LEON GROSSE.
Une police d'assurance "tous risques chantier" a été souscrite auprès de la compagnie ACTE IARD.
La réception de l'ouvrage a fait l'objet d'un procès-verbal en date du 5 novembre 1991.
Un phénomène de condensation à l'intérieur du bâtiment étant apparu, la société CORNU SA FONTAIN a sollicité, suivant assignation en date du 27 juillet 1999, une expertise judiciaire.
Jean-Pierre C..., désigné comme expert par ordonnance de référé du 18 août 1999, a déposé son rapport le 14 novembre 2000. Ce rapport a mis en évidence, notamment, un vice affectant l'isolation d'une partie des façades, entre les travées E 9 et E 13.
Statuant au vu de ce rapport, le tribunal de grande instance de BESANÇON, par jugement en date du 10 juin 2003, a, notamment, déclaré irrecevables, faute de qualité pour agir, les demandes formées par la société CORNU SA FONTAIN à l'encontre de la société LEON GROSSE sur le fondement de la garantie décennale. Estimant en revanche recevables les demandes formées contre la compagnie ACTE IARD, le tribunal a condamné cette dernière à payer à la société CORNU SA FONTAIN la somme de 14 436,92 € pour la reprise des travées E 8 à E 13.
Aux motifs, d'une part que les travaux de réfection préconisés par l'expert C... étaient insuffisants et, d'autre part, que les désordres affectaient l'ensemble des panneaux de façades, la société CORNU SA FONTAIN a sollicité une nouvelle expertise par assignation en date du 1er juillet 2003.
Commis en qualité d'expert par ordonnance de référé du 29 juillet 2003, Charles D... a déposé son rapport le 31 mars 2006.
Par jugement en date du 29 avril 2008, le tribunal de grande instance de BESANÇON a :
- déclaré recevable l'action de la société CORNU SA FONTAIN,
- débouté la société LEON GROSSE et la compagnie ACTE IARD de leur moyen tiré de la nullité du rapport d'expertise de Monsieur D...,
- dit que la société LEON GROSSE a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société CORNU SA FONTAIN pour les désordres de condensation et d'infiltrations,
- déclaré irrecevable la demande de la société LEON GROSSE de garantie à l'encontre de la compagnie ACTE IARD,
- invité Monsieur D..., expert judiciaire, à compléter son rapport d'expertise en expliquant l'existence des préjudices, notamment d'ingénierie, de surconsommation, de temps passé et d'atteinte à l'image commerciale, et en justifiant les bases de ses calculs et évaluations.

Ayant régulièrement interjeté appel de ce dernier jugement, la société LEON GROSSE sollicite :
- à titre principal, qu'il soit jugé que l'action de la société CORNU SA FONTAIN est prescrite,
- à titre subsidiaire, que soit prononcée la nullité du rapport d'expertise de Monsieur D... et que soit désigné un nouvel expert,
- à titre plus subsidiaire, que soit constatée l'absence de preuve, tant d'une faute de sa part que des préjudices allégués par la société CORNU SA FONTAIN, et qu'en conséquence l'action de celle-ci soit jugée mal fondée,
- à titre encore plus subsidiaire, qu'il soit constaté que la compagnie ACTE IARD a pris la direction du procès en qualité d'assureur de la société LEON GROSSE, et qu'elle soit donc seule condamnée à indemniser les dommages, en application de l'article L. 113-17 du code des assurances, ou, du moins à garantir son assurée.
L'appelante demande une somme de 7 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CORNU SA FONTAIN conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite une somme de 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

La compagnie ACTE IARD conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a rejeté le recours formé contre elle par la société LEON GROSSE sur le fondement de l'article L.113-17 du code des assurances.
Subsidiairement, elle demande qu'il soit constaté que sa garantie est plafonnée, pour les dommages immatériels, à 152 250 €.
Plus subsidiairement, elle s'associe à la demande d'annulation de l'expertise de Monsieur D... formée par la société LEON GROSSE.
Elle sollicite une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions de l'appelante déposées le 30 mars 2009, à celles de la société CORNU SA FONTAIN déposées le 15 janvier 2009, et à celles de la compagnie ACTE IARD déposées le 6 janvier 2009.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la société CORNU SA FONTAIN fonde son action à l'encontre de la société LEON GROSSE sur la responsabilité contractuelle de droit commun ;
Attendu que ce fondement ne fait l'objet d'aucune contestation ;
Attendu que, s'agissant de désordres affectant des travaux de construction, l'action du maître de l'ouvrage fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entreprise ayant réalisé les travaux, se prescrit par un délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage ;
Attendu que, si ce délai peut être interrompu, conformément à l'article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce (antérieure à la loi du 17 juin 2008) par une citation en justice, même en référé, l'effet interruptif de la citation ne s'applique qu'aux désordres qui y sont énoncés ;
Attendu qu'en l'espèce, le procès-verbal de réception de l'ouvrage est en date du 5 novembre 1991 ;
Attendu que la société CORNU SA FONTAIN a fait délivrer à la société LEON GROSSE le 27 juillet 1999 une assignation en référé pour solliciter une expertise ; que cette assignation visait un désordre consistant en un phénomène de condensation à l'intérieur d'une partie du bâtiment ; que l'expertise diligentée par Jean-Pierre C... a mis en évidence une insuffisance d'isolation des panneaux de façades du bâtiment entre les travées E 9 à E 13 et préconisé des travaux de reprise de l'isolation dans cette zone du bâtiment ; que, lors de cette expertise, la société CORNU SA FONTAIN n'a pas prétendu que la totalité de l'isolation du bâtiment était à reprendre ; que, par acte d'huissier du 11 septembre 2001, elle a fait assigner la société LEON GROSSE au fond aux fins d'indemnisation de son préjudice conformément au rapport de l'expert C... ; que, par jugement du 10 juin 2003, elle s'est vu allouer une indemnité de 14 436,92 € pour la reprise des travées E 9 à E 13 ;
Attendu que ce n'est que par acte d'huissier du 1er juillet 2003 que la société CORNU SA FONTAIN, arguant d'une extension des désordres à l'ensemble du bâtiment et d'une insuffisance de la solution technique de reprise préconisée par l'expert C..., a sollicité une nouvelle expertise ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que les assignations en référé du 27 juillet 1999 et au fond du 11 septembre 2001 n'ont interrompu la prescription que pour les désordres affectant la zone du bâtiment comprise entre les travées E 9 à E 13 ; que, pour le reste du bâtiment, le premier acte interruptif de prescription est l'assignation en référé du 1er juillet 2003, postérieure de plus de dix ans à la réception de l'ouvrage ;
Attendu que les désordres dénoncés dans l'assignation du 1er juillet 2003 ne peuvent être considérés comme une aggravation ou une extension de ceux dénoncés précédemment ; qu'en effet, s'ils avaient la même cause, à savoir une insuffisance de l'isolation des panneaux de façades, ils concernaient une autre partie du bâtiment, pour laquelle aucune demande de réparation n'avait été formée dans le délai de dix ans ; qu'il s'agissait donc de nouveaux désordres, à l'égard desquels la prescription décennale était acquise ;
Attendu par ailleurs que, pour les désordres initiaux ayant fait l'objet de la première expertise, la seconde expertise de Charles D... n'a pas révélé d'aggravation, le nouvel expert ayant seulement émis un avis différent du premier sur l'efficacité des travaux de reprise préconisés par ce dernier ; qu'ayant été indemnisée pour ces désordres par le jugement du 10 juin 2003, et ne rapportant pas la preuve de leur aggravation, la société CORNU SA FONTAIN est irrecevable à solliciter une nouvelle indemnisation à ce titre ;
Attendu qu'en définitive, il convient de déclarer irrecevable l'action de la société CORNU SA FONTAIN, tant pour les nouveaux désordres que pour les désordres initiaux ;
Attendu que la société CORNU SA FONTAIN, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société LEON GROSSE, cette condamnation emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société CORNU SA FONTAIN tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles ;
Attendu que la compagnie ACTE IARD, qui a été appelée en cause par la société LEON GROSSE, est fondée à réclamer à celle-ci, au titre de ses frais irrépétibles, une indemnité dont il convient de fixer le montant à 1 500 € ;

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel de la société LEON GROSSE recevable et bien fondé;
INFIRME le jugement rendu le 29 avril 2008 par le tribunal de grande instance de BESANÇON;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la société CORNU SA FONTAIN à l'encontre de la société LEON GROSSE ;
CONDAMNE la société CORNU SA FONTAIN à payer à la société LEON GROSSE la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par cette dernière ;
CONDAMNE la société LEON GROSSE à payer à la compagnie ACTE IARD la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière ;
REJETTE la demande de la société CORNU SA FONTAIN fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la société CORNU SA FONTAIN aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour la SCP DUMONT-PAUTIER et pour Me ÉCONOMOU, avoués, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle F. LEPRINCE, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : PremiÈre chambre civile section a
Numéro d'arrêt : 08/01394
Date de la décision : 23/03/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Prescription décennale - Délai - Interruption - Assignation en référé (non)

S'agissant de désordres affectant des travaux de construction, l'action du maître de l'ouvrage fondée sur la responsabilité contractuelle de droit com- mun se prescrit par un délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage. Si ce délai peut être interrompu par une citation en justice, cet effet interruptif ne s'applique qu'aux désordres qui y sont énoncés. Ainsi, dans le cadre d'une action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur, le maître de l'ouvrage, qui délivre une assig- nation en référé pour solliciter une expertise visant un désordre lié à l'isolation de l' intérieur d'une partie du bâtiment, et qui ne prétend pas que la totalité de l'isolation de ce bâtiment est à reprendre, ne voit le délai de prescription inter- rompu que pour les désordres affectant la zone citée.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Besançon, 29 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2010-03-23;08.01394 ?
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