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09/09/2009 | FRANCE | N°07/00968

France | France, Cour d'appel de Besançon, PremiÈre chambre civile section a, 09 septembre 2009, 07/00968


ARRÊT No

BP/AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2009

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire

Audience publique

du 03 juin 2009

No de rôle : 07/00968

S/appel d'une décision

du tribunal de grande instance de BELFORT

en date du 27 mars 2007 RG No 05/1048

Code affaire : 54G

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un

élément de construction

S.A. THOMAS et HARRISSON C/ SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE CENTRE COMMERCIAL DES GLACIS, SCP ITINERAIRES D'ARCHIT...

ARRÊT No

BP/AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2009

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire

Audience publique

du 03 juin 2009

No de rôle : 07/00968

S/appel d'une décision

du tribunal de grande instance de BELFORT

en date du 27 mars 2007 RG No 05/1048

Code affaire : 54G

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

S.A. THOMAS et HARRISSON C/ SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE CENTRE COMMERCIAL DES GLACIS, SCP ITINERAIRES D'ARCHITECTURE, BUREAU VERITAS, BUREAU D'ETUDES CTB BLONDEAU, C.A.M.B.T.P., SARL COTTA S.M.A.B.T.P. en sa qualité d'assureur du BUREAU VERITAS, S.M.A.B.T.P. en sa qualité d'assureur de la société THOMAS et HARISSON, COMPAGNIE ASSURANCES AXA FRANCE IARD, SCP GUYON-DAVAL,

Mots-clés: Construction immobilière - Garantie décennale des constructeurs - Bureau de contrôle technique - Responsabilité subsidiaire (non) - Maître de l'ouvrage - Préjudice - Coût des travaux de réfection - Indexation - Répartition des responsabilités entre locateurs d'ouvrage - Assurance-construction - Activité garantie - Franchise - Opposabilité au maître de l'ouvrage

PARTIES EN CAUSE :

S.A. THOMAS et HARRISSON

ayant son siège 26, rue Petit - 92586 CLICHY CEDEX

APPELANTE

Ayant Me Bruno GRACIANO pour Avoué

et la SCP ROCHERON-OURY pour Avocat

ET :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE CENTRE COMMERCIAL DES GLACIS représenté par son syndic, la SA LAMY, prise en son agence de BELFORT, ayant son siège est 23, quai Vauban - 90000 BELFORT

INTIMÉ

Ayant la SCP FONTAINE - TRANCHAND pour Avoué

et la SCP WELSCH et PAWLAS pour Avocat

SCP ITINERAIRES D'ARCHITECTURE

ayant son siège 7, faubourg de Montbéliard - 90000 BELFORT

INTIMÉE

Ayant la SCP ANDRE - GILLIS pour Avoué

et la SCP PERRIGUEY - TOURNIER - BELLARD - MAYER pour Avocat

LE BUREAU VERITAS

ayant son siège 21 B, rue Aristide Briand - 90300 OFFEMONT

INTIMÉ

Ayant Me Benjamin LEVY pour Avoué

et la SCP DUTTLINGER - FAIVRE pour Avocat

BUREAU D'ETUDES CTB BLONDEAU

ayant son siège 2, rue Sarrail - 90000 BELFORT

C.A.M.B.T.P.

ayant son siège 5, rue Jacques Kablé - 67009 STRASBOURG CEDEX

INTIMÉS

Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué

et Me SERFATY pour Avocat

SARL COTTA

ayant son siège rue de la Libération - 70290 PLANCHER-BAS

INTIMÉE

Ayant la SCP LEROUX pour Avoué

et Me Marc GERRER pour Avocat

S.M.A.B.T.P., en sa qualité d'assureur du BUREAU VERITAS

ayant son siège 114, avenue Emile Zola - 75015 PARIS

S.M.A.B.T.P., pris en sa qualité d'assureur de la Société THOMAS - HARRISSON

ayant son siège 114, avenue Emile Zola - 75015 PARIS

INTIMÉE

Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour Avoué

et Me SAIAH SCP pour Avocat

COMPAGNIE d' ASSURANCE AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur de la société TECHNIFLOOR

ayant son siège 26, rue Drouot - 75009 PARIS

INTIMÉE

Ayant la SCP LEROUX pour Avoué

et Me Marc GERRER pour Avocat

SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA TECHNIFLOOR

ayant son siège15, rue Louis Loucheur - BP 266 - 25205 MONTBELIARD CEDEX

INTIMÉE

N'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame M. LEVY, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties.

GREFFIER : Madame A. ROSSI, Greffier.

lors du délibéré :

Madame M. LEVY, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du code de procédure civile aux autres magistrats :

Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Monsieur B. POLLET, Conseiller

L'affaire, plaidée à l'audience du 03 juin 2009 a été mise en délibéré au 09 septembre 2009. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 1997, le centre commercial des Glacis à BELFORT a fait l'objet de travaux de restructuration consistant notamment en la mise en place d'un nouveau revêtement de sol sur l'ensemble de l'espace de circulation.

Une partie de cet espace (23 %) a été gagnée sur des cellules commerciales, qui ont été supprimées, et à la place desquelles une chape en ciment a été réalisée par la société COTTA. Le surplus de l'espace de circulation (77 %) était constitué d'un asphalte.

Sur ces deux surfaces, un revêtement de sol en résine a été posé par la société THOMAS et HARRISON, assurée auprès de la SMABTP.

La résine mise en oeuvre a été fournie par la société TECHNIFLOOR.

Les travaux ont été exécutés sous la maîtrise d'oeuvre de la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE et du bureau d'études CTB BLONDEAU, ce dernier assuré auprès de la CAMBTP.

Une mission de contrôle technique a été confiée à la société CEP, aux droits et obligations de laquelle se trouve actuellement le bureau VERITAS, assuré par la SMABTP.

La réception des travaux est intervenue le 17 avril 1997.

Des désordres, consistant en des décollements et des fissurations du revêtement de sol, étant apparus, le syndicat des copropriétaires a sollicité une expertise judiciaire. Jean-Marie C..., commis en qualité d'expert, a établi son rapport en date du 28 janvier 2005.

Par jugement en date du 27 mars 2007 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de BELFORT a :

- déclaré la responsabilité de la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, de la société THOMAS et HARRISON, du bureau VERITAS, du bureau d'études CTB BLONDEAU et de la société COTTA solidairement engagée de plein droit du fait des désordres,

- condamné in solidum la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, la société THOMAS et HARRISON, le bureau VERITAS, le bureau CTB BLONDEAU, la société COTTA, la CAMBTP et la SMABTP à payer à la GESTRIM, syndic de la copropriété, la somme de 110 000 € en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la SMABTP et la CAMBTP devront garantir leurs assurés respectifs, le bureau VERITAS et le bureau d'études CTB BLONDEAU,

- fixé, dans les rapports entre les locateurs d'ouvrage, la répartition des désordres et des responsabilités selon les taux suivants:

* désordres affectant la chape en ciment (23 % de la surface)

90 % pour la société COTTA

2,5 % pour la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE

2,5 % pour le bureau d'études CTB BLONDEAU

5 % pour le bureau VERITAS

* désordres affectant la partie asphalte (77 % de la surface)

100 % pour la société THOMAS et HARRISON

*

Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, la société THOMAS et HARRISON sollicite :

- à titre principal, sa mise hors de cause, aux motifs, essentiellement, que les désordres affectant la partie asphalte sont dus au choix du produit TECHNIFLOOR, qui était inapproprié, et que ce choix relevait de la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre,

- à titre subsidiaire, la garantie de son assureur, la SMABTP,

- en toute hypothèse, l'allocation d'une somme de 10 000 € au titre des frais non compris dans les dépens.

*

Le syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite une somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

*

Formant appel incident, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE fait valoir, en substance :

- que le syndicat des copropriétaires doit être débouté, au motif qu'il ne justifie pas de son préjudice, la galerie commerciale ayant continué à être ouverte au public, avant d'être transférée dans d'autres locaux,

- que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale, et qu'aucune faute ne peut reprochée à la maîtrise d'oeuvre.

Elle conclut donc à titre principal à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, elle sollicite la garantie des autres locateurs d'ouvrage.

Elle réclame enfin une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Formant lui aussi appel incident, le bureau VERITAS prétend n'avoir commis aucun manquement à sa mission de contrôle technique et sollicite en conséquence sa mise hors de cause.

Subsidiairement, le bureau VERITAS prétend n'être tenu à réparation envers le maître de l'ouvrage que dans la limite de la part de responsabilité pouvant être mise à sa charge et du montant des travaux de réfection chiffré par l'expert judiciaire. Il demande en outre à être relevé et garanti par les autres locateurs d'ouvrage.

Il sollicite enfin une somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

*

Le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur, la CAMBTP, sollicitent à titre principal leur mise hors de cause, au motif qu'aucune faute n'a été commise par le bureau d'études CTB BLONDEAU et, à titre subsidiaire, ils demandent à être relevés et garantis par les autres locateurs d'ouvrage.

Ils réclament en outre une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La société COTTA relève appel incident de la décision dont appel, en demandant que sa part de responsabilité, en ce qui concerne les désordres affectant la chape en ciment, soit limitée à 80 %.

Subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie par la société THOMAS et HARRISON, par les maîtres d'oeuvre, par le bureau de contrôle technique et par leurs assureurs respectifs.

*

La SMABTP, ès qualités d'assureur de la société THOMAS et HARRISON, soutient :

- à titre principal, que sa garantie n'est pas due, les travaux de revêtement de sol réalisés par la société THOMAS et HARRISON ne relevant pas des activités déclarées par l'assurée lors de la souscription du contrat d'assurance,

- à titre subsidiaire,

* qu'il y a lieu à application d'une réduction proportionnelle de sa garantie, à hauteur de 6 % du montant du sinistre,

* qu'en toute hypothèse, sa garantie doit être limitée aux seuls désordres imputables à la société THOMAS et HARRISON,

* que l'indemnisation doit être limitée à la somme de 103 502,69 € chiffrée par l'expert judiciaire,

- à titre infiniment subsidiaire, qu'il convient de faire application des franchises et plafonds prévus au contrat d'assurance.

*

La SMABTP, ès qualités d'assureur du bureau VERITAS, sollicite sa mise hors de cause aux motifs que le sinistre ne lui a pas été déclaré par son assuré et que le montant des dommages imputables au bureau VERITAS est inférieur à la franchise contractuelle de 19 818,37 €.

*

La société AXA FRANCE IARD, assureur de la société TECHNIFLOOR, sollicite la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a mis hors de cause son assurée. Elle demande en outre une somme de 3 000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

*

La SCP GUYON-DAVAL, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TECHNIFLOOR, a été régulièrement assignée devant la Cour par acte d'huissier en date du 4 septembre 2007 signifié à personne. Elle n'a pas constitué avoué. En application des dispositions de l'article 474, alinéa premier, du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions déposées :

- le 17 décembre 2008 par la société THOMAS et HARRISON,

- le 3 octobre 2008 par le syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis,

- le 11 juillet 2008 par la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE,

- le 5 décembre 2008 par le bureau VERITAS,

- le 31 octobre 2007 par le bureau d'études CTB BLONDEAU et la CAMBTP,

- le 19 juin 2008 par la société COTTA,

- le 25 avril 2008 par la SMABTP en qualité d'assureur de la société THOMAS et HARRISON

- le 25 avril 2008 par la SMABTP en qualité d'assureur du bureau VERITAS,

- le 28 janvier 2009 par la société AXA FRANCE IARD.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes du maître de l'ouvrage

Sur la nature des désordres

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des photographies qui y sont jointes que les désordres consistent :

- pour la partie de l'aire de circulation située sur la chape réalisée par la société COTTA : en des décollements de cette chape par rapport à la dalle en béton qui lui sert de support, et en des fissures de la chape,

- pour la partie de l'aire de circulation située sur l'ancien revêtement en asphalte: en des fissures et en une ondulation de ce revêtement ;

Attendu que les fissures atteignent jusqu'à 4 cm de largeur et 3 cm de profondeur ; qu'elles ne permettent pas la circulation normale de personnes portant des chaussures à talons étroits et des équipement à roulettes (patins, poussettes d'enfants...); qu'elle se remplissent de déchets divers et empêchent un nettoyage aisé du sol ; qu'ainsi, la galerie commerciale, ouverte au public, est rendue impropre à sa destination; que les désordres relèvent en conséquence de la garantie décennale des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil ;

Attendu qu'il s'ensuit que les locateurs d'ouvrage concernés par chaque désordres, y compris les maîtres d'oeuvre, qui, en vertu de l'article 1792-1, 1o, du code civil, sont réputés avoir la qualité de constructeurs, sont tenus in solidum à réparation envers le maître de l'ouvrage, sans que celui-ci ait besoin d'établir une quelconque faute à leur encontre ;

Attendu qu'il en est de même du contrôleur technique, celui-ci étant, en vertu de l'article L.111-24 du code de la construction et de l'habitation, soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par l'article 1792 du code civil ; qu'en effet, la réalisation du revêtement de sol en résine relevait de la mission confiée au cabinet CEP, laquelle visait, notamment, la solidité des éléments d'équipements dissociables non mobiles ;

Attendu par ailleurs que, contrairement à ce qui est soutenu par le bureau VERITAS, sa responsabilité, au titre de la garantie décennale, ne présente pas de caractère subsidiaire par rapport à celle des autres locateurs d'ouvrage, avec lesquels il est donc tenu in solidum envers le maître de l'ouvrage ;

Attendu qu'il convient toutefois de distinguer les désordres affectant la chape de ceux affectant l'asphalte ; qu'en effet, les locateurs d'ouvrage concernés ne sont pas les mêmes ; qu'en particulier, la société COTTA, qui a réalisé la chape, est totalement étrangère aux désordres affectant la partie asphalte ; qu'ainsi, le tribunal ne pouvait pas prononcer une condamnation générale de l'ensemble des locateurs d'ouvrage pour l'ensemble des désordres ;

Attendu qu'à l'égard du maître de l'ouvrage, les locateurs d'ouvrage dont la responsabilité est engagée sont les suivants :

- pour la partie chape: la société COTTA qui a réalisé la chape, la société THOMAS et HARRISON qui a posé sur cette chape le revêtement en résine, les maîtres d'oeuvre, à savoir la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE et le bureau d'études CTB BLONDEAU, et le contrôleur technique, le bureau VERITAS,

- pour la partie asphalte: la société THOMAS et HARRISON, qui a réalisé le revêtement de sol en résine posé sur l'asphalte, ainsi que les deux maîtres d'oeuvre (la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE et le bureau d'études CTB BLONDEAU) et le contrôleur technique (le bureau VERITAS) ;

Sur le préjudice

Attendu que l'expert judiciaire a préconisé la réfection complète du revêtement de sol en remplaçant le revêtement en résine par un revêtement en carrelage; qu'il en a chiffré le coût à 103 502,69 € TTC en répartissant cette somme

- à proportion de 23 % pour la zone chape, soit 23 805,62 €,

- à proportion de 77 % pour la zone asphalte, soit 79 697,07 € ;

Attendu que le maître de l'ouvrage est en droit d'obtenir l'indemnisation de ce préjudice, indépendamment de ses intentions quant à la réalisation des travaux de réfection et de ses projets concernant un éventuel réaménagement du centre commercial ; qu'il est donc indifférent que, selon un avis paru dans la presse et produit par la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, les commerces de proximité doivent être transférés dans un autre bâtiment;

Attendu enfin que le tribunal a procédé à une réévaluation forfaitaire du montant des travaux de réfection en retenant une somme de 110 000 € ; qu'il apparaît préférable de prévoir que la somme chiffrée par l'expert sera actualisée à la date du présent arrêt, en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis la date du rapport d'expertise ;

Sur les recours entre locateurs d'ouvrage

Attendu qu'avant d'envisager la répartition des responsabilités entre les différents locateurs d'ouvrage au titre de chaque désordre, il convient d'observer, pour répondre à "l'exception de contribution à la dette" invoquée par le bureau VERITAS, selon laquelle les recours exercés contre lui devraient être limités en vertu des dispositions de l'ordonnance du 8 juin 2005 ayant modifié l'article L.111-24 du code de la construction, que ces dispositions ne sont applicables qu'aux marchés conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance et que, par conséquent, elles sont inapplicables en l'espèce ;

Désordres affectant la partie chape

Attendu que l'expert C... a clairement imputé les décollements affectant la chape à une exécution incorrecte de celle-ci par la société COTTA ; qu'au demeurant, cette dernière ne conteste pas sa responsabilité à hauteur de 80 % ;

Attendu que, selon l'expert, les désordres affectant la chape sont aussi dus à l'absence de joints de fractionnement et de joints de raccordement avec l'asphalte ; que ce manquement engage non seulement la responsabilité de la société COTTA, qui a réalisé la chape sans respecter les règles de l'art, mais aussi celles des maîtres d'oeuvre, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE et le bureau d'études CTB BLONDEAU, pour n'avoir pas fourni à l'entreprise les instructions nécessaires et pour avoir failli dans leur mission de surveillance des travaux, ainsi que la responsabilité du contrôleur technique, qui n'a pas détecté ni signalé l'absence de joints ;

Attendu que, compte tenu du rôle prépondérant des décollements, la Cour fait sienne l'appréciation du tribunal qui a partagé la responsabilité des désordres affectant la chape à proportion de 90 % pour la société COTTA, 2,5 % pour la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, 2,5 % pour le bureau d'études CTB BLONDEAU et 5 % pour le bureau VERITAS ;

Désordres affectant la partie asphalte

Attendu qu'il ressort de l'expertise judiciaire que l'origine de ces désordres réside dans le choix, pour réaliser le revêtement de sol, d'un type de résine ayant des caractéristiques mécaniques incompatibles avec la rigidité du support en asphalte ; qu'en effet, le produit retenu, dit TECHNIFLOOR LISSE, avait un coefficient de dilatation en fonction de la température très différent de celui de l'asphalte ; que l'incompatibilité entre ces matériaux a été aggravée par la suppression de faux plafonds et la réalisation de baies éclairantes qui ont accentué les sollicitations thermiques ;

Attendu que la société THOMAS et HARRISON avait, dans un premier temps, proposé une résine TECHNIFLOOR SOUPLE qui, selon l'expert, aurait convenu ;

Attendu que ce produit avait été conseillé par le fournisseur, la société TECHNIFLOOR, dont un représentant s'était déplacé sur les lieux ; qu'il n'est pas démontré ni même allégué que la société TECHNIFLOOR soit ensuite intervenue lors du remplacement de ce produit par le produit TECHNIFLOOR LISSE ; qu'ainsi, aucune responsabilité ne peut être imputée à la société TECHNIFLOOR; que le liquidateur judiciaire de cette société doit donc être mis hors de cause ;

Attendu que c'est l'architecte, Michel D..., de la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, qui, au vu de la notice technique qui lui avait été transmise par la société THOMAS et HARRISON le 29 octobre 1996, a jugé le produit TECHNIFLOOR SOUPLE inadapté et préconisé son remplacement ; que les circonstances dans lesquelles le produit TECHNIFLOOR LISSE a été ultérieurement choisi demeurent obscures ;

Attendu en effet que la société THOMAS et HARRISON prétend avoir transmis à l'architecte la notice technique du produit TECHNIFLOOR LISSE le 4 mars 1997, et avoir obtenu son accord pour la mise en oeuvre de ce produit ; qu'à l'inverse, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE soutient que la société THOMAS et HARRISON a pris l'initiative, seule, d'appliquer le produit TECHNIFLOOR LISSE, et ne lui a remis la notice technique que le 1er octobre 1997, après réalisation des travaux ; qu'il n'est pas possible de départager les deux thèses, la preuve n'étant pas rapportée que la notice technique était annexée à la télécopie adressée par la société THOMAS et HARRISON à Michel D... le 4 mars 2007, et la mention manuscrite suivante ayant été apposée sur ladite notice: "remis par la société THOMAS et HARRISON le 1/10/97 à D..." ;

Attendu qu'en considération de ces éléments, il convient de considérer qu'il appartenait à l'entreprise chargée de réaliser le revêtement de sol de faire valider le choix du produit par la maîtrise d'oeuvre, et qu'il incombait à cette dernière, après avoir refusé le choix d'un premier produit, de s'assurer de l'adéquation de celui qui devait lui être substitué ; qu'ainsi, la responsabilité du choix du produit TECHNIFLOOR LISSE, qui s'est révélé inadapté, sera partagée par moitié entre la société THOMAS et HARRISON d'une part, et l'équipe de maîtrise d'oeuvre d'autre part ;

Attendu qu'au sein de la maîtrise d'oeuvre, le rôle prépondérant, en ce qui concerne le choix du produit mis en oeuvre pour le revêtement de sol, a été assumé par la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE qui, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, est intervenue directement, en la personne de Michel D..., dans les discussions ayant précédé ce choix ;

Attendu que la responsabilité du contrôleur technique est aussi engagée pour n'avoir pas vérifié les caractéristiques techniques du type de résine choisi et sa compatibilité avec le support ;

Attendu qu'en considération de ces éléments, il convient de partager comme suit la responsabilité des désordres affectant la zone asphalte:

- 50 % pour la société THOMAS et HARRISON,

- 40 % pour la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE,

- 5 % pour le bureau d'études CTB BLONDEAU,

- 5 % pour le bureau VERITAS ;

Sur la garantie des assureurs

Garantie de la SMABTP en qualité d'assureur de la société THOMAS et HARRISON

Attendu qu'aux termes de l'article 3 du contrat d'assurance souscrit par la société THOMAS et HARRISON auprès de la SMABTP, en date du 21 janvier 1997, les activités garanties étaient les suivantes : "peinture, vitrerie, calfeutrement de joints de construction, protection des façades, ravalement en maçonnerie, isolation thermique, structure et travaux courants de maçonnerie, béton armé" ;

Attendu que parmi ces activités ne figure pas les revêtements de sol en résine ;

Attendu que cette dernière activité relève d'une qualification particulière et requiert des compétences précises, notamment en ce qui concerne l'adaptation du produit mis en oeuvre à son support, ainsi que la présente affaire en est une parfaite illustration ; qu'en aucun cas la réalisation de revêtements de sol ne peut être assimilée, comme tente de le faire admettre l'appelante, à une activité de peinture de sols ;

Attendu que force est donc de constater que la société THOMAS et HARRISON n'était pas assurée pour l'activité considérée ;

Mais attendu que, par lettre en date du 22 décembre 2000, la SMABTP, faisant application d'une réduction proportionnelle, a accepté de prendre en charge le sinistre à concurrence de 6 % du montant des travaux de réparation ;

Attendu qu'il convient donc de condamner la SMABTP à garantir son assurée dans la limite de 6 % des sommes à la charge de l'appelante ;

Attendu que la franchise prévue au contrat d'assurance est applicable dans les rapports entre assureur et assuré, mais est inopposable au maître de l'ouvrage, s'agissant d'une assurance obligatoire couvrant la garantie décennale des constructeurs;

Garantie de la SMABTP en qualité d'assureur du bureau VERITAS

Attendu que le fait que la police d'assurance liant le bureau de contrôle à la SMABTP ait été résiliée avec effet au 31 décembre 1997 est sans incidence, dès lors que les travaux à l'origine du sinistre avaient été exécutés antérieurement à cette résiliation ;

Attendu que, la responsabilité du bureau VERITAS étant engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la franchise stipulée au contrat d'assurance est inopposable au maître de l'ouvrage ;

Attendu que la SMABTP doit donc sa garantie au bureau VERITAS et sera donc condamnée, in solidum avec son assuré, au paiement des sommes dues par celui-ci ;

Garantie de la CAMBTP en qualité d'assureur du bureau d'études CTB BLONDEAU

Attendu que la CAMBTP ne conteste pas devoir garantir son assuré, le bureau d'études CTB BLONDEAU ; qu'elle est donc tenue in solidum avec celui-ci au paiement des sommes allouées au maître de l'ouvrage ;

Garantie de la société AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la société TECHNIFLOOR

Attendu que, la responsabilité de la société TECHNIFLOOR n'étant pas engagée, la société AXA FRANCE IARD doit être mise hors de cause ;

Sur les frais et dépens

Attendu qu'il convient de mettre les dépens de première instance et d'appel, ainsi que ceux des instances en référé et le coût de l'expertise judiciaire, à la charge, in solidum, des locateurs d'ouvrage dont la responsabilité est retenue ;

Attendu que les mêmes seront pareillement condamnés à payer au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

- une somme de 5 000 € au syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis,

- une somme de 2 000 € à la société AXA FRANCE IARD ;

Attendu que, dans les rapports entre locateurs d'ouvrage, la charge des condamnations aux dépens et frais irrépétibles sera supportée à proportion, pour chacun d'eux, de sa part de responsabilité ;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable que les autres parties conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel de la société THOMAS et HARRISON recevable et partiellement fondé;

INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2007 par le tribunal de grande instance de BELFORT ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE la société COTTA, la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et le bureau VERITAS responsables in solidum, envers le syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis, des désordres affectant la zone chape de l'aire de circulation ;

DÉCLARE la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et le bureau VERITAS responsables in solidum, envers le syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis, des désordres affectant la zone asphalte de l'aire de circulation ;

En conséquence,

CONDAMNE la société COTTA, la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur la CAMBTP, le bureau VERITAS et son assureur la SMABTP, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis la somme de 23 805,62 € (vingt trois mille huit cent cinq euros et soixante-deux centimes) au titre des désordres affectant la zone chape ;

CONDAMNE la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur la CAMBTP, le bureau VERITAS et son assureur la SMABTP, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis la somme de 79 697,07 € (soixante dix-neuf mille six cent quatre-vingt-dix-sept euros et sept centimes) de au titre des désordres affectant la zone asphalte ;

DIT que les sommes ci-dessus seront réévaluées en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction entre le 28 janvier 2005 et la date du présent arrêt, et que, ainsi réévaluées, ces sommes seront productives d'intérêts de retard au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT que, dans les rapports entre les locateurs d'ouvrage, la responsabilité des désordres affectant la zone chape doit être supportée dans les proportions suivantes :

- 90 % pour la société COTTA,

- 2,5 % pour la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE,

- 2,5 % pour le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur la CAMBTP,

- 5 % pour le bureau VERITAS et son assureur la SMABTP ;

DIT que, dans les rapports entre les locateurs d'ouvrage, la responsabilité des désordres affectant la zone asphalte doit être supportée dans les proportions suivantes :

- 50 % pour la société THOMAS et HARRISON,

- 40 % pour la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE,

- 5 % pour le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur, la CAMBTP,

- 5 % pour le bureau VERITAS et son assureur, la SMABTP ;

DIT que la SMABTP doit garantir la société THOMAS et HARRISON dans la proportion de 6 % des sommes mises à la charge de cette dernière, sous réserve de l'application de la franchise prévue au contrat d'assurance, laquelle est inopposable au syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis ;

MET hors de cause la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TECHNIFLOOR, ainsi que la société AXA FRANCE IARD ;

CONDAMNE la société COTTA, la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur la CAMBTP, le bureau VERITAS et son assureur la SMABTP, in solidum, à payer, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d'appel :

- la somme de 5 000 € (cinq mille euros) au syndicat des copropriétaires du centre commercial des Glacis,

- la somme de 2 000 € (deux mille euros) à la société AXA FRANCE IARD ;

REJETTE toutes autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société COTTA, la société THOMAS et HARRISON, la société ITINÉRAIRES D'ARCHITECTURE, le bureau d'études CTB BLONDEAU et son assureur la CAMBTP, le bureau VERITAS et son assureur la SMABTP, in solidum, aux dépens de première instance, comprenant les dépens de référé et le coût de l'expertise judiciaire, ainsi qu'aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP FONTAINE-TRANCHAND-SOULARD et pour la SCP LEROUX, avoués, pour cette dernière, en sa seule qualité d'avoué de la compagnie AXA FRANCE IARD, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT que la charge des condamnations aux dépens et frais irrépétibles sera répartie, dans les rapports entre les parties condamnées, à proportion de la part incombant à chacune dans le montant total de l'indemnisation des désordres.

LEDIT ARRÊT a été signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme A. ROSSI, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : PremiÈre chambre civile section a
Numéro d'arrêt : 07/00968
Date de la décision : 09/09/2009
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Garantie décennale

S'agissant de désordres relevant de la garantie décennale des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil, tous les locateurs d'ouvrage, y compris les maîtres d'oeuvre qui sont réputés avoir la qualité de constructeurs en vertu de l'article 1792-1 1° du code civil, sont tenus in solidum à réparation envers le maître de l'ouvrage. Lorsqu'une mission de contrôle technique a été confiée à un bureau de contrôle technique, la responsabilité du contrôleur, au titre de la garantie décennale, ne présente pas de caractère subsidiaire par rapport à celle des autres locateurs d'ouvrage. Dès lors, il est également tenu in solidum à réparation.


Références :

articles 1792 et 1792-1 1° du code civil

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Belfort, 27 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2009-09-09;07.00968 ?
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