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04/06/2008 | FRANCE | N°07/01181

France | France, Cour d'appel de Besançon, 04 juin 2008, 07/01181


ARRÊT No

BP / AR

-172 501 116 00013-

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A



Contradictoire
Audience publique
du 07 mai 2008
No de rôle : 07 / 01181

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Besançon
en date du 10 mai 2007 RG No 06 / 00786
Code affaire : 10B
Action déclaratoire ou négatoire de nationalité

Yvette X... C / MINISTERE PUBLIC

PARTIES EN CAUSE :



Madame Yvette X...

née le 13 mai 1951 à ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)
demeurant...


(bé

néficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2007 / 5271 du 21 / 12 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Besançon)

APPELANTE

Ayant Me ...

ARRÊT No

BP / AR

-172 501 116 00013-

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Contradictoire
Audience publique
du 07 mai 2008
No de rôle : 07 / 01181

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Besançon
en date du 10 mai 2007 RG No 06 / 00786
Code affaire : 10B
Action déclaratoire ou négatoire de nationalité

Yvette X... C / MINISTERE PUBLIC

PARTIES EN CAUSE :

Madame Yvette X...

née le 13 mai 1951 à ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)
demeurant...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2007 / 5271 du 21 / 12 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Besançon)

APPELANTE

Ayant Me Bruno GRACIANO pour Avoué
et Me Benoît MAURIN pour Avocat

ET :

MINISTERE PUBLIC
représenté par Madame la Procureure Générale près la Cour d'appel de Besançon
ayant son siège 1, rue Mégevand-25000 BESANCON

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier.

lors du délibéré :

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Yvette X... est née le 13 mai 1951 en Côte d'Ivoire, de parents originaires de Côte d'Ivoire.

Bénéficiant d'un passeport français qui lui a été délivré le 10 juillet 2003, elle est venue s'établie en France en décembre 2003.

Suivant procès- verbal en date du 15 mars 2004, une décision lui refusant la délivrance d'un certificat de nationalité française lui a été notifiée.

L'intéressée ayant contesté cette décision et sollicité que lui soit reconnue la qualité de française, le tribunal de grande instance de Besançon l'a déboutée de sa demande, par jugement en date du 10 mai 2007.

*

Régulièrement appelante de ce jugement, Yvette X... demande que lui soit reconnu le bénéfice de la nationalité française et que lui soit en conséquence délivré un certificat de nationalité.

Au soutien de son recours, l'appelante fait valoir, à titre principal, qu'elle est française de naissance, en vertu de l'article 18 du code civil, par filiation, pour être née de parents français.

Elle ajoute que les dispositions de la loi du 28 juillet 1960 et des articles 32 et suivants du code civil, afférentes aux effets de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, ne lui ont pas fait perdre la qualité de française.

Subsidiairement, elle sollicite le bénéfice de la nationalité française sur le fondement de la possession d'état, conformément à l'article 21-13 du code civil.

*

Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement déféré.

Il soutient que, française de naissance, l'appelante a perdu la nationalité française par l'effet de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, son cas ne correspondant à aucune des hypothèses, prévues par la loi du 28 juillet 1960 et énoncées aux articles 32 et suivants du code civil, dans lesquelles les personnes originaires de Côte d'Ivoire ont pu conserver de plein droit la nationalité française.

Il souligne, en particulier, que la Côte d'Ivoire, ayant opté pour le statut d'Etat membre de la Communauté, au sens de la Constitution du 4 octobre 1958, ne faisait plus partie du territoire de la République Française, tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, et que, dès lors, les français originaires de Côte d'Ivoire, domiciliés dans ce pays au jour de son accession à l'indépendance, en date du 7 août 1960, et n'ayant pas souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française, ont perdu cette nationalité.

Le Ministère public ajoute que, si l'appelante présente des éléments de possession d'état de française, il lui appartient, pour se voir reconnaître la nationalité française sur ce fondement, de souscrire une déclaration, conformément à l'article 21-13 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'appelante était française à sa naissance ; que l'unique question qui se pose est de savoir si elle a perdu la nationalité française suite à l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance ;

Attendu que cette question est réglée par la loi du 28 juillet 1960 et par les articles 32 et suivants du code civil ;

Attendu que, parmi ces dispositions, sont susceptibles de recevoir application en l'espèce celles de l'article 32 du code civil, selon lesquelles ont conservé la nationalité française les personnes originaires du territoire de la République Française, tel qu'il restait constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliées, au jour de son accession à l'indépendance, sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre- mer de la République Française ;

Attendu que l'Etat Français, par l'intermédiaire du Ministère public, conteste que l'appelante puisse relever des dispositions précitées de l'article 32 du code civil ;

Mais attendu qu'il importe peu que les conditions prévues par ce texte n'aient pas été réunies, en l'espèce, en la personne de Yvette X... ;

Attendu en effet qu'il convient d'observer qu'au jour de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, l'appelante était âgée de neuf ans, donc mineure ; qu'il résulte des dispositions de article 32, alinéa deux, du code civil, qu'elle a conservé la nationalité française, si ses parents l'ont eux- mêmes conservée ;

Or attendu que l'appelante produit des cartes d'identité consulaires de ses deux parents, établies le 8 et le 9 janvier 1964, portant mention de leur nationalité française ; qu'il est ainsi justifié que, postérieurement à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, les autorités françaises ont considéré les deux parents de l'intéressée comme français ;

Attendu que la conservation de la nationalité française par les parents de l'appelante est confortée :

- par le fait qu'Yvette X... elle- même s'est vu reconnaître la qualité de française, un passeport français lui ayant été délivré le 10 juillet 2003, afin de lui permettre de fuir la guerre civile dans ce pays, circonstances dans lesquelles, précisément, sa nationalité française était susceptible de lui porter préjudice,

- par le fait que le frère de l'intéressée, Raphaël Y...
X..., né le 10 avril 1936 en Côte d'Ivoire, qui, au regard de la nationalité, se trouve dans la même situation que sa soeur, s'est vu reconnaître la nationalité française, ainsi qu'il résulte du certificat de nationalité qui lui a été délivré le 23 novembre 1964, postérieurement à l'indépendance de la Côte d'Ivoire ;

Attendu qu'il ressort clairement de ces éléments que les parents de l'intéressée et leurs deux enfants, ont été considéré par la France, postérieurement à l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, comme ayant conservé la nationalité française ;

Attendu qu'il n'est pas allégué que cette position de l'Etat français aurait été déterminée par une quelconque fraude ; que c'est donc en parfaite connaissance de cause que les autorités françaises ont reconnu à l'appelante, à ses parents et à son frère, le bénéfice de la nationalité française ;

Attendu que, l'Etat ne pouvant se contredire au préjudice de citoyens auxquels il a délibérément reconnu sa nationalité, fût- ce en méconnaissant ses propres lois, il convient de faire droit à la demande de l'appelante et d'infirmer le jugement déféré ;

Attendu que le présent arrêt suffit à reconnaître à l'appelante la qualité de française ; qu'il est donc inutile d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, après débats en audience publique, contradictoirement, et après en avoir délibéré ;

CONSTATE que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

DÉCLARE l'appel d'Yvette X... recevable et bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu le 10 mai 2007 par le tribunal de grande instance de Besançon ;

Statuant à nouveau ;

DIT qu'Yvette X..., née le 13 mai 1951 à Abidjan (Côte d'Ivoire), a la nationalité française ;

ORDONNE qu'il soit fait mention de la présente décision en marge de l'acte de naissance de l'intéressée, conformément à l'article 28 du code civil ;

MET les dépens à la charge du Trésor public.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame A. ROSSI, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Numéro d'arrêt : 07/01181
Date de la décision : 04/06/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Besançon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-04;07.01181 ?
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