ARRET No
RV / CB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013-
ARRET DU QUATRE JUIN 2008
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
contradictoire
Audience publique
du 22 Avril 2008
No de rôle : 06 / 01253
S / appel d'une décision
du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BELFORT
en date du 28 MARS 2006 RG No 04 / 677
Code affaire : 56Z
Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services
SA LA CLINIQUE DE LA MIOTTE C / Christian X...
PARTIES EN CAUSE :
LA CLINIQUE DE LA MIOTTEActivité :, demeurant Avenue de la Miotte- 90000 BELFORT
APPELANTE
Ayant Me Bruno GRACIANO pour avoué
et Me Nicolas RICHARD, avocat au barreau de BESANCON
ET :
Monsieur Christian X..., de nationalité française, demeurant ...
INTIME
Ayant Me Jean- Michel ECONOMOU pour avoué
et Me Jean- Paul LORACH, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,
Lors du délibéré
M. SANVIDO, Président de Chambre,
M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 22 Avril 2008, a été mise en délibéré au 04 Juin 2008. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La clinique de la MIOTTE a employé depuis le 1er décembre 1997, le Dr Christian X... en qualité de chirurgien dans le cadre d'un contrat non écrit.
Le 10 juin 2003, ce patricien a avisé la clinique de son projet de quitter ses fonctions à compter du 1er septembre 2003, information confirmée par courrier du 28 juillet 2003 aux termes duquel il a présenté sa démission.
La clinique lui a rappelé par courrier du 18 août 2003 qu'il convenait de respecter un préavis d'usage d'une année et fait valoir le préjudice prévisible résultant de ce départ précipité.
Le Dr X... a effectivement quitté ses fonctions à la date du 1er septembre 2003.
Par acte du 7 mai 2004, la clinique de la MIOTTE à fait assigner le Dr X... devant le tribunal de grande instance de Belfort afin de faire reconnaître sa responsabilité contractuelle en raison du non- respect du délai de préavis et obtenir sa condamnation à réparer le préjudice résultant de la perte de revenus qui en est résultée qu'elle a estimée à 194 682 €, et à l'atteinte à son image qu'elle a évaluée à 25 000 €.
Elle a en outre réclamé le paiement par le médecin de la somme de 6 194, 33 € à titre de redevance en contrepartie de la mise disposition des personnels, matériels et services de la clinique, avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003, outre une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 mars 2006, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal a :
- dit qu'en concédant un préavis de moins de deux mois, le Dr Christian X... a rompu abusivement le contrat le liant à la clinique de la MIOTTE,
- condamné le docteur X... à payer à la clinique de la MIOTTE les sommes de :
* 10 000 € en réparation du préjudice subi à la suite de son départ, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* 6 194, 33 € au titre de sa quote- part dans la mise à disposition des moyens matériels de la clinique, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2004,
* 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 14 juin 2006, la clinique de la MIOTTE a interjeté appel de cette décision, limité à l'évaluation de son préjudice.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 2 octobre 2007 par la clinique de la MIOTTE aux termes desquelles elle demande la Cour de :
- condamner le docteur X... à lui payer les sommes de :
* 194 682 € à titre de dommages- intérêts pour perte de revenus,
* 25 000 € à titre de dommages- intérêts pour perte d'image,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le docteur X... à lui verser la somme de 6 194, 33 € représentant les redevances dues au titre de son activité majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003,
A titre subsidiaire, désigner un expert afin de donner son avis sur l'évaluation du préjudice par elle subi du fait du non- respect de docteur X... de sa période de préavis,
En toute hypothèse, condamner le docteur X... à lui payer une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées le 15 novembre 2007 par Christian X... aux termes desquelles, formant appel incident, il demande à la cour de :
- dire qu'il disposait d'un droit de résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée le liant à la clinique de la MIOTTE,
- dire qu'il a exercé cette faculté conformément au droit applicable en la matière en respectant un préavis de trois mois qui constitue un délai raisonnable et suffisant,
En conséquence, infirmer le jugement et débouter la clinique de la MIOTTE de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la clinique de la MIOTTE à lui rembourser les sommes versées en vertu de l'exécution provisoire prononcée par le jugement du 28 mars 2006, soit la somme de 19 194, 33 €,
- condamner la clinique de la MIOTTE à lui payer une indemnité de 2 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture du 3 avril 2008,
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que nonobstant l'absence de régularisation d'un contrat écrit entre les parties, les relations prolongées régulières entre la clinique de la MIOTTE et le Dr X... caractérisent l'existence d'un contrat tacite à durée indéterminée que chaque partie est libre de résilier unilatéralement sous réserve de respecter un préavis réciproque déterminé selon les usages en vigueur ;
Attendu que le conseil national de l'Ordre national des médecins a édité un contrat type entre praticiens et cliniques privées proposant que lorsque l'une des parties veut mettre fin au contrat la liant à l'autre, elle devra l'aviser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un délai de préavis qui sera fonction du temps réel pendant lequel le praticien aura exercé à la clinique, à savoir : six mois avant cinq ans, 12 mois entre cinq et 10 ans, 18 mois entre 10 et 15 ans et deux ans au- delà de 15 ans, les parties pouvant toutefois convenir d'une réduction volontaire de la durée du préavis ;
Que la jurisprudence applique les délais ci- dessus mentionnés en fonction de l'ancienneté du praticien ;
Attendu, s'agissant du point de départ du préavis, que la lettre du 10 juin 2003 adressée par le Dr X... à la clinique de la MIOTTE fait référence à l'intervention du docteur D... " très motivée pour occuper le poste de chirurgie viscérale ", à la communication des carnets de rendez- vous opératoires de consultations pour faciliter son installation et un démarrage rapide de son activité, et mentionne la communication de la nouvelle adresse professionnelle du Dr X... à compter du 1er septembre 2003 où pourra lui être adressé " tout courrier pour clore dans les meilleures conditions nos relations … " ;
Que la forme recommandée de l'envoi de la lettre de préavis ne constitue qu'une modalité de preuve et que, dès lors que la clinique de la MIOTTE ne conteste pas l'avoir reçue, la lettre du 10 juin 2003 qui fait état en termes non équivoques de la volonté de l'intéressé de quitter ses fonctions et précise la date de son départ, doit être considérée, contrairement à l'appréciation des premiers juges, comme constituant le point de départ du préavis à compter de sa réception qui doit être fixée au lendemain ;
Attendu que dans la mesure où le Dr X... exerçait ses fonctions de chirurgien au sein de la clinique depuis plus de cinq ans, il y a lieu de retenir comme conforme aux usages un délai de préavis d'un an ;
Attendu qu'en ne respectant pas le délai de préavis prévu par les usages, le Dr X... a commis une faute contractuelle dont il doit réparation à la clinique de la MIOTTE qui est fondée à obtenir réparation du préjudice subi au cours de la période de préavis non exécutée, lequel ne peut être réduit aux pertes supportées durant les seules périodes d'interruption pendant lesquelles l'appelante n'a pu bénéficier du concours d'un praticien de remplacement ;
Qu'en effet l'objet du préavis est de permettre à l'établissement de soin de disposer d'un délai suffisant pour recruter un nouveau praticien conforme à ses attentes et de lui permettre de se faire connaître par les prescripteurs de manière à atteindre en fin de préavis un niveau d'activité équivalent à celui du chirurgien démissionnaire ;
Attendu qu'en dépit des éléments comptables produits par la clinique de la MIOTTE, il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise, aux frais avancés par celle- ci, afin de permettre à la Cour d'être éclairée sur la perte de chiffre d'affaires et de marge subie par l'appelante pendant la période du 1er septembre 2003 au 10 juin 2004 inclus et imputable à l'absence d'un chirurgien exerçant l'activité qui était celle du docteur X... ;
Attendu que l'intimé s'oppose au paiement de la redevance de 6 194, 33 € admise par les premiers juges et non critiquée par l'appelante au motif qu'il incombe à la société civile de moyens des praticiens, qui est l'intermédiaire entre ceux- ci et la clinique, de rétribuer les services qui leur sont rendus ;
Mais attendu qu'il résulte du contrat de remplacement conclu entre le docteur X... et le docteur D..., versé aux débats à titre d'exemple, que celle- ci gardera la totalité des honoraires produits par son activité et s'acquittera d'une rétribution de 20 % TTC sur le montant des honoraires réalisés hors supplément d'honoraires auprès de la clinique pour les prestations fournies par celle- ci et que l'intimé ne justifie pas d'une disposition conclue entre la clinique de la MIOTTE et les praticiens mettant à la charge de la société civile de moyens et non à leur charge personnelle le paiement de la rétribution ci- dessus mentionnée ;
Que le principe du paiement d'une redevance en contrepartie des moyens mis par la clinique à la disposition du praticien pour son activité n'est pas contestable et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause le montant réclamé figurant au décompte adressé au docteur X... le 21 octobre 2003 ;
Que le jugement entrepris doit être en conséquence confirmé sur ce point ;
Attendu qu'il y a lieu de réserver à statuer sur les autres chefs de demande, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement rendu le 28 mars 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Belfort en ce qu'il a dit que Christian X... a rompu sans respecter le délai de préavis le contrat le liant à la SA clinique de la MIOTTE et condamné celui- là à payer à la clinique la somme de SIX MILLE CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS TRENTE TROIS CENTIMES (6 194, 33 €) à titre de redevance avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2004,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
DIT que la durée du préavis applicable aux relations entre les parties est de un an,
FIXE le point de départ dudit préavis au 10 juin 2003,
DIT qu'en raison de sa faute contractuelle pour non- respect du délai de préavis d'usage, Christian X... doit réparation du préjudice subi par la SA clinique de la MIOTTE,
AVANT DIRE DROIT
ORDONNE une expertise, confiée à
Jean- Claude E...
...
...
90020 BELFORT CEDEX
03. 84. 22. 42. 98
qui aura pour mission :
1 / Se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa
mission et entendre tous sachants,
2 / Évaluer la perte de chiffre d'affaires et de marge subie par la clinique de la MIOTTE pendant la période du 1er septembre 2003 au 10 juin 2004 inclus imputable à l'absence d'un chirurgien exerçant l'activité du Docteur X..., en tenant compte toutefois du chiffre d'affaires et de la marge résultant de l'activité pendant la même période d'un chirurgien de remplacement,
3 / donner tous éléments d'information permettant d'évaluer un préjudice en relation avec la désorganisation de la clinique consécutive au départ du docteur X... et ayant pu porter atteinte à sa réputation,
4 / faire toutes observations et constatations utiles à la solution du litige,
DIT que l'expert commis, saisi par le Greffe de la Cour d'Appel, devra
accomplir sa mission en présence des parties ou celles- ci dûment appelées, les entendre en leurs dires, explications et réclamations et y répondre et, lorsque ces observations seront écrites, les joindre à son rapport si les parties le demandent tout en faisant mention de la suite qu'il leur aura donnée ;
RAPPELLE qu'en application de l'article 276 du Nouveau Code de Procédure Civile, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au Magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise ;
RAPPELLE également que lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement et qu'à défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties ;
DIT que si l'expert se heurte à des difficultés qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission ou si une extension de celle- ci s'avère nécessaire il en rendra compte au Magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise ;
DIT que l'expert devra déposer le rapport de ses opérations en QUATRE EXEMPLAIRES au Greffe de la Cour d'Appel de BESANÇON dans un délai de QUATRE MOIS à compter du jour où il aura été avisé de la réalisation de la consignation, sauf prorogation de délai expressément accordée par le Magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise ;
DIT que l'expert indiquera sur la page de garde de son rapport le numéro du rôle de l'affaire et de la Chambre ;
DIT que l'expert adressera à chacun des avoués des parties une copie de son rapport ;
DIT que l'expert devra procéder personnellement à ses opérations ; qu'il pourra néanmoins recueillir l'avis d'un autre technicien mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, lequel avis sera joint à son rapport ;
DIT également que l'expert pourra se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui interviendra sous son contrôle et sa responsabilité, et que dans ce cas son rapport mentionnera les noms et qualités des personnes qui ont prêté leur concours ;
DÉSIGNE le Magistrat de la Mise en État de la Deuxième Chambre pour surveiller les opérations d'expertise ;
SUBORDONNE l'exécution de la présente décision en ce qui concerne l'expertise à la consignation au Greffe de la Cour d'Appel de BESANÇON par la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE d'une avance de 2. 500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) dans un délai de UN MOIS à compter de la présente décision ;
DIT qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque en vertu de l'article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DIT que lors de la première ou, au plus tard, de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;
DIT qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;
DIT qu'en cas d'empêchement, retard ou refus de l'expert commis il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;
RÉSERVE à statuer sur les autres demandes ainsi que sur les dépens ;
ORDONNE le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 18 Septembre 2008 ;
LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,