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23/01/2008 | FRANCE | N°07/896

France | France, Cour d'appel de Besançon, 23 janvier 2008, 07/896


ARRET No

MS/CB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -



ARRET DU VINGT TROIS JANVIER 2008



DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE





contradictoire

Audience publique

du 27 Novembre 2007

No de rôle : 07/00896



S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE LURE

en date du 20 AVRIL 2007 RG No 06/00018

Code affaire : 4IA

Action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants (Loi no2005-845 du 26

juillet 2005 de sauvegarde des entreprises)



Gaëtan X... C/ SCP GUYON-DAVAL (LJ SA CAGES)





PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Gaëtan X..., né le 02 Janvier 1967 à LUXEUIL...

ARRET No

MS/CB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU VINGT TROIS JANVIER 2008

DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE

contradictoire

Audience publique

du 27 Novembre 2007

No de rôle : 07/00896

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE LURE

en date du 20 AVRIL 2007 RG No 06/00018

Code affaire : 4IA

Action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants (Loi no2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises)

Gaëtan X... C/ SCP GUYON-DAVAL (LJ SA CAGES)

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Gaëtan X..., né le 02 Janvier 1967 à LUXEUIL LES BAINS (70303), de nationalité française, demeurant ... - 70800 SAINT LOUP SUR SEMOUSE

APPELANT

Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoué

et Me Laurence ROBERT, avocat au barreau de VESOUL

ET :

SCP GUYON-DAVAL, mandataire judiciaire, ayant son siège, Ancienne Chapelle de la Citadelle - 15 rue Louis Loucheur - 25200 MONTBELIARD, ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES,

INTIMEE

Ayant la SCP LEROUX pour avoué

et Me Pierre-Yves DUFFET, avocat au barreau de MONTBELIARD

MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,

GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,

Lors du délibéré

M. SANVIDO, Président de Chambre,

M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,

L'affaire plaidée à l'audience du 27 Novembre 2007, a été mise en délibéré au 23 Janvier 2008. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 20 avril 2007 aux termes duquel le Tribunal de Grande Instance de Lure statuant en matière commerciale a déclaré régulière, recevable et bien fondée l'action en comblement du passif de la SA CAGES en liquidation judiciaire, engagée par la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur judiciaire à l'encontre de Gaëtan X..., ancien président du conseil d'administration de cette société, et a condamné le défendeur au paiement de la somme de 600.000 €, outre les dépens et 700 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour le 24 avril 2007 par Gaëtan X... ;

Vu les dernières conclusions des parties, du 16 novembre 2007 (pour l'appelant) et du 23 octobre 2007 (pour la SCP GUYON-DAVAL, intimée ès qualités), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;

Vu l'avis du Ministère Public en date du 29 octobre 2007 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 26 novembre 2007 ;

Vu les pièces régulièrement produites et l'ensemble de la procédure ;

SUR CE

L'appel présenté dans les formes et délais légaux est recevable.

Gaëtan X... conclut principalement à la nullité du jugement entrepris, et subsidiairement à sa réformation et au débouté de la demande de la SCP GUYON-DAVAL.

La SA CAGES, exerçant l'activité de centrale d'achat et d'exploitation de plusieurs fonds de commerce de bazar-produits non alimentaires, a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Grande Instance de Lure statuant commercialement du 4 février 2003, sur déclaration de cessation des paiements de son dirigeant Gaëtan X....

Celui-ci a été assigné devant la juridiction précitée par la SCP GUYON-DAVAL désignée comme liquidateur, sur le fondement des articles L 624-3 et L 624-6 anciens du Code de Commerce, par acte d'huissier de justice délivré le 14 janvier 2006, soit dans le délai légal de 3 ans.

Cette assignation rappelle à son destinataire, d'abord qu'il devra comparaître le 31 janvier 2006 aux fins d'être entendu par le tribunal et qu'il bénéficie de la faculté d'assistance ou de représentation prévue par l'article 853 du Nouveau Code de Procédure Civile, en outre qu'à cette audience par application des dispositions de l'article 164 du Décret du 27 décembre 1985, il doit être procédé à son audition en chambre du conseil.

A admettre que cette formulation soit considérée comme insuffisamment claire, en ce qu'elle ne précise pas expressément que pour l'audition en chambre du conseil le défendeur devait comparaître personnellement, elle est cependant régulière et a valablement interrompu le délai de prescription, car il n'est en rien obligatoire que la convocation du dirigeant aux fins de son audition en chambre du conseil soit faite dans l'acte introductif d'instance (Cass. Comm. 06/02/01).

Il est vrai que la convocation délivrée à Gaëtan X... par acte d'huissier de justice du 7 décembre 2006, en vue de l'audition précitée, est tout aussi incohérente, en ce qu'après avoir signifié à Gaëtan X... une "convocation à titre personnel", cet acte mentionne à tort que l'intéressé peut se faire assister ou représenter.

Cependant l'irrégularité qui en résulte n'est pas une irrégularité de fond (car la convocation à comparaître en chambre du conseil n'a pas été omise, mais rédigée de manière erronée), mais de forme, qu'il appartenait à Gaëtan X... de soulever avant toute défense au fond, ce qu'il n‘a pas fait ; au surplus il ne démontre ni même n'allègue en avoir subi un grief, d'autant qu'il a effectivement comparu et a été entendu personnellement en chambre du conseil le 13 février 2007.

Contrairement à ce que soutient Gaëtan X..., le Ministère Public a eu communication de la procédure en première instance : si le jugement n'en fait pas mention, il résulte des pièces du dossier que le Ministère Public a émis un avis sur la demande de la SCP GUYON-DAVAL par note du 22 février 2006.

Enfin, le jugement entrepris fait mention de ce que le juge rapporteur a fait connaître ses observations, et le rapport dudit juge a été mis à disposition de Gaëtan X... avant son audition, dans le délai légal ; à cet égard le contenu du rapport, critiqué par l'appelant, est sans emport sur la régularité de la procédure : il faut et il suffit que le juge désigné en application de l'article L 624-7 ancien du Code de Commerce ou L 651-4 actuel - formalité qui n'est pas obligatoire et n'est pas nécessairement attribuée au juge-commissaire - ait fait un rapport, déposé au greffe et mis à disposition du dirigeant assigné avant son audition dans un délai de 8 jours sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 et d'un mois sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005 (étant observé qu'en l'espèce Gaëtan X... a bénéficié de ce délai allongé).

En conséquence, les prétentions principales de Gaëtan X... ne sont pas fondées.

Le liquidateur est recevable à solliciter que les dettes de la SA CAGES en liquidation judiciaire soient supportées en tout ou en partie par son dirigeant, sous réserve de démontrer que celui-ci a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif apparu dans la procédure collective.

L'insuffisance d'actif est en l'espèce certaine et Gaëtan X... ne saurait sérieusement la contester au prétexte que la vérification du passif, la réalisation de l'actif et la mise en oeuvre de l'expertise ordonnée sur requête auraient été irrégulières à défaut de représentation de la SA CAGES par un mandataire habilité, dès lors qu'aucune de ces opérations n‘a fait l'objet de recours de la part de la SA CAGES, et qu'au surplus elles ont toutes été menées en présence de Gaëtan X..., c'est-à-dire contradictoirement à l'égard de celui-ci : au vu des pièces issues de la procédure collective, elle est de l'ordre de 900.000 €.

Les fautes de gestion tirées par la SCP GUYON-DAVAL du prétendu non-respect des règles régissant la gestion d'une société anonyme, et du prétendu retard de déclaration de l'état de cessation des paiements de la SA CAGES, ne sont pas suffisamment établies : la première n'est justifiée que par un courrier de l'actionnaire SPONY qui, à lui seul, en l'absence d'enquête plus approfondie, ne suffit pas à établir la fausseté des actes retraçant l'activité du conseil d'administration de la SA CAGES - et au demeurant, le lien entre l'irrégularité alléguée et l'insuffisance d'actif est hypothétique ; la seconde suppose la fixation de la date de la cessation des paiements à une date antérieure à celle qu'a retenue le jugement d'ouverture, soit le 27 janvier 2003 : à cet égard, il ne suffit pas d'écrire que selon le rapport de l'expert nommé par ordonnance du 24 juin 2003, la SA CAGES était très probablement endettée avant le 31 mars 2001 et "virtuellement" en état de cessation des paiements, d'autant que les conclusions de l'expert sur ce point ne sont basées que sur des supputations, à partir de la comparaison entre l'actif réalisable et disponible et le passif exigible au 31 mars 2002, voire au 31 mars 2001, l'expert considérant que l'excédent d'actif sur le passif hors dettes fournisseurs était insuffisant si une faible partie de ces dettes fournisseurs était exigée .... mais en l'absence d'éléments de fait objectifs, il s'agit d'une appréciation théorique.

En revanche, il est constant qu'au cours du premier semestre 2002, la SA CAGES a acquis trois fonds de commerce appartenant à la SA VIALIS, dont deux ont été revendus quelques mois plus tard à perte, le troisième étant en vente, lui aussi à un prix inférieur au prix d'achat, au moment du dépôt de bilan ; ces acquisitions ont donc constitué des erreurs de gestion, d'autant que leur revente à perte et sans reprise, totale ou partielle, du personnel, a encore généré des frais de licenciement de salariés qui avaient été repris par la SA CAGES avec une forte ancienneté, et contrairement à ce qu'indique Gaëtan X... pour justifier ces opérations, celles-ci n'ont pas permis l'amélioration du chiffre d'affaires de la SA CAGES qui s'est effondré après le 31 mars 2002 ; surtout - et c'est ce qui fait de cette erreur de gestion une faute, la SA CAGES a payé le prix de ces trois fonds et de leur stock (91.165 € + 293.953 €) par ailleurs surévalué selon l'expert (rapport p 33), par compensation avec la créance client qu'elle détenait sur la SA VIALIS à hauteur de 595.185 € au 31 mars 2002 ; cette créance a été éteinte complètement par compensation avec une créance fournisseurs de la SA VIALIS de 210.086 €, correspondant à une refacturation de salaires au titre de prêt de personnel - plus précisément de Gaëtan X..., lequel était mis à disposition de la SA CAGES par la SA VIALIS qui le rémunérait ...... et refacturait cette prestation avec marge à la SA CAGES.

Il en résulte que la SA CAGES s'est ainsi privée de la quasi-totalité de sa trésorerie à défaut d'encaisser sa créance sur VIALIS, alors même qu'au 31 mars 2002 elle dépassait ses autorisations de découvert bancaire de plus d'1/3, de sorte qu'après le 31 mars 2002, elle ne disposait plus de la trésorerie nécessaire pour payer ses fournisseurs et plus largement pour assurer son besoin en fonds de roulement.

Cette faute de gestion ne constitue certes pas un moyen ruineux de se procurer des fonds employé par Gaëtan X... pour éviter ou retarder l'ouverture de la procédure collective- ce qui a conduit le Tribunal Correctionnel de Lure à relaxer le susnommé du délit de banqueroute à lui reproché sur cette incrimination ; mais elle caractérise, au contraire, l'expression d'une volonté du dirigeant de la SA CAGES de privilégier au détriment de cette société une autre société - dans laquelle lui-même et les membres de sa famille avaient des intérêts, et qui a effectivement rétabli une situation précaire, en conservant sa trésorerie, grâce aux opérations de cession de fonds ci-dessus décrites.

Cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif puisqu'elle a conduit à "l'étranglement" de la SA CAGES à la fin de 2002, faute de trésorerie, et à l'entrée dans l'actif d'éléments surévalués.

Elle mérite sanction, sauf à tenir compte de ce que la déconfiture de la SA CAGES a aussi des causes plus anciennes et conjoncturelles, et de ce que Gaëtan X... n'en a pris la direction qu'en 2000 au décès de son père.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en limitant à 300.000 € la contribution de Gaëtan X... à l'insuffisance d'actif.

L'appelant, qui succombe, supporte les dépens, ses propres frais et ceux que la SCP GUYON-DAVAL a engagés à hauteur de 2.000 € en sus du montant alloué en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

DECLARE l'appel recevable,

DEBOUTE Gaëtan X... de sa demande en nullité du jugement entrepris,

CONFIRME ledit jugement sauf à fixer à la contribution de Gaëtan X... à l'insuffisance d'actif de la SA CAGES à TROIS CENT MILLE EUROS (300.000 €),

CONDAMNE Gaëtan X... à payer à la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités, la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Gaëtan X... aux dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP LEROUX, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,

LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Numéro d'arrêt : 07/896
Date de la décision : 23/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montbéliard


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-23;07.896 ?
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