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08/11/2007 | FRANCE | N°05/2356

France | France, Cour d'appel de Besançon, 08 novembre 2007, 05/2356


ARRÊT No


BP / AR






COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-


ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2007


PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


SECTION A






Contradictoire
Audience publique
du 11 octobre 2007
No de rôle : 05 / 02356


S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Belfort
en date du 22 novembre 2005 RG No 02 / 01066
Code affaire : 28 a
Demande en partage, ou contestations relatives au partage






Pierre X... C / Robert Y...
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PARTIES EN CAUSE :






Monsieur Pierre X...

demeurant ...



APPELANT


Ayant la SCP LEROUX pour Avoué
et Me Eric LIETTA pour Avocat










ET :


Monsieur Robert Y...

de...

ARRÊT No

BP / AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2007

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Contradictoire
Audience publique
du 11 octobre 2007
No de rôle : 05 / 02356

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Belfort
en date du 22 novembre 2005 RG No 02 / 01066
Code affaire : 28 a
Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Pierre X... C / Robert Y...

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Pierre X...

demeurant ...

APPELANT

Ayant la SCP LEROUX pour Avoué
et Me Eric LIETTA pour Avocat

ET :

Monsieur Robert Y...

demeurant ...-90100 DELLE

INTIMÉ

Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour Avoué
et Me Jean GONNIN pour Avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame M. LEVY, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties.

GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier.

lors du délibéré :

Madame M. LEVY, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du nouveau code de procédure civile aux autres magistrats :

Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Monsieur B. POLLET, Conseiller.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 28 mars 1999 est décédée Denise Y..., laissant pour recueillir sa succession ses deux enfants, Pierre X... et Robert Y.... Elle avait souscrit le 25 septembre 1998 un contrat d'assurance-vie dont le bénéficiaire était Robert Y....

Par jugement du tribunal de grande instance de Belfort en date du 23 septembre 2003, les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ont été ouvertes et une expertise ordonnée aux fins d'évaluation de l'actif successoral et d'analyse du contrat d'assurance-vie.

L'expert, Laurent B..., a établi son rapport en date du 28 décembre 2004.

Pierre X... ayant sollicité l'annulation du contrat d'assurance-vie et la réintégration de son montant dans l'actif à partager, il a été débouté de l'ensemble de ses demandes par jugement du tribunal de grande instance de Belfort en date du 22 novembre 2005.

*

Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, Pierre X... sollicite :

-à titre principal, sur le fondement de l'article 489 du code civil, l'annulation du contrat d'assurance-vie, au motif que sa mère n'était pas saine d'esprit lorsqu'elle a souscrit ce contrat,

-à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 132-13 du code des assurances, le rapport à la succession de la prime versée, d'un montant de 700 000 F (106 714,31 €), eu égard à son caractère manifestement exagéré.

L'appelant réclame en outre une somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

*

Robert Y... conclut, à titre principal, à la confirmation pure et simple du jugement déféré.

Subsidiairement, il demande que lui soit reconnu le bénéfice de la quotité disponible des biens ayant appartenu à la défunte.

Il sollicite enfin une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

*

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du contrat d'assurance-vie

Attendu qu'aux termes de l'article 489 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, ceux qui agissent en nullité pour cette cause ayant la charge de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;

Attendu que l'article 489-1 du même code dispose en outre qu'après sa mort, les actes faits par un individu, autres que la donation entre vifs ou le testament, ne pourront être attaqués pour insanité d'esprit que dans trois cas, dont le seul susceptible de correspondre à la présente espèce est celui où l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

Attendu que le contrat d'assurance-vie litigieux ne comporte pas d'élément intrinsèque révélant un trouble mental, le fait que la souscriptrice se soit domiciliée dans l'acte chez son fils Robert Y..., alors qu'elle était hospitalisée, et qu'elle ait désigné comme bénéficiaire " Mr Y... Robert, vivant ou représenté, à défaut mes héritiers ", étant à cet égard insuffisant ;

Attendu au surplus que l'appelant ne produit, pour établir le manque de lucidité de sa mère lors de la souscription du contrat, qu'une seule attestation, émanant de Marie C..., sa belle-soeur, laquelle déclare avoir constaté lors d'une visite à sa belle-mère, pendant son hospitalisation, qu'elle " faisait de la démence " ; que, toutefois, la date de cette visite n'est pas précisée ; qu'en outre, ce témoignage est formellement contredit par une attestation du médecin traitant, le Docteur Agnès D..., selon laquelle Denise Y... ne présentait, durant son hospitalisation, ni troubles démentiels, ni états confusionnels, et semblait en pleine possession de ses capacités intellectuelles au vu de son âge ;

Attendu que la demande d'annulation du contrat d'assurance-vie sera par conséquent rejetée ;

Sur le caractère manifestement exagéré de la prime

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-13 du code des assurances, en matière d'assurance sur la vie, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ; que ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ;

Attendu qu'en l'espèce, Denise Y... a souscrit le 25 septembre 1998 un contrat d'assurance-vie dit " initiatives transmission " auprès de la Caisse d'Epargne, au titre duquel elle a versé une prime unique de 700 000 F (106 714,31 €), provenant de la vente de sa maison, intervenue le 27 juillet précédent pour un prix de 809 648 F ;

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise non contesté établi par Laurent B...qu'outre le contrat précité, l'actif successoral se composait de biens immobiliers d'une valeur de 37 352,05 €, et d'avoirs bancaires pour un montant de 21 299,22 € ; qu'ainsi, la somme investie dans le contrat d'assurance-vie représentait environ les deux-tiers du patrimoine de la défunte ;

Attendu qu'à la souscription du contrat, Denise Y... était âgée de soixante-quatorze ans, qu'elle était hospitalisée depuis environ quatre mois en maison de retraite, et, selon l'attestation précitée de Marie C..., ne manifestait plus grand goût à la vie, parlant sans cesse " qu'elle voulait se laisser mourir " ;

Attendu que, si le contrat litigieux prévoyait, au bénéfice de l'assurée, des retraits trimestriels de 6 000 F, cet élément n'était pas déterminant puisque, d'une part, d'autres formes de placement auraient pu rapporter des revenus équivalents, et que, d'autre part, il n'est pas allégué que les ressources de l'intéressée, d'un montant d'environ 5 150 F par mois selon les éléments non contestés fournis par l'intimé, étaient insuffisantes pour satisfaire à ses besoins, notamment à ses frais de séjour en maison de retraite ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que, comme l'indique au demeurant l'appellation du contrat elle-même, le mobile essentiel de la souscription de ce contrat était la transmission par Denise Y... à son fils Robert Y..., désigné comme bénéficiaire, d'une somme représentant les deux-tiers de son patrimoine, au mépris des droits d'héritier réservataire de son autre fils ;

Attendu que le montant de la prime versée dans ces conditions doit être considéré comme manifestement exagéré ; qu'il sera donc fait droit à la demande de l'appelant tendant à ce que cette prime soit réintégrée dans la succession, le jugement déféré devant être réformé sur ce point ;

Sur l'attribution de la quotité disponible

Attendu que l'appelant ne s'oppose pas à la demande subsidiaire de l'intimé tendant à ce que lui soit attribuée la quotité disponible ;

Attendu que le contrat d'assurance-vie litigieux s'analyse en une donation indirecte par la défunte à son fils Robert Y... de la prime versée ;

Attendu qu'en vertu de l'article 843 du code civil, les donations sont en principe sujettes à rapport ; que, toutefois, le donateur peut dispenser le donataire de rapport, par une manifestation de volonté expresse ou même tacite, pourvu qu'elle soit sans équivoque ;

Attendu qu'en l'espèce, il est clair que la défunte a voulu rompre l'égalité entre ses deux fils et avantager Robert Y... en souscrivant au bénéfice de celui-ci un contrat d'assurance-vie permettant de lui transmettre la majeure partie de son patrimoine ;

Attendu qu'il sera donc jugé que la donation profitant à l'intimé doit être imputée sur la quotité disponible ; qu'il appartiendra au notaire commis pour procéder aux opérations de partage de déterminer si cette donation excède la quotité disponible et si elle doit en conséquence être réduite ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Attendu que l'intimé, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelant, ces condamnations emportant rejet de la propre demande de l'intimé tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sa faveur ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré ;

DÉCLARE l'appel de Pierre X... recevable et bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu, le 22 novembre 2005, par le tribunal de grande instance de Belfort, sauf en ce qu'il a désigné Maître Gilles E..., notaire à Belfort, pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Denise Y... ;

Pour le surplus, statuant à nouveau ;

REJETTE la demande de Pierre X... tendant à l'annulation du contrat d'assurance-vie souscrit le 25 septembre 1998 par Denise Y... ;

DIT que le montant de la prime versée était manifestement exagéré ;

En conséquence, ORDONNE la réintégration dans l'actif successoral de la prime versée, d'un montant de 106 714,31 € ;

DIT que la donation de la prime versée ayant profité à Robert Y... doit être imputée sur la quotité disponible, et qu'elle devra être réduite en cas de dépassement de cette quotité ;

CONDAMNE Robert Y... à payer à Pierre X... la somme de 1 500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier tant en première instance qu'en cause d'appel ;

REJETTE la demande de Robert Y... fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Robert Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle C. BARBIER, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Numéro d'arrêt : 05/2356
Date de la décision : 08/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Belfort


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-08;05.2356 ?
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