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08/11/2007 | FRANCE | N°05/00984c

France | France, Cour d'appel de Besançon, 08 novembre 2007, 05/00984c


ARRÊT No


BP / AR


COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-


ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2007


PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


SECTION A






Contradictoire
Audience publique
du 11 octobre 2007
No de rôle : 05 / 00984


S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Besançon
en date du 23 novembre 2004 RG No 03 / 02005
Code affaire : 28 A
Demande en partage, ou contestations relatives au partage






Marianne X..., veuve Y... C / Pierre Z..., Fran

çoise Z..., épouse A...







PARTIES EN CAUSE :




Madame Marianne X..., veuve Y...

née le 22 avril 1916 à STRASBOURG
demeurant ...



APPELANTE


Ayant Me Jean-Mich...

ARRÊT No

BP / AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2007

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Contradictoire
Audience publique
du 11 octobre 2007
No de rôle : 05 / 00984

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Besançon
en date du 23 novembre 2004 RG No 03 / 02005
Code affaire : 28 A
Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Marianne X..., veuve Y... C / Pierre Z..., Françoise Z..., épouse A...

PARTIES EN CAUSE :

Madame Marianne X..., veuve Y...

née le 22 avril 1916 à STRASBOURG
demeurant ...

APPELANTE

Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué
et Me Jean-Michel GHINSBERG pour Avocat

ET :

Monsieur Pierre Z...

né le 4 septembre 1948 à BESANCON
demeurant...

Madame Françoise Z..., épouse A...

née le 17 août 1956 à BESANCON
demeurant...

INTIMÉS

Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour Avoué
et Me Michel LEVIEUX pour Avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame M. LEVY, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties.

GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier.

lors du délibéré :

Madame M. LEVY, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du nouveau code de procédure civile aux autres magistrats :

Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Monsieur B. POLLET, Conseiller.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 1er août 1984 est décédé Pierre Y....

Au vu d'un acte de notoriété en date du 18 septembre 1984, selon lequel le défunt ne laissait ni ascendant, ni descendant légitime ou naturel, la succession a été dévolue à son épouse, Marianne X..., donataire, aux termes d'un acte notarié du 6 janvier 1954, de l'universalité des biens composant la succession.

Se présentant comme enfants adultérins du défunt, Pierre Z... et Françoise Z..., épouse A..., ont, par acte d'huissier du 20 août 2003, fait assigner Marianne X..., veuve Y..., afin de faire valoir leurs droits dans la succession de leur père.

Par jugement en date du 23 novembre 2004, le tribunal de grande instance de Besançon a, notamment :
-déclaré nulles les opérations de liquidation de la succession de Pierre Y... effectuées par Maître E..., notaire, en 1994,
-ordonné la réouverture de celles-ci.

*

Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, Marianne X..., veuve Y..., demande :
-qu'il soit jugé qu'elle ne s'est aucunement rendue coupable du délit civil de recel successoral,
-que le notaire désigné pour reprendre les opérations de liquidation de la succession tienne compte des droits de chaque partie, de sa propre créance à l'égard de la succession, ainsi que des sommes par elle versées en espèces aux enfants Z....

Au soutien de son recours, l'appelante fait valoir, pour l'essentiel :
-que les dispositions de l'article 792 du code civil afférentes au recel successoral ne sont pas applicables au cas d'omission d'un héritier,
-que l'élément intentionnel du recel successoral fait défaut en l'espèce, la filiation paternelle des enfants Z... n'ayant pas été établie avant le décès du défunt et n'ayant pas, par conséquent, à être révélée à cette occasion.

Marianne X..., veuve Y..., sollicite en outre une somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

*

Les intimés concluent à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à leur payer une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils soutiennent avoir eu la possession d'état d'enfants naturels à l'égard du défunt et même avoir partagé avec celui-ci et son épouse une véritable vie commune. Ils en déduisent que c'est de mauvaise foi que l'appelante a dissimulé leur existence et que, dès lors, elle s'est rendue coupable de recel successoral.

*

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il y a lieu de relever que la qualité d'héritiers des intimés n'est pas contestée ; qu'il n'est pas interjeté appel du jugement déféré en ce qu'il a annulé les opérations de liquidation de la succession effectuées après le décès de Pierre Y... et ordonné la réouverture de ces opérations, afin qu'il soit tenu compte des droits des intimés ; que, sur ces points, le jugement entrepris sera donc confirmé, sauf à rectifier l'erreur de date figurant à son dispositif, les opérations de liquidation annulées remontant à 1984 et 1985, et non à 1994 ;

Attendu que, devant la Cour, les parties ne sont en litige que sur la question de savoir s'il doit être fait application à l'appelante de la sanction du recel successoral ; que, si le dispositif du jugement entrepris ne comporte aucune mention sur ce point, il ne fait pas de doute que le premier juge a donné satisfaction aux intimés ; qu'en effet, il est énoncé dans les motifs du jugement déféré : " il s'ensuit que Mme Y..., sciemment, c'est-à-dire sachant l'existence de deux descendants naturels du défunt, et de mauvaise foi, c'est-à-dire sachant qu'en taisant leur existence elle rendrait à la donation en cas de survie son plein effet, s'est prévalue de l'acte de notoriété inexact. Elle encourt les pénalités prévues par l'article 792 du code civil, en application des dispositions de l'article 730-5 de ce même code " ;

Sur l'application des dispositions afférentes au recel successoral en cas de dissimulation d'héritier

Attendu que l'article 778 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, sanctionne expressément l'héritier qui a dissimulé l'existence d'un cohéritier, les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation étant alors réputés avoir été recelés par ce dernier ;

Attendu toutefois que ces dispositions ne peuvent trouver application en l'espèce, la loi du 23 juin 2006 n'étant applicable qu'aux successions ouvertes après son entrée en vigueur, c'est-à-dire après le 1er janvier 2007 ;

Attendu qu'il en est de même des dispositions de l'article 730-5 du code civil, selon lesquelles celui qui, sciemment et de mauvaise foi, se prévaut d'un acte de notoriété inexact, encourt les pénalités du recel successoral ; qu'en effet, ces dispositions sont issues de la loi du 3 décembre 2001, applicables uniquement aux successions ouvertes à compter du 1er juillet 2002 ; que c'est donc à tort que ces dispositions ont été visées par le premier juge ;

Attendu qu'il s'ensuit que sont seules susceptibles de trouver application en l'espèce les dispositions de l'article 792, ancien, du code civil, lesquelles visaient uniquement le recel des effets d'une succession, et non la dissimulation d'un héritier ;

Mais attendu que, s'il était jugé, selon une jurisprudence ancienne, que le recel successoral ne s'appliquait pas à l'omission intentionnelle d'un héritier, fût-elle frauduleuse, la Cour de cassation, à la lumière de l'évolution législative récente, en a jugé différemment (Civ. 1,20 septembre 2006, Bull. civ. I, no 415) ;

Attendu qu'il convient donc de considérer que les dispositions de l'article 792 du code civil ont bien vocation à recevoir application en l'espèce ;

Sur l'élément intentionnel du recel

Attendu que le recel successoral suppose une intention frauduleuse ; que, s'agissant de l'omission d'héritiers, il faut que son auteur ait eu conscience de porter atteinte aux droits des héritiers omis ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort des attestations produites par les intimés que, si le défunt ne les avait pas reconnus comme ses enfants, ils les avaient traités comme tels, participant, au vu de tous, à leur entretien et à leur éducation ;

Attendu que l'appelante ne conteste pas réellement que cette situation était connue d'elle ; qu'au demeurant, la possession d'état était publique, ainsi qu'il ressort, à titre d'exemple, du faire-part de mariage de l'enfant Françoise Z..., en date du 9 septembre 1978, où figure le nom du défunt en qualité de père de la mariée ; qu'au surplus, les intimés versent aux débats des photographies sur lesquelles ils figurent en compagnie de leur père et de l'appelante, à l'occasion de vacances ou de fêtes familiales ; qu'il est donc certain que, lors du décès de son époux, l'appelante connaissait l'existence des enfants naturels de celui-ci ;

Attendu qu'en taisant l'existence de ces héritiers lors du règlement de la succession, l'épouse ne pouvait, a fortiori compte tenu de sa qualité d'avocat, ignorer qu'elle portait atteinte aux droits des enfants naturels ; que sa mauvaise foi est corroborée par le fait qu'elle s'est prévalue d'un acte de notoriété établi sur la foi des déclarations, en qualité de témoins, de deux confrères avocats, dont le caractère mensonger est manifeste ; qu'en effet, l'un des témoins ayant déclaré, dans l'acte du 18 septembre 1984, que le défunt n'avait laissé aucun descendant, a établi en faveur des intimés une attestation, en date du 7 mars 2003, selon laquelle ils avaient la possession d'état d'enfants naturels ;

Attendu enfin que l'établissement préalable du lien de filiation entre l'héritier dissimulé et le défunt n'est pas une condition du recel successoral ; qu'en effet, les droits d'un héritier peuvent parfaitement être pris en compte dans le règlement de la succession encore que la filiation n'ait pas été établie, pourvu qu'elle ne soit pas contestée, ce qui était le cas en l'espèce ;

Attendu que l'élément intentionnel du recel successoral est donc bien caractérisé en l'espèce ; que l'appelante encourt dès lors les sanctions de ce délit civil ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Attendu que Marianne X..., veuve Y..., qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par les intimés en cause d'appel et non compris dans les dépens, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sa faveur ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré ;

DÉCLARE l'appel de Marianne X..., veuve Y..., recevable, mais non fondé ;

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu, le 23 novembre 2004, par le tribunal de grande instance de Besançon, sauf à rectifier l'erreur affectant le dispositif du jugement en ce qui concerne la date des opérations de liquidation de succession annulées, celles-ci n'ayant pas été effectuées en 1994, mais en 1984 et 1985 ;

Ajoutant au jugement déféré ;

DÉCLARE Marianne X..., veuve Y..., coupable de recel successoral par dissimulation frauduleuse d'héritiers ;

CONDAMNE Marianne X..., veuve Y..., à payer aux intimés la somme de 1 500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre des frais exposés par ces derniers en cause d'appel et non compris dans les dépens ;

REJETTE la demande de Marianne X..., veuve Y..., fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Marianne X..., veuve Y..., aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle C. BARBIER, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Numéro d'arrêt : 05/00984c
Date de la décision : 08/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Besançon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-08;05.00984c ?
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